Système des cellules neuroendocrines

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Introduction :

Le terme « neuroendocrine » est utilisé actuellement pour définir des cellules par leurs propriétés sécrétoires et non par leur siège ou leur origine embryologique.

Système des cellules neuroendocrinesLe système des cellules neuroendocrines regroupe, selon cette définition, des neurones et des cellules endocrines ayant un phénotype commun caractérisé par l’expression de marqueurs protéiques généraux, les marqueurs neuroendocrines, et par des produits de sécrétion hormonale spécifiques.

Le système endocrinien diffus, défini comme un ensemble ubiquitaire de cellules dotées d’activité hormonale, constitue une part importante du système des cellules neuroendocrines.

Les tumeurs développées à partir de ces cellules ont souvent des caractéristiques fonctionnelles proches des cellules normales dont elles dérivent, ce qui peut entraîner des syndromes cliniques particuliers.

De plus, elles posent des problèmes importants et assez proches de diagnostic, de pronostic et de thérapeutique qui justifient de les regrouper.

Historique :

En 1870, Heidenhain décrit une population de cellules chromaffines dans l’intestin grêle et suggère que le tube digestif pourrait avoir une fonction endocrine.

En 1914, Masson montre que certaines de ces cellules sont argentaffines et Hamperl met en évidence une seconde population de cellules, qui sont argyrophiles mais pas argentaffines.

La mise en évidence de cellules argentaffines et/ou argyrophiles dans d’autres organes comme la thyroïde, le thymus, l’appareil respiratoire, a conduit Feyrter a décrire un « système des cellules claires », appelé également système endocrinien diffus.

En 1938, cet auteur a sutout suggéré que les cellules claires pourraient avoir un effet hormonal local (paracrine). Pearse ayant montré que ces cellules claires ont des propriétés chimiques particulières (captation de précurseurs d’amines et décarboxylation), il les a regroupées dans un ensemble appelé système APUD pour amine precursor uptake and subsequent decarboxylation.

La démonstration que les neurones du système nerveux autonome, les cellules C thyroïdiennes et les cellules chromaffines de la médullosurrénale, étaient dérivées de la crête neurale, a conduit Pearse à proposer que toutes les cellules porteuses des propriétés APUD dérivaient de la crête neurale.

Cette hypothèse a ensuite été reprise et élargie par Bolande qui a proposé le concept de « neurocristopathie » regroupant un ensemble de maladies qui seraient associées à un trouble du développement de la crête neurale.

Il est actuellement admis par la quasi-totalité des auteurs, sur des critères embryologiques et morphologiques, que la plupart des cellules neuroendocrines du système endocrinien diffus (à l’exception des cellules C de la thyroïde et des cellules paraganglionnaires) ne dérivent pas de la crête neurale mais sont d’origine endodermique.

Le terme « neuroendocrine » est utilisé pour désigner des cellules dont le phénotype est caractérisé par l’expression simultanée de propriétés de cellules endocrines et de neurones, sans préjuger de leur origine embryologique.

Morphologie et mise en évidence des cellules neuroendocrines :

A – MORPHOLOGIE FONCTIONNELLE :

Les cellules neuroendocrines sont présentes dans la plupart des tissus de l’organisme.

En fonction des conditions de fixation, elles apparaissent souvent claires sur les colorations usuelles (d’où le système des cellules claires de Feyrter).

Les cellules neuroendocrines forment des organes ou des parties d’organes : hypothalamus, antéhypophyse, médullosurrénale, parathyroïdes ; des amas bien individualisés à l’intérieur d’un organe : pancréas endocrine ; un réseau de cellules dispersées à l’intérieur d’un organe : thyroïde, tube digestif, poumon, thymus, arbre urinaire, appareil génital.

Lorsque les cellules neuroendocrines sont dispersées parmi d’autres types cellulaires, elles ont souvent des prolongements cytoplasmiques qui entourent d’autres cellules.

Il existe une très grande variété de cellules neuroendocrines : dans le tractus gastrointestinal, par exemple, plus de 20 types cellulaires différents sont reconnus sur leurs propriétés sécrétoires ; de plus, la plupart des cellules neuroendocrines du tractus gastro-intestinal sont retrouvées dans l’épithélium, mais il en existe également dans la lamina propria ; elles sont entourées par des cellules de Schwann et des fibres nerveuses amyéliniques, formant un complexe fibre nerveusecellule entérochromaffine.

Les cellules neuroendocrines peuvent libérer leurs produits de sécrétion selon un mode constitutif ou régulé.

Le mode régulé est en cause dans la plupart des sécrétions hormonales normales.

Les produits de sécrétion sont alors stockés dans des granules cytoplasmiques (dont la morphologie ultrastructurale est plus ou moins caractéristique) avant d’être libérés.

Elles ont plusieurs modalités d’action : certaines cellules neuroendocrines (par exemple les cellules hypophysaires) agissent selon un mode endocrine classique ; les peptides atteignent l’organe cible via la circulation sanguine systémique.

Dans le mode neuroendocrine, les peptides libérés par des neurones gagnent un système circulatoire local pour exercer leurs effets sur d’autres tissus endocrines (par exemple, hypothalamus et hypophyse).

Dans le mode d’action paracrine (par exemple, les cellules du tractus gastrointestinal), les cellules neuroendocrines produisent des peptides qui exercent un effet local sur des cellules voisines grâce à leur diffusion dans les espaces extracellulaires.

Le mode d’action autocrine, dans lequel la cellule produit des peptides et facteurs de croissance qui la stimulent elle-même, concerne esssentiellement les cellules neuroendocrines néoplasiques.

Le système endocrinien diffus au sens strict ne comprend que les cellules neuroendocrines dispersées, mais en pratique, en raison de la communauté morphologique et fonctionnelle des cellules neuroendocrines, le système endocrinien diffus peut être considéré comme un des éléments constitutifs du système des cellules neuroendocrines.

B – MISE EN ÉVIDENCE :

1- Techniques d’imprégnation argentique :

Elles ont été utilisées très largement pour caractériser les cellules endocrines qui sont rarement visibles, lorsqu’elles sont isolées, sur les colorations usuelles.

L’argentaffinité, mise en évidence par la réaction de Fontana- Masson, caractérise la capacité d’une cellule à capter et à réduire les ions argent.

De nombreuses cellules endocrines ne sont pas argentaffines.

C’est une méthode très spécifique mais peu sensible.

Elle est liée à la présence de sérotonine dans la cellule.

L’argyrophilie, mise en évidence par diverses techniques (réaction de Grimelius en particulier), caractérise la capacité à fixer des ions argent préalablement réduits.

De nombreuses cellules endocrines sont argyrophiles mais non argentaffines ; cette réaction est donc beaucoup plus sensible. Elle serait liée à la présence de chromogranines.

2- Microscopie électronique :

La microscopie électronique reste la méthode de référence pour caractériser les cellules neuroendocrines.

Elle permet de distinguer les cellules et les tumeurs du système neuroendocrine en raison de la présence de granules sécrétoires : ceux-ci ont une membrane et un corps dense central dont l’aspect est variable en fonction du type cellulaire.

Cependant, la morphologie des granules n’étant pas toujours conservée dans les tumeurs, la microscopie électronique permet rarement de caractériser la ou les sécrétions tumorales.

Les cellules endocrines contiennent également des petites vésicules claires analogues aux vésicules synaptiques des neurones.

3- Immunohistochimie :

L’immunohistochimie (IHC) est actuellement la technique le plus couramment utilisée pour mettre en évidence les cellules neuroendocrines normales ou pathologiques et pour en caractériser les sécrétions.

On distingue les marqueurs neuroendocrines généraux, qui sont souvent indispensables pour affirmer le diagnostic de tumeur neuroendocrine (TNE) et les marqueurs spécifiques qui permettent de caractériser des produits de sécrétion (peptides et amines biogènes)

* Marqueurs neuroendocrines généraux :

Ils sont de plus en plus nombreux et peuvent être regroupés en grandes catégories, de spécificité variable.

+ Marqueurs cytosoliques :

Le plus anciennement connu est l’énolase neurospécifique (neuron specific enolase [NSE]).

Le dimère de l’énolase (enzyme glycolytique) est le plus ancien des marqueurs neuroendocrines.

Il a pour avantage essentiel que la positivité d’une cellule n’est pas liée à son contenu en granules neurosécrétoires.

L’inconvénient de ce marqueur est son manque de spécificité, puisque de nombreuses cellules et tumeurs non neuroendocrines peuvent être marquées par un anticorps anti-NSE, et qu’il ne s’agit pas d’un manque de spécificité des anticorps ; en effet, la NSE est présente dans de nombreuses cellules normales et tumorales qui ne sont pas porteuses du phénotype neuroendocrine.

Les autres marqueurs cytosoliques ne sont pas utilisés en pratique courante : on peut citer la PGP 9,5 (protein gene product 9.5) qui est une protéase cytoplasmique dont la fonction est inconnue.

Elle est le plus souvent colocalisée avec la NSE ; elle n’est pas non plus très spécifique.

On peut également mentionner la protéine 7B2, dont le rôle physiologique est mal connu.

Des anticorps monoclonaux ont été produits contre cette protéine ; ils ne sont pas utilisés couramment pour le diagnostic des TNE.

+ Marqueurs associés aux petites vésicules :

La synaptophysine est une glycoprotéine membranaire de 38 kDa qui est présente dans les vésicules présynaptiques des neurones et dans les petites vésicules claires des cellules neuroendocrines normales et néoplasiques.

Son expression est indépendante de celle des autres marqueurs neuroendocrines.

Elle ne dépend pas non plus du contenu de la cellule en grains de sécrétion.

+ Marqueurs associés aux granules de sécrétion :

Les chromogranines A, B, C (ou sécrétogranine II) sont des protéines solubles qui font partie des constituants de la matrice des grains de sécrétion de la plupart des cellules neuroendocrines.

Les anticorps antichromogranines sont des marqueurs très spécifiques des cellules neuroendocrines normales et tumorales.

Toutefois le marquage observé dépend du contenu en granules de la cellule, d’où un certain manque de sensibilité dans l’identification de certaines TNE très peu différenciées.

Les anticorps anti-CD 57 (HNK 1, leucine [Leu] 7) reconnaissent un épitope présent sur la membrane cytoplasmique des cellules natural killer (NK).

Cet épitope est aussi présent sur la glycoprotéine associée à la myéline dans le système nerveux central et périphérique, ainsi que sur des protéines associées aux granules de sécrétion de certaines cellules neuroendocrines.

C’est un marqueur peu sensible et assez peu spécifique des TNE.

+ Filaments intermédiaires :

Les neurones et les cellules chromaffines contiennent des neurofilaments.

Toutes les autres cellules neuroendocrines normales contiennent des cytokératines.

Certaines TNE du poumon, du tractus gastro-intestinal, du pancréas endocrine, de la thyroïde, de la peau peuvent contenir des neurofilaments, coexprimés avec des cytokératines.

Le plus souvent, les cytokératines exprimées par les TNE sont des cytokératines de faible poids moléculaire.

+ Protéines membranaires :

La N-CAM (reconnue par les anticorps anti-CD 56) est une molécule d’adhérence (neural cell adhesion molecule) présente sur la plupart des cellules neuroendocrines normales et exprimée par la plupart des TNE, mais elle est aussi exprimée par de nombreuses autres tumeurs (sarcomes, adénocarcinomes, tumeurs du système nerveux central) d’où un manque important de spécificité.

Des récepteurs de la somatostatine sont présents à la surface des cellules tumorales de nombreuses TNE, ce qui permet dans certains cas leur détection in vivo.

Leur mise en évidence sur des coupes tissulaires a été effectuée, jusqu’à ce jour, essentiellement sur des coupes à congélation, à l’aide de techniques d’autoradiographie utilisant des analogues radioactifs de la somatostatine, ce qui en limite l’utilisation.

L’apparition récente d’anticorps antirécepteurs de la somatostatine utilisables sur coupes en paraffine laisse prévoir d’importants développements dans ce domaine.

Les autres récepteurs membranaires portés par les cellules neuroendocrines normales ou tumorales ne sont pas utilisés en pratique diagnostique.

En pratique, les cellules neuroendocrines normales ou hyperplasiques sont mises en évidence grâce à des anticorps antichromogranines ; l’identification d’une TNE impose l’utilisation de plusieurs marqueurs généraux : des anticorps antichromogranines A et B doivent être employés ; ils sont de préférence associés à un anticorps antisynaptophysine.

On y ajoute un anticorps anti-N-CAM (CD 56) dont la spécificité est médiocre, mais dont la grande sensibilité permet le diagnostic immunohistochimique de la majorité des TNE peu différenciées.

Ces trois catégories d’anticorps sont utilisables sur des coupes fixées avec divers fixateurs, incluses dans la paraffine, après traitement par la chaleur.

Les autres marqueurs généraux ont une place plus réduite dans le diagnostic des TNE en raison de leur relatif manque de sensibilité et/ou de spécificité.

* Marqueurs des produits de sécrétion spécifiques :

La plupart des amines et peptides sécrétés par les cellules neuroendocrines normales et par les TNE peuvent actuellement être détectés par IHC grâce à des anticorps spécifiques utilisables sur des coupes effectuées après fixation et inclusion dans la paraffine.

Ces anticorps permettent d’identifier la forme active des peptides, mais aussi des régions variées des molécules précurseurs.

Les TNE peuvent synthétiser des formes moléculaires anormales des hormones : l’IHC effectuée avec un seul anticorps dirigé contre la forme active d’un peptide peut donner des résultats négatifs ; par exemple, dans une série de la littérature, 30 % des glucagonomes pancréatiques ne sont pas marqués par un anticorps antiglucagon pancréatique, alors que toutes les tumeurs sont positives avec des anticorps dirigés contre l’ensemble des dérivés du préproglucagon.

De nombreuses tumeurs produisent plusieurs peptides ; cependant, il existe le plus souvent une sécrétion prédominante qui n’est pas toujours symptomatique.

Une même hormone peut être sécrétée par plusieurs types cellulaires.

Une cellule peut produire plusieurs hormones codées par des gènes différents.

C’est en particulier grâce aux méthodes d’IHC ultrastructurale utilisant comme système de révélation des billes d’or colloïdal qu’il a été montré qu’une même cellule pouvait produire plusieurs peptides et que ceux-ci pouvaient être localisés dans les mêmes grains de sécrétion.

L’IHC permet de détecter ou de confirmer l’existence d’une sécrétion ectopique.

Les moins rares de ces sécrétions sont la production d’ACTH (adrenocorticotrophic hormone ou hormone corticotrope), de GH-RH (growth hormone-releasing hormone ; facteur déclenchant la sécrétion de l’hormone somatotrope) ou de calcitonine par des tumeurs pancréatiques ou pulmonaires, ainsi que de VIP (vasoactive intestinal polypeptide ou polypeptide vasoactif intestinal) par des tumeurs pancréatiques.

4- Hybridation in situ :

Elle a des indications très limitées en pratique, dans le diagnostic des TNE.

Dans un très petit nombre de cas de TNE peu différenciées, dont les cellules sont pauvres en grains de sécrétion, l’IHC est négative.

L’hybridation in situ peut alors permettre de confirmer le diagnostic en mettant en évidence l’ARN messager de la chromogranine ou de caractériser le produit de sécrétion de la TNE.

Hyperplasie des cellules neuroendocrines :

Des lésions d’hyperplasie des cellules neuroendocrines sont décrites dans de nombreux organes et dans des circonstances qu’il n’est pas possible de mentionner de façon exhaustive.

Il est remarquable de noter que ces hyperplasies sont, dans certains cas, réactionnelles à divers stimuli alors que dans d’autres, elles correspondent à des états prénéoplasiques.

À titre d’exemple, on mentionnera l’hyperplasie des cellules ECL (enterochromaffin-like) de la muqueuse gastrique et l’hyperplasie des cellules C thyroïdiennes.

A – HYPERPLASIE DES CELLULES ECL :

Les cellules ECL sont les cellules sécrétrices d’histamine.

Leur hyperplasie s’observe principalement dans deux circonstances : la gastrite chronique atrophique du fundus (avec ou sans anémie de Biermer) et la gastropathie hypertrophique du syndrome de Zollinger-Ellison.

Le point commun de ces deux entités est l’hypergastrinémie.

On sait que la gastrine a un rôle trophique sur la cellule ECL.

L’hyperplasie des cellules ECL est classée, en fonction de l’importance de l’hyperplasie et de sa morphologie en hyperplasie simple, linéaire, micronodulaire et adénomatoïde.

En cas de maladie de Biermer d’évolution très prolongée, l’hyperplasie des cellules ECL peut évoluer vers la constitution de microtumeurs carcinoïdes, intramuqueuses au début, puis de carcinoïdes invasifs.

Dans le cas du syndrome de Zollinger-Ellison, l’hyperplasie des cellules ECL ne se complique pas de la survenue de tumeurs carcinoïdes, sauf chez les patients atteints de néoplasie endocrinienne multiple (NEM) de type 1.

B – HYPERPLASIE DES CELLULES C :

Elle a été décrite pour la première fois par Wolfe chez des patients appartenant à des familles atteintes de carcinomes médullaires thyroïdiens (CMT).

Il a ainsi pu proposer un modèle histogénétique passant par différentes phases morphologiques et comportant une augmentation progressive de la densité des cellules C, celle-ci pouvant s’accompagner d’une élévation des taux plasmatiques de la calcitonine, en base ou après stimulation par la pentagastrine.

Chez les patients porteurs d’une mutation du gène RET (rearranged during transfection), l’hyperplasie des cellules C est actuellement considérée comme la lésion précurseur du CMT.

Cependant, des lésions analogues d’hyperplasie ont été observées dans diverses circonstances pathologiques, en particulier au cours des thyroïdites chroniques lymphocytaires mais aussi chez des sujets apparemment sains.

Cette hyperplasie des cellules C s’accompagne parfois d’une réponse anormale du taux de calcitonine à une stimulation par la pentagastrine, mais elle n’est pas considérée comme un état prénéoplasique.

Siège et répartition des tumeurs neuroendocrines :

Les TNE sont presque ubiquitaires.

On peut en observer dans des organes où des cellules neuroendocrines normales n’ont pas été mises en évidence.

Certaines tumeurs sont associées à un syndrome de sécrétion hormonale, alors que beaucoup sont cliniquement silencieuses.

Dans ce cas, des produits de sécrétion pourront éventuellement être démontrés par IHC ou dosage radioimmunologique sur des extraits tissulaires.

On peut les séparer en TNE de phénotype neuronal et TNE de phénotype épithélial : les tumeurs de phénotype neuronal (neuroblastome, phéochromocytome, paragangliome) sont habituellement dépourvues de cytokératine alors qu’elles renferment des neurofilaments.

Les TNE de type épithélial, qui sont les plus fréquentes, sont cytokératine positives et peuvent contenir des neurofilaments.

Dans une série de 349 TNE de phénotype épithélial observées en 12 ans (qui exclut les tumeurs hypophysaires, parathyroïdiennes, médullosurrénaliennes, les paragangliomes ainsi que les carcinomes à petites cellules bronchiques), la répartition est la suivante :

– appendice : 30 % ;

– côlon et rectum : 16 % ;

– estomac : 14 % ;

– bronches : 12 % ;

– intestin grêle : 9 % ;

– pancréas : 6 % ;

– CMT : 5 % ; – tumeur à cellules de Merkel de la peau : 1 %.

Dans cette série, l’appendice est le siège le plus fréquent des TNE et le tube digestif dans son ensemble représente la localisation la plus habituelle des TNE dans la définition qui est donnée par ces auteurs.

Outre ces dernières localisations, d’autres organes sont plus rarement le siège de TNE de phénotype épithélial : thymus, sein, utérus, ovaire, testicule, épididyme, prostate, vessie, oesophage, canal anal, voies aériennes supérieures, arbre biliaire, parotide. Des TNE peuvent être observées (exceptionnellement) dans un organe qui ne contient pas normalement de cellules endocrines, comme le rein.

Une très large série américaine réunie dans le cadre d’une étude épidémiologique sous l’égide du National Cancer Institute donne une répartition légèrement différente mais confirme que les TNE gastro-intestinales représentent les trois quarts du total des TNE.

Cliniquement, les TNE se traduisent rarement par une hypersécrétion hormonale.

Il s’agit souvent de tumeurs de petite taille, asymptomatiques, qui peuvent être découvertes fortuitement, en particulier au cours d’une endoscopie digestive ou d’une appendicectomie.

Leur fréquence réelle est probablement sousestimée : la fréquence clinique des TNE de l’intestin grêle est d’environ 2,8 par million alors que dans une étude autopsique, elle est de 6,5 par million.

Terminologie et classification des tumeurs neuroendocrines de phénotype épithelial :

En 1907, Oberndorfer introduisit le terme de carcinoïde pour définir un groupe de tumeurs iléales d’aspect épithélial ayant une morphologie et une évolution différentes de celles des carcinomes.

En 1963, Williams et Sandler ont classé les tumeurs endocrines du tube digestif en fonction de leur siège (et aussi de l’embryogenèse) en distinguant :

– les tumeurs développées à partir de l’intestin antérieur ou foregut : il s’agit des TNE oesophagiennes, gastriques, pancréatiques, duodénales, jéjunales hautes, mais aussi trachéobronchiques ;

– les tumeurs développées à partir de l’intestin moyen ou midgut : il s’agit des tumeurs jéjunales basses, iléales, appendiculaires et cæcales ;

– les tumeurs développées à partir de l’intestin postérieur ou hindgut : il s’agit des tumeurs coliques et rectales.

En 1980, L’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie une classification des tumeurs endocrines dans laquelle le terme de « tumeur carcinoïde » est appliqué à l’ensemble des tumeurs du système neuroendocrine, à l’exception des tumeurs des îlots de Langerhans, du CMT, des paragangliomes, du carcinome bronchique à petites cellules et de la tumeur à cellules de Merkel cutanée.

L’absence de signification pronostique de cette classification, la confusion entraînée par l’utilisation très large du terme « carcinoïde » et surtout l’apport des techniques morphologiques modernes, en particulier de l’IHC ont conduit à son abandon progressif.

Actuellement, la plupart des auteurs recommandent d’utiliser le terme général de tumeur neuroendocrine pour désigner toute tumeur développée à partir des cellules du système endocrinien diffus à l’exception des tumeurs porteuses d’une dénomination spécifique (CMT…).

Le terme de carcinoïde, consacré par l’usage, devrait logiquement être réservé pour désigner les tumeurs susceptibles de provoquer un « syndrome carcinoïde », c’est-à-dire les tumeurs à cellules entérochromaffines (cellules EC), qui sont des cellules argentaffines produisant de la sérotonine.

Les classifications actuelles tentent de préciser au mieux les caractéristiques morphologiques, évolutives et fonctionnelles des TNE en tenant compte de l’aspect des cellules, de leur différenciation, de la sécrétion prédominante et aussi du siège de la tumeur.

La classification des TNE pulmonaires, proposée à la suite des travaux d’Arrigoni, puis de Gould et al, par Travis et al en 1991 a été récemment actualisée.

De nombreux auteurs recommandent de l’utiliser pour les TNE d’autres localisations, même si son intérêt pronostique n’est pas toujours aussi bien démontré.

Pour les TNE digestives et pancréatiques, une classification plus complexe, fondée sur les aspects cytologiques et architecturaux, mais aussi sur la taille de la tumeur et la sécrétion prédominante, a été proposée en 1995 par un groupe de pathologistes européens.

A – CLASSIFICATION MORPHOLOGIQUE DES TUMEURS NEUROENDOCRINES PULMONAIRES :

1- Carcinoïde typique :

C’est une tumeur caractérisée par une architecture insulaire, trabéculaire ou acineuse, avec parfois formation de rosettes.

Les cellules épithéliales sont disposées dans un stroma souvent très dense, parfois calcifié, voire ossifié, d’abondance variable.

Les cellules sont de taille modérée, monomorphes ; leur rapport nucléocytoplasmique est peu élevé ; les noyaux ont une chromatine finement granuleuse.

Parfois, elles sont de plus grande taille, avec alors un assez large cytoplasme éosinophile (oncocytaire) ou clair.

Les mitoses sont rares (moins de deux mitoses pour 2 mm²). Il n’ y a pas de nécrose.

La tumeur est habituellement bien limitée, voire encapsulée, mais des images d’invasion vasculaire sont parfois observées.

2- Carcinoïde atypique (carcinome neuroendocrine bien différencié) :

L’architecture générale de la tumeur est peu différente de celle du carcinoïde typique.

Les cellules ont un aspect proche de celles du carcinoïde typique, avec en particulier un rapport nucléocytoplasmique qui reste modéré.

Cependant, le polymorphisme cellulaire est plus marqué.

Le carcinoïde atypique est d’abord défini par un nombre de mitoses compris entre deux et dix pour 2 mm² ou par la présence de petits foyers de nécrose.

Ces deux variétés sont considérées comme des tumeurs de bas grade de malignité.

3- Carcinome neuroendocrine à grandes cellules :

Ces tumeurs sont constituées de cellules d’assez grande taille, polygonales ou fusiformes, au large cytoplasme éosinophile et au rapport nucléocytoplasmique bas.

La chromatine est grossièrement granuleuse ; des nucléoles sont toujours présents et parfois proéminents.

L’architecture est neuroendocrine (rosettes, travées, nids cellulaires, palissades).

Le nombre de mitoses est toujours élevé (supérieur à dix pour 2 mm²).

En outre, cette variété de TNE est caractérisée par la présence constante de nécrose, souvent en larges foyers.

4- Carcinome neuroendocrine à petites cellules :

La tumeur est constituée de cellules de petite taille, rondes ou fusiformes, au rapport nucléocytoplasmique élevé, qui s’agencent en « nappes » diffuses, infiltrantes, avec souvent peu de stroma.

Les noyaux sont hyperchromatiques, ont une chromatine grossièrement granuleuse.

Les nucléoles sont absents ou à peine visibles. Le nombre de mitoses est toujours élevé (supérieur à 10 pour 2 mm², en moyenne 80 pour 2 mm²).

La nécrose est constante, tantôt faite d’une multitude de nécroses monocellulaires, tantôt faite de larges plages de nécrose de coagulation.

Une incrustation de parois vasculaires par du matériel hématoxyphile correspondant à des débris d’acide désoxyribonucléique (ADN) est assez souvent présente.

Ces deux variétés sont considérées comme des TNE de haut grade de malignité.

B – CLASSIFICATION DES TUMEURS NEUROENDOCRINES DIGESTIVES ET PANCRÉATIQUES :

La classification de Travis est relativement peu utile à la définition du pronostic de nombreuses TNE, en particulier digestives et pancréatiques, puisque la plupart de ces TNE sont de bas grade.

D’autres éléments doivent être utilisés pour classer au mieux ces TNE et apprécier leur potentiel évolutif : il s’agit de la taille de la tumeur, de la sécrétion prédominante, de la présence d’images d’invasion vasculaire, du stade anatomopathologique.

Il est alors possible de distinguer des tumeurs de pronostic favorable, des tumeurs de pronostic intermédiaire et des tumeurs de pronostic défavorable, selon les critères de la classification proposée en 1995 par Capella et al.

On peut cependant noter que le terme « adénome », qui implique une évolution constamment bénigne, ne devrait pas être employé pour une TNE.

C – AUTRES MÉTHODES D’ÉVALUATION DU POTENTIEL ÉVOLUTIF DES TUMEURS NEUROENDOCRINES :

Les difficultés rencontrées pour prévoir l’évolution des TNE bien différenciées ont suscité de nombreux travaux qui tentent tous de définir au mieux le pronostic de ces tumeurs.

– L’étude du contenu en ADN par cytométrie en flux ne permet pas de prévoir l’évolution d’une tumeur donnée.

– La présence d’un produit de sécrétion ectopique, en particulier la chaîne á de l’hCG (human chorionic gonadotropin) et l’ACTH, a pu être considérée dans des études préliminaires comme un élément de pronostic péjoratif, mais cette donnée n’a pas été confirmée sur des grandes séries.

– L’étude par IHC de la surexpression de la protéine P53 ne semble pas apporter d’information utile en pratique.

– L’étude de marqueurs de prolifération par IHC est actuellement la méthode la plus prometteuse.

Plusieurs travaux utilisant des anticorps anti-PCNA (proliferating cell nuclear antigen) et surtout l’anticorps Ki 67, qui reconnaît les cellules engagées dans le cycle cellulaire et qui est utilisable sur des coupes après fixation et inclusion dans la paraffine, ont montré que le pourcentage de noyaux marqués par l’anticorps était significativement corrélé à la survie sans récidive, pour différentes catégories de tumeurs endocrines : pancréas, poumon, hypophyse.

Toutefois, le nombre de noyaux marqués étant toujours faible dans les TNE bien différenciées, il est indispensable que la quantification de la réaction soit effectuée sur un grand nombre de cellules, c’est-à-dire de préférence grâce à un système d’analyse d’images.

Enfin, il faut souligner que c’est d’abord la qualité de la première exérèse chirurgicale qui est l’élément déterminant du pronostic des TNE bien différenciées et que ces méthodes d’évaluation permettent, dans le meilleur des cas, d’estimer un risque relatif de récidive tumorale.

D – TUMEURS À DIFFÉRENCIATION MULTIDIRECTIONNELLE :

L’utilisation des techniques d’IHC et de microscopie électronique a permis de mettre en évidence dans un nombre croissant de tumeurs épithéliales une différenciation multidirectionnelle, caractérisée par la présence en proportions variables, de cellules à différenciation endocrine et de cellules épithéliales non endocrines, voire de cellules présentant la double différenciation (cellules amphicrines).

On peut ainsi classer les tumeurs épithéliales à différenciation multidirectionnelle en quatre grandes catégories :

– les carcinomes avec cellules endocrines dispersées ;

– les TNE avec cellules non endocrines dispersées ;

– les tumeurs « mixtes » (composites ou combinées) ;

– les tumeurs amphicrines.

1- Carcinomes avec cellules endocrines dispersées :

Si l’on excepte les carcinomes basocellulaires cutanés avec cellules endocrines, il s’agit d’adénocarcinomes ; leur siège est pratiquement ubiquitaire.

Les cellules endocrines sont en nombre variable, dispersées ou regroupées en petits amas.

Elles sont rarement visibles sur les colorations ordinaires.

La présence de cellules endocrines dispersées dans un adénocarcinome n’a pas de signification pronostique, sauf pour une variété rare de tumeur de l’appendice appelée le plus souvent adénocarcinoïde, mais aussi carcinoïde avec cellules caliciformes, carcinome à cellules cryptiques… dont le pronostic est intermédiaire entre celui d’un adénocarcinome habituel et celui d’une TNE bien différenciée (carcinoïde).

Ces carcinomes avec cellules endocrines dispersées doivent être exclus du cadre des TNE.

2- Tumeurs neuroendocrines avec cellules non endocrines dispersées :

La présence de quelques cellules glandulaires mucosécrétantes est fréquente dans les TNE bien différenciées ; la présence de cellules malpighiennes est beaucoup plus rare.

Ces constatations n’ont pas de signification pronostique.

Dans les TNE peu différenciées, la présence de cellules à différenciation glandulaire et/ou malpighienne est surtout connue dans les TNE pulmonaires (à petites et à grandes cellules), mais elle peut aussi s’observer dans d’autres localisations.

Plusieurs études suggèrent que les carcinomes neuroendocrines peu différenciés bronchopulmonaires avec cellules non endocrines dispersées répondent mal à la chimiothérapie efficace sur les carcinomes neuroendocrines à petites cellules.

3- Tumeurs composites et combinées :

Il s’agit de tumeurs rares associant deux types cellulaires distincts en proportions comparables, l’un d’eux étant une cellule neuroendocrine.

Ces deux composantes peuvent être étroitement intriquées (tumeur combinée) ou occuper des zones différentes d’une même tumeur (tumeur composite). Une tumeur peut être composite ou combinée d’emblée.

La composante neuroendocrine peut aussi apparaître secondairement, au cours de l’évolution ; c’est une possibilité bien décrite au cours de l’évolution des adénocarcinomes prostatiques traités par hormonothérapie.

Les métastases de ces tumeurs peuvent être mixtes ou bien faites de l’une des composantes de la tumeur, en principe la plus agressive.

Le pronostic de ces tumeurs, difficile à évaluer en l’absence de grandes séries, semble être celui de la composante la plus agressive.

La connaissance de ces tumeurs à double différenciation exocrine et endocrine a représenté un argument important en faveur de l’origine endodermique de certaines cellules endocrines.

Toutefois, l’existence de tumeurs thyroïdiennes « mixtes» vésiculaires et médullaires est désormais bien documentée, à la fois sur des arguments morphologiques et sur l’existence d’un modèle de souris transgénique, alors que l’origine des cellules C thyroïdiennes à partir de la crête neurale n’est pas remise en cause.

4- Tumeurs amphicrines :

Une tumeur amphicrine est définie comme une tumeur dont les cellules ont une double différenciation, glandulaire à un pôle, endocrine à l’autre pôle.

C’est la contrepartie tumorale des cellules amphicrines normales.

Ces tumeurs sont classiquement très rares, mais leur fréquence est peut-être sous-estimée, car leur diagnostic est difficile : elles peuvent en effet prendre l’aspect d’un adénocarcinome (bien ou peu différencié) et c’est l’IHC qui permet de mettre en évidence la double différenciation des cellules tumorales.

Leur pronostic est difficile à définir en raison du petit nombre de cas publiés.

Pathologie des cellules neuroendocrines et néoplasies endocriniennes multiples :

Les NEM sont des affections néoplasiques génétiquement déterminées (familiales ou sporadiques) qu’il est possible de regrouper en deux grandes catégories sur des critères cliniques, anatomopathologiques et surtout génétiques.

– Les NEM1 sont caractérisées par une atteinte parathyroïdienne dans plus de 80 % des cas, pancréatique ou duodénale dans la moitié des cas environ, hypophysaire dans 40 % des cas.

D’autres atteintes sont observées plus rarement : TNE bronchiques, thymiques, gastriques, tumeurs de la corticosurrénale, lipomes cutanés ou viscéraux.

Le gène majeur de prédisposition à la NEM1 est localisé en 11q13 ; il code pour une protéine dont la fonction physiologique n’est pas connue, la menin.

De très nombreuses mutations germinales du gène NEM1 ont été identifiées chez les patients atteints de NEM1, sans corrélation entre le génotype et le phénotype.

– Les NEM2 sont caractérisées par la présence de carcinomes thyroïdiens à cellules C (carcinomes médullaires), qui sont le plus souvent multiples et bilatéraux.

Trois sous-types de NEM2 sont bien individualisés : dans la NEM2A, le carcinome thyroïdien à cellules C est associé à des phéochromocytomes, souvent multiples et bilatéraux et, occasionnellement, à une hyperplasie parathyroïdienne ; dans la NEM2B, le CMT est associé au phéochromocytome, à des neuromes des muqueuses, à un aspect marfanoïde, à des anomalies oculaires ou à une ganglioneuromatose gastro-intestinale.

Le troisième sous-type est caractérisé par la présence de CMT familiaux, le plus souvent multiples, mais isolés.

Les tumeurs thyroïdiennes et surrénaliennes sont habituellement précédées par une hyperplasie, suggérant une séquence hyperplasietumeur.

Les NEM2 sont caractérisées par l’existence de mutations de l’oncogène RET, localisé en 10q11.2, avec une étroite corrélation entre le génotype et le phénotype.

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