Syndromes de déconnexion interhémisphérique

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Anatomie des commissures interhémisphériques :

Les hémisphères cérébraux sont reliés l’un à l’autre par plusieurs commissures, dont les principales sont le corps calleux, la plus volumineuse ; la commissure blanche antérieure ; la commissure blanche postérieure.

Syndromes de déconnexion interhémisphériqueD’autres commissures existent, dont le rôle fonctionnel est méconnu : la commissure interthalamique ; la commissure interhippocampique.

En outre, un certain nombre d’afférences parviennent conjointement aux hémisphères par l’intermédiaire de structures sous-thalamiques.

Le corps calleux est formé par la réunion, lors de leur passage sur la ligne médiane, de 300 à 800 millions de fibres interhémisphériques provenant du néocortex.

D’avant en arrière, on décrit quatre portions : le « bec » ou rostrum, dont les fibres passent au-dessous des cornes antérieures des ventricules latéraux ; le « genou » dont les fibres se dirigent en avant (forceps minor) ; le « corps » ou tronc, qui participe à la formation du toit des ventricules latéraux ; enfin le splénium ou bourrelet, dont les fibres irradient vers l’arrière (forceps major).

La majorité des fibres calleuses réunit des régions homologues du cortex (fibres homotopiques).

Il s’agit essentiellement des cortex associatifs sensoriels, des cortex prémoteurs et des aires motrices supplémentaires.

Les neurones prennent naissance dans les couches supragranulaires, en particulier la couche III, et se terminent dans la couche IV.

L’étude, chez l’animal, de leur trajet grâce aux techniques de marquage cellulaire a montré que les axones n’ont pas forcément de projection point par point.

Dans le cortex visuel, par exemple, la plupart d’entre eux ont des terminaisons ramifiées sur quelques millimètres carrés de cortex contralatéral, correspondant à des groupes de neurones intégrés dans des colonnes dont la fonction est similaire à celle de la colonne d’origine, par exemple codant pour une orientation identique.

Les aires sensorielles primaires, et peut-être la partie apicale des lobes frontaux, sont quasiment dépourvues de connexions calleuses.

Un faible nombre de fibres, ainsi que des divisions collatérales provenant des axones calleux homotopiques, réunissent des régions hétérologues du néocortex (fibres hétérotopiques).

Certaines fibres calleuses, enfin, projettent sur des structures sous-corticales contralatérales, comme le claustrum ou le noyau caudé.

Les études de dégénérescence rétrograde chez le singe ont permis de déterminer la distribution antéropostérieure des différentes fibres au sein du corps calleux en fonction de leur origine.

Si l’organisation chez l’homme est en grande partie similaire, il semble qu’il y ait toutefois quelques différences, en particulier dans l’ordre des fibres temporales et pariétales.

A – EMBRYOLOGIE DU CORPS CALLEUX :

À partir de la 11e semaine de gestation chez l’homme, apparaît un amas cellulaire au fond de la scissure interhémisphérique.

Les fibres commissurales provenant du cortex vont progresser sur cette structure. Vers la 12e semaine, les axones calleux franchissent la ligne médiane.

Durant cette période critique d’environ 1 semaine, tous les facteurs qui empêchent le développement de ces axones peuvent conduire à une agénésie calleuse.

Aux alentours de la 16e semaine, le corps calleux occupe sa place définitive.

Sa croissance antéropostérieure est secondaire au développement de l’écorce cérébrale.

Initialement, les projections calleuses sont diffuses, reliant des aires corticales qui ne sont plus connectées chez l’adulte. Une grande partie des fibres (environ 70 % chez l’animal) ainsi que leurs ramifications vont disparaître.

Parmi les facteurs intervenant dans le maintien ou la disparition des fibres calleuses, l’activation des neurones corticaux par les stimulations sensorielles et l’influence hormonale, en particulier des stéroïdes sexuels et des hormones thyroïdiennes, ont été reconnues.

Les neurones restants vont subir des modifications : leur arborisation dendritique intracorticale se modifie et, après la naissance, débute la myélinogenèse.

La myélinisation progresse de l’arrière vers l’avant à partir du troisième mois et s’achève vers la sixième année de vie ; elle détermine l’augmentation de volume du corps calleux.

De nombreux axones restent cependant amyéliniques.

D’abondantes études portant sur la taille du corps calleux en fonction du sexe ont livré des résultats contradictoires.

Des mesures sur des cerveaux de cadavres ou sur coupes d’imagerie par résonance magnétique (IRM) semblent toutefois indiquer que la partie postérieure du corps calleux des femmes est régulièrement plus large que celle des hommes.

Cette différence apparaît encore plus nettement chez les droitiers.

La signification précise de ces variations de taille selon le sexe et la préférence manuelle est inconnue.

La testostérone, en réduisant les asymétries physiologiques entre l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche au cours du développement du cerveau foetal, pourrait influer aussi sur l’importance des connexions entre régions homologues.

Une asymétrie affirmée, comme on l’observe chez les droitiers en général et chez les femmes en particulier, imposerait en effet moins de connexions interhémisphériques qu’une asymétrie modérée, comme chez les gauchers et les mâles.

B – VASCULARISATION DU CORPS CALLEUX :

Elle dépend essentiellement des artères cérébrales antérieures dont la branche terminale, l’artère péricalleuse, suit le trajet du corps calleux, prenant successivement le nom d’artère péricalleuse antérieure, puis postérieure après le départ de la branche pariétale interne.

Rarement, les artères cérébrales antérieures donnent naissance à une unique artère péricalleuse médiane.

De ces artères naissent des branches perforantes vascularisant à la fois le corps calleux et le cortex.

Une de ces perforantes, l’artère antérieure du corps calleux, est parfois dominante et se prolonge vers l’arrière, vascularisant les portions antérieures et moyennes du corps calleux.

Une partie plus ou moins importante du splénium peut être prise en charge par une branche issue de l’artère cérébrale postérieure, qui va s’anastomoser avec l’artère péricalleuse postérieure.

La commissure blanche antérieure forme un faisceau de fibres compactes qui traverse la ligne médiane immédiatement en avant des piliers antérieurs du fornix.

Elle comporte deux parties : un contingent antérieur olfactif de petite taille chez l’homme, qui forme une boucle vers l’avant et relie la substance grise de la bandelette olfactive d’un côté avec le bulbe olfactif contralatéral ; un contingent postérieur plus large, qui forme le tronc de la commissure antérieure et qui est concave en arrière.

La plupart des fibres relient les circonvolutions temporales médianes, mais quelques-unes gagnent aussi les circonvolutions temporales inférieures.

La commissure blanche postérieure siège en avant des tubercules quadrijumeaux antérieurs, juste au-dessus de la jonction entre l’aqueduc de Sylvius et le IIIe ventricule.

Sa composition est complexe et incomplètement connue.

Il semble qu’elle contienne notamment des fibres provenant des noyaux prétectaux et du noyau de la commissure postérieure, et des fibres reliant les tubercules quadrijumeaux antérieurs.

Physiologie et rôles du corps calleux :

Par l’intermédiaire du corps calleux, une grande partie des influx nerveux générés par un hémisphère gagne l’hémisphère opposé.

Les résultats de la callosotomie expérimentale chez l’animal, thérapeutique chez l’homme ou les syndromes de déconnexion spontanée, démontrent que ces influx permettent d’une part de transmettre certains types d’informations d’un hémisphère à l’autre et, d’autre part, de coordonner les réponses de chaque hémisphère lors de leur activation simultanée.

A – INFLUENCES INHIBITRICES ET EXCITATRICES DU CORPS CALLEUX :

La nature de l’influence, excitatrice ou inhibitrice, qu’exercent l’un sur l’autre les hémisphères cérébraux par l’intermédiaire du corps calleux, est encore discutée.

Le caractère excitateur des connexions calleuses est démontré en pathologie par la diffusion de crises épileptiques d’un hémisphère à l’autre, cette diffusion étant stoppée par la section calleuse.

Des arguments électrophysiologiques viennent cependant à l’appui d’une hypothèse inhibitrice : notamment, la réponse d’un hémisphère à la stimulation magnétique est diminuée par la stimulation préalable de l’hémisphère opposé.

Chez l’homme adulte, on estime que les neurones transcalleux exercent soit une action directement excitatrice, soit une action inhibitrice par l’intermédiaire d’un interneurone inhibiteur.

Dans ces conditions, chaque hémisphère serait capable de moduler de façon localisée et sélective le fonctionnement des régions homologues contralatérales.

Dans les régions sensorielles voisines des aires de projection primaire, un effet excitateur permettrait de compléter la représentation sensorielle au voisinage du plan méridien, entraînant une fusion de la ligne médiane.

Les connexions transcalleuses entre les aires motrices aboutiraient essentiellement à une inhibition, permettant l’indépendance manuelle nécessaire aux mouvements bimanuels asymétriques.

B – TRANSFERT D’INFORMATIONS SENSORIMOTRICES :

L’influence réciproque assure le transfert, d’un hémisphère à l’autre, d’informations diverses.

Chez le sujet sain, les épreuves consistent à stimuler électivement un hémisphère et à demander ensuite une réponse exclusivement à l’autre.

Il s’agit de conditions artificielles, dans la mesure où, en situation normale, les deux hémisphères se transmettent instantanément les informations.

Ainsi, lorsqu’un objet ou un mot est perçu en condition tachistoscopique par un hémisphère, son homologue est néanmoins capable, alors qu’il ne l’a pas vu, de l’identifier : si on projette un mot dans l’hémichamp visuel gauche d’un sujet droitier (dont l’expression verbale est latéralisée à gauche), celui-ci peut le dénommer sans difficulté, l’écrire ou le sélectionner de sa main droite.

De même, une information tactile ou somesthésique est transmise d’un hémisphère à l’autre : si on touche un sujet sur un membre, il peut désigner de sa main opposée l’endroit stimulé ; si on imprime une position à un membre, il peut l’imiter avec le membre contralatéral ; enfin, si on lui fait palper un objet de la main gauche, il peut le dénommer.

La transmission de ces différentes informations sensorielles est dépendante des commissures interhémisphériques.

Lorsque celles-ci sont détruites, le patient devient incapable d’identifier avec un hémisphère toute stimulation perçue par l’autre.

Dans cet échange de données, le corps calleux est la structure la plus importante.

En effet, sa seule destruction chirurgicale ou spontanée, conduit au même résultat qu’une tricommissurotomie.

La vitesse de transmission calleuse est susceptible d’être mesurée par différents procédés.

Dans le paradigme de Poffenberger, on administre à un sujet un stimulus visuel dans un hémichamp, puis on lui demande une réponse motrice.

La différence de temps de réaction entre la main ipsi- et contralatérale à la stimulation visuelle est attribuée au temps de transfert interhémisphérique, qui est de l’ordre de quelques millisecondes.

Il est allongé à plusieurs dizaines de millisecondes chez les sujets callosotomisés.

Dans de nombreuses études, ce temps de transfert interhémisphérique est physiologiquement plus court lorsque le stimulus est présenté dans l’hémichamp gauche (hémisphère droit) que dans l’hémichamp droit (hémisphère gauche).

Cette asymétrie du temps de transfert interhémisphérique est aussi retrouvée lorsqu’on mesure la latence des potentiels évoqués visuels à partir de stimulations en hémichamp.

Sa signification est inconnue.

Enfin, la technique de stimulation magnétique corticale a permis de mesurer le temps de conduction calleux entre les aires motrices (13 à 15 ms) sans qu’il y ait de différence selon l’hémisphère stimulé.

C – TRANSFERT D’INFORMATIONS SÉMANTIQUES :

La démonstration d’un transfert interhémisphérique portant sur des informations de nature sémantique a été élégamment apportée par Sitdis et al.

Le patient concerné avait d’abord subi une section de la moitié postérieure du corps calleux.

Dans ces conditions, il était devenu incapable de transférer des informations sensorielles de l’hémisphère droit vers l’hémisphère gauche : il ne pouvait plus dénommer les images, les sons, les stimulus somesthésiques adressés à son hémisphère droit ; il ne pouvait plus comparer les images ou les mots présentés simultanément aux deux hémisphères.

Toutefois, bien qu’il affirmât ne rien percevoir lorsque des stimulus visuels étaient projetés dans son hémichamp gauche, ses réponses à des questions précises prouvaient qu’une communication partielle de l’information reçue par l’hémisphère droit s’était produite vers l’hémisphère gauche pour y être verbalisée.

Confronté, par exemple, au dessin d’une casquette de chasseur, le patient pouvait indiquer qu’il s’agissait d’un objet, d’un vêtement et non d’un véhicule ou d’un outil, plutôt porté par un homme qu’une femme, et la saison durant laquelle cet objet était utilisé.

Finalement, grâce à ces approximations successives, il arrivait à dénommer la casquette.

Avec les mots projetés dans le champ gauche, les commentaires témoignaient du transfert d’informations sémantiques associatives et contextuelles.

Par exemple, le mot « oignon » donnait lieu à une description du jardin familial.

Les erreurs de lecture étaient sémantiques et non homophoniques.

Les informations à l’origine de ce type de réponses étaient communiquées à l’hémisphère gauche par l’intermédiaire de la portion antérieure du corps calleux : la section, dans un second temps opératoire, de la totalité du corps calleux, abolit en effet définitivement ces capacités de transfert sémantique, aussi bien à partir d’images que de mots.

D – TRANSFERT D’APPRENTISSAGES :

Après les travaux de Bykow, Myers, dans le laboratoire de Sperry, a démontré chez le chat dont le chiasma optique a été sectionné, que chacun des hémisphères cérébraux peut apprendre une discrimination visuelle à partir des informations adressées à l’hémisphère opposé.

Cet apprentissage est impossible après section du corps calleux.

D’autres comportements conditionnés, comme le clignement bilatéral des paupières à un son, sont affectés par la section calleuse.

Toutefois, tous les transferts d’apprentissage ne sont pas altérés par la section calleuse.

Ainsi, le transfert d’un hémisphère à l’autre de l’apprentissage d’une discrimination entre deux luminosités très différentes peut s’effectuer, même après section du corps calleux et de la commissure blanche antérieure, mais disparaît après section intercolliculaire.

E – COOPÉRATION INTERHÉMISPHÉRIQUE :

La duplication des fonctions cérébrales, de façon asymétrique chez l’homme, expose au risque de réponses contradictoires de chaque hémisphère pour une stimulation unique.

Chez l’homme, en effet, chaque hémisphère dispose d’un mode de fonctionnement privilégié différent de celui de son homologue.

L’hémisphère gauche procède de façon analytique, dénotative, logique, alors que l’hémisphère droit procède de manière globale, associative, intuitive.

Qu’il s’agisse cependant de l’animal ou de l’homme sain, les réponses comportementales sont homogènes et adaptées. Dans cette fonction d’unification des comportements, le corps calleux est essentiel.

Son rôle est évident lorsqu’il s’agit d’élaborer une réponse à partir de deux informations différentes et complémentaires adressées chacune à un hémisphère : si on projette un chiffre différent dans chaque champ visuel, un sujet sain peut parfaitement calculer la somme des deux chiffres ou donner le nombre composé de ces chiffres (2 et 4 : 24) ; si on projette un visage chimère composé d’une moitié féminine et d’une autre masculine, chaque hémiface étant projetée dans un hémichamp, le sujet perçoit immédiatement qu’il s’agit d’une figure « impossible ».

La section du corps calleux interdit ces types d’opération.

Les callosotomisés ne peuvent additionner ou recomposer un nombre avec les couples de chiffres dont chaque hémisphère reçoit un membre (alors qu’ils sont capables de le faire si les deux chiffres du couple sont adressés au seul hémisphère gauche).

La figure chimère n’est pas perçue comme un visage composé, mais on peut démontrer que chaque hémisphère perçoit un visage complet et différent : de la main droite, le patient désignera en choix multiple le portrait qu’a vu son hémisphère gauche, alors que de la main gauche, il pointera le visage de l’autre sexe perçu par son hémisphère droit.

Chez ces patients, les tâches bimanuelles sont généralement altérées.

Plus encore, chaque main ou chaque hémicorps peut avoir un comportement différent (apraxie diagonistique, « main capricieuse »).

Enfin, dans la résolution de tâches et problèmes, un patient commissurotomisé manifestera des approches et des stratégies différentes d’une fois à l’autre, comme si l’un ou l’autre hémisphère prenait le contrôle de la situation selon les compétences qui lui sont propres.

Une coopération interhémisphérique modulée par le corps calleux se manifeste par une amélioration des performances lorsque les stimulus sont présentés simultanément aux deux hémisphères, comparativement à la condition de présentation homolatérale.

Ainsi, le temps de réaction est plus court lorsqu’un indice et une cible sont projetés chacun dans un hémichamp, que lorsqu’ils le sont tous deux dans le même : phénomène d’inhibition ipsilatérale.

Ce phénomène pourrait s’expliquer par une facilitation véhiculée par le corps calleux.

Dans le domaine du langage, il est démontré que la présentation tachistoscopique d’un mot simultanément dans chaque champ visuel de sujets sains entraîne une réponse plus rapide, dans une tâche de décision lexicale, que la présentation de ce même mot dans l’un ou l’autre champ : l’activation concomitante des deux hémisphères est plus efficace que l’activation d’un seul.

Cette facilitation est attribuable au corps calleux, puisque la callosotomie la fait disparaître.

On reconnaît d’une façon générale que les tâches complexes bénéficient de la coopération entre les deux hémisphères.

Pour comparer deux formes ou deux chiffres, il n’y a pas d’avantage à présenter chaque stimulus dans un champ visuel ; la projection des deux dans le même hémichamp est plus efficace.

En revanche, pour comparer majuscules et minuscules de lettres, la condition interhémisphérique (une lettre dans chaque champ) conduit à une amélioration de la performance par rapport à la condition intrahémisphérique (les deux lettres dans le même champ).

Il reste néanmoins vraisemblable que d’autres structures que les commissures interhémisphériques sont impliquées dans l’unification des réponses comportementales et la coopération hémisphérique.

Gazzaniga et al ont démontré qu’un transfert d’information de l’hémisphère droit vers l’hémisphère gauche était assuré chez le callosotomisé : le patient pouvait nommer un chiffre (1 ou 2) projeté dans son hémichamp visuel gauche, ou l’écrire de la main droite ; il était capable d’associer un mot préalablement appris à un chiffre présenté dans l’un ou l’autre des champs visuels ; il pouvait fournir des réponses motrices correctes avec la main droite en réponse à des stimulus visuels gauches.

Cette communication d’informations de la droite vers la gauche, permettant à l’hémisphère gauche de produire une réponse verbale ou motrice, était limitée à une alternative simple ; au-delà de deux possibilités, le patient échouait.

Elle pourrait être assurée par des connexions sous-corticales ou la commissure blanche antérieure.

D’autres expériences chez des commissurotomisés ont conclu à des compétences importantes des structures sous-corticales dans l’intégration des opérations conduites par chaque hémisphère.

Ces résultats n’ont toutefois pas été reproduits chez d’autres patients callosotomisés, limitant considérablement la portée de ces constatations.

Il n’en demeure pas moins que les effets de la déconnexion calleuse sont limités dans la vie courante.

Une des explications en revient à la capacité de chaque hémisphère d’utiliser tous les indices possibles pour identifier les stimulus, y compris ceux produits par l’hémisphère opposé.

Ainsi, les agissements de l’hémisphère droit, s’ils sont perçus par l’hémisphère gauche, permettent à ce dernier de déduire la nature d’un stimulus auquel il n’a pas directement accès.

De plus, il mettra davantage en jeu les afférences sensorielles à projection bilatérale : voies extralemniscales, afférences kinesthésiques et somesthésiques des régions proximales des membres.

Syndromes de déconnexion calleuse :

A – SYNDROME AIGU DE DÉCONNEXION INTERHÉMISPHÉRIQUE :

Un certain nombre de troubles sont observés dans les premiers jours ou semaines qui suivent une callosotomie complète et surtout une commissurotomie multiple.

Ils disparaissent ensuite plus ou moins rapidement : certains sont dus à une souffrance opératoire des structures de voisinage, mais d’autres semblent bien liés à la section commissurale elle-même.

Un mutisme transitoire est fréquent lorsque la section atteint la partie antérieure du corps calleux.

Il s’accompagne d’une indifférence aux stimulations externes.

Les patients peuvent comprendre les consignes et écrire.

Sa régression est complète dans le mois suivant l’intervention.

Il pourrait être dû à des lésions touchant les structures avoisinantes ou les voies calleuses les connectant.

Une hémiapraxie unilatérale gauche en réponse aux ordres verbaux, une sousutilisation de la main gauche ou un comportement plus ou moins indépendant de celle-ci (alien hand) peuvent également être présents.

Des manifestations proches sont observées lors de déconnexions aiguës non chirurgicales, comme au cours d’une maladie de Marchiafava-Bignami ou d’un infarctus calleux.

B – SYNDROME CHRONIQUE DE DÉCONNEXION INTERHÉMISPHÉRIQUE :

On s’accorde à reconnaître que, passé la période postopératoire de 6 mois à 1 an, les patients ayant subi une callosotomie ou une commissurotomie complète paraissent asymptomatiques.

C’est le mérite de Sperry, associé à Gazzaniga dans les années 1960, d’avoir pu mettre en évidence chez les patients épileptiques opérés par Bogen et Vogel à Los Angeles, des signes révélateurs de la dissociation entre les deux hémisphères, grâce à une méthode dérivée des expériences animales et en utilisant certaines techniques spéciales, comme la tachistoscopie et l’écoute dichotique.

Dans ces conditions, s’est dégagé un syndrome de déconnexion interhémisphérique.

La valeur de ce syndrome, discutée en raison de la nature de la maladie affectant les patients des lésions épileptogènes anciennes ayant pu modifier les connexions cérébrales ou la dominance cérébrale pour certaines fonctions a ultérieurement été confirmée par des observations de déconnexion sur des cerveaux supposés normaux, au cours de gestes chirurgicaux ou de pathologies vasculaires, traumatiques, etc.

C’est pourquoi, dans la description du syndrome de déconnexion, nous utiliserons les données obtenues à la fois chez les patients callosotomisés et chez ceux ayant subi des lésions spontanées du corps calleux.

Chez les patients droitiers, un fait majeur est apparu : seul l’hémisphère gauche est capable de s’exprimer oralement ou par écrit, ce qui rend compte des anomies (sensitive, visuelle et auditive gauches, olfactive droite) et de l’agraphie de la main gauche.

L’hémisphère droit, qui ne peut s’exprimer de façon linguistique, reste capable de reconnaître ce qui lui a été présenté, de le retenir, de l’utiliser et de le comparer dans plusieurs modalités sensorielles ; il peut même manifester des capacités conceptuelles et de compréhension verbale remarquables.

1- Perturbations du transfert interhémisphérique d’informations sensorielles :

Ne mettant pas en jeu de compétences liées à une dominance hémisphérique, ces troubles concernent l’un et l’autre côté du corps ou de l’espace.

Échanges somesthésiques : le patient ayant une commissurotomie ou une lésion calleuse est incapable, à l’aveugle, de pointer d’une main l’endroit de l’hémicorps contralatéral qui vient d’être touché par l’examinateur, au moins s’il est situé sur la portion distale des extrémités, dont la représentation corticale est unilatérale (les régions proximales, les épaules par exemple, ont en effet une représentation bilatérale).

Il ne peut pas davantage indiquer, par opposition du pouce et des doigts, le doigt homologue à celui qui vient d’être touché sur la main opposée, alors que la désignation ipsilatérale selon la même modalité est préservée.

Il ne peut retrouver parmi d’autres avec une main un objet usuel qu’il vient de palper avec l’autre main, alors que la main qui a palpé l’objet peut le faire sans problème.

Récemment, Badan et Caramazza ont constaté que la reconnaissance tactile d’objets bi- ou tridimensionnels comme des lettres, des chiffres en reliefs, des formes géométriques, était imparfaite avec la main droite chez deux patients ayant une lésion calleuse, alors que des objets d’usage quotidien ne posaient pas de problème : pour certains stimulus, la reconnaissance haptique ferait donc intervenir les deux hémisphères.

Enfin, le patient est incapable de reproduire à l’aveugle avec un membre une position imprimée passivement au membre opposé.

Échanges visuels : après destruction calleuse, les cortex visuels ne peuvent plus se communiquer d’informations : une image projetée dans le champ visuel gauche, si elle est bien reconnue parmi d’autres présentées successivement dans le même champ, ne l’est plus lorsque les images sont présentées à droite.

Les patients ne sont plus capables de dire si deux formes projetées l’une à droite et l’autre à gauche sont identiques ou non.

Les champs visuels droit et gauche se joignent exactement sur la ligne médiane sans que l’on ait pu mettre en évidence le moindre recouvrement jusqu’à 1° de chaque côté du point de fixation.

Au contraire de la reconnaissance croisée des formes des objets qui nécessite un transfert calleux, d’autres caractéristiques du stimulus visuel, comme sa localisation, son mouvement, son orientation, peuvent être transférées à l’hémisphère contralatéral sans l’intervention du corps calleux ; elles font donc intervenir des communications sous-corticales, comme la communication intercolliculaire.

2- Perturbations de la dénomination :

L’expression verbale étant assurée exclusivement par l’hémisphère gauche, les difficultés seront nécessairement latéralisées : elles n’apparaissent que lorsque le stimulus, sous quelque forme qu’il soit, est présenté à l’hémisphère droit.

Le tableau clinique peut ainsi réaliser une pseudoastéréognosie ou une pseudohémianopsie.

* Anomie tactile gauche (pseudoastéréognosie gauche) :

Le patient peut décrire et nommer normalement les objets qu’il palpe sans les voir de la main droite, alors qu’il en est incapable si la palpation se fait de la main gauche.

Le trouble ne résulte pas d’un défaut de manipulation tactile, qui reste précise et adaptée, ni d’une astéréognosie.

On peut en effet démontrer que la perception est normale, puisque le patient peut reconnaître l’objet parmi d’autres qu’on lui donne à palper de sa main gauche ou à voir, ou parvient même à le dessiner de sa main gauche.

L’explication de ce fait tient à la déconnexion entre les systèmes perceptifs et sémantiques de l’hémisphère droit et les systèmes lexicaux et sémantiques de l’hémisphère gauche.

L’hémisphère droit perçoit normalement l’objet et lui attribue une signification, sans pouvoir le nommer.

L’hémisphère gauche, privé d’informations, fournit une dénomination erronée, souvent influencée par un mot entendu ou prononcé, ou par un objet vu antérieurement.

De façon surprenante, la dénomination erronée n’empêche pas le patient d’utiliser normalement l’objet de la main gauche : tel patient palpant une cuillère de la main gauche, prétend qu’il s’agit d’une épingle et pourtant, lorsqu’on lui demande de s’en servir, l’utilise d’une façon adaptée.

Certaines caractéristiques du stimulus peuvent être appréciées normalement, comme les informations relatives à la température de l’objet (le froid d’un objet métallique), à des indices nociceptifs (la pointe d’un couteau).

Les voies spinothalamiques ont, en effet, des projections bilatérales.

À partir de ces quelques indices, le patient s’efforce de retrouver le nom de l’objet qu’il palpe (indiçage croisé).

Les difficultés de dénomination concernent aussi d’autres stimulus, comme des lettres palpées de la main gauche ou tracées sur la peau de l’hémicorps gauche, notamment sur la paume de la main (agraphesthésie).

Les lettres dessinées sur l’épaule peuvent cependant être dénommées, témoignant de la bilatéralité des projections somesthésiques.

La possibilité de dénomination des points de l’hémicorps gauche touchés par l’examinateur varie aussi selon la bilatéralité de leur représentation hémisphérique.

Excellente pour l’extrémité céphalique, elle est impossible pour l’extrémité distale des membres et meilleure pour leur portion proximale.

+ Dénomination en condition dichaptique :

Lorsque chaque main palpe simultanément un objet différent, le patient dénomme l’objet tenu par la main droite, mais prétend ne rien avoir dans la main gauche, qui pourtant manipule l’objet de façon fine et adaptée.

Tout se passe comme si les afférences contralatérales à destination de l’hémisphère gauche inhibaient les quelques afférences ipsilatérales (extralemniscales) qui l’informaient de la présence d’un objet dans la main gauche et lui permettaient de rendre compte verbalement de cette présence.

La dénomination par l’hémisphère gauche peut perturber la reconnaissance tactile par la main gauche ; on peut voir celle-ci hésiter entre l’objet qu’elle avait palpé et que l’hémisphère droit avait perçu, et celui que l’hémisphère gauche avait dénommé et que l’hémisphère droit avait donc entendu.

* Anomie visuelle gauche (pseudohémianopsie homonyme gauche) :

L’exploration indépendante des voies visuelles propres à chaque hémisphère nécessite un artifice technique, la tachistoscopie.

Les images projetées dans l’hémichamp visuel droit/hémisphère gauche sont normalement dénommées, alors que celles projetées dans l’hémichamp gauche/hémisphère droit ne peuvent l’être.

Dans ce dernier cas, le patient affirme n’avoir rien vu, ou seulement un éclair lumineux sur sa gauche.

Lorsqu’une réponse verbale n’est pas exigée, il est aisé de démontrer que le stimulus a néanmoins été reconnu : le patient peut reconnaître l’objet présenté parmi d’autres, peut le dessiner de sa main gauche ou le retrouver parmi d’autres avec sa main gauche (mais non avec sa main droite) et peut effectuer une catégorisation sémantique avec la main gauche.

La projection simultanée d’images différentes dans chaque hémichamp ne donne lieu à une dénomination que pour l’image perçue dans le champ droit par l’hémisphère gauche.

En revanche, la main gauche peut choisir l’objet perçu par l’hémisphère droit : le patient, alors, s’étonne du choix de sa main gauche et le rationalise.

Si on projette en condition tachistoscopique une patte de poulet dans le champ droit et une porte obstruée par la neige à gauche, et qu’on demande ensuite au patient de choisir entre une image de poulet et une image de pelle, la main droite sélectionnera le poulet et la main gauche la pelle.

S’étonnant du choix de sa main gauche, le patient explique : « La patte était celle d’un poulet et il faut une pelle pour nettoyer le poulailler. »

Ailleurs, le mot « voiture » étant projeté à droite et le mot « pipe » à gauche, le patient ramasse de sa main droite un modèle réduit de voiture et de sa main gauche une pipe, et explique le choix de cette dernière : « J’ai vu “voiture” et les voitures ont un pot (pipe en anglais) d’échappement, alors j’ai pris la pipe. »

Ces comportements guidés par l’hémisphère droit, qui restent implicites, ont jeté une lumière nouvelle sur les mécanismes sous-tendant l’inconscient et souligné l’importance du langage dans la prise de conscience non seulement des stimulations provenant du monde extérieur, mais aussi de certains états internes.

* Alexie gauche :

Elle représente un cas particulier d’anomie visuelle gauche, tirant son intérêt du fait que l’hémisphère droit possède des capacités de lecture.

Les callosotomisés lisent sans erreur les mots qui sont présentés en condition tachistoscopique dans leur hémichamp visuel droit.

Lorsque les mots sont projetés à gauche, les patients affirment ne rien avoir vu (hémialexie gauche) et sont incapables de réécrire ces mots de la main gauche.

On peut néanmoins démontrer que l’hémisphère droit a lu le mot, puisqu’il fait choisir à la main gauche, parmi plusieurs, l’objet correspondant au mot, alors que le patient a l’impression d’effectuer un choix au hasard.

Il peut également effectuer, de sa main gauche, une catégorisation lexicale ou sémantique des mots proposés.

Lors d’une destruction de la partie postérieure du corps calleux, les mots projetés dans le champ visuel gauche peuvent aboutir à des paralexies sémantiques, comportement identique à celui observé au cours des dyslexies profondes : larme est lu « triste », olive « artichaut ».

La lecture passe alors volontiers par le truchement d’une image visuelle.

L’explication de ces paralexies serait que l’hémisphère droit saisit le sens des mots présentés, mais ne pouvant fournir d’informations portant sur la forme phonologique de ces mots à l’hémisphère gauche pour qu’ils puissent être prononcés, lui transmet par la portion antérieure, intacte, du corps calleux, des informations de nature sémantique.

Celles-ci occasionnent alors des paralexies sémantiques, car les données signifiantes générées par l’hémisphère droit sont préférentiellement associatives, contextuelles et visuelles, source de glissements sémantiques.

Ces compétences sémantiques hémisphériques droites sont volontiers inhibées par l’hémisphère gauche encore connecté au droit par la portion antérieure du corps calleux.

L’activation préférentielle de l’hémisphère droit peut alors être obtenue en utilisant soit une tâche préalable visuospatiale engageant l’attention de l’hémisphère droit, soit une tâche concomitante de mémorisation verbale, saturant l’hémisphère gauche et l’empêchant d’interférer avec le fonctionnement hémisphérique droit.

Dans ces deux conditions, les épreuves de classement sémantique de mots projetés dans le champ visuel gauche sont réussies.

L’alexie pure, ou alexie sans agraphie, peut être considérée comme une variante spontanée de l’hémialexie gauche des callosotomisés.

À la différence de cette dernière, elle se manifeste dans la vie quotidienne des patients.

Décrite par Dejerine en 1891 et 1892, elle consiste en une impossibilité de lire les mots globalement.

Les patients atteints doivent alors utiliser une stratégie de lecture lettre par lettre, laborieuse et lente, qui ne peut s’appliquer qu’à des mots courts, dont la reconnaissance demande plusieurs secondes et est directement proportionnelle à la longueur littérale.

Ce syndrome survient lors des infarctus dans le territoire de l’artère cérébrale postérieure gauche.

Dejerine avait attribué l’alexie aux lésions de la substance blanche du lobe occipital gauche qui réalisaient une déconnexion entre les centres visuels de chaque hémisphère et le centre visuoverbal de l’hémisphère gauche, le gyrus angulaire.

L’hypothèse déconnective a été reprise par Foix et Hillemand, et Geschwind et Fusillo, qui ont insisté sur l’importance de la lésion spléniale associée à la destruction calcarine gauche.

Actuellement, l’interprétation de l’alexie pure en termes de déconnexion interhémisphérique demeure la plus documentée.

La lésion calcarine entraînant une hémianopsie latérale droite ne permet aux mots que d’être perçus par l’hémisphère droit.

Or, la lésion spléniale (ou paraspléniale) interdit le transfert d’informations concernant les mots vus par l’hémisphère droit vers l’hémisphère gauche pour y être lus et interprétés.

Les patients sont donc obligés de recourir à des voies interhémisphériques épargnées, par exemple proprioceptives, qui n’autorisent que le transfert limité d’informations, lettre après lettre.

On explique ainsi le comportement de certains patients qui ont recours au surtraçage des lettres avec le doigt ou effectuent de petits mouvements de reproduction des lettres avec les doigts, ou même la tête, durant les tentatives de lecture.

L’étude des callosotomisés, en déterminant les compétences linguistiques de l’hémisphère droit, a permis en outre d’expliquer certains phénomènes observés chez les alexiques purs par lésion vasculaire.

Ces patients peuvent ainsi différencier les mots des non-mots, alors qu’ils n’ont pu en lire aucun et qu’ils affirment réaliser le classement au hasard.

Ils peuvent également catégoriser les mots en fonction de leur classe sémantique.

Enfin, ils peuvent repérer, dans une liste de mots lus par l’examinateur, celui qui vient de leur être présenté et qu’ils n’ont pu lire à haute voix.

Ces manifestations de lecture implicite reflètent le fonctionnement hémisphérique droit : la stimulation magnétique transcrânienne appliquée à droite les abolit, alors qu’à gauche elle ne modifie rien.

Coslett et al, enfin, ont également démontré que selon la consigne, on pouvait engager les patients soit à une lecture lettre par lettre, impliquant le système phonologique de l’hémisphère gauche, soit à une lecture implicite globale hémisphérique droite.

Avec des temps de présentation brefs (249 millisecondes), si on demande aux patients d’essayer de lire des mots à haute voix, seules les premières lettres sont perçues et les tentatives de classement lexical (mots versus non-mots) et sémantiques aboutissent à un échec ; en revanche, si on leur donne la consigne de les lire « globalement », aucune lettre n’est indiquée, mais les épreuves de décision lexicale et sémantique sont réussies.

Le mécanisme de déconnexion interhémisphérique n’est cependant pas le seul à expliquer l’alexie pure.

Une destruction des structures associatives temporo-occipitales gauches, à elle seule, ne permet plus à l’hémisphère gauche de réaliser une synthèse de la forme visuelle des mots.

Ainsi, des alexies pures ont été décrites sans lésion calcarine (pas d’hémianopsie), ni de lésion spléniale, ce qui les apparente alors à des variétés d’agnosie visuelle spécifiques aux mots.

Signalons enfin que le premier patient de Dejerine n’avait pas d’hémianopsie mais une hémiachromatopsie.

La préservation des fibres calleuses dans ces cas rend possible une transmission interhémisphérique de bonne qualité, et une lecture lettre par lettre rapide et efficace.

* Anomie auditive gauche :

Compte tenu de la bilatéralité des projections corticales des voies auditives, l’activation d’un seul hémisphère nécessite un autre artifice technique, l’écoute dichotique.

Chez les patients callosotomisés, la répétition des items (syllabes, mots, non-mots, chiffres) présentés à chaque oreille séparément est normale.

En revanche, en situation d’écoute dichotique, si la répétition des items présentés à l’oreille droite/hémisphère gauche est normale, celle des items présentés à l’oreille gauche/hémisphère droit est impossible : on observe une extinction totale de l’oreille gauche.

Les patients affirment ne rien avoir entendu, mais contrairement à l’hémianacousie, qui correspond à une destruction de l’aire auditive primaire, on peut démontrer que l’hémisphère droit a perçu le message auditif sans que le patient en ait eu conscience : il peut en effet le reconnaître, l’associer avec l’objet correspondant palpé de la main gauche, ou avec l’image projetée dans le champ visuel gauche.

L’extinction gauche correspond en réalité à l’impossibilité, pour l’hémisphère droit, de verbaliser le message perçu et, du fait de la callosotomie, de le transmettre aux systèmes langagiers de l’hémisphère gauche.

* Anomie olfactive droite :

Compte tenu de l’absence de décussation des afférences olfactives, ce sont les odeurs présentées à la narine droite (hémisphère droit) qui ne sont pas dénommées, alors que celles présentées à la narine gauche (hémisphère gauche) le sont normalement.

Il ne s’agit pas d’une anosmie droite : bien que le patient déclare le stimulus inodore, on peut le voir grimacer lorsqu’il s’agit d’odeurs déplaisantes et il est capable d’apparier une odeur, par palpation aveugle, à l’objet correspondant.

Quoique certaines fibres réunissant les aires cingulaires 24 et 25 impliquées dans l’analyse olfactive transitent par la face dorsale du tronc du corps calleux, les voies interhémisphériques unissant les principales aires olfactives passent par la commissure antérieure.

L’anomie olfactive n’est donc observée que chez les patients dont cette commissure a été sectionnée.

* Alexithymie :

L’alexithymie (du grec lexis : mots, et thymos : sentiment) est l’impossibilité de verbaliser des sentiments.

Ce terme, créé dans les années 1960 par Sifneos et Nemiah, était initialement appliqué aux pathologies psychiatriques.

Chez le commissurotomisé, Sperry et al avaient constaté que la présentation à l’hémisphère droit de stimulus chargés émotionnellement déclenchait une réaction affective, sans que le patient puisse décrire l’émotion ressentie, ainsi que des réponses psychobiologiques comme une accélération du rythme cardiaque.

L’alexithymie du commissurotomisé n’est pas une absence de sentiment, le patient éprouvant une impression assez mal définie d’événement affectif.

Une patiente callosotomisée chez qui on projeta dans l’hémichamp gauche l’image d’une femme nue, tout en prétendant ne rien avoir vu, rit, rougit, se cacha le visage dans les mains, en imputant son trouble aux drôles de machines utilisées par les expérimentateurs.

On interprète l’alexithymie comme le résultat de la déconnexion entre l’hémisphère droit, qui dispose d’une supériorité dans la perception des propriétés émotionnelles d’un stimulus, et l’hémisphère gauche, qui en permet une description verbale.

Le ressenti du sujet est expliqué par la diffusion de l’« aura affective », propriété implicitement attachée au stimulus, du système limbique droit au gauche par l’intermédiaire des connexions sous-corticales préservées.

L’alexithymie ne concerne pas seulement la verbalisation des émotions ressenties par les commissurotomisés, mais aussi celle des émotions figurées par autrui.

Mais dans ce dernier cas, les performances ne sont pas aussi effondrées qu’on pourrait l’attendre en cas de spécificité hémisphérique totale.

D’une part, pour les stimulus particuliers représentés par les faces, l’hémisphère gauche dispose de structures susceptibles d’évaluer les émotions, au niveau préfrontal ventral et cingulaire, et, d’autre part, il peut « déduire » la nature du stimulus causal à partir de la réaction émotionnelle générée par l’hémisphère droit.

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