Tabagisme et maladies respiratoires

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Considérations générales sur le tabac et sa consommation :

A – TABAGISME EN FRANCE :

Selon le rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies publié en 2002, les ventes de tabac, qui avaient diminué à partir de 1991, sont en légère progression depuis 1997.

Tabagisme et maladies respiratoiresL’usage actuel de tabac concerne 39 % des hommes et 30 % des femmes, avec des consommateurs quotidiens, respectivement, de 33 % et 26 %.

La baisse de consommation observée de façon globale masque la progression chez les femmes.

Depuis 1990, l’expérimentation et l’usage quotidien augmentent chez les 14-18 ans.

À 17 ans, 42 % des garçons et 40 % des filles ont fumé quotidiennement au cours du dernier mois.

À ce jour, en France, sur les 60 000 morts annuelles liées à la consommation de tabac, 95 % sont des hommes ; la part des femmes augmente rapidement, et cette progression se poursuivra au cours des 20 prochaines années.

B – FABRICATION ET COMPOSITION DES CIGARETTES :

Le tabac est une solanacée, de même que la tomate et la pomme de terre, qui existe sous de nombreuses variétés, dont nicotiana tabacum.

Compte tenu de la nature des plans (en particulier de leur couleur) et du mode de séchage, on distingue essentiellement six variétés de tabac :

– tabacs bruns correspondant aux cigarettes françaises traditionnelles (dark air-cured) ;

– tabacs blonds, séchés à l’air chaud (flue-cured : Virginie).

Ils entrent dans la constitution des cigarettes au goût anglais et au goût américain ;

– tabacs clairs : « goût américain » séchés à l’air naturel (light aircured : Burley) ou au feu (fire-cured : Kentucky), et tabacs d’Orient séchés au soleil (sun-cured) ;

– enfin, tabacs séchés au soleil autre que les tabacs d’Orient (sans propriété aromatique).

Au cours de la préparation du tabac, de nombreuses substances (plus de 600), appelées additifs, sont ajoutées au tabac.

Chaque fabricant a recours à une palette spécifique.

La nature de ces additifs est très variée : ammoniaque, rehausseurs de goût, agents de texture, arômes, adoucissants…

L’ammoniaque permet d’élever le pH de la fumée, et facilite ainsi l’absorption de la nicotine.

Ce processus est utilisé dans la fabrication de différentes cigarettes, dont la Marlboro.

Certains additifs sont plus particulièrement dirigés vers les enfants, tels les arômes de vanille, bonbon, cacao…

D’autres, tels que le génol et le menthol, ont des effets adoucissants sur les voies respiratoires, ou ont pour objet de rendre le courant latéral de la fumée moins désagréable et moins repérable.

La consommation de tabac se fait pour 90 à 95 % sous forme de cigarettes.

En général, le tabac utilisé pour la fabrication de cigarettes résulte de mélanges de plusieurs crus provenant de différentes récoltes, ce qui permet de maîtriser le goût et les concentrations de nicotine.

Le scaferlati correspond à un mélange de fines lanières enchevêtrées de tabac qui vont pouvoir être utilisées pour fabriquer les cigarettes ou pour fumer la pipe.

Le papier à cigarettes sert d’enveloppe de soutien et permet de fumer, du fait de sa porosité et de sa combustibilité.

Il représente moins de 5 % du poids du tabac.

Le filtre, dont l’utilisation a débuté en 1952, est constitué d’un papier d’ouate de cellulose et d’acétate de cellulose qui a une action filtrante, entouré d’un papier, poreux ou non, assurant le gainage.

Les micropores permettent de diminuer le rendement, et sont utilisés dans la fabrication des cigarettes dites « légères » et « ultralégères ».

C – COMPOSITION DE LA FUMÉE DE CIGARETTE :

Il existe plusieurs courants de fumée : le courant principal (primaire) qui correspond à la fumée directement inhalée par le fumeur, opposé au courant latéral (secondaire), qui correspond à la fumée produite par une cigarette se consumant seule, en l’absence d’inhalation du fumeur.

Ce courant latéral, associé au courant tertiaire (fumée exhalée par le fumeur, celle-ci ayant été en grande partie « filtrée » au niveau des poumons), est à l’origine du tabagisme environnemental.

La composition du courant principal est étudiée à l’aide de « machines à fumer », qui permettent de séparer et caractériser les phases gazeuse et particulaire qui la composent.

La fumée passe au travers d’un filtre, et la quantité de goudrons est mesurée à partir du dépôt présent sur ce filtre.

Toutefois, ces machines fument « comme des machines », alors que le fumeur peut grandement moduler sa façon de fumer afin d’extraire de la nicotine (environ 1-2 mg par cigarette) à partir d’une cigarette.

Aussi, un fumeur, s’il consomme des cigarettes « légères » ou « ultralégères », va adapter son mode de fumer ; il s’agit du phénomène de « compensation ».

En effet, le tabac de ces cigarettes est proche de celui des cigarettes dites normales, en revanche la présence de micropores au niveau du filtre autorise le mélange d’air extérieur à la fumée (jusqu’à 80 %).

Aussi le fumeur va-t-il, consciemment ou non, augmenter son extraction de nicotine :

– en mettant les doigts sur le filtre pour boucher ces micropores ;

– en faisant une inspiration plus profonde pour augmenter le volume de fumée inhalée ;

– en prolongeant l’apnée ;

– en rapprochant les bouffées ;

– et en laissant des mégots plus courts.

De ce fait, les cigarettes classées « légères », « ultralégères », selon des critères établis avec les machines à fumer, ne le sont pas pour le fumeur.

Il en résulte que fumer ces cigarettes expose à l’inhalation de quantités de goudrons très proches de celles obtenues avec des cigarettes conventionnelles.

Les termes « légères » et « ultralégères » sont donc impropres, et trompent les fumeurs sur les risques qu’ils encourent par leur consommation.

Signalons que les cigarettes roulées exposent à l’inhalation de quantités plus importantes de goudrons que les cigarettes industrielles.

La fumée de cigarette est composée de plus de 4 000 substances dont la nature et les concentrations varient en fonction du type de tabac, de son mode de séchage, des différents traitements appliqués, ainsi que des additifs utilisés et du mode de consommation.

Les principaux sont :

– phase gazeuse :

– gaz carbonique (CO2) : 12-15 % ;

– monoxyde de carbone (CO) : 3-6 % ;

– cyanide d’hydrogène (CNH) : 0,1-0,2 % ;

– composés organiques volatiles (aldéhydes, cétones, ammoniaque…) : 1-3 % ;

– phase particulaire : le diamètre des particules est essentiellement compris entre 0,1 et 1 µm, ce qui permet leur pénétration dans les alvéoles. D’un point de vue clinique, les principaux toxiques sont :

– les substances cancérigènes : hydrocarbures polyaromatiques (benzopyrènes…), dérivés nitrés hétérocycliques (pyridine…), aldéhydes, nitrosamines, cétones… ;

– irritants : acroléines… ;

– métaux : nickel, cadmium… ;

– radicaux libres : quinones, époxydes, composés peroxydes… ;

– nicotine.

D – NICOTINE :

La nicotine, principal alcaloïde du tabac, induit rapidement une dépendance chez le consommateur.

Le délai entre le début de l’inhalation de la fumée et celui de la fixation de la nicotine sur ses récepteurs cérébraux spécifiques est de 8 secondes.

Le fumeur recherche les effets psychoactifs de ce « flash » de nicotine (« effet bolus »), avec sensation de plaisir, effet stimulant ou apaisant, selon les circonstances psychologiques du fumeur (action anorexigène…).

Le fumeur est dépendant du « bolus » de nicotine par un « renforcement positif » lié à la recherche de ces effets psychoactifs.

Il existe d’autres modes d’administration de nicotine (en particulier thérapeutiques) qui n’entraînent pas de dépendance compte tenu du profil d’absorption de la nicotine.

Le « renforcement négatif » de la consommation de tabac est tout aussi important.

Au cours de la journée, le fumeur, en modulant sa consommation de cigarettes, assure une « autotitration » avec maintien d’un taux sanguin optimal de nicotine, taux qui varie d’un fumeur à l’autre, mais reste assez stable pour chacun, de l’ordre de 5 à 70 ng/mL (en moyenne » 35 ng/mL).

Dès que ce taux sanguin baisse trop, le patient ressent une envie de fumer qu’il peut difficilement réprimer.

Ce mécanisme, essentiellement inconscient, contribue au renforcement négatif.

Enfin, le conditionnement du fumeur, qui résulte d’habitudes solidement établies (café = cigarette, télévision = cigarette…), ainsi que de son environnement événementiel (rencontre, stress…) contribue à la dépendance.

E – QUANTIFICATION DU TABAGISME :

Celle-ci est indispensable, afin d’étudier les effets néfastes du tabagisme actif chez le fumeur, d’apprécier le tabagisme passif, et de mesurer l’efficacité des traitements du tabagisme.

Le moyen le plus simple pour quantifier le tabagisme d’un individu est de l’interroger pour établir son histoire tabagique.

Cependant, une quantification exacte est difficile à réaliser, du fait de la variabilité de la consommation au cours des ans, et de l’imprécision fréquente des souvenirs du fumeur.

Il importe de préciser :

– l’âge de début du tabagisme : le retentissement pathologique peut varier en fonction de celui-ci ; l’appareil respiratoire n’est réellement mature qu’après la puberté ;

– l’importance actuelle du tabagisme : c’est-à-dire le nombre moyen de cigarettes fumées par jour sur les derniers mois ;

– la quantité totale de tabac fumé : les conséquences pathologiques en dépendent directement ; elle est estimée en « paquets-années » selon le principe suivant : la consommation d’un paquet de cigarettes/jour pendant 10 ans correspond à 10 paquets-années ; celle de deux paquets de cigarettes/jour pendant 10 ans à 20 paquets-années ; et celle d’un demi-paquet de cigarettes par jour pendant 20 ans à 10 paquets-années.

Cette notion, bien qu’importante, est insuffisante pour rendre compte, à elle seule, des risques liés au tabagisme ;

– la durée du tabagisme : cette donnée est très importante ; elle correspond au nombre d’années passées entre le début d’un tabagisme régulier (quotidien) et son arrêt ou la date de l’interrogatoire, auquel est retranchée la durée des éventuels arrêts de consommation ;

– les tentatives et réussites temporaires de sevrage : rares sont les fumeurs qui, après quelques années de tabagisme continu, n’envisagent pas et n’ont pas essayé, avec plus ou moins de réussite, un sevrage.

Il est important de préciser différentes données : aide(s) employée(s), durée du sevrage, difficultés observées (prise de poids…), circonstance(s) de rechute(s)… ;

– le tabagisme passif : sa quantification est très difficile ;

– les marqueurs du tabagisme : le choix d’un marqueur dépend du rapport fiabilité/coût.

La mesure du CO dans l’air expiré est rapide et peu coûteuse. Les analyseurs de CO disponibles sont simples à manier, et leur utilisation demande peu d’entraînement.

Bien que moins fiable que le dosage de la nicotine ou de la cotinine, cette méthode est particulièrement utile, en particulier pour déterminer l’activité tabagique d’individus utilisant une substitution nicotinique.

La cotinine est le marqueur le plus fiable de l’activité tabagique, mais son dosage (urines, sang, salive) nécessite plus de temps, un appareillage sophistiqué et coûteux, et un personnel spécialement formé.

La quantification des thiocyanates (métabolites du cyanide d’hydrogène et des cyanides organiques présents dans la fumée de cigarette) dans les urines ou la salive, donne des valeurs relativement peu fiables.

Aussi, en pratique, il semble préférable d’utiliser une mesure simple (CO expiré : taux normal < 10 ppm) comme méthode de dépistage, et un dosage plus sensible et fiable (cotinine) ultérieurement, lorsque le sujet aura cessé toute administration thérapeutique de nicotine.

Maladies respiratoires liées à la consommation active de tabac :

Avant d’envisager les maladies liées à la consommation de tabac, rappelons que la survenue de certaines affections est moins fréquente chez les fumeurs ; il s’agit en particulier de la sarcoïdose thoracique et des alvéolites allergiques extrinsèques.

Pour certaines pathologies, les relations ne sont pas encore bien établies.

Ainsi, certaines études suggèrent que les fumeurs ont un risque plus élevé que les non-fumeurs et les ex-fumeurs, de développer une pathologie du sommeil, ce qui est en faveur d’une politique active de sevrage chez ces patients.

A – CANCER BRONCHIQUE :

Le cancer bronchique est une maladie fréquente (environ 25 000 nouveaux cas par an) et grave (survie à 5 ans < 15 %).

Sa survenue résulte de l’exposition isolée, ou combinée, à différents facteurs de risque : fumée de tabac, expositions professionnelles (amiante, silice…), pollution atmosphérique…

On estime, habituellement, qu’environ 90 % des cancers bronchiques sont liés à la consommation de tabac. Deux grandes études initiales, conduites l’une aux États-

Unis et l’autre à partir de médecins généralistes en Grande-Bretagne, ont démontré l’existence d’une relation directe entre la consommation de tabac et la survenue d’un cancer bronchique.

Cette relation globale tabac/cancer bronchique a été affinée au cours des années avec la mise en évidence de différents points : la consommation et la durée, le type de produits consommés et les facteurs de risque individuels.

1- Consommation et durée :

– Consommation cumulée : globalement, le risque de cancer bronchique est fonction du nombre de cigarettes fumées.

– Durée du tabagisme : de façon plus importante, le risque de cancer bronchique est fonction de la durée du tabagisme.

– Âge de début : le rôle de l’âge de début du tabagisme, à consommation identique en quantité et durée, dans la survenue d’un cancer bronchique n’est pas formellement démontré.

Toutefois, certaines observations suggèrent qu’un début plus précoce du tabagisme accompagne un risque de cancer bronchique plus élevé.

2- Type de produits consommés :

L’utilisation d’un bout filtre (protection liée aux filtres et cigarettes « légères ») diminue la quantité de goudrons inhalée.

La consommation de cigarettes dites « légères » ou « ultralégères » s’accompagne d’un phénomène de compensation décrit plus haut, qui explique l’absence de bénéfice sur l’incidence des cancers bronchiques de cette consommation.

De plus, il est vraisemblable, bien que non démontré de façon formelle, que l’augmentation du pourcentage des adénocarcinomes bronchiques observée au cours des dernières années aux dépens des cancers épidermoïdes, est due à la consommation de plus en plus fréquente de ces cigarettes légères, l’inhalation plus profonde de la fumée permettant aux goudrons d’atteindre en quantités importantes les régions les plus périphériques des poumons, là où surviennent plus volontiers des adénocarcinomes.

Différents types de tabac : il est suggéré, mais non démontré de façon formelle, que le tabac brun favoriserait la survenue des cancers épidermoïdes, et le blond celle des adénocarcinomes.

Les cigarettes mentholées ont été évoquées comme exposant à un risque plus élevé de cancer bronchique qu’avec les autres cigarettes.

Cigares et pipes : la fumée des cigares et de la pipe est alcaline, ce qui autorise l’absorption de la nicotine au niveau de la bouche, à la différence de la fumée de cigarette qui est acide ; aussi, les fumeurs de cigares et de pipes inhalent moins la fumée de tabac que les fumeurs de cigarettes.

Ceci se traduit par un risque de cancer bronchique moins élevé avec, en revanche, un risque de cancers oraux et oto-rhino-laryngologiques (ORL) majeur.

3- Facteurs de risque individuels :

Les risques de cancer bronchique sont liés à la présence, dans la fumée de tabac, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dont le 3,4 benzopyrène (substance cancérigène majeure), mais aussi à celle de dérivés nitrés hétérocycliques (pyridine…), aldéhydes, nitrosamines, cétones…

À tabagisme identique, certains sujets présentent un risque plus élevé de cancer bronchique.

Ceci est dû à leur génotype/phénotype concernant les cytochromes, qui contribuent à l’élimination des xénobiotiques (HAP…).

Il s’agit en particulier de : CYP2D6 jouant un rôle dans le métabolisme de la débrisoquine (métaboliseur rapide, odds ratio : 1,2-2,0), CYP1A1 : métabolisme des HAP (inducteurs forts, odds ratio : 1,2-9,7).

De même, le phénotype gluthation-S-transférase, enzyme qui contribue aussi à l’élimination des xénobiotiques, peut être un facteur de risque.

Les sujets ayant un déficit en cette enzyme ont un odds ratio de 1,2-1,6.

Hommes versus femmes : la comparaison des risques, à tabagisme égal, entre les hommes et les femmes, a laissé penser dans les années 1950-1960 que ce risque était plus faible chez la femme ; en fait, il semble, au contraire, que le risque de survenue d’un cancer bronchique chez la femme soit supérieur à celui chez l’homme, avec un odds ratio de 1,2-1,7.

Évolution du risque après arrêt du tabac : la baisse du risque relatif de cancer bronchique suite à un sevrage est lente.

En Grande-Bretagne, il a été estimé que les risques cumulatifs de survenue d’un cancer bronchique avant 75 ans sont de 10 %, 6 %, 3 % et 2 % pour les hommes qui ont arrêté de fumer, respectivement à 60, 50, 40 et 30 ans. L’arrêt doit donc être obtenu le plus tôt possible.

B – BRONCHOPNEUMOPATHIES CHRONIQUES OBSTRUCTIVES :

Les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO : emphysème, bronchite chronique) sont fréquentes (2,5 X 106 patients en France) et volontiers graves.

La mortalité annuelle est estimée entre 15 000 et 20 000 cas. De même que pour le cancer bronchique, les facteurs de risque sont multiples (tabagisme actif, expositions professionnelles, pollution atmosphérique…), mais le rôle du tabagisme est majeur, puisque l’on estime que 80 à 90 % des BPCO sont liées au tabac, et que le risque augmente avec le nombre de cigarettes fumées (relation dose/effet).

Toutefois, à tabagisme identique, les conséquences varient d’un individu à l’autre en fonction de caractéristiques individuelles mal définies.

À ce jour, l’arrêt de la consommation de tabac (qui ne fait que prévenir l’aggravation des BPCO) est la première mesure thérapeutique efficace ; la deuxième étant l’oxygénothérapie de longue durée.

Plusieurs études longitudinales ont montré que, chez le non-fumeur, le volume expiratoire maximal seconde (VEMS), un des indices fonctionnels les plus représentatifs de la sévérité des BPCO, diminue normalement en fonction de l’âge (13 à 60 mL/an), et que cette diminution s’accélère chez le fumeur (30 à 80 mL/an).

Après l’arrêt du tabac, les anciens fumeurs présentent rapidement une décroissance de leur perte annuelle aux dépens du VEMS qui redevient physiologique (identique à celle des non-fumeurs).

L’amélioration est plus marquée chez les sujets arrêtant de fumer avant 35 ans, mais elle reste réelle et mesurable même chez les fumeurs âgés, ce qui confirme les bienfaits du sevrage quel que soit l’âge.

Progressivement après l’arrêt du tabac, la mortalité par BPCO diminue.

L’importance de cet arrêt de la consommation de tabac est centrale, car même s’il existe des rechutes, les arrêts temporaires se traduisent par une meilleure fonction respiratoire par rapport aux fumeurs qui n’arrêtent pas du tout.

Cet effet positif du sevrage tabagique sur l’évolution de ces affections explique que, au Danemark, une oxygénothérapie continue, voire une greffe pulmonaire, ne peuvent être prescrites si le patient poursuit son intoxication.

C – PATHOLOGIE INTERSTITIELLE :

Le cadre de la pathologie pulmonaire interstitielle recouvre une grande variété d’affections, le plus souvent de cause(s) inconnue(s), et relativement peu fréquentes.

Il s’agit notamment de la pneumonie interstitielle desquamative (DIP), de la fibrose pulmonaire idiopathique (IPF) ou pneumonie interstitielle usuelle (UIP), et de la pneumonie interstitielle non spécifique (NSIP).

Aucune d’entre elles n’est considérée comme directement liée à la consommation de tabac, au même titre que le cancer bronchique ou les BPCO.

Toutefois, le rôle du tabagisme dans la survenue des DIP est fortement évoqué avec, cependant, certains résultats contradictoires.

Plusieurs phénomènes compliquent l’établissement d’une relation nette entre tabac et survenue de ce type d’affections : absence de relation dose/effet décrite à ce jour, évolution dans le temps des définitions anatomopathologiques de ces maladies, études ne reposant souvent pas sur un diagnostic formel (anatomopathologique)…

On rapproche de cette pathologie interstitielle deux autres affections à composante bronchique prédominante.

1- Bronchiolite respiratoire associée à une maladie pulmonaire interstitielle (RBILD) :

La « bronchiolite du fumeur », définie comme une atteinte inflammatoire subclinique des bronches, peut s’accompagner, dans certaines observations, d’un syndrome interstitiel limité.

Le pronostic est habituellement bon, dès que le patient arrête de fumer.

Certains considèrent cette pathologie, observée chez des fumeurs, comme assez proche de la DIP. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour mieux définir la nosologie de ces anomalies histologiques.

2- Histiocytose langerhansienne pulmonaire :

Cette affection est bien caractérisée, tant d’un point de vue clinique qu’anatomopathologique.

La forme localisée au poumon de cette maladie survient presque exclusivement chez des fumeurs (plus de 90 % de fumeurs ou ex-fumeurs).

À ce jour, les relations entre la poursuite du tabagisme et le pronostic, c’est-à-dire le rôle bénéfique éventuel de l’arrêt du tabac, ne sont pas formellement prouvées.

Toutefois, il est indispensable de fortement conseiller, et d’aider le patient à arrêter de fumer, car une amélioration est souvent observée après sevrage.

D – MALADIE ASTHMATIQUE :

Autant il est clair que le tabagisme actif, et à un moindre degré, le tabagisme passif, aggravent l’évolution d’une maladie asthmatique, autant le rôle de l’exposition à la fumée de tabac dans la survenue d’une maladie asthmatique reste à démontrer de façon formelle.

La difficulté réside, en particulier, dans la variabilité de la définition de la maladie asthmatique, et des critères utilisés dans les enquêtes épidémiologiques pour la reconnaître (certains auteurs utilisent des critères tels que « sifflements », « symptômes de type asthmatique »…).

Quoi qu’il en soit, le tabagisme actif chez un asthmatique conduit à une aggravation plus rapide de ses valeurs fonctionnelles, et à une augmentation du risque mortel lié à la maladie asthmatique.

E – RISQUES PROFESSIONNELS ASSOCIÉS :

Chez le travailleur exposé aux nuisances respiratoires d’origine professionnelle, l’interaction biologique possible entre les constituants de la fumée de tabac et les différents agents toxiques inhalés, peut résulter en un effet combiné sur le(s) mécanisme(s) pathogénique(s), se traduisant par l’augmentation du risque de certaines maladies respiratoires, qu’elles soient malignes ou non.

Le risque de cancer du poumon est augmenté en cas d’exposition combinée au tabagisme et à certaines substances toxiques, telles que : l’amiante, les radiations ionisantes, le fer, le nickel et l’arsenic.

En ce qui concerne l’amiante, une interaction multiplicative a été démontrée.

Ceci s’expliquerait par la rétention des fibres d’amiante liée à la perturbation, par la fumée du tabac, des mécanismes de clairance mucociliaire, avec augmentation du temps de résidence de l’agent cancérigène dans les bronches.

D’autre part, les substances cancérigènes de la fumée du tabac pourraient être absorbées sur les fibres d’amiante, produisant ainsi une combinaison capable d’induire des tumeurs à des concentrations auxquelles les deux agents inhalés séparément ne produiraient pas de maladie.

De même, le tabagisme actif aggrave les risques de BPCO liés à certaines expositions professionnelles.

F – CONSOMMATION CONJOINTE DE CANNABIS ET DE TABAC :

Les données actuelles sur les risques respiratoires liés à la consommation conjointe de cannabis et de tabac sont très incomplètes, car toutes les données publiées sur l’inhalation de cannabis et de ses dérivés ne précisent pas, ou seulement partiellement, le type de produit utilisé (résine ou plante séchée), l’association ou non à du tabac (obligatoire pour la résine, facultative pour la plante séchée), et les habitudes tabagiques des populations étudiées (fumeurs de cannabis exclusifs ou fumeurs de tabac par ailleurs).

Enfin, les populations étudiées sont souvent petites et disparates.

À fortes doses (22,5 mg de tétrahydrocannabinol [THC]), des effets dépresseurs respiratoires centraux ont été rapportés.

Alors qu’à faibles doses, il semble y avoir plutôt une stimulation ventilatoire.

L’usage régulier de cannabis inhalé se solde par des effets respiratoires délétères : rhinopharyngites, toux chronique, bronchites à répétition.

Toutefois, l’existence de bronchites asthmatiformes ou non, de bronchites chroniques, et d’emphysème avec ou sans insuffisance respiratoire chronique par usage du cannabis exclusif n’est pas démontrée.

Sur le plan fonctionnel respiratoire, le THC est potentiellement un bronchodilatateur, mais les dérivés de pyrolyse du tabac et la fumée de cannabis sont dans le même temps des irritants de la muqueuse bronchique et, donc, bronchoconstricteurs.

Globalement, par rapport aux populations témoins, on observe, chez ces fumeurs, une chute du VEMS, du débit de pointe, de la conductance des petites voies aériennes et éventuellement de la capacité de diffusion pulmonaire pour le monoxyde de carbone (DLCO).

Concernant le pouvoir cancérigène des cannabinoïdes et de leurs dérivés inhalés, d’assez nombreuses études animales démontrent son existence ; la fumée de cannabis pur est potentiellement plus riche en carcinogènes que celle du tabac.

Chez l’homme, les faits sont difficiles à démontrer, en raison de l’usage croisé du tabac.

De même que pour la consommation de tabac, la quantité, mais surtout la durée de la consommation, doivent être pris en compte.

Les carcinogènes concernés passent par les mêmes voies métaboliques pulmonaires que ceux du tabac.

Enfin, le fait que le cannabis soit consommé dans des cigarettes roulées augmente la quantité de goudrons inhalée.

Tabagisme environnemental :

Il existe deux grands types de tabagisme passif, l’un, très spécifique, qui concerne le foetus, et l’autre, banal et fréquent, appelé tabagisme environnemental, lié à l’inhalation des courants latéral et tertiaire de la fumée de cigarette.

À volume égal, le courant latéral est plus concentré en toxiques que le courant primaire inhalé par le fumeur.

La quantification du tabagisme environnemental est difficile.

Il est toutefois possible de mesurer la quantité de nicotine dans l’air ambiant. Vivre avec un fumeur correspond, environ, à la consommation active d’un dizième de cigarette à deux cigarettes par jour.

À ce niveau relativement faible d’exposition, l’importance du rôle de la durée d’exposition signalée plus haut doit être rappelée.

Ce tabagisme environnemental peut être familial, social et/ou professionnel.

La réalité du tabagisme passif est formellement démontrée, en particulier par les dosages de cotinine urinaire chez les non-fumeurs proches de fumeurs.

Le tabagisme passif et ses conséquences pathologiques sont traités séparément des complications pour la santé liées à la consommation active de tabac, en raison des quelques points suivants : quantification difficile, intrication possible entre exposition au tabagisme passif et facteurs socioéconomiques, exposition de jeunes enfants qui ne sont jamais fumeurs à cet âge, évolution rapide des connaissances concernant les risques pour la santé dus au tabagisme passif.

De plus, l’étude du tabagisme passif est parfois obscurcie par des éléments d’autre nature :

– l’opposition, parfois véhémente, entre fumeurs et non-fumeurs protégés par une législation spécifique ;

– la place forcément mercantile et puissante des compagnies assurant le commerce du tabac ;

– la survenue, dans plusieurs pays, de procès intentés contre leurs employeurs par des employés non fumeurs ayant été exposés à un tabagisme environnemental professionnel, et ayant développé un cancer bronchique.

A – MORT SUBITE DU NOURRISSON :

La définition internationale de la mort subite inexpliquée du nourrisson (MSN) est le décès brutal d’un nourrisson de moins de 1 an, survenant de façon inattendue compte tenu de ses antécédents, et pour lequel des examens complets post-mortem ne peuvent révéler de cause précise.

Actuellement, malgré les efforts de prévention entrepris, notamment concernant le mode de couchage qui a permis la réduction de MSN de 70 % ces dernières années, celle-ci reste encore la cause la plus fréquente de décès du nourrisson.

Ce drame résulte d’un processus multifactoriel dépendant de facteurs propres à l’enfant : âge (1 à 4 mois), sexe (G > F), prématurité, petit poids de naissance, absence d’allaitement maternel, vaccin ; de facteurs familiaux (conditions socioculturelles défavorables, antécédents de MSN dans la fratrie, jumeau survivant) et de facteurs environnementaux (hiver, tabagisme, position ventrale).

Situé immédiatement après le mode de couchage, le risque relatif de MSN lié au tabagisme varie entre 2 et 5 et ne doit pas être négligé.

Par ailleurs, la prématurité et le petit poids de naissance augmentent le risque de MSN, avec un risque relatif de 2 à 10, impliquant par là même indirectement le tabagisme maternel.

Le risque relatif de MSN passe de 2,5 pour une consommation maternelle de moins de 20 cigarettes/jour, à 3,4 pour plus de 20 cigarettes/jour, et de 4,4 à 7,4 en cas d’association avec un tabagisme paternel.

B – PATHOLOGIE INFECTIEUSE :

Le tabagisme anténatal puis environnemental joue un rôle prépondérant sur les problèmes respiratoires des premières années de la vie.

Il est responsable d’altérations de la fonction respiratoire à type d’obstruction bronchique distale.

Ces perturbations favorisent les sifflements respiratoires au cours des épisodes infectieux respiratoires, et les hospitalisations pour dyspnée spastique sont plus fréquentes.

Chez l’enfant, les infections des voies aériennes hautes (rhinites, amygdalites, sinusites, otites, laryngites) et basses (bronchites, bronchiolites, bronchopneumopathies…) sont favorisées par le tabagisme passif, avec une relation dose-effet nette.

Les risques croissent progressivement selon que le père seul, la mère seule, ou les deux parents fument. Cette progression est moins nette lorsque l’enfant est plus âgé.

Une plus grande susceptibilité aux virus respiratoires, en particulier au virus respiratoire syncytial, a été retrouvée chez les nourrissons exposés au tabagisme passif.

Les enfants de parents fumeurs ont presque deux fois plus de risques d’être hospitalisés pour une infection respiratoire basse, que les enfants de parents non fumeurs.

Ce risque est aggravé si l’enfant a moins de 2 ans.

La fréquence de survenue d’une otite moyenne aiguë est augmentée et proportionnelle à la dose absorbée. Le temps de guérison de ces affections ORL est allongé par rapport à celui d’enfants non exposés au tabagisme passif, et l’indication d’adénoïdectomie est multipliée par 4.

Chez l’adulte, le tabagisme passif a été suggéré comme un facteur de risque pour la survenue des affections respiratoires aiguës et des otites.

C – MALADIE ASTHMATIQUE :

Des études récentes suggèrent que le tabagisme maternel, pendant la grossesse, est responsable d’altérations de la fonction respiratoire, à type d’obstruction bronchique distale apparaissant avant les dernières semaines de gestation.

On observe, chez ces nouveau-nés, une diminution significative du VEMS, de la compliance, et une augmentation de la résistance et de la capacité résiduelle fonctionnelle témoignant d’une réduction du calibre des voies aériennes.

La survenue d’un wheezing chez le nourrisson est un facteur prédictif de survenue d’un asthme chez les très jeunes enfants.

Le tabagisme passif serait responsable de près de 8 % des asthmes de l’enfant.

La gravité de la symptomatologie est directement corrélée au tabagisme maternel, avec une relation doseeffet et une majoration nette du risque de consultation aux urgences hospitalières.

Chez l’enfant atopique, le tabagisme passif précipite le passage à l’allergie clinique respiratoire : le risque de survenue d’un asthme est nettement augmenté chez les enfants sensibles aux acariens et soumis au tabagisme passif durant les 2 premières années de leur vie.

En cas d’arrêt de l’exposition durant la grossesse, 5 à 15% des cas d’asthme seraient prévenus chez les enfants.

D – BRONCHOPNEUMOPATHIES CHRONIQUES OBSTRUCTIVES :

Il n’existe pas, à proprement parler, de BPCO liée au tabagisme passif.

Toutefois, les fonctions respiratoires des conjoints de fumeurs sont altérées avec, par exemple, une chute modeste, mais constante, du VEMS ; ainsi, le tabagisme passif est significativement associé à une diminution du VEMS et de la capacité vitale forcée (CVF) des femmes françaises de plus de 40 ans, qu’elles soient ou non asthmatiques ; le tabagisme passif est un facteur de risque pour la survenue des affections respiratoires aiguës et chroniques, et des otites.

Ceci se traduit par une augmentation des symptômes respiratoires avec augmentation de la réactivité bronchique.

E – CANCER DU POUMON :

La fréquence des cancers bronchiques chez les non-fumeurs exposés au tabagisme passif est plus élevée que chez les non-exposés.

Le risque relatif est, selon les estimations, de 1,3 (risque relatif de l’ordre de 10 chez le fumeur), et on estime à une centaine le nombre de cancers du poumon par an en France dus à cette exposition.

Certaines professions (cafetier, routier…) expliquent une exposition importante.

Traitement du tabagisme :

A – PRINCIPES GÉNÉRAUX :

L’approche d’un fumeur dépend de son état de motivation par rapport à un sevrage éventuel défini selon le schéma de Prochaska :

– stade de préconsidération : conseil minimal ;

– stade de considération : aide à la maturation de la motivation ;

– stade de préparation : information sur le sevrage ;

– stade d’action : aide au sevrage ;

– phase de maintenance : prévention des rechutes.

La dépendance à la nicotine est évaluée grâce au test de Fagerström.

Il est nécessaire de rechercher une éventuelle dépression, car l’association du tabagisme et de troubles anxiodépressifs est fréquente.

En effet, la dépression est plus fréquente chez les fumeurs que chez les non-fumeurs (6,6 % versus 2,9 %).

Les antécédents de dépression sont plus fréquents chez le fumeur (76 % versus 52 %).

Les dépressions et antécédents de dépression diminuent les chances de succès du sevrage, surtout s’il existe une dépendance à la nicotine.

Chez les sujets déprimés, le sevrage tabagique s’accompagne de symptômes dépressifs dans la première semaine ; ils sont une cause fréquente d’échec.

L’anxiété et la dépression peuvent être évaluées par les questionnaires de type HAD (hospitalanxiety-depression score), qui comprend sept questions explorant l’anxiété et sept questions explorant la dépression.

La dépression est évoquée si le score dépression est supérieur à 10/21, et l’anxiété si le score anxiété est supérieur à 10/21.

L’échelle de Beck permet également de préciser un éventuel état dépressif.

La dépendance au tabac est fréquemment associée à d’autres toxicomanies : la plus fréquente est l’alcoolisme.

La prévalence du tabagisme est de 83 à 100 % dans une population alcoolique.

De plus, l’alcoolisme est dix fois plus fréquent dans une population de fumeurs.

Il existe une forte corrélation entre tabagisme et usage de substances psychoactives : caféine, cocaïne, cannabis…

Par exemple, 53 % des fumeurs ont consommé du cannabis, contre 12 % des non-fumeurs.

B – CONSEIL MINIMAL :

Le conseil minimal est donné par un professionnel de santé lors d’une consultation pour un motif autre que le tabagisme, en dehors de toute demande de sevrage de la part du patient.

Son but est de permettre la maturation de la décision d’arrêt, ou de renforcer la motivation à poursuivre son sevrage tabagique.

Cette mesure s’applique à un large public, puisqu’on estime que globalement 70 % des fumeurs de tabac voient leur médecin au moins une fois par an.

Son application conduit à un taux d’arrêt à 1 an de 2 à 5%.

C – AIDE À LA MATURATION DE LA MOTIVATION :

Le patient n’est pas prêt à arrêter sa consommation ; il faut faire maturer sa motivation :

– rechercher des raisons pertinentes qui pourront motiver l’arrêt ;

– informer sur les risques du tabac : aigus, à long terme, environnementaux ;

– identifier les bénéfices potentiels de l’arrêt ;

– identifier les obstacles potentiels à une tentative d’arrêt ;

– répéter les conseils à chaque consultation.

D – SEVRAGE TABAGIQUE :

La consultation spécifique de sevrage s’adresse à des patients motivés et volontaires, quelles que soient leur dépendance et leur situation de santé ou sociale.

Elle peut être proposée par le généraliste, ou dans le cadre d’une consultation dédiée spécifiquement à l’aide au sevrage tabagique.

L’équipe est alors composée de médecins tabacologues généralistes ou spécialistes, de psychiatres ou psychologues, de nutritionnistes.

Il est souhaitable que les intervenants soient formés spécifiquement à la tabacologie.

Plus qu’une simple consultation, il s’agit d’un programme d’aide établi sur plusieurs mois, avec des rendez-vous multiples dont le premier dure 45 minutes à 1 heure et les suivants environ 10 minutes.

Cette aide peut être associée à un traitement pharmacologique de type substitution nicotinique ou bupropion.

Dans ces conditions, les taux de sevrage à 1 an sont de l’ordre de 25 %.

E – TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES :

1- Première ligne :

À ce jour, deux types de traitement ont clairement fait la preuve de leur efficacité dans l’aide au sevrage tabagique : la substitution nicotinique et le bupropion.

* Substitution nicotinique :

La substitution nicotinique consiste à remplacer temporairement et partiellement la nicotine apportée par le tabac, et ainsi à supprimer en partie les symptômes liés au sevrage.

L’odds ratio global concernant la réussite d’un sevrage avec substitution nicotinique (quelle qu’elle soit) versus bras contrôle est de 1,71 (1,60 à 1,82).

Cette efficacité est largement indépendante de la prise en charge psychologique globale du fumeur.

La dose initiale de la substitution nicotinique est adaptée à la dépendance du fumeur évaluée, notamment, par le test de Fagerström.

Le traitement est ensuite modulé en fonction de la survenue des signes cliniques traduisant un surdosage ou un sous-dosage nicotinique.

Les principaux signes de surdosage sont : le dégoût du tabac, les céphalées, l’insomnie, les vertiges, la tachycardie, le goût de tabac dans la bouche.

Les signes de sous-dosage sont ceux du syndrome de sevrage.

Celui-ci se traduit par différents signes :

– besoin impérieux de nicotine ;

– irritabilité, frustration, agressivité ;

– anxiété ;

– difficultés de concentration ;

– agitation ;

– impatience ;

– insomnie ;

– diminution de la fréquence cardiaque ;

– augmentation de l’appétit et/ou prise de poids.

L’American Psychiatric Association (DMS IV) propose de retenir le diagnostic de syndrome de sevrage en présence d’au minimum quatre de ces symptômes.

La gêne est maximale pendant la première semaine d’abstinence, puis nettement plus modeste à partir de la troisième ou quatrième semaine.

Certains signes peuvent toutefois persister au-delà de 6 mois : en particulier la prise de poids et le besoin impérieux de fumer.

La substitution nicotinique peut être proposée sous cinq formes différentes qui peuvent éventuellement être associées.

+ Timbre-patch :

Les dispositifs transdermiques existent sous forme de timbres diffusant sur 24 heures, 7, 14 et 21 mg de nicotine, et de timbres diffusant sur 16 heures 5, 10 et 15 mg de nicotine.

L’odds ratio du patch nicotinique par rapport au placebo est de 1,73 (1,57 à 1,94).

Les timbres prescrits sur 16 heures sont aussi efficaces que ceux prescrits sur 24 heures.

La durée de traitement est globalement de 2 à 3 mois, les doses sont diminuées progressivement.

Les principaux effets secondaires sont l’insomnie et l’irritation cutanée.

+ Gomme :

Les gommes sont dosées à 2 et à 4mg. La prise peut aller jusqu’à un maximum de 24 gommes par jour.

L’odds ratio de l’efficacité de la gomme par rapport au placebo est de 1,63 (1,49 à 1,79).

Les gommes dosées à 4 mg sont plus efficaces que les gommes à 2 mg chez les fumeurs fortement dépendants, avec un odds ratio de 2,67 (1,69 à 4,22).

Le principal effet secondaire est l’intolérance buccale.

+ Tablette sublinguale :

Les tablettes sont dosées à 2 mg et sont absorbées par voie sublinguale en 20 minutes.

La posologie maximale est de 30 prises par jour. L’odds ratio de succès de sevrage avec les tablettes par rapport au placebo est de 1,73 (1,07 à 2,8).

Le principal effet secondaire est l’intolérance buccale.

+ Spray nasal :

Le spray peut être utilisé huit à 40 fois par jour durant 3 à 6 mois.

L’odds ratio du spray nasal par rapport au placebo est de 2,27 (1,61 à 3,2).

Le principal effet secondaire est l’irritation nasale et la possibilité d’un usage prolongé après le sevrage.

+ Inhaleur :

L’inhaleur reproduit le geste du fumeur en lui permettant d’absorber par aspiration buccale six à 16 cartouches de nicotine par jour.

La nicotine est absorbée au niveau de la bouche.

L’odds ratio de l’inhaleur par rapport au placebo est de 2,08 (1,43 à 3,04).

Le principal effet secondaire est l’intolérance buccale et pharyngée.

+ Substitution combinée :

L’association de différentes présentations galéniques de substitution nicotinique est supérieure, en terme de sevrage au long terme, à la substitution par un seul produit, avec un odds ratio de 1,9 (1,3 à 2,6).

Une étude montre un avantage de la combinaison spray nasal et patch par rapport à un patch seul, et une autre l’intérêt de l’association patch et inhaleur par rapport à l’inhaleur seul.

* Bupropion :

C’est un antidépresseur, agissant sur la recapture de la dopamine et de la noradrénaline, dont le mode d’action dans le sevrage tabagique est imparfaitement connu.

Les doses efficaces sont de 300 mg par jour pendant 7 à 12 semaines, précédés par une période de 6 jours à 150 mg afin de tester la bonne tolérance du produit.

Le traitement est à débuter 7 à 15 jours avant l’arrêt du tabac.

Dans ces conditions, le bupropion est efficace pour le sevrage tabagique des fumeurs moyennement et fortement dépendants avec un odds ratio de 2,73 (1,90 à 3,94). Une étude démontre que le bupropion est plus efficace que les timbres nicotiniques, et que l’association bupropion et timbre nicotinique est plus efficace que le timbre seul, avec un odds ratio de 2,65 (1,58 à 4,45).

La prise de poids est moins importante durant la période de traitement, mais cet effet disparaît après l’arrêt du traitement.

Les principaux effets secondaires sont les crises d’épilepsie pour 0,1 % des patients traités ; la sécheresse de la bouche et les insomnies sont fréquentes.

2- Deuxième ligne :

* Clonidine :

Cet agoniste a2 postsynaptique existe sous formes orale et transdermique, la dose quotidienne est de 0,15 à 0,75 mg pendant 3 à 10 semaines.

L’odds ratio global par rapport au placebo est de 1,89 (1,30 à 2,74).

L’usage de ce produit est limité par les effets secondaires dose-dépendants : bouche sèche et sudation.

* Nortriptyline :

Cet antidépresseur tricyclique est efficace dans le sevrage tabagique, indépendamment des antécédents dépressifs des patients.

L’odds ratio global par rapport au placebo est de 2,83 (1,59-5,03).

La dose efficace est de 75 à 100 mg/j pendant 12 semaines.

Les effets secondaires principaux sont la bouche sèche, la sudation et les troubles du rythme cardiaque.

3- Autres traitements médicamenteux :

Les anxiolytiques n’ont pas d’intérêt dans le sevrage tabagique.

La lobeline est un agoniste partiel de la nicotine.

Il n’existe aucune preuve de son action dans le sevrage tabagique.

L’acétate d’argent produit des effets désagréables lorsqu’il est combiné au tabac.

Il n’existe pas de preuve de son efficacité, avec un odds ratio à 1,05 (0,63-1,73).

4- Thérapies cognitivocomportementales (TCC) :

Les TCC visent à modifier les comportements de l’individu.

Le déroulement de ces thérapies en tabacologie est standardisé :

– l’analyse fonctionnelle permet d’étudier le tabagisme dans ses différentes composantes : comportement, entourage du fumeur, recherche des causes potentielles de rechute ;

– l’objectif du traitement, après avoir réalisé une synthèse, est de proposer des stratégies permettant d’éviter le comportement tabagique ;

– en cas de succès du sevrage, l’objectif est la recherche de renforcements positifs pour le maintenir, et en cas d’échec, la recherche des causes pour l’éviter ultérieurement.

L’évaluation des résultats démontre une augmentation du taux de sevrage dans le groupe traité, avec un odds ratio à 2,2 (1,6 à 3,0).

L’efficacité est plus importante si la thérapie comportementale est associée à une substitution nicotinique.

5- Consultations de groupe :

Les consultations collectives de sevrage sont plus efficaces que le conseil minimal avec un odds ratio de 2,10 (1,64 à 2,70), mais il n’existe pas de preuve de leur équivalence par rapport à la consultation individuelle.

6- Autres « approches » :

L’absence d’efficacité de l’acupuncture est démontrée par 18 études en comparaison avec des points d’acupuncture factices (n’utilisant pas les points d’acupuncture réputés efficaces) ou avec les autres traitements de référence du sevrage.

L’auriculothérapie est inefficace.

L’hypnothérapie n’est pas efficace, comme le démontrent neuf études par comparaison avec l’abstention ou les autres thérapeutiques.

Un seul essai sur huit suggère un intérêt de l’exercice physique dans le sevrage tabagique ; cependant, les autres essais incluent moins de 25 patients et ne permettent pas de conclure.

Enfin, l’homéopathie est totalement dépourvue d’effet thérapeutique.

Réduction de consommation. Réduction du risque :

Devant les difficultés majeures que peuvent rencontrer certains fumeurs pour arrêter définitivement de fumer, le concept de « réduction de consommation » a été évoqué.

Il repose sur l’idée que le fait de fumer moins (réduction de consommation) s’accompagne d’une « réduction de risque ».

Ceci n’est pas prouvé, compte tenu d’une part, de la difficulté à consommer seulement quelques cigarettes sur une longue durée et, d’autre part, du phénomène de compensation, cité plus haut, qui va amener le fumeur à extraire un maximum de nicotine, et donc de goudrons, à partir des quelques cigarettes fumées.

De plus, un conseil de réduction de consommation risque de détourner un fumeur d’une tentative d’arrêt complet.

Enfin, l’importance de la durée du tabagisme (plus que sa quantité) sur la survenue d’un cancer bronchique doit faire éviter, autant que faire se peut, cette approche.

Toutefois, dans le cadre d’une approche pragmatique, chez un fumeur porteur d’une BPCO, suite à plusieurs tentatives de sevrage bien conduites ayant échoué, il est licite de proposer une réduction de consommation avec consommation de quelques cigarettes par jour, accompagnée d’une substitution nicotinique suffisante.

On peut rapprocher de cette « réduction de consommation », la prescription de substituts nicotiniques, pour des fumeurs placés temporairement dans des situations de sevrage forcé (transports aériens, hospitalisation…).

Conclusion :

En dépit de consultations de sevrage bien conduites, les rechutes sont fréquentes.

Toutefois, au fur et à mesure des tentatives, les chances de réussite augmentent.

C’est au médecin de dédramatiser la situation et d’inciter le patient à un nouvel essai.

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