Examens biologiques en pathologie articulaire (Système HLA en rhumatologie)

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Introduction :

Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) ou système HLA (human leucocyte antigen) est un ensemble de gènes codant pour des molécules de surface des cellules impliquées dans la fonction de reconnaissance de peptides antigéniques par les lymphocytes T.

Sa fonction principale est d’assurer la sélection, le transport et la présentation de fragments peptidiques générés dans la cellule et de permettre la reconnaissance des complexes CMH/peptide par le récepteur du lymphocyte T.

Examens biologiques en pathologie articulaire (Système HLA en rhumatologie)

Deux classes de molécules sont schématiquement décrites, les molécules HLA de classe I (-A, -B, -C) qui présentent des peptides d’origine endogène aux lymphocytes T CD8+, les molécules HLA de classe II (-DR, -DQ, -DP) assurant la présentation de peptides d’origine exogène aux lymphocytes T CD4+.

Outre leur rôle physiologique dans la réponse immune antiinfectieuse et antitumorale, certains allèles du système HLA sont les marqueurs de la susceptibilité ou de la protection vis-à-vis de nombreuses maladies auto-immunes, en particulier en rhumatologie dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et les spondyloarthropathies (SA).

Organisation génétique, structure et fonction :

Localisé sur le bras court du chromosome 6 en 6p21.3, le CMH occupe une région génomique d’environ 4 000 kb actuellement séquencée en totalité comportant au moins 128 gènes dont 51 ont une fonction définie dans la réponse immune.

Les gènes HLA de classes I et II sont caractérisés par un polymorphisme important, en rapport avec leur fonction.

A – MOLÉCULES HLA DE CLASSE I :

La région de classe I comporte les gènes d’histocompatibilité classiques HLA-A, -B, -C et non classiques HLA-E, -F, et -G, dont la fonction n’est pas encore clairement définie.

Il existe par ailleurs, d’autres gènes apparentés tel que MIC (MHC class I related gene) ou le gène de l’hémochromatose récemment décrit.

Ces gènes sont parmi les plus polymorphes décrits dans le génome humain ; on dénombre en effet plus de 200 allèles pour le locus HLA-A, 400 pour HLA-B et 100 pour HLA-C.

La nomenclature allélique, en constante évolution, peut être suivie sur le site Internet « HLA Informatics Group » (S Marsh, http : //www.anthonynolan.com/HIG/).

Les gènes de classe I codent pour des chaînes lourdes transmembranaires a de 44 kDa associées de façon non covalente avec une chaîne légère extracellulaire de 12 kDa (codée par un gène situé sur le chromosome 15), la bêta2-microglobuline.

Sur le plan structural, la chaîne lourde a est formée de trois domaines extracellulaires alpha1, alpha2 et alpha3 de 90 acides aminés chacun, d’une région transmembranaire et d’une région intracytoplasmique.

La structure tridimensionnelle de la molécule identifie une cavité entre les domaines alpha1 et alpha2 dont le fond est un feuillet bêta plissé et les bords des hélices alpha.

C’est dans cette zone que se situent les résidus polymorphes qui vont interagir avec les peptides des molécules antigéniques du soi et du non-soi.

En effet, cette cavité présentatrice comporte une série de dépressions ou poches, désignées de A à F, capables d’établir des interactions avec les différents résidus peptidiques.

Les peptides présentés ont des motifs communs correspondant aux résidus d’ancrage du peptide dans la cavité de la molécule présentatrice.

Il existe une complémentarité structurale entre les chaînes latérales des acides aminés du peptide et les poches ménagées par les résidus polymorphes de la molécule de classe I.

C’est ainsi par exemple que les peptides associés aux molécules HLA-B27 ont préférentiellement un résidu arginine en position 2 du peptide qui interagit avec la poche B de la molécule HLA, l’autre résidu d’ancrage en C-terminal étant variable selon les allèles HLAB27 (B*2701 à B*2725).

La caractérisation de motifs peptidiques spécifiques d’allèles permet de prédire le ou les peptides potentiellement présentables à partir d’une protéine native donnée, comme par exemple un autoantigène potentiel ou une protéine bactérienne de Chlamydia trachomatis ou d’entérobactéries impliquées dans le déclenchement d’arthrites réactionnelles.

Le rôle physiologique de ces molécules est de présenter aux lymphocytes T CD8+ des peptides antigéniques issus de la protéolyse de protéines endogènes synthétisées par la cellule présentatrice, qu’il s’agisse de constituants naturels ou de protéines virales.

Les évènements nécessaires à l’obtention du complexe trimoléculaire formé par l’association de la chaîne a, de la bêta2- microglobuline (bêta2m) et du peptide (alpha-bêta2m-peptide) se produisent dans deux compartiments distincts, le cytosol et le réticulum endoplasmique (RE) en plusieurs étapes : la dégradation en peptides des protéines dans le cytosol sous l’effet du protéasome, le transport des fragments obtenus dans la lumière du RE par le biais des transporteurs TAP (transport associated proteins), leur charge sur les molécules de classe I néosynthétisées et enfin le transport du complexe trimoléculaire stable vers la surface cellulaire.

B – MOLÉCULES HLA DE CLASSE II :

Trois principaux produits de classe II HLA-DR, -DQ et -DP sont décrits.

L’organisation génétique des produits HLA de classe II est plus complexe, le locus HLA DR, notamment, ayant pour particularité d’être constitué d’un nombre variable de gènes ou de pseudogènes selon les haplotypes.

En conséquence, une ou deux molécules HLA DR sont exprimées pour chaque haplotype.

Notons que la région HLA de classe II comprend d’autres gènes dont certains codent pour des molécules impliquées dans la présentation de l’antigène par les molécules de classe I (TAP 1 et 2, LMP 2 et 7) et par les molécules de classe II (DMA et DMB).

Les molécules HLA de classe II sont des hétérodimères formés de l’association non covalente de la chaîne a et de la chaîne b. Leur organisation tridimensionnelle est similaire à celle des molécules HLA de classe I.

Les chaînes a et b sont des glycoprotéines formées d’une région extracellulaire organisée en deux domaines en boucle (alpha1 alpha2 ; bêta1 bêta2), connectées par une courte séquence peptidique à une région transmembranaire et une région intracytoplasmique.

L’essentiel du polymorphisme des molécules de classe II s’observe dans les chaînes b des molécules HLA DR et DQ alors que les chaînes b de DP sont moins polymorphes.

La chaîne DQ a est polymorphe alors que la chaîne DR a est monomorphe.

La diversité de structure est encore accrue par l’existence de molécules hybrides dont les chaînes a et b sont codées par des gènes situés sur deux haplotypes différents chez les individus hétérozygotes, il s’agit du phénomène de transcomplémentation intra-isotypique.

On trouve aussi des molécules hybrides interisotypiques obtenues par cis- ou transcomplémentation (ex : DR a DQ b). Les domaines alpha1 et bêta1 forment une cavité, site de liaison du peptide antigénique de la molécule de classe II.

Cette cavité est limitée par les extrémités C terminales des domaines alpha1 et bêta1.

À la différence des molécules HLA de classe I, la poche de présentation peptidique des molécules HLA de classe II est ouverte à ses extrémités et permet la présentation de peptides plus longs (12 à 25 acides aminés) fixés par 15 liaisons hydrogènes et cinq chaînes latérales réparties le long du site de fixation peptidique.

Il est possible, bien qu’avec plus de difficultés que pour les molécules de classe I, de définir des motifs de fixation peptidique spécifiques des allèles HLA de classe II.

Les mécanismes de la présentation antigénique sont très différents pour les molécules HLA de classe II et pour les molécules HLA de classe I.

Le rôle des molécules de classe II est de présenter aux lymphocytes T CD4+, un peptide issu de la dégradation d’un antigène exogène ou endogène mais transmembranaire.

Schématiquement, l’antigène est internalisé par la cellule et dégradé en peptides dans les lysosomes.

Les molécules HLA de classe II néosynthétisées et stabilisées par la chaîne invariante rejoignent le compartiment lysosomal.

La chaîne invariante est alors dégradée sous l’effet des cathepsines lysosomales et remplacée par un peptide antigénique puis le complexe est transporté à la membrane cellulaire.

Un autre point très important qui distingue les molécules de classe I et de classe II est l’expression restreinte des molécules de classe II aux cellules dites « présentatrices d’antigène » (CPA).

Elle est constitutive sur les cellules dites présentatrices professionnelles : les cellules dendritiques (cellules de Langerhans de la peau, cellules interdigitées du ganglion, du thymus), les cellules phagocytaires de la lignée monocyte macrophage (monocytes, macrophages, cellules de Kupffer du foie, microglie), les lymphocytes B et les progéniteurs précoces de l’hématopoïèse.

Elle est inductible sur certaines cellules (cellules présentatrices non professionnelles) sous l’action de l’interféron gamma (IFNc) et du facteur de nécrose tumorale (TNF) : cellules endothéliales, certaines cellules epithéliales et lymphocytes T, cellules synoviales.

Méthodes d’étude du système HLA :

Schématiquement, deux méthodes sont utilisées pour la réalisation du typage HLA : sérologie et biologie moléculaire.

Leur choix est fonction du niveau de résolution requis selon l’indication clinique : niveau de résolution dit « générique » correspondant au niveau de résolution obtenu en sérologie (exemple : HLA-A2) mais qui peut être effectué également en biologie moléculaire (deux chiffres après l’indication du locus associé à un astérisque pour indiquer un typage en biologie moléculaire, exemple : HLA-A*02).

Les techniques de biologie moléculaire sont en revanche nécessaires pour un typage dit de « haute résolution » ou allélique, requis le plus souvent dans les études d’associations HLA et maladies.

Un typage allélique est désigné par quatre chiffres suivant l’indication du locus associé à un astérisque (exemple : HLA A*0204, HLA DRB1*1405).

En sérologie, les typages HLA sont réalisés par la méthode de microlymphocytotoxicité à l’aide d’un panel de sérums-tests contenant des anticorps reconnaissant les différentes spécificités et la lyse par le complément.

Les méthodes de biologie moléculaire tendent à remplacer la sérologie.

Elles ont en commun une étape d’amplification enzymatique in vitro de l’ADN du locus HLA étudié.

La mise en évidence du polymorphisme peut se faire en utilisant soit un panel d’amorces spécifiques d’allèles ou de groupes d’allèles (PCR-SSP), soit un couple d’amorces amplifiant toute la région polymorphe et un panel de sondes oligonucléotidiques spécifiques d’allèles ou de groupes d’allèles (PCR-SSO).

D’autres techniques font appel à des enzymes de restriction donnant des produits de digestion de taille différente selon les allèles (PCRRFLP) ou à des propriétés de conformation et de migration de la molécule d’ADN en gel dénaturant (DGGE) ou en gel natif (SSCP).

Les éventuelles ambiguïtés peuvent être levées par le séquençage direct de la région étudiée.

Système HLA en rhumatologie :

A – HLA-B27 ET SPONDYLOARTHROPATHIES :

Les SA constituent un groupe hétérogène de rhumatismes inflammatoires incluant la spondylarthrite ankylosante, les arthrites réactionnelles ou syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter et certaines formes de rhumatisme psoriasique ou de rhumatismes associés aux maladies inflammatoires du tube digestif.

L’association entre HLAB27 et SA, connue depuis 1973, a été amplement documentée dans différentes populations avec un risque relatif de 80 à 90 dans les populations caucasiennes.

La force de cette association explique l’intérêt diagnostique du typage HLA-B27 qui est inclus dans les critères de classification de l’European Spondylarthropathies Study Group (ESSG).

Des études intrafamiliales ont affirmé la liaison génétique entre le CMH et la maladie (mesure de LOD score à 7,5 pour un seuil de significativité à 3).

Le mode de ségrégation du marqueur est autosomique dominant avec une pénétrance de l’ordre de 20 %.

Plus récemment, la part relative des gènes du CMH, des autres facteurs génétiques ainsi que des facteurs d’environnement a été précisée en comparant le taux de concordance pour la maladie entre jumeaux HLA-B27 monozygotes (75 %) et dizygotes (27 %) et l’ensemble du groupe de jumeaux dizygotes sans sélection de typage (13 %).

La conclusion est l’influence de facteurs d’environnement et un rôle prépondérant des facteurs génétiques, la part imputable à HLA-B27 étant de 20 à 50 % selon les études.

Les modèles animaux de rats et de souris transgéniques pour HLA-B27 ont confirmé le rôle direct de cette molécule dans la pathogénie.

Celui-ci n’est à ce jour encore pas défini.

Les principales hypothèses reposent sur la capacité de la molécule HLA-B27 à présenter un éventuel peptide arthritogénique au système immunitaire, issu d’une protéine bactérienne ou du « soi ».

Il existe au sein de la spécificité HLA-B27 différents allèles (B*2701 à B*2725) dont l’association à la maladie est sans doute différente : l’allèle majoritaire B*2705 ainsi que B*2702 (populations caucasiennes), B*2704 et B*2707 (Asie) sont fortement associés aux SA alors que B*2706 (Asie) et B*2709 (Sardaigne) semblent moins associés.

Ceci suggère une présentation différente de peptides arthritogéniques par ces allèles et fournit une voie de recherche originale.

Il existe des facteurs additionnels de prédisposition génétique, en particulier dans le CMH (gènes codant pour le TNF, molécules MIC, molécules HLA de classe II) mais qui ne font pas encore l’objet de consensus.

B – POLYARTHRITE RHUMATOÏDE ET HLA DE CLASSE II :

L’association entre PR et HLA-DR4 est connue depuis les travaux de Stastny et al en 1976.

Il s’agit aussi d’une affection polyfactorielle (facteurs d’environnement et facteurs génétiques) et multigénique, le poids du facteur génétique HLA étant évalué à environ 30 % du risque génétique global.

Avec les progrès du typage HLA, 43 allèles DR4 sont à présent rapportés (mai 2002) : DRB1*0401-DRB1*0443. Par ailleurs, de multiples études épidémiologiques dans des populations différentes ont permis de conclure aux points suivants.

Certains allèles DR4 sont associés au développement de la PR (DRB1*0401, *0404 en Europe du Nord et aux États-Unis, DRB1*0405 au Japon) alors que d’autres ne le sont pas (DRB1*0402 et *0403 par exemple, fréquents dans le pourtour méditerranéen).

D’autres allèles HLA de classe II que DR4 peuvent être associés : DRB1*01 dans les populations méditerranéennes, DRB1*1402 chez certains Indiens d’Amérique du Nord…

La comparaison des séquences DRB1 entre allèles de susceptibilité et allèles non susceptibles a permis à Winchester et al en 1987 de formuler l’hypothèse dite de l’« épitope partagé ».

En effet, la séquence 70-74 des acides aminés (glutamine ou arginine)-(lysine ou arginine)-arginine-alanine-alanine est présente dans les allèles de susceptibilité HLA-DR4 (DRB1*0401, *0404, *0405, *0408), DR1 (DRB*10101), DR10 (DRB1*1001) et DR14 (DRB1*1402), soit chez 85 à 90 % des malades (environ 25 % d’une population contrôle), ce qui lui confère un risque relatif d’environ 15.

Sur le plan pratique individuel, le typage HLA de classe II n’a pas d’intérêt diagnostique compte tenu de la grande prévalence des allèles DR4 dans la population générale.

Le typage de classe II a en revanche un intérêt pronostique, la maladie étant plus sévère en cas d’homozygotie de l’épitope partagé avec un gradient de sévérité corrélant avec les typages DRB1*0401/*0401, puis DRB1*0401/*0404, DRB1*0404/0404, DRB1*0401 ou DRB1*0404/*01 et enfin DRB1*01.

L’hypothèse pathogénique principale qui sous-tend celle de l’épitope partagé est, comme dans le cas des arthrites associées à HLA-B27, celle de la présentation au système immunitaire d’un ou de plusieurs peptides arthritogéniques.

Le rôle des molécules HLA dans la sélection du répertoire lymphocytaire T suggère aussi que l’épitope partagé pourrait modifier la sélection intrathymique des lymphocytes T.

Enfin, un rôle des molécules HLA-DQ a été suggéré, en particulier dans certaines formes sévères d’arthrites juvéniles (haplotypes DRB1*11-DQA1*0501-DQB1*0301 et DRB1*08-DQA1*0401- DQB1*0402).

Conclusion :

Il y a de multiples intérêts au typage HLA en rhumatologie avec des applications en clinique (diagnostic et pronostic) ainsi qu’en physiopathologie, le CMH étant à l’interface des facteurs génétiques de susceptibilité et des facteurs environnementaux.

Les modèles animaux de pathologies auto-immunes, en particulier les animaux transgéniques pour les molécules de susceptibilité (rats et souris transgéniques pour HLA-B27 ou HLA-DR4) ainsi que le développement de molécules HLA tétramériques (molécules HLA-B27 ou –DR4 par exemple associées à différents peptides arthritogéniques candidats) permettront de mieux comprendre les mécanismes en jeu.

Enfin, il ne faut pas oublier l’influence d’autres facteurs génétiques en dehors du CMH contrôlant la réponse immune, qui justifient les recherches génétiques actuellement en cours dans le cadre de la PR et de la SA, comme c’est le cas pour d’autres maladies auto-immunes (diabète, sclérose en plaques).

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