Syndromes de déconnexion interhémisphérique (Suite)

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Première partie

3- Agraphie de la main gauche :

De même que le langage articulé, l’écriture ne peut être assurée par l’hémisphère droit, ou seulement de façon rudimentaire, dans toutes les conditions d’écriture : spontanée, dictée, copiée.

Syndromes de déconnexion interhémisphérique (Suite)Le patient essaie généralement de produire des lettres « bâtons ».

L’agraphie gauche comporte, de façon associée ou non, des éléments apraxiques avec des lettres mal dessinées, gribouillées, et des éléments aphasiques, sous la forme de paragraphies dysorthographiques qui apparaissent aussi lorsque le patient utilise des lettres mobiles ou tape à la machine.

La seule production identifiable réalisée par la main gauche se résume parfois au propre nom du patient.

L’écriture est meilleure lorsqu’elle s’effectue sur un plan vertical.

Cette amélioration est probablement attribuable à la mise en jeu des muscles proximaux du membre supérieur gauche, dont le contrôle s’effectue par l’hémisphère gauche, comme cela a été démontré au cours d’une agraphie « apraxique » unilatérale gauche, les conditions d’écriture avec la partie proximale et la partie distale des membres ayant été rigoureusement contrôlées.

Watson et Heilman ont proposé l’existence de deux systèmes hémisphériques gauches contrôlant la production graphique ; l’un « verbomoteur » maîtrisant la nature linguistique du message écrit, l’autre « graphomoteur » ordonnant la réalisation graphique, dans sa dimension spatiotemporelle.

L’émergence de capacités d’écriture latentes de l’hémisphère droit se manifeste parfois par une régression rapide de l’agraphie gauche après la section calleuse.

Chez un patient gaucher ayant une latéralisation inhabituelle des fonctions linguistiques, Baynes et al ont observé une agraphie de la main gauche avec une anomie et une alexie droites après callosotomie totale, démontrant que les systèmes gouvernant l’écriture (ici strictement localisés dans l’hémisphère droit) peuvent être dissociés de ceux organisant le langage oral (hémisphériques gauches dans le cas présent).

L’agraphie gauche est totalement indépendante de l’apraxie unilatérale gauche.

Chacune a pu être décrite isolément en cas de lésion partielle.

En outre, on a pu décrire, chez des patients ayant une latéralisation inhabituelle des fonctions cérébrales, une agraphie de la main droite et une apraxie de la main gauche.

Les lésions entraînant une agraphie paraissent siéger plus en arrière dans le tronc du corps calleux que celles responsables d’une apraxie gestuelle.

4- Perturbations des activités gestuelles :

* Troubles de la coordination bimanuelle :

L’une des manifestations les plus évidentes du syndrome de déconnexion interhémisphérique est la difficulté de réalisation de gestes engageant simultanément les deux mains.

Dans la vie quotidienne, le patient ne peut nouer aisément ses lacets ou sa cravate, faire un paquet, particulièrement lorsque ces gestes s’effectuent en dehors du contrôle visuel.

Cliniquement, les mouvements en alternance rapide des deux mains sont sévèrement perturbés, par exemple frapper un support successivement avec l’une et l’autre main.

En revanche, les mêmes gestes synchronisés en phase ne sont pas affectés.

Les lésions responsables détruisent la moitié antérieure du corps calleux.

Il est vraisemblable qu’elles affectent les fibres unissant les deux aires motrices supplémentaires (AMS) entre elles et à l’aire motrice primaire contralatérale.

Ces fibres calleuses inhiberaient normalement la tendance de chaque système moteur à reproduire en miroir les mouvements programmés par l’AMS opposée.

Le fait est que les gestes en miroir, au cours de mouvements alternatifs rapides des membres supérieurs, sont fréquents chez les jeunes enfants dont le corps calleux est encore incomplètement myélinisé, ou chez les enfants acalleux.

Les troubles de la coordination des deux mains sont durables chez les patients ayant une lésion calleuse et peuvent être constatés indépendamment d’une apraxie unilatérale gauche et d’une apraxie diagonistique.

Une perturbation plus subtile de la coordination bimanuelle est constituée par l’activation immédiate de la main gauche dans des gestes impliquant les deux mains : elle peut ainsi verser de l’eau d’une carafe alors que la main droite n’a pas encore approché le verre.

Ce type de comportement anticipé pourrait être une réponse instantanée de l’hémisphère droit au contexte et à l’environnement, sans prise en compte de la situation conceptuelle, proche en cela d’un comportement d’utilisation.

* Apraxie unilatérale gauche :

L’apraxie unilatérale a été rapportée par Liepmann en 1900, dans la description princeps de l’apraxie chez le célèbre conseiller impérial ; elle était toutefois droite, le patient étant ambidextre.

Elle n’en fut pas moins attribuée à la destruction de la portion antérieure du corps calleux, secondaire à un ramollissement dans le territoire de l’artère cérébrale antérieure.

C’est en 1907, avec l’observation du cas Ochs, que l’apraxie unilatérale gauche se trouva définie, attribuée à une lésion calleuse, et que la dominance hémisphérique gauche pour les gestes fut suggérée.

L’apraxie unilatérale gauche a ensuite été rapportée comme complication précoce, transitoire ou non, de la commissurotomie.

L’apraxie unilatérale des lésions calleuses prend le plus souvent l’aspect d’une apraxie idéomotrice.

Les gestes symboliques ou de pantomime ont au maximum un caractère amorphe et sont mal dirigés.

Les patients font, par exemple, des mouvements de flexion/extension des doigts lorsqu’on leur demande de mimer l’utilisation d’un peigne.

Ailleurs, le geste est mieux ébauché mais n’aboutit pas ou comporte des erreurs.

Le pointage sur autrui peut échouer.

L’utilisation d’objets réels est inconstamment perturbée. Le membre inférieur gauche n’est pas épargné : les tentatives pour produire des cercles avec le pied sont défectueuses.

Une dissociation automaticovolontaire est généralement observée au cours de l’apraxie idéomotrice unilatérale gauche : hors la situation d’examen, les patients utilisent normalement les objets et exécutent sans erreur les gestes de leur main gauche.

L’effet variable de l’imitation a fait proposer deux mécanismes à l’origine de l’apraxie unilatérale gauche.

L’absence d’amélioration des gestes en imitation a été attribuée à une déconnexion entre la région pariétale gauche dominante pour le geste intentionnel, où sont supposées reposer les informations visuokinesthésiques (visuo-kinesthetic motor engrams de Heilmann ), et les régions sensorimotrices droites nécessaires à la réalisation des mouvements par la main gauche.

Au contraire, l’amélioration des performances en imitation suggère un mécanisme de déconnexion verbomotrice entre les aires du langage gauches et les aires prémotrices droites.

Les hypothèses proposées dans l’un et l’autre cas n’ont pas encore, à ce jour, reçu de confirmation formelle.

Les lésions entraînant une apraxie unilatérale gauche se situent habituellement dans la moitié antérieure du corps calleux, mais certains cas résultent d’une lésion plus en arrière dans le tronc. L’unilatéralité de l’apraxie calleuse doit être nuancée.

En condition de test, les performances de la main gauche sont certes altérées lorsqu’il s’agit d’effectuer des mimes d’utilisation d’objets ou des gestes symboliques.

Cependant, un examen attentif montre qu’en condition « naturelle », c’est-à-dire lorsque le sujet doit se servir effectivement des objets, la qualité des gestes est modifiée. Dans un cas de lésion spléniale traumatique, l’examen du patient montrait une apraxie gauche améliorée par l’imitation.

Lorsque les gestes étaient étudiés en situation écologique (le patient beurrait une tartine, se préparait un sandwich ou une tasse de café, préparait puis affranchissait une enveloppe, dans différentes conditions, y compris alors qu’on lui demandait explicitement d’effectuer une tâche différente), des erreurs de réalisation gestuelle apparaissaient pour la main droite, plus fréquemment qu’avec la main gauche : mauvaise direction du geste, anomalies dans la disposition des différents objets les uns par rapport aux autres, erreurs dans l’ordre des séquences gestuelles.

Si l’hémisphère gauche possède une dominance naturelle dans la réalisation des gestes volontaires requis sur commande (de l’examinateur) et indépendants du contexte, les gestes routiniers nécessitent une coopération entre les deux hémisphères, et particulièrement l’intervention des dispositifs hémisphériques droits impliqués dans la planification des séquences, la disposition spatiale de différents objets, qui sont mis en jeu lorsque le contexte à lui seul détermine l’action.

Il arrive, surtout au cours des maladies de Marchiafava-Bignami, que l’on observe une absence totale de réponse du membre supérieur gauche aux consignes orales ou à la volonté du patient.

À la place, ce dernier utilise alors son membre droit.

Dans cette situation, tout se passe comme si l’hémisphère droit, privé du soutien de l’hémisphère gauche, n’était pas informé du propos délibéré du patient, ou ne comprenait pas la consigne et se comportait en aphasique.

Des lésions antérieures du corps calleux peuvent enfin occasionner des apraxies mélocinétique et dynamique unilatérales gauches pour lesquelles une déconnexion entre les aires prémotrices a été suggérée.

* Imitation de séquences gestuelles :

Milner et Kolb ont étudié la capacité de patients commissurotomisés à imiter des séquences gestuelles complexes de mouvements des membres ou de la face, selon une technique qui donne lieu à une proportion d’erreurs significativement élevée dans les lésions pariétales gauches et frontales : la callosotomie complète ou des deux tiers antérieurs avec section de la commissure antérieure, perturbe la reproduction de ces deux types de mouvements de façon bilatérale, encore plus sévèrement que les lésions corticales.

Ce phénomène suggère que pour ces mouvements la coopération entre les deux hémisphères est nécessaire.

* Syndrome de la « main étrangère » et apraxie diagonistique :

Le phénomène de la « main étrangère » a été décrit par Brion et Jedynak de la manière suivante : lorsque l’on fait saisir à un patient callosotomisé sa main droite par sa main gauche en l’absence de contrôle visuel, il ne peut dénommer ce qu’il tient.

Dans la situation inverse, la main gauche étant tenue par la main droite, le patient reconnaît qu’il s’agit d’une main mais nie qu’elle lui appartient.

Ce phénomène ne se produit pas sous contrôle de la vue.

Le fait que le patient puisse finalement admettre que la main gauche lui appartient en tirant vigoureusement sur le membre serait dû à la mise en jeu d’afférences sensorielles proximales (épaule) se projetant bilatéralement sur les deux hémisphères.

Le phénomène de la « main étrangère », tel qu’il est ainsi décrit, n’est donc pas un phénomène moteur.

Toutefois, les auteurs anglo-saxons, à la suite de Bogen, utilisent ce terme (alien hand) pour désigner des comportements d’apraxie diagonistique mais aussi de « main capricieuse ».

L’apraxie diagonistique (étymologiquement : « deux agonistes ») se manifeste par un comportement aberrant d’une main, généralement la gauche, qui semble agir de façon indépendante de la volonté du patient.

La paternité du terme de « diagonistic apraxia » revient à Akelaitis (1945) qui avait observé des comportements conflictuels des deux mains chez deux callosotomisés : une patiente tentait d’ouvrir une porte avec la main droite, tandis que sa main gauche s’efforçait de la refermer ; un jeune homme, à la boulangerie, voyait sa main droite se saisir du pain et sa main gauche le reposer sur le comptoir plusieurs fois de suite.

Ces phénomènes ont été décrits par de nombreux auteurs.

Dans l’immense majorité des cas, la main droite obéit au sujet, mais la main gauche semble douée d’une volonté propre, qui paraît opposée à celle du patient, ce qui lui confère un caractère « diabolique ».

La gamme des activités anormales de la main gauche est variée : elle peut venir abaisser le pantalon que la main droite remonte, déboutonner le vêtement que la main droite vient de boutonner, manipuler les boutons d’une télécommande que la main droite vient d’actionner, etc.

Les patients ne peuvent empêcher, par leur volonté, l’activité anormale de leur côté gauche, qu’ils ont tendance à considérer comme étranger à leur corps et gouverné par une personnalité différente, ce qui peut les amener de leur main droite à repousser la gauche ou à la battre.

L’apraxie diagonistique peut concerner le membre inférieur gauche, qui « refuse » d’avancer, s’arrête brutalement, se porte dans une direction opposée à celle du membre inférieur droit, provoquant des chutes.

L’hémicorps gauche dans son ensemble peut enfin se trouver engagé dans un comportement s’opposant à celui de l’hémicorps droit, au passage d’une porte, par exemple.

Ce comportement antagoniste caractéristique des lésions calleuses doit être différencié des activités résultant d’une lésion prémotrice ou préfrontale droite, où le geste de la main droite est contrarié par des phénomènes d’agrippement, de préhension, de manipulation des objets ou du corps de la part de la main gauche, ce qui a été qualifié de frontal alien hand, d’apraxie d’aimantation par Denny Brown, ou de « main capricieuse ».

À côté de ces manifestations, on a pu observer d’autres variétés de comportements de la main gauche, ne possédant pas le caractère antagoniste, mais restant dans le domaine involontaire et interférant avec le mouvement normal : elle peut effectuer un geste que le sujet prévoyait de faire avec sa main droite, ou bien réaliser un acte en même temps que la main droite.

Là encore, il s’agit probablement de réponses automatiques dictées par la situation concrète davantage que par la volonté du sujet.

L’apraxie diagonistique est indépendante de la présence d’une apraxie de la main gauche.

Généralement, elle est constatée lors de la période aiguë d’une déconnexion calleuse et tend ensuite à disparaître.

Même lorsqu’elle est présente, elle n’apparaît qu’accidentellement chez les patients, la plupart des gestes quotidiens étant réalisés normalement.

Les lésions calleuses responsables de l’apraxie diagonistique siègent dans la partie postérieure du tronc du corps calleux, plutôt ventralement, ainsi que dans le splénium, et pourraient interrompre les connexions entre les deux lobules pariétaux supérieurs qui interviennent dans la sélection des activités volontaires et à la préparation motrice.

De la sorte, le fait d’activer la main droite, ou simplement d’en avoir l’intention, ne provoquerait plus le processus normal d’inhibition des mouvements non appropriés de la main gauche ; le lobe pariétal droit, sous l’influence d’une motivation inconsciente du sujet, déclencherait des mouvements conflictuels.

Pour d’autres auteurs, c’est une interruption des fibres unissant l’AMS droite à l’AMS gauche et au cortex prémoteur qui serait responsable de ce symptôme, par un mécanisme voisin de celui déclenchant des mouvements en « miroir » ; l’AMS privée des influences inhibitrices transcalleuses de son homologue gauche déclencherait des mouvements inappropriés, selon des motivations totalement implicites.

L’association d’une apraxie diagonistique et de mouvements en « miroir » de la main droite vient à l’appui de cette dernière hypothèse.

L’observation minutieuse du comportement des deux mains au cours des activités quotidiennes d’un patient atteint de maladie de Marchiafava-Bignami a fait proposer une interprétation différente à l’apraxie diagonistique.

Dans la vie courante, au cours du repas par exemple, la main gauche se livrait à une activité certes adaptée à la situation concrète mais éventuellement dissociée du propos du sujet, le temps que ce propos devienne concrètement évident grâce à l’action de la main droite ; inversement, dans l’épreuve des cubes de Kohs, où l’hémisphère droit intervient préférentiellement, c’est la main droite qui venait mettre le désordre dans les réalisations de la main gauche.

Ce patient rapportait aussi que lorsqu’il conduisait son automobile, situation mettant en jeu les aptitudes visuospatiales, sa main droite devenait alors dangereuse et devait être « domptée ».

Tout se passait donc comme si la réalisation gestuelle était guidée pour chaque type de tâche par l’hémisphère compétent qui contrôlait la main contralatérale, mais non la main ipsilatérale du fait de la déconnexion calleuse.

L’apraxie diagonistique résulterait donc d’une réponse anormale de l’hémisphère le moins compétent.

L’hémisphère droit répondrait rapidement aux situations concrètes, trop vite eu égard à la situation générale, et la main gauche semblerait alors s’opposer à la main droite ; de son côté, l’hémisphère gauche répondrait parfaitement aux gestes propositionnels, mais pourrait mal diriger les gestes dans une tâche visuospatiale.

Cette interprétation rend compte du fait que l’apraxie diagonistique n’affecte pas uniquement la main gauche.

* Ataxie optique croisée :

Lorsqu’un objet est présenté dans le champ visuel périphérique d’un patient ayant une lésion calleuse, il peut attraper celui-ci de la main ipsilatérale ; en revanche, il en est incapable de la main contralatérale.

* Apraxie constructive droite :

Les commissurotomisés deviennent incapables, de leur main droite, d’effectuer des dessins ou des assemblages de cubes, alors que les performances sont nettement meilleures de la main gauche.

Les difficultés à droite sont constatées dans toutes les conditions, dessin spontané ou copie.

Si le modèle est présenté en tachistoscopie au seul hémisphère gauche, la main droite et la main gauche échouent toutes deux ; si c’est au seul hémisphère droit que le modèle est présenté, la main gauche réussit mieux que la main droite.

Cette dernière améliore pourtant ses performances au fil des mois qui suivent la section des commissures : cette amélioration est à mettre sur le compte soit d’une prise en charge progressive de la motricité de la main droite par l’hémisphère ipsilatéral, soit de l’émergence de compétences visuospatiales hémisphériques gauches.

L’apraxie constructive unilatérale droite reflète la dominance exercée par l’hémisphère droit dans le domaine visuospatial, à la fois dans la perception des informations (compétences visuospatiales proprement dites) et dans la réalisation même de la tâche (compétence « manipulospatiale »).

Toutefois, cette compétence n’est pas absolue.

En effet, il n’est pas rare de constater, chez un patient ayant une lésion du corps calleux, des difficultés touchant les deux mains.

L’apraxie constructive prend alors un aspect différent selon la main concernée, traduisant l’expression isolée des compétences propres à chaque hémisphère.

Le dessin effectué par l’hémisphère gauche/main droite est constitué de détails juxtaposés non insérés dans une forme générale.

Celui de l’hémisphère droit/main gauche comporte les contours généraux, mais néglige les détails.

Des constatations identiques sont faites dans l’exécution de l’écriture : l’écriture de la main gauche est réalisée grossièrement, alors que l’écriture de la main droite est régulière ; les détails des lettres sont bien dessinés, mais il y a une rotation des mots et une disposition de ceux-ci sur la partie droite de la page.

Les lésions occasionnant une apraxie constructive droite siègent à la partie postérieure du tronc du corps calleux : les troubles n’apparaissent pas lorsque la destruction est limitée au splénium ou touche la portion antérieure du tronc.

5- Troubles de la mémoire :

Des troubles de la mémoire ont été rapportés à quelques reprises chez les patients callosotomisés.

Le déficit concerne à la fois la mémoire visuelle et verbale, et touche le rappel mais non la reconnaissance.

Pour certains auteurs, il est secondaire à l’atteinte de fibres calleuses unissant les hippocampes, dont l’importance croît au cours du développement aux dépens de la commissure interhippocampique.

Pour d’autres, les anomalies dépendent plus vraisemblablement d’une section de la commissure interhippocampique souvent associée à celle de la partie postérieure du corps calleux.

Le rôle de la commissure antérieure est également avancé, puisque cette structure réunit aussi les lobes temporaux.

Enfin, pour d’autres encore, la commissurotomie en soi n’affecte pas la mémoire, mais ce sont les lésions associées qui doivent être incriminées : les épileptiques traités par commissurotomie ont fréquemment des foyers hippocampiques ; lors de lésions spontanées du corps calleux, le gyrus cingulaire est souvent lésé.

Pathologies réalisant une déconnexion interhémisphérique :

L’utilisation courante de l’IRM depuis une quinzaine d’années a accru considérablement le répertoire des circonstances pathologiques au cours desquelles le corps calleux est affecté.

A – INFARCTUS DU CORPS CALLEUX :

1- Infarctus du territoire de l’artère cérébrale antérieure :

L’occlusion de l’artère cérébrale antérieure (ACA) ou de l’artère péricalleuse peut entraîner un infarctus du corps calleux dans ses quatre cinquièmes antérieurs ou dans sa totalité.

L’atteinte calleuse est relativement fréquente : 41 cas sur 75 infarctus observés chez 55 patients dans la série autopsique de Castaigne et al, mais compte tenu du réseau vasculaire, il est exceptionnel que la nécrose soit limitée au corps calleux (deux cas seulement dans la même série) ; il existe presque toujours une atteinte associée du cortex interne.

Les cas les plus limités sont vraisemblablement dus à l’oblitération d’une artère perforante principale mais, même dans ce cas, l’infarctus déborde souvent sur le gyrus cingulaire.

Dans ces cas, le bec du corps calleux dépendant des branches diencéphaliques de l’ACA est généralement épargné.

La sémiologie de ces infarctus reflète avant tout le dysfonctionnement préfrontocingulaire, les signes de déconnexion interhémisphérique étant finalement assez rares : aucun cas dans la série de 15 patients de Cambier et Dehen ; deux cas sur 27 patients de l’étude de Lausanne. Même en cas de lésion calleuse objectivée par l’imagerie cérébrale, les symptômes de déconnexion peuvent manquer.

Les manifestations les plus fréquentes de déconnexion sont l’apraxie unilatérale gauche, l’apraxie constructive droite, l’agraphie gauche.

Il peut s’y ajouter des troubles du transfert somesthésique , une pseudohémianacousie gauche, une apraxie diagonistique, ou plus souvent des manifestations de préhension de la main gauche dépendant davantage des dégâts préfrontaux et cingulaires que de la lésion calleuse elle-même.

2- Infarctus du territoire de l’artère cérébrale postérieure :

La destruction du splénium du corps calleux au cours des infarctus de ce territoire est relativement rare : sept cas sur 39 dans la série autopsique de Escourolle et al.

Son atteinte isolée est tout à fait exceptionnelle.

Dans l’étude anatomoclinique de Degos et al, l’infarctus touchait le splénium, mais aussi la partie postérieure du tronc du corps calleux.

Une dégénérescence secondaire à l’infarctus splénial détruisait les fibres de la substance blanche unissant les lobes occipitaux et les lobules pariétaux supérieurs, et entraînait une discrète perte neuronale dans la couche III du cortex.

Les symptômes cliniques de déconnexion comportaient une anomie tactile et visuelle gauche, une agraphie de la main gauche, une apraxie unilatérale gauche limitée aux gestes décrits de façon analytique, une apraxie diagonistique.

Dans un autre cas, un infarctus quasiment limité au splénium et à la partie postérieure du tronc du corps calleux a été mis en évidence par IRM ; la seule lésion associée touchait le cortex calcarin gauche entraînant une quadranopsie latérale homonyme droite.

La patiente avait une ataxie optique croisée bilatérale, une extinction gauche totale en écoute dichotique, une anomie et une alexie visuelles gauches, une anomie tactile gauche, des troubles du transfert somesthésique ; enfin, un certain degré d’agraphie et d’apraxie de la main gauche.

Le plus souvent cependant, les infarctus détruisent non seulement le splénium du corps calleux ou la région latérospléniale où convergent les fibres calleuses, mais également une portion variable de cortex occipital et temporal interne.

Lorsqu’un tel infarctus siège à gauche, la sémiologie dysconnective consiste alors en une alexie pure, telle qu’elle a été décrite plus haut, en association avec une hémianopsie latérale homonyme droite.

L’interprétation déconnective de certaines alexies pures sans hémianopsie met l’accent sur les lésions, non plus du splénium, mais de la substance blanche périventriculaire du lobe occipital gauche qui lèse les voies reliant les aires visuelles aux aires intra- et interhémisphériques du langage.

Avec une lésion spléniale et occipitale, entraînant une hémianopsie latérale homonyme, d’autres symptômes ont pu être interprétés comme le reflet d’une déconnexion interhémisphérique.

Il s’agit essentiellement d’anomies, dont la plus fréquente est l’anomie des couleurs.

Une anomie pour les visages, difficulté à retrouver, à partir de leur visage, le nom d’individus bien identifiés, a pu être rapportée à une déconnexion interhémisphérique ; on ne peut cependant exclure que la lésion occipitotemporale interne soit, par elle-même, responsable de ce symptôme.

3- Autres infarctus :

Des infarctus épargnant le corps calleux mais atteignant les fibres transcalleuses dans leur trajet intrahémisphérique, peuvent exceptionnellement conduire à une sémiologie de déconnexion.

Une apraxie idéomotrice de la main gauche est un symptôme classique d’accompagnement de l’aphasie de Broca par infarctus dans le territoire sylvien antérieur gauche (apraxie « sympathique » des anciens).

Elle se manifeste aussi bien dans les gestes sur ordre que sur imitation.

Dans les cas où cette apraxie est réellement unilatérale, c’est-à-dire qu’elle n’est pas associée à une hémiplégie droite, elle correspond vraisemblablement à une interruption de fibres transcalleuses, mais les corrélations anatomocliniques de cette apraxie restent floues.

Les infarctus lacunaires multiples, en touchant les fibres interhémisphériques soit directement au sein du corps calleux, soit dans leur trajet intrahémisphérique, sont susceptibles de provoquer une déconnexion.

Les études sont extrêmement rares dans ce domaine.

Une extinction de l’oreille gauche a ainsi été rapportée chez des patients ayant sur l’IRM des lésions périventriculaires.

B – TRAUMATISMES CRÂNIENS :

Le corps calleux est exposé aux dégâts traumatiques, non seulement liés à un oedème ou des contusions lors des chocs fermés, mais aussi par des mécanismes de cisaillements et de fragmentation des axones lors des accélérations/décélérations ou, plus exceptionnellement, par un impact de la faux du cerveau au cours d’un traumatisme vertical au vertex ou un hématome traumatique.

Dans le mois qui suit un traumatisme crânien fermé, l’IRM montre assez souvent (28 % des cas sur 120 patients) des hypersignaux en T2 et en séquence FLAIR (fluid attenuated inversion recovery) dans le corps calleux, d’autant plus fréquemment que le traumatisme était sévère.

Ces images disparaissent pour la plupart avec le temps, ce qui pourrait traduire un oedème postcontusionnel.

À long terme, à la suite de traumatismes crâniens fermés graves, une atrophie calleuse apparaît sur l’IRM, reflétant les lésions axonales hémisphériques.

Finalement, les signes cliniques de déconnexion calleuse sont rarement rapportés après traumatisme crânien, malgré le caractère non rare des lésions calleuses, transitoires ou définitives.

Il faut souligner la difficulté ou l’impossibilité à explorer finement le transfert calleux chez les traumatisés à la phase aiguë.

Les lésions traumatiques antérieures du corps calleux n’entraînent pas de syndrome de déconnexion.

Celles de la moitié postérieure peuvent être responsables d’une anomie tactile gauche, isolée dans le cas rapporté par Bryon et Jedynak, d’une apraxie unilatérale gauche, d’une apraxie constructive de la main droite ou d’un syndrome de déconnexion plus complet associant à des degrés divers aux signes précédents une agraphie de la main gauche, une anomie visuelle gauche, une alexie visuelle gauche, une extinction relative de l’oreille gauche, des troubles du transfert somesthésique et tactile.

Enfin, un traumatisme ayant détruit la partie antérieure du corps calleux a entraîné un comportement anormal, de nature antagoniste : la patiente ressentait le besoin d’ouvrir et fermer de la même main une porte, se plaignait de dire ou de faire le contraire de ce qu’elle souhaitait, de s’habiller autrement que ce qu’elle projetait, d’avoir des accès d’agressivité contraires à son tempérament.

À la différence de l’apraxie diagonistique, il semblait dans ce cas que chaque hémisphère pouvait d’un instant à l’autre élaborer un comportement différent.

C – TUMEURS DU CORPS CALLEUX :

Ce sont les manifestations liées au développement de tumeurs trigono-septo-calleuses, qui ont été initialement regroupées sous le nom de « syndrome calleux » : troubles psychiques variés, altération de la mémoire, signes d’hypertension intracrânienne, troubles posturaux et sphinctériens, etc.

Ces divers symptômes ne témoignent pas d’une déconnexion interhémisphérique, mais ne font que traduire le retentissement de la tumeur sur les structures adjacentes.

Un envahissement tumoral limité au corps calleux est exceptionnel.

Dans l’immense majorité des cas, les tumeurs calleuses sont des gliomes.

En fonction de leur siège, on retrouve les principaux signes de déconnexion interhémisphérique.

Les lipomes du corps calleux sont des tumeurs congénitales rares, associées à d’autres anomalies congénitales, dont fréquemment une agénésie calleuse. Les symptômes cliniques ne dépendent pas du lipome, mais des lésions associées.

D – MALADIE DE MARCHIAFAVA-BIGNAMI :

Il s’agit d’une encéphalopathie survenant chez l’alcoolique chronique, caractérisée par une démyélinisation et une nécrose éventuellement hémorragique de la partie centrale du corps calleux, étendues sur tout ou partie de sa longueur.

Le processus peut toucher la substance blanche des hémisphères cérébraux, et éventuellement les commissures antérieures et postérieures.

Deux formes cliniques sont individualisées : l’une est aiguë avec coma, manifestations neurologiques graves et évolution fatale à court terme ; l’autre permet la survie avec des séquelles plus ou moins importantes.

Grâce à l’IRM, qui fait le diagnostic du vivant du malade, les formes bénignes sont de plus en plus souvent détectées . Dans certains cas, toutefois, l’IRM est normale.

Les signes de déconnexion interhémisphériques sont variables ; généralement, ils sont difficiles à rechercher à la phase aiguë de la maladie. Parfois, aucun symptôme n’est décelé, malgré la lésion calleuse.

Ailleurs, une sémiologie partielle ou complète de déconnexion est mise en évidence : apraxie unilatérale gauche ou non-réponse du membre supérieur gauche aux commandes verbales, agraphie gauche, anomie gauche, ataxie visuomotrice croisée, apraxie constructive de la main droite, troubles du transfert somesthésique, hémialexie gauche, plus rarement apraxie diagonistique.

Certains signes d’accompagnement relèvent directement des lésions associées de la substance blanche, comme la dysarthrie, un syndrome de Balint, une aphasie souscorticale ou une démence.

E – SCLÉROSE EN PLAQUES :

Les plaques de démyélinisation ont tendance à se constituer dans les régions périventriculaires où convergent les fibres à destinée calleuse.

Le corps calleux lui-même est le siège de plaques entraînant au pire une démyélinisation totale et s’atrophie avec le temps, de façon habituellement proportionnelle à l’importance des lésions intra- et péricalleuses.

Cette atteinte des fibres calleuses est connue depuis longtemps, mais la recherche systématique de signes cliniques de déconnexion interhémisphérique chez les patients atteints de sclérose en plaques (SEP) est récente.

Quoique cette éventualité ait été rapportée, il est exceptionnel qu’un syndrome classique de déconnexion soit présent : apraxie, anomie tactile, agraphie gauches, corrélées à une atrophie calleuse et à des lésions sévères de la substance blanche hémisphérique.

En fait, dans la majorité des cas, la mise en évidence de signes de déconnexion nécessite des procédures d’évaluation assez fines et la comparaison des performances avec des populations témoins.

Dans ces conditions, différentes perturbations du transfert interhémisphérique ont été observées.

En écoute dichotique, une extinction relative ou absolue de l’oreille gauche est très fréquente, notamment chez les patients dont l’IRM montre une atrophie du corps calleux, et plus particulièrement de la région spléniale.

La dénomination des stimulus présentés en tachistoscopie est plus difficile à partir du champ visuel gauche, comme en atteste l’allongement du temps de réaction.

Les épreuves de frappe bimanuelle alternée sont perturbées, témoignant d’un déficit du transfert d’informations motrices, corrélé à l’atrophie de la moitié antérieure du tronc du corps calleux.

Le transfert intermanuel d’informations somesthésiques, dans une épreuve consistant à indiquer avec le pouce sur les phalanges des doigts, la localisation d’un stimulus tactile appliqué sur les phalanges homologues de la main contralatérale est également altéré, en relation moins exclusive avec l’atrophie de la partie postérieure du corps calleux.

Les troubles du transfert auditif et somesthésique peuvent exister sans lésion évocatrice de plaques de la substance blanche ou du corps calleux sur l’IRM, seule une atrophie calleuse étant alors constatée.

Enfin, quelques cas d’alexie sans agraphie ont été décrits, éventuellement associés à des troubles sémantiques de la compréhension et dont l’explication, en termes déconnectifs, nécessite de faire appel à une déconnexion à la fois intra- et interhémisphérique.

F – AGÉNÉSIE CALLEUSE :

Il s’agit d’une des plus fréquentes malformations cérébrales (1 à 3/1 000). Les axones ne croisent pas la ligne médiane lors du développement embryologique et se regroupent en deux faisceaux longitudinaux paramédians antéropostérieurs ou faisceaux de Probst.

L’agénésie calleuse peut être totale ou partielle, atteignant dans ce dernier cas la portion postérieure du corps calleux.

Elle peut être isolée ou s’accompagner d’autres malformations congénitales : dilatation postérieure des ventricules latéraux ; verticalisation des sillons corticaux supracalleux ; hypoplasie vermienne, dysraphies, hétérotopies de substance grise.

L’agénésie calleuse n’est pas spécifique d’une maladie donnée : habituellement sporadique, elle s’intègre dans différents syndromes neurologiques : syndrome d’Aicardi chez la fille (lacunes choriorétiniennes, hétérotopies de substance grise, hypsarythmie), syndrome d’Andermann (comportant une neuropathie axonale), syndrome acrocalleux (déformation des extrémités), syndrome de Shapiro (hypothermie spontanée récurrente, autres troubles dysautonomiques).

Elle peut relever également de foetopathies infectieuses.

Enfin, elle dépend parfois d’anomalies chromosomiques ou d’une affection héréditaire, comme le syndrome d’Alpers (malformation limbique, syndactylie).

D’autres variétés d’anomalies congénitales du corps calleux sont décrites : un amincissement extrême d’origine autosomale récessive, associé à des anomalies de substance blanche et à une absence de pyramides bulbaires, lié à un défaut de myélinisation ou de stabilisation axonale ; l’absence complète de corps calleux dans le cadre de maladies métaboliques héréditaires (déficit en pyruvate déhydrogénase E1-alpha, hyperglycinémie sans cétose).

Les manifestations cliniques dépendent avant tout des lésions extracalleuses : retard de développement, crises épileptiques.

L’agénésie calleuse isolée peut s’associer elle-même à un retard mental, mais ce n’est pas la règle puisque des agénésies calleuses sont découvertes fortuitement chez des sujets d’intelligence normale à l’autopsie ou lors d’examen par IRM.

L’absence de corps calleux ne reproduit pas la sémiologie de déconnexion interhémisphérique observée chez les callosotomisés.

Il n’en existe pas moins des troubles du transfert interhémisphérique.

La coordination bimanuelle est généralement altérée. Le transfert d’un apprentissage kinesthésique peut se révéler difficile.

Le transfert d’un apprentissage moteur (dessin en « miroir ») diffère de celui des sujets sains : normalement, il y a un avantage du transfert de l’hémisphère dominant vers l’hémisphère non dominant, ce qui n’est pas observé chez les patients acalleux, traduisant peut-être l’absence d’influence calleuse inhibitrice.

Les réponses croisées motrices à une stimulation lumineuse dans un hémichamp sont, comme chez les callosotomisés, nettement allongées chez les patients par rapport aux témoins, traduisant le défaut de transmission calleuse.

L’inhibition calleuse physiologique de l’activité musculaire ipsilatérale lors de la stimulation magnétique du cortex moteur disparaît lorsque l’agénésie affecte la portion antérieure du corps calleux.

La localisation d’un stimulus dans le champ visuel droit est difficile, alors que l’identification en est bonne, l’hémisphère gauche isolé étant moins efficace que le droit dans l’évaluation spatiale.

Sauf exception, il n’y a pas chez les agénésiques de déficit du transfert somesthésique, d’anomie de la main gauche, d’anomie visuelle gauche, d’apraxie gauche, d’extinction auditive gauche, d’apraxie constructive de la main droite.

Il est donc certain que ces patients bénéficient de mécanismes compensateurs qui, s’installant lors du développement du système nerveux, limitent considérablement le retentissement de l’agénésie calleuse.

La commissure blanche antérieure, par exemple, peut participer à des transferts normalement assurés par le corps calleux : lorsqu’elle est présente et hypertrophique, il n’y a pas d’anomalie des transferts visuels vers l’hémisphère gauche et tactiles vers l’hémisphère droit ; en revanche, lorsqu’elle est absente, ces transferts sont altérés.

Ce n’est pas le seul mécanisme, puisque même si la commissure antérieure manque, l’écoute dichotique ne détecte pas d’extinction gauche.

Les fonctions hémisphériques pourraient ainsi être moins latéralisées que chez les sujets sains et les voies ipsilatérales plus largement utilisées ; enfin, chaque hémisphère pourrait user d’indices dérivés de la réponse fournie par l’hémisphère contralatéral pour identifier un stimulus (indiçage croisé).

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