Syndrome de Sweet

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Introduction :

Le nom de Robert Douglas Sweet est probablement l’un des plus connus dans le monde médical, car la dermatose qu’il a décrite en 1964 sous le titre « An acute febrile neutrophilic dermatosis » est le sujet d’une abondante littérature.

Syndrome de SweetPlus de 500 observations ont été rapportées dans des revues de toutes les disciplines, soulignant le polymorphisme de l’expression clinique de cette affection multisystémique et la diversité des maladies qui peuvent lui être associées.

Les travaux actuels convergent pour indiquer qu’il s’agit d’une maladie neutrophilique dont l’expression cutanée est prédominante.

Son association significative aux hémopathies myéloïdes ouvre des perspectives intéressantes sur l’origine et la nature des polynucléaires neutrophiles impliqués dans le processus pathologique, bien que l’on soit encore très ignorant des mécanismes conduisant à l’infiltration des neutrophiles dans la peau et parfois dans d’autres organes.

Épidémiologie :

Le syndrome de Sweet (SS) n’a pas de répartition géographique particulière ni de caractère racial électif.

Son incidence exacte n’est pas connue.

Quelques études épidémiologiques indiquent sa fréquence.

En Écosse, l’incidence annuelle est de 2,7 cas pour 1 million d’habitants.

En Suisse, la variabilité annuelle de l’incidence soulève le rôle éventuel de facteurs infectieux.

Dans une étude rétrospective allemande faite entre 1985 et 1993, 38 cas de SS ont été diagnostiqués avec des pics de survenue au printemps et en automne.

La prédominance féminine du SS (3,7 femmes pour un homme) est un peu tempérée dans les grandes séries où l’on dénombre 2,3 à 2,8 cas féminins pour un cas masculin.

L’âge moyen de survenue est de 30 à 60 ans, mais le SS peut aussi se voir chez des patients plus âgés et chez les enfants, avec une égale répartition fille-garçon dans les formes pédiatriques.

Aspects cliniques :

A – MANIFESTATIONS CUTANÉES :

Typiquement, le SS se caractérise par des papules érythémateuses tendues qui augmentent de taille pour former des plaques surélevées douloureuses bien limitées, à surface mamelonnée ou pseudovésiculeuse.

Les lésions mesurent de quelques millimètres à 10-20 centimètres de diamètre.

Elles sont en nombre variable, d’abord asymétriquement réparties, puis symétriques.

Elles siègent préférentiellement à la face postéroexterne des avant-bras, au dos des mains, des doigts, au visage, à la nuque, plus rarement au tronc.

Aux membres inférieurs, elles se manifestent souvent sous l’aspect de nodules dermohypodermiques simulant un érythème noueux.

Lors de l’évolution, les plaques s’affaissent en leur centre, donnant des images de pseudococarde.

Elles peuvent laisser une pigmentation séquellaire et transitoire.

Les lésions sont parfois moins typiques, se manifestant par des plaques érythématopustuleuses ou par des pustules isolées.

Les plaques érythémateuses peuvent se couvrir de bulles hémorragiques.

Elles peuvent devenir franchement nécrotiques et s’ulcérer, simulant un pyoderma gangrenosum.

Dans certains cas, l’atteinte se présente sous l’aspect d’un vaste placard érythématoviolacé oedémateux et infiltré évoquant une cellulite infectieuse.

Ces formes sont volontiers localisées au visage.

Très récemment, on a décrit une forme nouvelle et atypique de dermatose neutrophilique qui peut se rapprocher des formes profondes de SS.

Il s’agit d’abcès sous-cutanés aseptiques.

L’atteinte des muqueuses buccale et génitale est rare, se traduisant par des pustules aphtoïdes sur les lèvres, la muqueuse buccale ou la langue, des ulcérations, des pustules sur la muqueuse vulvaire et parfois aussi le vagin ou le col utérin.

B – MANIFESTATIONS EXTRACUTANÉES :

1- Fièvre :

Signe considéré comme essentiel, la fièvre, qui peut atteindre 40 °C, précède parfois l’éruption cutanée, mais habituellement elle accompagne les lésions et persiste pendant 5 à 6 semaines, le temps de la poussée.

Elle manque néanmoins dans plus de 20 % des cas.

2- Prodromes :

Un syndrome pseudogrippal précède souvent l’éruption cutanée.

Il se traduit par des arthralgies, une « infection » des voies aériennes supérieures, une conjonctivite, des myalgies et des douleurs abdominales.

Ces manifestations sont, semble-t-il, absentes le plus souvent dans les SS associés aux hémopathies malignes et aux cancers.

Elles manquent aussi dans les SS récidivants.

3- Atteinte oculaire :

Sa fréquence est très diversement appréciée, avec des chiffres allant de 6 à 72% des cas.

Dans les grandes séries, on la trouve chez un tiers des patients.

Il s’agit d’une conjonctivite ou d’une épisclérite, plus rarement d’une uvéite.

Dans un cas de SS associé à une leucémie, on a rapporté une atteinte oculaire caractérisée par des nodules limbiques dont la biopsie a montré qu’il s’agissait d’une infiltration neutrophilique.

Récemment, on a aussi décrit un cas de kératite périphérique ulcérée chez une femme ayant des épisodes de SS, de pyoderma gangrenosum et de vascularite pustuleuse en association à une polyarthrite rhumatoïde.

4- Atteinte articulaire :

Elles sont parmi les plus fréquentes des manifestations extracutanées, décrites chez près de 50 % des patients.

Il peut s’agir de simples arthralgies faisant parfois partie de la phase prodromique.

Elles sont asymétriques intéressant les grosses et petites articulations et régressent avec le traitement du SS.

Plus rarement, il s’agit d’une polyarthrite séronégative qui évolue parallèlement aux signes cutanés.

L’atteinte est symétrique ou asymétrique, affectant les petites et grosses articulations des membres.

Le liquide synovial est riche en polynucléaires neutrophiles.

Pour certains auteurs, ce tableau correspond à une arthrite rhumatoïde séronégative.

Une monoarthrite neutrophilique aseptique a été rapportée dans quelques cas.

5- Autres atteintes neutrophiliques systémiques :

Une infiltration neutrophilique aseptique a été décrite dans de nombreux organes.

L’atteinte pulmonaire est la mieux connue, rapportée dans 27 cas de SS typiques ou atypiques, 14 d’entre eux associés à une hémopathie maligne et en particulier à un syndrome myélodysplasique.

Ces atteintes, de diagnostic difficile, sont souvent sévères, contrôlées par la corticothérapie générale, mais elles récidivent fréquemment, contribuant au décès survenu chez 10 patients.

À côté de ces atteintes pulmonaires, on peut voir des ostéites aseptiques qui n’ont été observées que chez les enfants, des méningites aseptiques, des abcès amicrobiens splénique, pancréatique, hépatique, colique, rectal et ganglionnaires.

Trois cas de SS associés à une leucémie ont présenté une myosite neutrophilique.

On a même rapporté une atteinte cardiaque et vasculaire.

La diversité des atteintes jusqu’ici rapportées conduit à penser que l’infiltration neutrophilique peut être diffuse, généralisée, symptomatique ou non, associée ou non à des lésions cutanées.

6- Atteinte rénale :

Les atteintes rénales rapportées au cours du SS sont moins clairement liées à une infiltration neutrophilique.

Elles se traduisent par une protéinurie, moins souvent une hématurie, voire une insuffisance rénale.

Aspects histologiques :

L’image histologique typique du SS est caractérisée par un oedème dermique superficiel d’intensité variable, un infiltrat diffus du derme superficiel formé de polynucléaires neutrophiles matures parfois pycnotiques, un infiltrat plus polymorphe périvasculaire et périannexiel dans le derme profond, constitué de neutrophiles, de lymphocytes et d’histiocytes.

Il n’y a pas de vascularite.

L’infiltrat peut se prolonger dans l’hypoderme, plus souvent dans les septa interadipeux qu’au sein des lobules.

Le diagnostic histologique peut être parfois difficile :

– si la biopsie est faite très précocement ou, au contraire, tardivement.

Dans ces cas, les polynucléaires neutrophiles peuvent ne pas être le type cellulaire prédominant ;

– devant des aspects atypiques, tels un décollement bulleux sousépidermique, une infiltration de l’épiderme par les neutrophiles aboutissant à la formation d’une pustule sous-cornée, des microabcès papillaires à polynucléaires neutrophiles, des plages ou flammèches de nécrose basophile, plus rarement éosinophile du collagène, une cytophagocytose de débris de neutrophiles par des histiocytes.

L’atteinte exclusive, primitive de l’hypoderme est rare, simulant un érythème noueux lorsque l’infiltrat est septal, ou une panniculite lorsqu’il est lobulaire.

L’infiltrat neutrophilique est classiquement décrit comme formé de polynucléaires normaux et matures.

Toutefois, quelques observations récentes ont montré que dans des SS associés à différents types de leucémie, des cellules tumorales blastiques pouvaient être mêlées aux neutrophiles.

De plus, dans un cas de SS associé à une leucémie promyélocytaire, l’infiltration cutanée initialement constituée de cellules myéloïdes atypiques s’est progressivement modifiée avec apparition de polynucléaires neutrophiles « normaux », sous l’influence du traitement par acide rétinoïque visant à obtenir une différenciation des cellules leucémiques.

Des anomalies de segmentation nucléaire des polynucléaires neutrophiles ont été mises en évidence dans un unique travail rapporté en 1990 et non confirmées ultérieurement.

Elles seraient un bon indicateur de l’association à un syndrome myélodysplasique.

Cette analyse cytologique fine n’est cependant guère réalisable sur coupes histologiques.

Il est toutefois possible que dans un certain nombre de cas, en particulier dans les SS associés aux hémopathies, l’infiltrat neutrophilique cutané soit constitué de cellules dérivant du clone leucémique tumoral.

Une seule étude du phénotype de l’infiltrat des SS a été faite, indiquant que les histiocytes sont le type cellulaire prédominant, les polynucléaires neutrophiles n’étant le constituant cellulaire majoritaire que dans deux cas de cette étude, deux SS associés à une leucémie.

Examens de laboratoire :

A – NUMÉRATION FORMULE SANGUINE (NFS) ET PLAQUETTES :

L’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est à l’origine de l’appellation de dermatose neutrophilique par RD Sweet.

Elle manque en fait dans environ 40 % des cas, en particulier lorsque le SS est associé à une leucémie où l’on peut même voir une neutropénie.

Des anomalies des lignées érythrocytaire et plaquettaire témoignent aussi d’une probable hémopathie associée.

B – SYNDROME INFLAMMATOIRE :

Il est quasi constant, se traduisant par une accélération de la vitesse de sédimentation (VS) et une augmentation de la C reactive protein (CRP).

C – FONCTIONS HÉPATIQUE ET RÉNALE :

Une élévation modérée et transitoire des phosphatases alcalines, des enzymes hépatiques est rapportée avec une fréquence variable selon les séries (30 à 50 % des cas).

Dans moins de 10 % des cas, on peut voir, de façon également transitoire, une protéinurie et, plus rarement, une hématurie.

D – ANTICORPS ANTICYTOPLASME DES POLYNUCLÉAIRES NEUTROPHILES (ANCA) :

Ces anticorps du type C-ANCA à fluorescence cytoplasmique ont été mis en évidence dans certains cas.

Ils ne représentent toutefois pas un marqueur sérique de SS.

Évolution :

Le syndrome prodromique, lorsqu’il est présent, précède l’éruption cutanée de 1 à 3 semaines.

Lorsque celle ci apparaît, elle persiste 4 à 5 semaines et, sans traitement, la guérison survient en 5 à 6 semaines.

Le traitement raccourcit nettement l’évolution et, lors de sa mise en route, la fièvre disparaît en 24 à 48 heures, les lésions cutanées en quelques jours.

Les rechutes ne sont pas exceptionnelles, estimées à un tiers des cas environ.

Diagnostic :

A – CRITÈRES DIAGNOSTIQUES :

Le diagnostic de SS repose sur un ensemble d’arguments cliniques, histologiques et biologiques, aucun d’entre eux n’étant un marqueur spécifique et formel.

En 1986, Su et Liu ont proposé des critères diagnostiques qui ont reçu l’adhésion de la plupart des auteurs et qui ont été repris et modifiés par von den Driesch en 1994 .

B – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

1- Érythème polymorphe :

L’érythème polymorphe peut ressembler aux plaques annulaires d’un SS lorsque celles-ci s’affaissent en leur centre, ébauchant une cocarde.

Les signes d’accompagnement, l’image histologique permettent alors de les différencier.

2- Érythème noueux :

La distinction entre érythème noueux et SS peut être difficile. Des liens étroits unissent en effet ces deux dermatoses.

Les formes profondes, dermohypodermiques pures de SS existent.

Elles ressemblent cliniquement à un érythème noueux et se traduisent histologiquement par une infiltration plus ou moins massive de neutrophiles au sein de l’hypoderme, dans les septa interadipeux et/ou dans les lobules.

Ces formes profondes sont généralement associées à des lésions typiques de SS permettant le diagnostic.

Elles sont parfois isolées.

D’autres formes profondes exclusives de SS ont été décrites, notamment au cours des myélodysplasies, sous le titre de « panniculite neutrophilique » mais elles se différencient assez bien d’un érythème noueux.

Érythème noueux et SS peuvent enfin être associés de façon simultanée dans certains cas.

3- Dermatoses infectieuses :

Certaines formes atypiques de SS peuvent poser des difficultés diagnostiques avec un érysipèle ou une cellulite infectieuse, en particulier lorsque l’atteinte est faciale et que le SS est associé à une leucémie.

4- Syndrome des impasses digestives :

Les éruptions papulopustuleuses fébriles qui accompagnent les syndromes d’impasse digestive postchirurgicaux peuvent être indifférenciables d’un SS.

Le contexte clinique, l’atteinte vasculaire, la réponse aux traitements antibiotiques peuvent aider au diagnostic.

Des éruptions comparables sont aussi décrites au cours des colites inflammatoires et soulèvent davantage de questions nosologiques que diagnostiques.

5- Maladie de Behçet :

Le SS et la maladie de Behçet ont en commun de nombreux signes cutanés et muqueux.

Il semble toutefois plutôt s’agir d’une association des deux affections dans des régions géographiques où l’incidence de la maladie de Behçet est élevée, en particulier au Japon.

6- Autres dermatoses neutrophiliques :

Il est aujourd’hui licite de grouper, sous le terme de « dermatose neutrophilique », plusieurs affections caractérisées par une infiltration cutanée de polynucléaires neutrophiles sans cause infectieuse.

Ce sont la pustulose sous-cornée de Sneddon et Wilkinson, la pustulose à immunogobulines (Ig) A intraépidermiques, le SS, l’hidradénite eccrine neutrophilique, le pyoderma gangrenosum et l’erythema elevatum diutinum.

La dermatite neutrophilique rhumatoïde ne semble guère différente d’un SS survenant au cours de la polyarthrite rhumatoïde.

Toutes ces dermatoses ont des expressions cliniques propres et bien définies.

Toutefois, l’existence de formes de passage et de chevauchement peut rendre le diagnostic difficile et justifie leur regroupement.

Ces dermatoses ont aussi en commun une association à des groupes de maladies semblables (hémopathies myéloïdes, gammapathies monoclonales de type IgA, colites inflammatoires, polyarthrite rhumatoïde), des localisations neutrophiliques aseptiques extracutanées à l’origine du concept de maladie neutrophilique et une réponse à des médicaments agissant sur le métabolisme des polynucléaires neutrophiles.

7- Divers :

D’autres diagnostics sont parfois discutés, un granulome facial de Lever, une vascularite, une toxidermie pustuleuse, voire un lupus érythémateux.

Le contexte clinique, les anomalies biologiques et l’analyse histologique permettent aisément la distinction.

Maladies associées :

Il n’est guère possible de donner des pourcentages précis sur les diverses maladies qui sont rapportées en association au SS.

Probablement, dans plus de la moitié des cas, le SS est isolé, idiopathique.

On peut, comme le propose von den Driesch, distinguer plusieurs formes de SS : la forme classique idiopathique, la forme parainflammatoire (15 % environ) et la forme paranéoplasique (20 % des cas).

On peut y ajouter les SS survenant au cours de la grossesse.

Ces formes gravidiques sont caractérisées par une récidive des lésions à chaque grossesse sans risque maternel ou foetal.

Enfin, un dernier groupe est constitué par les SS induits par un médicament.

A – SYNDROMES DE SWEET PARA-INFLAMMATOIRES :

De nombreuses affections inflammatoires peuvent être associées au SS.

Parmi celles-ci, les colites inflammatoires sont les plus fréquentes.

Il s’agit, dans 90 % des cas, de femmes.

L’atteinte digestive est particulière, toujours colique associée à des manifestations extra-intestinales dans 80 % des cas.

L’éruption cutanée survient lors d’une phase active de la maladie digestive déjà connue dans 80 % des cas.

Plus rarement, elle la précède de quelques mois.

Quelques observations de SS sont décrites en association à des maladies infectieuses, bactériennes ou parasitaires diverses, à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), à des mycobactérioses atypiques.

B – SYNDROMES DE SWEET PARANÉOPLASIQUES :

Dix à 20 % des SS sont associés à un cancer, hémopathie ou tumeur solide.

Ils peuvent comporter des particularités cliniques qui ont été soulignées dans plusieurs études.

Des lésions cutanées atypiques, vésiculobulleuses, nécrotiques ou ulcérées, une atteinte muqueuse (surtout au cours des hémopathies), l’absence de fièvre, l’absence d’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, une neutropénie, une thrombocytose ou une thrombopénie sont des éléments incitant à la recherche d’un cancer.

L’absence de précession du SS par une infection respiratoire, la survenue de récidives ne sont pas retrouvées dans toutes les séries.

Parmi les hémopathies, les leucémies myéloïdes sont les plus fréquentes (surtout les LAM 4 et 5).

Certaines résultent de la transformation d’un syndrome myéloprolifératif chronique ou d’un syndrome myélodysplasique, l’acutisation en LAM se faisant parfois lors du SS.

Moins souvent qu’au cours des autres dermatoses neutrophiliques, le SS est associé à une gammapathie monoclonale ou à un myélome.

Les tumeurs solides sont des carcinomes intéressant, par ordre de fréquence décroissant, les organes génito-urinaires, le sein et le tractus digestif.

Hémopathie et cancer précèdent ou sont contemporains du SS dans près des deux tiers des cas.

Toutefois, ils peuvent être diagnostiqués après le SS dans des délais variables, moins de 1 an pour les tumeurs solides.

Le diagnostic de SS impose donc la réalisation d’un bilan simple pour dépister un cancer et une surveillance clinique avec NFS tous les 6 à 12 mois.

C – SYNDROMES DE SWEET MÉDICAMENTEUX :

Les cas de SS induits par un médicament sont peu nombreux.

En 1996, on a proposé de nouveaux critères diagnostiques adaptés aux SS médicamenteux, certains des critères classiques étant inapplicables à cette forme de SS.

Ce sont outre les deux critères majeurs habituels et la fièvre, une relation nette entre le début de la prise du médicament et l’apparition du SS, et une résolution claire des lésions cutanées après l’arrêt du médicament inducteur ou avec l’introduction d’une corticothérapie générale.

Ces critères, au nombre de cinq, sont tous nécessaires pour le diagnostic.

Moins de 20 cas rapportés dans la littérature répondent à ces critères.

Deux malades ont eu une récidive lors de la réintroduction du traitement.

Les médicaments inducteurs sont le triméthoprimesulfaméthoxazole, la minocycline, certains contraceptifs oestroprogestatifs, l’acide rétinoïque tout-trans et le G-CSF, ces deux dernières drogues étant administrées pour stimuler la croissance ou la différenciation médullaire.

L’imputabilité de ces deux derniers médicaments n’est d’ailleurs pas facile à affirmer dans la mesure où ils sont prescrits dans des hémopathies volontiers associées au SS.

De plus, comme dans l’hidradénite eccrine neutrophilique, leur réintroduction ne s’accompagne pas constamment de récidive.

Pathogénie :

La cause et les mécanismes responsables de l’afflux massif de polynucléaires neutrophiles dans la peau ne sont toujours pas élucidés.

Les polynucléaires neutrophiles sont actuellement considérés comme intrinsèquement normaux, morphologiquement et fonctionnellement.

Aucune anomalie fonctionnelle reproductible n’a été identifiée, du moins avec les moyens dont on dispose pour étudier cette cellule.

Dans de rares cas associés à un syndrome myélodysplasique, on a montré des anomalies de segmentation des polynucléaires infiltrant la peau.

De plus, la survenue de SS en période d’aplasie lors des leucémies traitées par chimiothérapie, suggère que les polynucléaires migrant dans la peau sont issus des cellules blastiques qui se sont différenciées lors du traitement.

La démonstration de la clonalité tissulaire des polynucléaires neutrophiles n’a été toutefois qu’exceptionnellement établie.

Dans plusieurs observations de SS associés à des syndromes myélodysplasiques, on a montré des anomalies caryotypiques particulières portant sur le chromosome 3.

Le point de cassure intéresse un certain nombre de gènes codant pour des protéines potentiellement importantes dans le contrôle de la mobilité et de la migration des polynucléaires neutrophiles.

Le rôle de ces protéines (lactoferrine, transferrine) dans la pathogénie du SS reste toutefois spéculatif. Les travaux étudiant les molécules responsables de l’attraction tissulaire des neutrophiles sont plus nombreux.

Plusieurs molécules ont été successivement incriminées : les dérivés chimiotactiques de l’activation du complément, les médiateurs lipidiques, les cytokines du groupe de l’interleukine 8 (IL8).

Dans quelques cas, on a montré des dépôts d’immunoglobulines ou de complément dans les lésions cutanées.

Toutefois, ces dépôts, toujours discrets, ne sont présents que dans les lésions anciennes et sont donc probablement secondaires.

Les travaux actuels sont plutôt dirigés vers la démonstration du rôle des cytokines (IL1, IL3, IL6, IL8) et des facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF et GM-CSF).

Le rôle de ces derniers est assez bien corroboré par l’observation clinique de SS déclenchés par ces traitements.

Des taux sériques élevés d’IL1 et de toutes les cytokines TH1 (IL2, interféron gamma) mais pas d’IL4, cytokine TH2 ont été trouvés dans certains cas.

L’expression accrue de l’integrin cellular adhesion molecule (ICAM)-1 (molécule d’adhésion) par les kératinocytes et la mise en évidence de cellules dendritiques dermiques exprimant l’IL8 dans les lésions cutanées de SS concourent également à incriminer ces molécules dans la pathogénie du SS.

Il est possible que l’IL1 cytokine multipotente stimule à la fois la sécrétion de G-CSF par les macrophages et celle d’IL8 facteur chimiotactique spécifique des neutrophiles.

Traitement :

Le traitement de référence est la corticothérapie orale à la dose de 0,5 à 1 mg/kg/j.

Elle a un effet spectaculaire et rapide avec amélioration de l’état général en quelques heures.

L’apyrexie est obtenue en 24 à 48 heures, tandis que les lésions cutanées disparaissent en 1 semaine en moyenne. Une décroissance progressive en 2 à 4 semaines est faite après guérison.

La corticothérapie générale est à proposer en première intention dans les formes gravidiques, dans les formes sévères, étendues, en particulier lorsqu’elles s’accompagnent de localisations extracutanées, notamment pulmonaires, ou dans les formes associées aux hémopathies.

Dans les formes récidivantes qui représentent près d’un tiers des cas, les SS paucisymptomatiques, ou dans des situations où la corticothérapie peut être délétère ou contre-indiquée (patients âgés, diabétiques, hypertendus…), d’autres traitements peuvent être proposés.

Certains considèrent même qu’ils sont à utiliser en première intention.

Les drogues communément utilisées sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’indométacine, la colchicine, la disulone, l’iodure de potassium.

Leur utilisation dans le SS repose sur l’action théorique qu’elles ont sur les fonctions des polynucléaires neutrophiles.

Les effets secondaires respectifs de chacun de ces médicaments sont à discuter et à prendre en compte devant chaque cas à traiter.

Le SS pose assez rarement des difficultés thérapeutiques.

La grande majorité des patients est guérie définitivement à la suite d’une unique poussée, soit par les corticoïdes, soit par un autre traitement.

La guérison pourrait même être obtenue spontanément.

Les récurrences sont traitées ponctuellement, lors de chaque poussée, de préférence par un traitement non stéroïdien.

Dans moins de 10 % des cas, la maladie évolue de façon subintrante, interdisant l’interruption des traitements.

Il n’y a pas dans ces cas de schéma thérapeutique bien établi et le choix de la drogue efficace dépend de la réponse individuelle de chaque patient.

Certaines formes exceptionnelles de SS sévères, avec hémopathie ou atteinte systémique, peuvent devenir corticodépendantes.

Dans ces formes, la ciclosporine peut constituer une alternative thérapeutique.

Conclusion :

Le syndrome de Sweet, tel qu’il a été décrit il y a 35 ans par Robert Douglas Sweet, est encore aujourd’hui une maladie passionnante par sa diversité clinique.

Les SS associés aux hémopathies myéloïdes constituent un groupe privilégié pour essayer de comprendre l’origine et la nature des neutrophiles qui infiltrent la peau.

Les travaux actuels sur les étapes de la différenciation des cellules myéloïdes représentent une voie de développement de nouvelles techniques d’études du granulocyte, cellule impliquée dans toutes les dermatoses neutrophiliques.

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