Pathologie du tendon d’Achille : tendinopathies – ruptures – plaies

0
2949

Introduction :

Il pourrait paraître superflu d’écrire à nouveau sur le tendon d’Achille, tant il a déjà été publié sur ce tendon quelque peu mythique.

Pathologie du tendon d'Achille : tendinopathies - ruptures - plaiesPourtant, depuis ces dernières années, de nombreux éléments nouveaux justifient une actualisation de nos connaissances.

Que ce soit à propos des tendinopathies, dont le nombre ne cesse d’augmenter avec le développement de l’engouement pour le jogging et les courses sur route, et qui, pour chacun de leurs types anatomopathologiques désormais mieux connus, bénéficient de meilleures techniques d’imagerie et de nouvelles propositions thérapeutiques, ou que ce soit à propos des ruptures, où de nouvelles méthodes de traitement se sont développées et affirmées à côté du traitement chirurgical classique ou du traitement orthopédique.

Mais avant d’envisager tour à tour tendinopathies et ruptures, il est indispensable de reprendre les notions fondamentales.

C’est grâce à la meilleure connaissance de la structure intime du tendon, responsable de ses propriétés physiques, que l’on peut mieux appréhender maintenant l’ensemble des pathologies intéressant le tendon d’Achille et comprendre localisation, étiopathogénie, anatomopathologie, particularités cliniques, expressions paracliniques, évolution, techniques thérapeutiques et complications, sans oublier les mesures préventives qui devraient diminuer la fréquence de ces pathologies dont il apparaît maintenant qu’elles ont, en fait, pour la plupart d’entre elles, les mêmes causes : « vieillissement » du tendon et hyperutilisation.

Notions fondamentales :

A – Anatomie macroscopique :

Elle est trop connue pour s’y attarder.

Il n’en faut rappeler que les éléments influençant directement tendinopathies et ruptures dans leurs différents aspects.

1- Tendon :

Il est constitué de la réunion des lames aponévrotiques terminales du soléaire en avant, et des jumeaux en arrière, les contingents respectifs pouvant conserver une certaine individualisation à l’intérieur du tendon.

Sa longueur totale est de 15 cm environ.

Il descend verticalement en arrière du plan musculaire profond (tibialis, flexor communis, flexor halluci longus) et du paquet vasculonerveux.

Ses fibres ne sont pas rectilignes mais « enroulées en “spirale” de telle sorte que les fibres postérieures descendent en bas et en dehors, tandis que les fibres antérieures sont en obliquité inverse » (cf H Rouvière).

Son calibre n’est pas uniforme. De haut en bas, il va d’abord en se rétrécissant pour atteindre son calibre minimal en arrière de l’articulation talocrurale (épaisseur de 6 à 8 mm, largeur de 12 à 15 mm) avant de s’élargir à nouveau.

Il reste à distance de la moitié supérieure de la face postérieure du calcanéus, avant de s’insérer sur sa moitié inférieure sur une large surface triangulaire rugueuse.

Les fibres les plus superficielles du tendon se terminent sur des crêtes verticales occupant toute la partie postéroinférieure de l’os, où elles se joignent aux fibres postérieures de l’aponévrose plantaire moyenne, réalisant le système fonctionnel dynamique achilléencalcanéo-plantaire d’Arandes-Adan et Viladot, qui permet aux muscles courts plantaires de poursuivre et soutenir l’effort propulsif du triceps lors des impulsions.

Rétrécissement du tendon à sa partie moyenne, anatomie de son extrémité distale, orientation des fibres, sont autant d’éléments qui ont une importance dépassant la seule anatomie descriptive.

2- Gaines tendineuses :

Le tendon d’Achille est entouré de deux gaines :

– la gaine aponévrotique, qui n’est que le dédoublement de l’aponévrose jambière.

Son feuillet antérieur le sépare des éléments de la loge profonde.

Son feuillet postérieur, renforcé par des fibres transversales tendues d’une malléole à l’autre, le sépare du revêtement cutané.

Il lui est intimement lié, surtout dans sa partie inférieure et toute dissection excessive est une source de dévascularisation de la peau ou d’adhérences ;

– le peritenomium (ou péritendon ou paratendon) n’est pas une gaine synoviale.

Sa structure histologique est différente (Ippolito) : mince membrane de tissu fibrillaire lâche de même structure que les cloisons endoténiennes qui en sont, en fait, les prolongements intratendineux.

La ténosynovite d’Achille ne peut donc exister stricto sensu et l’on ne pourra parler que de péritendinite en cas d’atteinte spécifique du peritenomium.

3- Bourses séreuses :

Elles sont indispensables pour permettre le glissement du tendon :

– en arrière : entre gaine aponévrotique et revêtement cutané, se trouvent les deux ou trois bourses séreuses de Bovis, résultat de la délamination du tissu cellulaire conjonctif ;

– en avant : séparant la face antérieure de la partie distale du tendon de la moitié supérieure de la face postérieure du calcanéus, se trouve la volumineuse bourse préachilléenne.

Des contraintes mécaniques excessives exercées entre l’os, d’une part, et la chaussure, d’autre part, sont à l’origine de lésions inflammatoires des bourses avec épanchement et épaississement.

4- Revêtement cutané :

Mince et mobile dans la partie supérieure du tendon, il devient plus épais et adhérent en approchant de son insertion distale.

Les risques de nécrose cutanée après abord chirurgical exposant à la surinfection, voire à la nécrose tendineuse, sont bien connus et grèvent, parfois lourdement, suites opératoires et résultats.

Pourtant, la vascularisation cutanée locale n’offre rien de particulier et ces problèmes de cicatrisation semblent davantage relever d’autres causes, parmi lesquelles deux surtout sont à isoler :

– les traumatismes opératoires vis-à-vis de la peau : dissection « au ras » excessive, décollements, écarteurs agressifs, sutures nécrosantes, autant de précautions opératoires à respecter scrupuleusement ;

– les positions d’immobilisation. Une étude récente de la vascularisation cutanée réalisée par Poynton et al a prouvé que la perfusion cutanée est maximale pour une flexion plantaire de 20 à 25° mais que, en revanche, elle est diminuée jusqu’à 49 % en flexion plantaire maximale.

On conçoit ainsi les dangers d’une immobilisation postopératoire en grand équin, position qu’il faut donc proscrire.

B – Histologie :

1- Tendon :

La structure de base est le faisceau de premier ordre.

Il est composé de quatre éléments :

– les fibres de collagène.

C’est l’unité de base du tendon.

Elles sont disposées parallèlement aux lignes de traction et composées d’un nombre variable de fibrilles unies les unes aux autres par une substance mucopolysaccharidique.

Le collagène de type I représente 97,5 %.

Il est responsable des propriétés mécaniques du tendon.

Le collagène est le constituant principal ;

– les fibres d’élastine sont rares et ne représentent que 2 %.

Elles sont disposées entre les fibres de collagène et parallèlement à elles ;

– les tendinocytes.

Cellules de type fibroblastique, elles sont agencées en rangées parallèles émettant des prolongements cytoplasmiques qui entourent chaque fibre de collagène.

Elles élaborent les macromolécules de la matrice extracellulaire (protéoglycans, glycoprotéines, élastine et surtout collagène).

Elles participent donc aux phases de la réparation tendineuse ;

– la substance fondamentale.

Elle remplit les espaces interfibreux.

Elle est composée d’eau, de protéoglycans et de glycoprotéines (fibronectine, thrombospondine, tenascine).

La tenascine C semble être impliquée dans les processus dégénératifs.

Elle comprend aussi des substances minérales, notamment le cuivre (lésions intercollagéniques), le manganèse (réactions enzymatiques), le calcium (jonction tendon-os).

Chaque faisceau de premier ordre est entouré d’un tissu fibrillaire lâche appelé cloison endoténienne.

Au repos, il présente une architecture en « vague » (crimping phenomenon).

Plusieurs faisceaux de premier ordre forment les faisceaux de deuxième ordre dont la réunion constitue le tendon entouré par le péritendon ou peritenomium de même constitution que les cloisons endoténiennes, qui n’en sont que les prolongements contenant vascularisation et innervation.

2- Zone d’insertion calcanéenne :

Les fibres les plus superficielles forment le système suro-achilléo-plantaire déjà évoqué.

Les fibres centrales, ou fibres de Sharpey pénètrent la corticale et vont se fondre dans la trame osseuse par une succession de transformations.

Au tendon proprement dit, fait suite une bande fibrocartilagineuse dans laquelle les fibres de collagène poursuivent leur trajet.

Les cellules deviennent de type chondrocytaire.

Puis apparaît une zone fibrocartilagineuse minéralisée, séparée de la précédente par la « ligne bleue ».

Le dépôt calcique masque les fibres conjonctives.

Au-delà de cette zone, le collagène du tendon se confond avec celui de la matrice osseuse.

Cette description rend compte des particularités des tendinopathies d’insertion ou enthésopathies.

C – Vascularisation :

C’est sans doute l’une des notions fondamentales les plus importantes à préciser, car elle rend sans aucun doute compte des étiopathogénies et des localisations des ruptures et tendinopathies.

Anatomie et distribution ont particulièrement été étudiées par Carret, Lagergrenc et Carr.

1- Origines :

Il faut retenir que, venant des artères péronière et tibiale postérieure, la vascularisation se distribue en deux groupes :

– les artères périphériques qui parviennent au tendon par le peritenomium, véritable lame porte-vaisseaux.

Le réseau artériel prédomine sur la face antérieure du tendon, fait essentiel pour Schepsis et dont il faut tenir compte lors de la réalisation des ténolyses dans les péritendinites opérées. Dans l’ensemble, les artères ont une direction verticale avec de nombreuses anastomoses transversales ;

– les artères des extrémités à la jonction myotendineuse en haut, et à partir des rameaux calcanéens en bas.

2- Vascularisation intratendineuse :

Aux extrémités, les artères s’épuisent rapidement en branches verticales et transversales.

Leur territoire vasculaire est peu étendu. Les artères périphériques jouent un rôle beaucoup plus important.

Elles perforent le peritenomium surtout par sa face antérieure.

Elles se dirigent d’avant en arrière, donnant surtout des branches transversales, cheminant dans les cloisons endoténiennes.

De cette étude de la vascularisation, il faut retenir qu’il existe, dans le tendon lui-même, une zone pratiquement avasculaire de 4 à 6 cm au-dessus de l’insertion calcanéenne, correspondant à la portion rétrécie du tendon.

Carr a bien montré la pauvreté en nombre de vaisseaux à ce niveau, par rapport à la jonction musculotendineuse ou à la zone d’insertion.

Ce n’est certainement pas un hasard si cette région est justement celle des localisations préférentielles des tendinopathies et ruptures.

D – Innervation :

Elle est assurée par des rameaux sensitifs provenant, en dedans, du nerf tibial postérieur par l’intermédiaire d’un rameau sus-malléolaire, qui innerve le tendon et la peau postéromédiale de la cheville et, en dehors, du nerf saphène externe.

À l’intérieur du tendon, les rameaux nerveux cheminent dans les cloisons endoténiennes. Les terminaisons nerveuses sont classées en deux catégories :

– de type I à III (propriocepteurs) : corpuscules de Ruffini et de Pacini et organes tendineux de Golgi (capteurs de pression et de tension) ;

– de type IV (nocicepteurs). Cette richesse de l’innervation a une double conséquence :

– par la présence de ces mécanorécepteurs qui interviennent dans la régulation de la contraction musculaire, elle explique le rôle du tendon dans le contrôle proprioceptif de la cheville et rend compte de l’importance que prend ce type de rééducation dans le traitement des pathologies du tendon ;

– elle explique aussi la fréquence des dysesthésies et des névromes après abord chirurgical.

Il est remarquable de noter qu’il existe une région à innervation plus restreinte qui correspond, à peu près, à la zone hypovascularisée.

E – Propriétés physiques :

Le tendon d’Achille est le plus épais et le plus résistant des tendons de l’organisme.

Clain estime sa résistance à 7 000 N.

Mais ce qui le caractérise, comme tous les autres tendons, est son comportement viscoélastique.

Lorsqu’il est soumis à une tension progressive, à vitesse constante, il subit d’abord un allongement de 2 % environ par alignement des fibres de collagène. Puis, la courbe d’allongement devient linéaire jusqu’à une élongation de 4 %, avec une raideur importante lui permettant de résister à des tractions considérables.

Au-delà de cette zone d’allongement élastique, se produisent les ruptures des connections entre les fibrilles de collagène à l’origine de lésions macroscopiques de rupture partielle de quelques trousseaux, avant d’arriver à la rupture totale du tendon.

Mais une contraction « explosive » du triceps modifie ce schéma, surtout s’il s’agit d’une contraction excentrique (contraction sur le muscle en position d’allongement), expliquant certains mécanismes de rupture pour des contraintes apparemment moins importantes.

Il a été calculé, pour un homme de 80 kg, en course lente, qu’il s’exerce sur le tendon une force équivalente à deux fois le poids du corps (1 600 N).

Lors du saut avec appel sur un pied, la force est de quatre fois le poids du corps (3 000 N).

Saltzman, pour sa part, estime que durant la course, les forces sont de l’ordre de dix fois le poids du corps.

Les propriétés physiques du tendon, et notamment son élasticité, varient selon la température, justifiant l’importance de l’échauffement progressif avant l’exercice sportif pour la prévention des lésions tendineuses.

Globalement, elles sont sous la dépendance de sa constitution histochimique : teneur en eau, en fibres élastiques, en protéoglycans, en lipides, et selon la qualité du collagène.

Or, ces propriétés et cette qualité varient avec l’âge, introduisant cette notion capitale : le « vieillissement » du tendon.

F – « Vieillissement » du tendon :

Comme tous les tendons de l’organisme, le tendon d’Achille se modifie avec l’âge.

Karasev, cité par Ippolito a montré qu’il existait une augmentation de la charge de rupture de 3,5 à 7,8 kg/mm² de 10 à 30 ans, mais qu’ensuite « la résistance du tendon à des sollicitations tensorielles s’abaisse jusqu’à 4,8 kg/mm² à l’âge de 70 ans », pour des allongements au moment de la rupture de 14 à 18 %chez l’enfant contre 10 à 12 %chez l’adulte.

Les tendons des sujets jeunes sont donc plus faibles, mais plus élastiques que ceux des sujets âgés.

Pour Ippolito, l’explication en est à la « différence de structure physicochimique des fibres de collagène par variation quantitative et qualitative que subissent les fibres avec l’âge, à la diminution des protéoglycans et du contenu hydrique ».

Il s’y ajoute, selon lui, des modifications morphologiques des cellules : allongement et développement des prolongements cytoplasmiques leur donnant un aspect en « étoile ».

Fonzone, de son côté, par une étude histochimique a montré que, progressivement, avec l’âge, la teneur en eau et en aminosucres diminuait alors que celle en lipides augmentait.

Il est très probable que ce vieillissement du tendon est sous la dépendance d’une insuffisance vasculaire progressive qui expliquerait la « fragilisation » du tendon.

Pour Clancy, « la valeur de l’apport vasculaire est un facteur critique dans l’apparition des microruptures du tendon ».

L’ensemble de ces notions fondamentales permet d’éclairer les phénomènes pathologiques qui intéressent le tendon d’Achille et, notamment :

– la localisation préférentielle au niveau de la partie la plus étroite du tendon soumise à des contraintes maximales, du fait de son diamètre et de la torsion des fibres et la plus mal vascularisée, donc la plus exposée aux phénomènes du vieillissement ;

– le rôle du surmenage, surtout chez les sportifs assidus ou de compétition et la plus grande fréquence dans les sports exposant au démarrage et aux impulsions ;

– l’âge des patients.

Il s’agit soit de sujets âgés (rupture), soit de sujets dans la quatrième décennie (rupture ou tendinopathie), mais dans ce cas, d’autant plus jeunes que le surmenage sportif a été plus intense et plus précoce.

G – Traitements médicamenteux iatrogéniques :

Certaines thérapeutiques ont fait la preuve qu’elles pouvaient être la cause de tendinopathies ou de ruptures, notamment au niveau du tendon calcanéen.

C’est surtout le cas des antibiotiques de la famille des fluoroquinolones.

Parmi elles, il semble que la péfloxacine soit le plus souvent responsable, environ quatre fois plus que la noroxacine ou la ciprofloxacine.

Les premiers cas ont été décrits dans les années 1990 et ce danger est spécifié dans les notices médicamenteuses depuis 1992.

L’incidence est estimée à 15 pour 100 000.

Elles agissent au niveau de la synthèse du collagène type I, probablement par inhibition de l’acide désoxyribonucléique (ADN) gyrase microbienne.

La tendinopathie apparaît le plus souvent de manière très brutale, parfois même dès la première prise du traitement.

Mais il semble que le risque n’existe réellement que pour un traitement supérieur à 5 jours.

L’atteinte est souvent bilatérale.

Les signes cliniques n’ont rien de particulier, sinon qu’il s’y associe souvent une note inflammatoire.

Le traitement consiste en l’arrêt immédiat de l’antibiotique et la mise au repos complet du tendon, éventuellement même par immobilisation plâtrée.

Les ruptures ont les mêmes caractéristiques que les ruptures traumatiques.

D’autres médicaments peuvent être en cause, notamment l’isotrétinoïnet.

Ces notions sont désormais bien connues, mais on ne saurait trop y insister et les évoquer devant toute pathologie du tendon d’Achille.

Tendinopathies :

Réunies sous une même appellation, les tendinopathies d’Achille sont, en fait, de nature différente en fonction de leur localisation et de leur type anatomopathologique.

Mais, avant de les envisager sous tous leurs aspects et détailler leurs caractéristiques, quelques points communs doivent être précisés.

A – Quelques généralités :

1- Terminologie :

Le terme de « tendinite » consacré par l’usage doit être formellement rejeté, dans la mesure où l’inflammation évoquée par la présence du suffixe « ite » est, dans la majorité des cas, totalement absente.

Le terme de tendinopathie doit être adopté, puisqu’il peut englober les différents types sans préjuger de leur nature exacte.

2- Diagnostic différentiel :

Quel que soit le type de la tendinopathie, il faut, avant tout, éliminer d’autres pathologies éventuelles, causes de douleur de la face postérieure de la cheville et du talon, par l’examen clinique et les examens complémentaires.

Sans les détailler, il faut citer :

– les pathologies métaboliques, notamment l’hyperuricémie et les troubles métaboliques des lipides ;

– les pathologies inflammatoires, les spondylarthropathies, surtout chez l’homme jeune ou la polyarthrite rhumatoïde, révélée dans 1,7 % des cas par une talalgie, mais aussi les rhumatismes psoriasiques ou le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter ;

– les pathologies osseuses, les tumeurs du calcanéus, le syndrome du carrefour postérieur ou la fracture de fatigue du calcanéus.

Il ne saurait être question de s’attarder sur ces diagnostics différentiels, mais c’est là un point fondamental, car l’expérience montre que le diagnostic de facilité qui est celui de « tendinite » est trop vite porté, que ce soit par le patient lui-même, le kinésithérapeute ou le médecin.

3- Classification :

* Tendinopathies du corps du tendon :

Il faut adopter la classification proposée par Puddu et reprise par toutes les publications récentes.

Elle permet de clairement séparer les différentes lésions :

– les lésions dégénératives ou « tendinoses », purement mécaniques et les plus fréquentes ;

– les lésions inflammatoires, plus rares et limitées au péritendon et, de ce fait, appelées péritendinites.

Elles peuvent être associées et l’on parle, avec Puddu, de péritendinite avec tendinose.

* Tendinopathies basses :

Elles sont différentes par beaucoup de leurs aspects et il convient encore de séparer :

– les enthésopathies, lésions intéressant exclusivement l’insertion distale du tendon ;

– la « maladie » d’Haglund où la lésion tendineuse n’est que secondaire au conflit entre angle postérosupérieur du calcanéus et chaussure.

B – Tendinopathies du corps du tendon :

1- Tendinoses ou tendinopathies nodulaires :

* Étiopathogénie :

Au-delà des facteurs de « vieillissement » du tendon, le sport et l’hyperactivité représentent les causes directes de la tendinopathie.

Ils sont responsables à la fois de surmenage et de microtraumatismes répétés.

Entraînements excessifs, compétitions trop rapprochées, reprise sportive brutale après une période d’inactivité, modifications des conditions d’entraînement ou de compétition, qualité du sol, chaussage, etc, toutes ces causes sont retrouvées dans 60 % des cas, selon James.

De toutes ces causes, le kilométrage trop important semble la plus fréquente (29 %).

Toutes ces notions sont maintenant trop connues pour insister, mais elles doivent être soigneusement recherchées lors de l’interrogatoire.

Il est certain que les microtraumatismes répétés et l’hyperutilisation (ou overuse des Anglo-Saxons) sont à la base même des tendinopathies, au tendon d’Achille comme à d’autres niveaux (épaule par exemple pour les tendons de la coiffe des rotateurs).

Le sport intervient encore par un autre biais.

L’entraînement et la répétition des efforts entraînent une augmentation de la puissance et du volume musculaire avec comme conséquence directe la disproportion volumétrique entre muscle et tendon.

En effet, de nombreux travaux sur l’animal ont montré que chez l’individu jeune, par entraînement intensif, le tendon pouvait augmenter en volume et cellularité dans des rapports de proportionnalité avec le muscle qui correspondent à ceux d’une croissance normale (Ingelmark cité par Ippolito).

En revanche, chez l’adulte, l’entraînement ne conduit qu’à une hypertrophie du ventre musculaire.

Pour Ippolito « l’entraînement produit une hypertrophie du tendon quand le tissu tendineux est en phase de croissance, alors que chez l’animal adulte, l’entraînement ne produit que l’augmentation de la résistance tensorielle du tendon ».

Cette disproportion a donc tendance à s’accentuer avec l’augmentation des doses d’entraînement.

Pour cette même raison, l’utilisation des anabolisants pourrait avoir sa part de responsabilité.

Des facteurs favorisants ont pu être évoqués, sans que l’on connaisse avec certitude leur rôle : foyers infectieux larvés, notamment de la sphère ORL, erreurs de régime alimentaire, insuffisance d’hydratation.

Plus importants, sans doute, sont les troubles statiques des pieds et des membres inférieurs soulignés par James.

* Épidémiologie :

Les tendinopathies nodulaires sont les plus fréquentes des tendinopathies d’Achille.

La course à pied représente à elle seule la moitié environ des tendinopathies d’Achille et les courses de fond sont responsables dans 74 % des cas.

Selon Teitz, la prévalence a été estimée à 11 %chez les coureurs à pied, 9 %chez les danseurs, 5 %chez les gymnastes, 2 %chez les joueurs de tennis. Mais tous les sports peuvent être responsables.

Pour Schepsis, comme pour tous les auteurs, la majorité des cas survient dans la quatrième décennie.

Il est à noter que si, autrefois, la population des tendinopathies était quasi exclusivement masculine, actuellement la différence des sexes tend à s’estomper.

Non seulement la proportion des femmes sportives a beaucoup augmenté, mais le type des sports pratiqués par les femmes se rapproche de plus en plus de celui des hommes (marathon, triathlon, sports collectifs, etc).

* Anatomopathologie :

C’est une lésion du tissu tendineux lui-même, dont le primum movens est une microrupture.

Elle se situe à l’échelle d’un trousseau de collagène intéressant un nombre plus ou moins grand de fibres.

Il s’ensuit des phénomènes de cicatrisation le plus souvent sous forme d’un nodule, amas de substance interstitielle, ou, plus rarement, d’un pseudokyste, cavité néoformée dont la paroi a le même aspect que celui d’un nodule plein.

La vascularisation est hyperplasique et irrégulière.

Il n’y a aucune lésion de type inflammatoire.

* Clinique :

+ Signes fonctionnels :

Ils se résument à la douleur.

Ses caractéristiques permettent de la classer selon les stades de Blazina :

– stade I : douleur à l’échauffement disparaissant avec la poursuite de l’effort ;

– stade II : douleur à l’échauffement s’atténuant ensuite pour réapparaître à la fatigue.

Elle dessine la courbe désormais classique de Brunet-Guedj ;

– stade III : douleur permanente obligeant à l’arrêt du sport.

L’interrogatoire doit s’attacher à classer ainsi la tendinopathie.

+ Signes physiques :

La palpation retrouve une petite tuméfaction nodulaire dure, le plus souvent à la partie postéro-interne du tendon à environ 5 ou 6 cm au-dessus de l’insertion calcanéenne.

Cette palpation réveille une douleur locale.

La mise en tension manuelle ou, surtout, active, en charge, en flexion dorsale forcée, réveille également la douleur.

La contraction résistée, recherchée manuellement, n’est pas suffisante pour provoquer la douleur.

Elle doit être étudiée ici par la répétition de sauts monopodaux sur la pointe.

Ainsi est retrouvé le trépied classique des tendinopathies, douleur à la palpation, à la mise en tension et aux contractions résistées, sans lequel on ne peut retenir le diagnostic de tendinopathie, quel qu’en soit le siège.

Un examen général doit compléter l’examen local à la recherche d’une étiologie possible.

De même, l’interrogatoire du patient permet une enquête sportive complète.

* Examens complémentaires :

Ils ne sont pas indispensables au diagnostic, mais sont utiles pour réaliser le bilan lésionnel et, par la suite, éventuellement, suivre l’évolution.

Les radiographies standards, parfois nécessaires pour éliminer un diagnostic différentiel, n’apportent rien au diagnostic positif. Les xéroradiographies ne sont plus utilisées.

C’est l’échographie qui aujourd’hui domine.

Le nodule se présente sous forme d’un épaississement d’aspect hyperéchogène, avec perte de la structure fibrillaire, alors que le reste du tendon a gardé son échostructure normale.

Plus rarement, on observe une zone hypoéchogène localisée, traduisant la présence d’un pseudokyste ou bien encore des lésions étagées.

Kalebo a montré que l’échographie réalisée par un opérateur entraîné avait une sensibilité de 94 %, une spécificité de 100 %et, au total, une précision de 95 %, d’après une étude portant sur 37 patients opérés.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est évidemment l’examen de choix, et même de référence, montrant directement la lésion tendineuse.

Pour Movin, les meilleures séquences sont obtenues en T1 après injection de gadolinium pour objectiver les anomalies des signaux intratendineux.

Astrom a comparé échographie et IRM et a corrélé les résultats avec les constatations opératoires et histologiques.

L’IRM s’est révélée un peu plus sensible, mais, aux dires mêmes de l’auteur, l’utilité pour le diagnostic reste limitée et l’intérêt réside surtout, pour ces deux examens, dans le pronostic en fonction de la sévérité des lésions.

Compte tenu de l’ensemble de ces données, du coût actuel de l’IRM et de la surcharge des appareils, l’échographie est, sinon le seul examen à demander, du moins celui de première intention.

* Traitement conservateur :

Il est dominé, d’abord et avant tout, par le repos sportif au moins relatif, en interdisant la pratique des sports exposés, au profit d’autres activités épargnant le tendon d’Achille.

Parallèlement, le traitement kinésithérapique doit être entrepris, mais dans des conditions techniques impeccables.

Il repose sur les massages transverses profonds (technique de Cyriax), à raison de dix séances, d’environ 10 à 15 minutes chacune, réparties sur 3 semaines.

Les exercices d’étirement sont l’autre pilier du traitement.

Ils sont réalisés par postures manuelles et en charge contre l’espalier, et répétées plusieurs fois par jour par le patient luimême.

Récemment Alfredson, s’inspirant des travaux de Stanish concernant le traitement des tendinopathies rotuliennes, a insisté sur les exercices de musculation en travail excentrique, rapportant 15 excellents résultats avec reprise du sport au niveau précédent sur 15 patients candidats à la chirurgie après échec des autres traitements conservateurs.

Cependant, il faut rappeler que la contraction en travail excentrique est le travail qui entraîne le maximum de contraintes.

C’est dire que ces exercices de musculation en excentrique doivent être réalisés sous surveillance rapprochée et menés avec nuance et discernement.

À ces deux aspects fondamentaux du traitement, on peut ajouter les traitements physiques (ultrasons, ionisation), les traitements médicamenteux par voie générale, les traitements locaux (mésothérapie, anti-inflammatoires) dont les résultats respectifs sont diversement rapportés.

Il faut isoler les infiltrations de corticoïdes encore trop utilisées pour répéter formellement qu’elles sont totalement contre-indiquées en intratendineux.

En revanche, une ou deux infiltrations péritendineuses peuvent, à la rigueur, être proposées, dans des formes particulièrement sévères.

On peut aussi utiliser dans ces formes un court traitement corticoïde par voie générale.

Dans l’ensemble, ce traitement conservateur permet 75 à 80 % de guérisons, tout en sachant que les rechutes sont toujours possibles.

Elles ont d’autant plus de chances d’être évitées que l’on aura corrigé les erreurs techniques et éliminé les éventuels facteurs favorisants (foyers infectieux, erreurs alimentaires, défaut d’hydratation, etc).

* Traitement chirurgical :

Il est réservé aux formes rebelles, après échec d’un traitement conservateur bien conduit, bien respecté et poursuivi pendant au moins 3 mois, voire 6 mois (Myerson).

Il s’adresse quasi exclusivement aux sportifs de compétition ou suffisamment assidus pour souhaiter poursuivre leur pratique sportive.

Parfois, la gêne fonctionnelle à l’activité quotidienne justifie l’intervention à elle seule.

C’est celle qui est adoptée par beaucoup d’auteurs.

En résumé, son objectif est double :

– excision des tissus pathologiques en totalité ;

– « peignage » du tendon en plusieurs bandelettes longitudinales pour augmenter son volume grâce au développement d’un tissu cicatriciel de bonne qualité.

Cependant, d’autres auteurs se limitent à la seule excision du tissu pathologique, suivie de suture.

Inversement, si l’excision des tissus pathologiques entraîne une fragilisation du tendon jugée excessive, un renforcement peut être nécessaire par le plantaris, un hémitransplant du peroneus brevis pédiculé (B Moyen, communication personnelle), ou le retournement d’un lambeau aponévrotique du triceps, selon la technique de Bosworth.

L’intervention se conduit par une voie d’abord postéro-interne latéroachilléenne, permettant d’aborder toute la longueur du tendon.

Maffiuli propose une technique percutanée au travers de cinq petites incisions étagées en hauteur et latéralement.

Il n’est pas nécessaire de placer une immobilisation en postopératoire, sauf en cas de fragilisation excessive du tendon.

Cependant,Alfredson conseille cette immobilisation pour les 2 premières semaines postopératoires.

Le port d’une talonnette de 20 mmest conseillé pour les 4 premières semaines, sa hauteur étant progressivement diminuée.

Parallèlement, la rééducation est entreprise à base d’étirements, puis de musculation.

Le footing léger peut être autorisé vers la sixième ou huitième semaine et la vraie reprise du sport vers le troisième mois, en se fondant toujours sur les données de l’examen clinique.

Dans l’ensemble des publications, les résultats sont favorables dans 75 %des cas environ.

Cependant, il faut noter, selon Alfredson, que même après 6 mois, la force de flexion plantaire, tant en excentrique qu’en concentrique, n’est pas comparable à celle du côté sain.

Les mauvais résultats semblent correspondre à des excisions insuffisantes, à des lésions trop anciennes, peut-être à l’âge du patient et, surtout, à une reprise sportive trop précoce.

Pour être complet, il faut ajouter qu’il a récemment été proposé de traiter ces tendinoses par voie percutanée stricte ou par voie endoscopique.

L’absence de séries publiées interdit d’en apprécier valablement les résultats.

2- Péritendinites :

* Étiopathogénie :

Nous ne retiendrons pas sur le surmenage sportif et les microtraumatismes répétés qui ont, là encore, la plus grande responsabilité.

Cependant, plus précisément, selon Rais cité par Kvist, la cause directe serait, soit une fatigue excessive du muscle, soit un traumatisme de la jonction musculotendineuse dont la conséquence serait une perturbation circulatoire avec oedème du muscle et du péritendon.

* Épidémiologie :

Ici encore, la course de fond et de demi-fond sont les sports le plus souvent en cause, et souvent chez des sujets plus jeunes que pour les tendinoses.

Pour la majorité des auteurs, dont Astrom, les péritendinites sont moins fréquentes que les tendinopathies nodulaires.

Seul Schepsis trouve une proportion inverse.

* Anatomopathologie :

La connaissance repose surtout sur les travaux de Puddu et de Kvist.

Elle se caractérise par l’organisation de dépôts de fibrine entre les feuillets du peritenomium et par le développement d’adhérences entre le tendon et les structures avoisinantes.

Sur le plan histologique, il existe :

– macroscopiquement : un épaississement du péritendon et une adhérence de celui-ci au tendon, lui-même d’aspect normal, sauf dans les formes mixtes associant péritendinite et tendinose ;

– microscopiquement : une prolifération vasculaire et des cellules authentiquement inflammatoires.

Il est à noter, toutefois, que cette notion inflammatoire est actuellement quelque peu combattue.

* Clinique :

+ Signes fonctionnels :

Ils sont dominés par la douleur, surtout au dérouillage, avec, notamment, une grande difficulté à la montée des escaliers.

Elle existe également à l’effort.

Il s’y associe la constatation d’une augmentation globale du volume du tendon.

+ Signes physiques :

On note un tendon globalement épaissi et régulier avec empâtement local.

La douleur provoquée est retrouvée à la pression, soit localisée à la partie moyenne du tendon, soit sur toute sa hauteur.

Dans un cas sur trois environ, on peut percevoir un ou plusieurs nodules, caractérisant les formes mixtes ou combinées, les plus fréquentes pour certains auteurs.

Il n’y a ni épanchement ni crépitation.

* Examens complémentaires :

Ici encore, l’échographie est l’examen de choix montrant l’épaississement global du tendon.

L’IRM fournit les mêmes renseignements.

Ce sont donc là des images toutes différentes de celles des tendinopathies nodulaires.

Kvist a mis au point une technique de radiographie après injection d’air dans le triangle prétendineux de Kager, visualisant ainsi les adhérences péritendineuses.

* Traitement conservateur :

Il repose sur les mêmes bases que pour les tendinopathies nodulaires : repos sportif, étirements et traitements locaux.

Ici, les injections de corticoïdes péritendineuses paraissent plus justifiées.

Il a été également proposé d’injecter du sérum physiologique sous pression dans la gaine tendineuse sous contrôle télévisé, dans le but de dissocier les adhérences.

Les résultats de ce traitement conservateur semblent plus aléatoires et les rechutes plus fréquentes que pour les tendinoses.

* Traitement chirurgical :

Il repose sur la technique décrite par Kvist.

En résumé, il consiste en un « épluchage » du tendon pour exciser le peritenomium et en une ténolyse complète du tendon sur toute sa hauteur et toute sa circonférence.

Cependant Nelen et Schepsis conseillent de préserver la face antérieure du tendon pour en sauvegarder la vascularisation dont nous avons vu qu’elle atteignait le tendon essentiellement par sa face antérieure.

Dans les formes mixtes, à ces gestes doivent s’ajouter ceux déjà décrits à propos des tendinopathies nodulaires.

Pour Kvist, les résultats sont excellents dans 85 % des cas et pour Schepsis dans 87 %.

Suite

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.