Synovites à piquants

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Introduction :

Les blessures par piquants, végétaux ou animaux, sont habituellement sans conséquences, mais peuvent parfois provoquer une réaction synoviale (synovite, ténosynovite ou bursite) évoluant d’une façon chronique pour son propre compte.

Synovites à piquantsCes synovites sont de diagnostic difficile et souvent retardé, seule l’extraction du corps étranger permettant la résolution des symptômes.

Agents responsables :

Les agents végétaux le plus fréquemment mis en cause sont les épines de dattier aux États-Unis et d’arbustes à épines noires en Europe, et plus rarement les épines de rosier, d’aubépine, de yucca, de bougainvillier, ou de piracantha.

Des piqûres par brindille ou écharde de bois ont également été incriminées.

Plusieurs cas de synovites dues à des piqûres par épines d’oursins ont été rapportés.

Contexte de survenue et manifestations cliniques :

Le retard diagnostique est souvent important, jusqu’à 7 ans dans une série, et peut s’expliquer par l’absence fréquente de notion de piqûre à l’interrogatoire, le caractère tardif de la première consultation, l’absence de spécificité du tableau clinique, mais aussi par les difficultés de la mise en évidence du corps étranger.

En effet, si la douleur due à la pénétration du corps étranger peut être intense, elle passe le plus souvent inaperçue, ne permettant pas ainsi un examen clinique minutieux lors de la blessure.

Du fait des circonstances favorisantes (sports, jeux en plein air, jardinage…), les jeunes enfants, notamment les garçons, et certaines professions (jardiniers) sont plus volontiers sujets aux blessures par piquants végétaux, les piqûres d’oursins touchant plus fréquemment des adultes (25 à 54 ans dans une série de neuf cas).

Les localisations aux genoux et aux doigts sont de loin les plus fréquentes pour les piquants végétaux, les épines d’oursins se logeant volontiers dans les doigts, le pied et le talon.

Les manifestations cliniques sont aspécifiques, associant douleur, tuméfaction articulaire ou d’une gaine synoviale, augmentation de température locale.

Parfois, il existe des signes régionaux ou systémiques, avec fébricule ou plus rarement fièvre élevée, malaise général, polyarthralgie, myalgies, crampes et adénopathies régionales.

La chronologie des événements est variable.

Soit l’évolution se fait d’un seul tenant dans les heures suivant la blessure, le rôle de celle-ci étant alors plus facilement invoqué ; soit, il existe un intervalle libre de durée variable, de quelques heures à plusieurs mois, avant l’apparition des signes inflammatoires locaux, volontiers alors sous la forme d’une monoarthrite (genou ou articulation interphalangienne).

Celle-ci peut également évoluer de façon irrégulière avec des poussées entrecoupées de périodes de rémission.

Le tableau clinique oriente habituellement vers une arthrite septique, qui peut être associée, et cela d’autant plus qu’il existe des signes généraux, un syndrome inflammatoire biologique et un liquide synovial cellulaire.

Le traitement antibiotique seul n’apporte pas d’amélioration et l’évolution à rechutes d’une arthrite considérée comme septique doit faire évoquer le diagnostic de synovite à corps étranger.

Le diagnostic différentiel inclut également les monoarthrites chroniques, récidivantes, révélatrices des rhumatismes inflammatoires, surtout lorsque des signes systémiques sont associés.

Moyens diagnostiques :

A – Radiographies :

Les radiographies simples sont habituellement normales, ne montrant que des signes indirects d’épaississement des parties molles ou d’épanchement articulaire.

Dans des cas exceptionnels ont été constatées des « pseudotumeurs osseuses » induites par les piquants, sous forme de géodes sous-chondrales secondaires à la synovite chronique ou d’une réaction périostée, lytique ou constructrice.

Surtout, si les piquants végétaux ne sont pas visibles sur les clichés standards, les épines d’oursin, si elles sont de taille suffisante, peuvent être radio-opaques.

B – Tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique :

La TDM peut être utile en visualisant le corps étranger dans les tissus mous, de densité plus élevée, associés à un épaississement synovial en regard.

Une IRM peut également mettre en évidence le piquant responsable ; dans une observation, alors que la TDM était normale, l’IRM a montré un hyposignal linéaire en séquence T2.

Là encore, la petite taille des fragments ne permet pas toujours de les objectiver, notamment aux petites articulations des doigts.

Ces examens peuvent constituer un apport important pour le diagnostic en visualisant les images de fragments végétaux de petite taille.

Surtout, moins invasifs que l’arthroscopie exploratrice, ils permettent de dispenser de cette dernière et peuvent orienter un geste thérapeutique plus localisé à type de synovectomie partielle.

C – Liquide synovial :

Le liquide synovial contient de nombreux polynucléaires neutrophiles et doit être examiné en lumière polarisée après centrifugation, à la recherche de particules biréfringentes non cristallines.

D – Arthroscopie et biopsie synoviale :

Une biopsie synoviale à l’aveugle peut être réalisée mais son rendement est limité.

Il est préférable de réaliser une arthroscopie exploratrice qui permettra, dans certains cas, de visualiser les corps étrangers et d’effectuer une biopsie synoviale orientée.

E – Anatomopathologie :

La confirmation du diagnostic de synovite à piquants est histologique.

Un examen microscopique soigneux de la synoviale est nécessaire pour localiser un fragment d’épine ou de piquant.

L’identification doit se faire en lumière polarisée, en utilisant une coloration PAS (periodic acid Schiff) pour les fragments végétaux.

Cet examen peut également montrer une synoviale hyperplasique et inflammatoire, avec de nombreux granulomes à cellules géantes multinucléées, pouvant suggérer une sarcoïdose, une tuberculose ou une infection fongique.

Pathogénie :

La réaction granulomateuse à cellules géantes constatée dans tous les cas a été à l’origine de diverses hypothèses physiopathogéniques.

Le rôle de Mycobacterium marinum ou d’une pasteurellose n’a pu être confirmé.

L’hypothèse la plus séduisante est celle d’une réaction à corps étranger sur un fragment immunologiquement actif qui expliquerait, en outre, la chronicisation de la symptomatologie.

Cette explication apparaît plus satisfaisante pour les épines végétales, contenant des matières organiques antigéniques, que pour les épines d’oursins, immunologiquement inertes.

Traitement :

Les traitements antibiotiques et anti-inflammatoires sont inefficaces, ainsi que les infiltrations locales de corticoïdes.

Seule l’extraction du corps étranger permet la guérison.

L’arthroscopie peut aider à localiser le corps étranger, mais elle est souvent prise en défaut en raison de la taille très réduite des fragments.

Dans ces cas-là, une synovectomie la plus complète possible doit être réalisée, en sachant qu’une rechute est toujours possible si la synovectomie n’a pu être totale.

Certains ont proposé une aspirationlavage de l’articulation avec de bons résultats, réservant la synovectomie aux cas rebelles.

Pour notre part, il nous paraît utile de réaliser une TDM ou une IRM de l’articulation concernée.

Ces deux examens peuvent localiser le corps étranger et, de ce fait, orienter une synovectomie localisée, qui n’aura pas les mêmes effets indésirables qu’une synovectomie complète.

Cela permet de tempérer des attitudes plus agressives proposant une arthrotomie en cas de monoarthrite sans diagnostic associée à la notion de piqûre végétale.

D’autant plus que l’on assiste parfois à une élimination spontanée des corps étrangers dans un délai de 1 à 3 ans, ce qui a poussé certains auteurs à proposer une période d’observation prolongée après la blessure.

Pathologies associées :

A – Infections :

La mise en évidence d’une synovite à piquants ne doit pas faire méconnaître une éventuelle surinfection ou une otéomyélite associée, éventualité toutefois peu fréquente.

Les germes incriminés peuvent alors être Enterobacter agglomerans, germe saprophyte du sol, des plantes et des fruits qui n’est pas habituellement responsable d’arthrite septique, voire une Pasteurella.

B – Rhumatismes inflammatoires chroniques :

Certaines observations de déclenchement ou d’aggravation d’un rhumatisme inflammatoire chronique après blessure par piquant végétal ont été rapportées, sans que le lien de causalité ne puisse être établi et le mécanisme précisé.

Les synovites à piquants sont donc une cause de synovite ou ténosynovite, aiguë ou chronique, qu’il ne faut pas méconnaître et dont la guérison définitive ne pourra être obtenue que par l’ablation du corps étranger en cause.

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