Syndrome des antiphospholipides

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2023

Historique :

C’est en 1985 que Hughes a introduit le terme de syndrome des anticorps anticardiolipines (aCL) à propos de sujets présentant des thromboses veineuses et/ou artérielles récidivantes, des pertes foetales répétées, une thrombopénie et la présence d’aCL et/ou d’un anticoagulant circulant de type lupique (LAC).

Syndrome des antiphospholipidesLe terme a ensuite été modifié en syndrome des antiphospholipides, dès qu’il est apparu que les anticorps reconnaissaient également divers phospholipides anioniques.

Actuellement on emploie volontiers le terme de syndrome des antiphospholipides/cofacteurs, pour tenir compte des développements récents concernant les cofacteurs protéiques liés aux phospholipides, telle la bêta2-GP I et la prothrombine.

D’autres proposent le nom de syndrome de Hughes, éponyme immérité puisque la première description complète du syndrome, tenant compte à la fois du versant obstétrical et du versant thrombotique est due aux auteurs français Soulier et Boffa, dans un article de la Nouvelle Presse Médicale de 1980.

Définition et nomenclature :

On distingue, sous le terme de « syndrome des anticorps antiphospholipides », l’ensemble des manifestations cliniques et biologiques secondaires (ce qui implique un lien de causalité) ou associés (ce qui implique une relation statistiquement significative) à la présence d’aPL et/ou de leurs cofacteurs.

Le SAPL a été défini initialement par Harris en 1987, par l’association de manifestations thrombotiques veineuses ou artérielles ou d’avortements répétés, avec la présence durable d’anticorps antiphospholipides : LAC ou aCL. Une thrombopénie périphérique est souvent associée.

La symptomatologie clinique du SAPL s’est enrichie de diverses manifestations dont certaines ne semblent pas de nature thrombotique ; leur intégration dans une définition élargie du SAPL est actuellement proposée.

Ainsi, Alarcon-Segovia a proposé une série de critères à partir d’une association statistiquement significative issue d’une large série de lupus comportant des aPL.

Ces critères de classement en SAPL « défini », « probable » et « douteux » ne sont pas d’un grand intérêt pratique.

Seul un SAPL défini permet d’éviter des diagnostics abusifs tels qu’on peut les voir fleurir actuellement dans la littérature.

Initialement considéré comme un sous-groupe entièrement inclus au sein du lupus systémique, le SAPL est en fait parfois rencontré de façon totalement isolée de toute manifestation clinique ou biologique du lupus : on parle de syndrome primaire des antiphospholipides (SAPLI), par opposition au SAPL secondaire (SAPL II) à un lupus, ou plus rarement à une autre connectivite, une vascularite systémique ou une affection maligne.

Il est en effet très fréquent de trouver des aPL, aCLsurtout, mais parfois aussi LAC, au cours de situations cliniques variées ; mais en l’absence de toute symptomatologie clinique évocatrice, on ne parlera pas de SAPLII, mais d’association avec des aPL.

Épidémiologie des aPL et des SAPL :

La SAPL primaire, dans son versant non obstétrical, a une prédominance féminine moindre que le lupus (2/1 à 4/1 versus 9/1) et un âge de début, en moyenne, plus élevé de 5 à 10 ans que celui du lupus systémique.

Les principales séries de la littérature avaient un âge moyen de 30 ans.

Néanmoins toutes les tranches d’âge sont concernées, y compris les enfants.

La prévalence des aPL au cours du lupus varie selon les séries de 7 à 65% pour les LAC, de 17 à 87 %pour les aCL, et de 20 à 40 %pour les anti-bêta2-GP I.

Cette dispersion est liée à la sensibilité des méthodes utilisées, au nombre de déterminations par patient (le titre des anticorps pouvant fluctuer dans le temps) et à la durée du suivi.

Ces anticorps sont rares dans la population générale : 2 à 4%selon qu’il s’agit d’IgG aCL ou d’IgM aCL, augmentant sensiblement chez les sujets très âgés.

Mais il s’agit alors de vieillards institutionnalisés et porteurs de polypathologies nécessitant des prises médicamenteuses variées, elles-mêmes inductrices d’aPL.

La prévalence du SAPL au cours du lupus systémique a probablement été surestimée, la méta-analyse de Love et Santoro faisait état d’un chiffre de 42 % chez le lupus porteur d’un LAC, contre 12 % chez ceux n’ayant pas de LAC.

Selon Hughes, 40 %des 300 lupus avec aCL ont fait des thromboses contre 18 %des 364 lupus sans aCL.

Alarcon-Segovia rapporte un chiffre de 10 % de SAPL défini chez 667 lupus suivis, 7,5 mois en moyenne.

Cette prévalence augmente avec la durée du suivi : 15 %après 3 ans et un maximum de 23 % après 15 à 18 ans.

Petri rapporte un chiffre de 5 %. Dans une série personnelle de 101 lupus hospitalisés et suivis en moyenne 7 ans, la prévalence du SAPL défini était de 8 %.

Il n’existe aucune étude permettant de chiffrer la prévalence du SAPL primaire dans la population générale.

Les seuls chiffres disponibles concernent la prévalence des aPL au cours de situations pathologiques tels que les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et les infarctus du myocarde chez les sujets jeunes.

Ainsi, chez les sujets de moins de 50 ans, le SAPL rendrait compte de 36 % des nouveaux AVC.

Plus intéressant, après un premierAVC, le risque de récidive chez des sujets ayant des aPL est de 20 % par an et de 60 % pour un suivi plus prolongé.

La présence d’aPL constitue désormais un véritable facteur de risque vasculaire artériel (cerveau, coeur) et pour certains veineux.

Enfin, les enquêtes familiales ont montré que 10 à 20 %des malades ayant un SAPLont, parmi leurs ascendants ou descendants directs, des sujets souffrant également d’un SAPL ou d’une maladie auto-immune : lupus systémique ou lupus incomplet surtout, mais aussi thyroïdite, polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie ou polymyosite.

Mise en évidence des anticorps antiphospholipides :

Les antigènes phospholipidiques sont composés d’un glycérol, dont deux fonctions alcool sont estérifiées par des acides gras, et la troisième fonction alcool primaire par un acide phosphorique formant habituellement un pont phosphodiester avec un autre composant aminoalcool tel que la sérine, la choline (lécithines) ou l’éthanolamine (céphaline).

D’autres glycérophospholipides sont non azotés tels la cardiolipine ou diphosphatidylglycérol, molécule où deux diglycérides sont liés par une molécule d’acide phosphorique.

Enfin, le phosphatidyl inositol est un glycérophospholipide non azoté dont le composant estérifié est un ose : l’inositol.

Les phospholipides anioniques tels que la cardiolipine, lorsqu’ils sont sous forme micellaire, se lient à un cofacteur plasmatique identifié comme étant l’apolipoprotéine H ou bêta-2-glycoprotéine I (bêta2-GP I).

A – Méthodes de dépistage :

Trois types de méthodes utilisant des principes différents sont pratiqués pour la détection des aPL.

Sérologie syphilitique :

La constatation d’une réaction de Bordet-Wassermann (BW) positive (utilisant une réaction de déviation du complément avec un antigène extrait du coeur de boeuf ou cardiolipine), contrastant avec un test de Nelson (utilisant un antigène tréponémique) négatif, fut à l’origine de la première description des aPL.

Cette dissociation des réactions de la syphilis est connue sous le nom de « fausse sérologie syphilitique ».

Actuellement, le BW est remplacé par le venereal diseases research laboratory (VDRL).

L’antigène utilisé est un mélange de cardiolipide, de phosphatidyl choline et de cholestérol sous forme de micelles.

La positivité du VDRL contraste avec un treponemal hemagglutination (TPHA) négatif, et surtout une réaction d’immunofluorescence avec l’antigène tréponémique négative.

B – Méthodes biologiques d’hémostase :

Elles étudient l’interaction des anticorps antiphospholipidiques avec le complexe macromoléculaire appelé prothrombinase, capable de cliver la prothrombine en thrombine.

Les anticorps antiprothrombinase allongent certains temps de coagulation, d’où leur appellation d’anticoagulants circulants (ACC).

Les anticorps responsables de l’activité anticoagulante circulante de type « antiprothrombinase » ou « lupus anticoagulant » (LAC) sont de tous isotypes et ne se fixent aux phospholipides en phase « liquide » que si ceux-ci sont associés à des protéines impliquées dans la cascade de la coagulation ou de la fibrinolyse pour former un complexe plurimoléculaire en présence d’ions calcium.

Le plus important de ces cofacteurs protéiques est la prothrombine qui rendrait compte de 70 % environ des anticoagulants lupiques.

L’autre cofacteur protéique principal est la bêta2-GP I qui rend compte de 30 % des anticoagulants lupiques.

Il est possible que d’autres facteurs protéiques soient la cible de l’activité anticoagulante lupique : citons la protéine C, la protéine S, l’annexine V et le kininogène de haut poids moléculaire.

Compte tenu de la diversité des LAC, un seul test d’hémostase est insuffisant pour dépister l’ensemble des anticoagulants circulants.

En France, on propose, pour la mise en évidence d’un LAC, d’utiliser simultanément plusieurs tests dont le temps de céphaline activée (TCA), en exprimant les résultats en indice de Rosner [(A-B)/C] X 100 où A est le temps de coagulation du mélange (M + T), B celui du plasma témoin (T), C celui du plasma malade (M), il est positif si supérieur à 13 ; le temps de thromboplastine diluée (TTD) avec une dilution de thromboplastine au 1/500.

Les résultats sont exprimés en rapport M + T/T.

Il est positif si supérieur à 1,15 (1,20 si traitement par les antivitamines K [AVK]).

Enfin, un test de neutralisation sera effectué en ajoutant soit de la céphaline (test de Rosove), soit des extraits phospholipidiques plaquettaires (Staclot PNP), soit de la phosphatidyl éthanolamine en phase hexagonale (Staclot LA).

Il existe une concordance de positivité entre aCL et anticoagulant lupique chez 60 % des malades, et dans 40 % des cas un seul test est positif, habituellement l’Elisa anticardiolipine.

C – Méthodes immunologiques en phase solide :

L’antigène phospholipidique est fixé sur un support solide où sa conformation est globalement différente de ce qu’elle est en phase liquide.

On utilise surtout la cardiolipine, mais il peut s’agir également de phosphatidyl sérine, d’un mélange de ces deux antigènes, de phosphatidyl choline, de phosphatidyl éthanolamine, de phosphatidyl inositol.

De nombreux problèmes techniques limitent l’interprétation des dosages en phase solide (Elisa, RIA).

Plusieurs ateliers de consensus ont permis d’aboutir à un certain degré de standardisation.

Les résultats, exprimés en unités GPL pour les IgG et MPL pour les IgM et APL pour les IgA, sont classés en négatifs, douteux, positifs et très positifs.

Seuls des résultats positifs (supérieur ou égal à 25 UGPL, soit supérieur à 5 DS) ou très positifs, vérifiés à 2 mois d’intervalle, seront retenus comme pertinents.

Les anticorps ainsi dosés sont dirigés, soit contre un épitope du phospholipide démasqué par la fixation de la bêta1-GPI, soit contre un épitope conformationnel sur le cofacteur protéique qui se lie aux phospholipides (présents dans le plasma ou le sérum servant à la préparation des tampons) et démasqué à l’occasion de cette liaison, soit contre un épitope de faible affinité de la bêta2-GP I lorsque cette protéine n’est pas sous forme d’un multimère.

Un dosage Elisa direct des anticorps anti-bêta2-GP I a été mis au point.

Les résultats obtenus sont très voisins de ceux obtenus avec la cardiolipine comme antigène.

Son avantage principal est de discriminer parmi les aCL, en première approximation, ceux qui sont bêta2-GP I dépendants et spécifiques de la bêta2-GP I humaine, seuls associés aux phénomènes thrombotiques, et d’ignorer les aCL qui reconnaissent réellement le phospholipide et non son cofacteur et réputés non associés aux manifestations de thrombose.

Il s’agit d’alloanticorps présents dans les sérums de sujets ayant une maladie infectieuse telle la syphilis ou des maladies virales tel le VIH-1.

Parmi les a CL bêta2-GP I dépendants, certains ont une activité anticoagulante circulante lupique (anticardiolipine type A) et d’autres en sont dépourvus (aCL type B).

Plusieurs autres anticorps anticofacteurs protéiques font actuellement l’objet d’investigations.

Les anticorps antiprothrombine sont présents chez 70 %des lupus avec anticoagulant circulant, 40 % des SAPL et 70 % des sujets ayant un anticoagulant circulant induit par une prise médicamenteuse.

Il s’agit, à fréquence égale, soit d’IgG, soit d’IgM.

Les trois types de méthodes de détection des aCL sont de sensibilité différente, et détectent des anticorps dirigés contre des antigènes différents.

Ainsi s’expliquent les discordances entre les tests d’hémostase et les dosages Elisa ou les sérologies de la syphilis.

Il faut également savoir que les traitements corticoïdes ou immunosuppresseurs peuvent négativer temporairement les taux d’anticardiolipine et être sans action sur l’activité LAC.

Enfin, à l’occasion d’un accident thrombotique, on peut voir disparaître les aPL, en particulier les anticardiolipines et les anti-bêta2-GP I.

On évoque un phénomène de consommation.

On saura redemander un dosage quelques semaines plus tard.

Devant un tableau clinique de SAPL dit « séronégatif », où ces trois types de tests sont négatifs à plusieurs déterminations, on peut être amené à rechercher les autres isotypes d’aCL (IgM ou IgA) ou des anticorps dirigés contre un mélange de phospholipides, la phosphatidylsérine, la phosphatidyléthanolamine, mais ces recherches sont rarement positives, des anticorps de tous isotypes anticofacteurs, voire un anticoagulant circulant avec d’autres réactifs avec préincubation à 37 °C du plasma ou encore des anticorps antimitochondries de type V, souvent détectés en association avec un tableau de syndrome d’Evans.

Manifestations cliniques :

A – Manifestations thrombotiques :

1- Thromboses veineuses :

Les localisations thrombotiques veineuses sont très diverses, et peuvent intéresser, à côté des membres inférieurs, les membres supérieurs, le tronc (veine cave inférieure ou supérieure), les viscères abdominaux ou thoraciques (embolie pulmonaire), ainsi que les sinus duraux à l’origine d’un tableau de pseudotumeur cérébrale, ou la veine centrale de la rétine.

À côté des thromboses profondes, on observe parfois des thromboses superficielles.

Les thromboses profondes sont emboligènes dans un tiers des cas, et volontiers récidivantes, notamment à l’occasion d’un facteur favorisant insuffisamment pris en considération : interventions chirurgicales, alitement, infections diverses, prise d’oestroprogestatifs, arrêt intempestif ou mauvais contrôle de l’international normalised ratio (INR) chez un patient sousAVK au long cours.

2- Thromboses artérielles :

Le cerveau est l’organe principalement touché.

Il peut s’agir d’accidents ischémiques transitoires (AIT), mais souvent il s’agit d’accidents constitués intéressant tous les territoires : carotide interne ou vertébrale, avec son cortège de déficit moteur, sensitif, sensoriel, ou des fonctions supérieures.

On décrit également des atteintes cérébelleuses, du thalamus, voire de la tige pituitaire ou de l’hypophyse.

La taille des vaisseaux touchés est variable, certaines formes donnant des accidents massifs, d’autres ponctiformes mais multiples, constituant en partie l’explication des hypersignaux multiples visibles en T2 en IRM dans la substance blanche, mais aussi la substance grise.

Dans certains cas, le tableau réalisé est celui d’une pseudosclérose en plaques.

Le mécanisme de ces thromboses cérébrales n’est pas univoque : il peut s’agir de thromboses in situ, mais parfois il s’agit d’embolies multiples à partir de végétations valvulaires cardiaques ou d’un thrombus mural ventriculaire, plus rarement d’une plaque carotidienne ulcérée liée à un athérome.

Un tableau de démence vasculaire peut s’observer après plusieurs épisodes.

Si la prévalence de l’infarctus du myocarde est faible au cours du SAPL, Asherson a rapporté une série de 13 cas comprenant pour moitié des SAPL II à un lupus, et pour moitié des SAPL primaires.

La plupart des patients étaient âgés de moins de 30 ans.

Une myocardiopathie ischémique a été rapportée en l’absence de vascularite par atteinte thrombotique diffuse de la microvascularisation.

Parmi les autres viscères faisant l’objet de thromboses artérielles, citons le rein avec plusieurs tableaux cliniques possibles : hypertension artérielle (HTA) rénovasculaire, insuffisance rénale chronique, par néphroangiosclérose, ou aiguë par ischémie corticale touchant, soit les vaisseaux arqués, soit les capillaires glomérulaires.

Les glomérules apparaissent soit ischémiques, soit le siège de dépôts fibrinoïdes intracapillaires.

Ce tableau est proche de celui d’une microangiopathie thrombotique.

L’atteinte des gros vaisseaux peut être à l’origine d’un tableau de claudication intermittente des membres ou d’un infarctus viscéral (foie, rate, entéromésentérique, pancréas), plus rarement d’un syndrome de l’arche aortique.

Les manifestations cutanées incluent le livedo reticularis, parfois associé à des AVC dans le cadre d’un syndrome de Sneddon (40 % comportent des aPL), des ulcérations cutanées, une pseudovascularite (macules érythémateuses, purpura douloureux, bulles hémorragiques), des nécroses cutanées superficielles, une gangrène digitale, des hémorragies en « flammèche sous-unguéales », une papulose atrophiante maligne de Degos.

Les manifestations rhumatologiques à type d’ostéonécroses épiphysaires parfois multiples ont été décrites associées au SAPL, mais le rôle associé de la corticothérapie est parfois difficile à éliminer.

De plus, la fréquence des aCL n’est pas plus élevée dans une population de patients ayant une ostéonécrose aseptique de la tête fémorale, que dans une population témoin rendant donc douteuse une relation de cause à effet.

3- Syndrome catastrophique des anticorps antiphospholipides :

Certains patients (environ 50 cas publiés), porteurs de taux élevés d’aCLet/ou d’un LAC, peuvent développer brutalement des occlusions vasculaires disséminées (trois au moins dans la définition), aboutissant à une faillite pluriviscérale rapidement progressive : insuffisance rénale aiguë, hypertension maligne, atteinte du système nerveux central avec troubles de conscience, ulcérations et gangrènes distales et insuffisance respiratoire (adult respiratory distress syndrome) résument la symptomatologie.

Une cause déclenchante infectieuse est parfois retrouvée.

L’histopathologie met en évidence des occlusions des vaisseaux de toute taille, et l’hémostase, des signes de coagulation intravasculaire disséminée.

Il n’y a pas de schizocytes en nombre important, ce qui distingue ce syndrome du purpura thrombotique thrombocytopénique et du syndrome hémolytique et urémique.

Le pronostic est sévère avec 50 % de mortalité, malgré des mesures thérapeutiques et de réanimation qui n’ont pas été validées.

4- Manifestations obstétricales :

Elles sont dominées par les avortements spontanés répétés et les morts foetales que l’on distingue désormais selon leur date de survenue par rapport à la dixième semaine révolue de gestation.

Ainsi, selon Branch et Silver, on distinguera :

– la phase préembryonnaire (conception jusqu’à la troisième semaine révolue de gestation) ;

– la phase embryonnaire (jusqu’à la neuvième semaine de gestation) ;

– la phase foetale qui se prolonge jusqu’à l’accouchement.

On distingue ainsi trois aspects différents de pertes foetales répétés mais qui ont la même signification pour satisfaire au critère obstétrical des SAPL.

Les morts foetales constituent la complication la plus fréquente.

Elles seraient la conséquence d’infarctus placentaires, mais un tel aspect n’est pas constant et ne peut à lui seul expliquer l’ensemble des pertes foetales.

On insiste actuellement sur le rôle antagoniste des aPL sur l’annexine V ou placental anticoagulant protein 1 (PAP-1) produite par les cellules du trophoblaste.

La présence d’un taux modéré d’aCL et/ou d’un LAC entraînerait un risque de perte foetale de 30 % lors d’une première grossesse.

Ce risque monte à 70 %, voire 90 %, s’il y a déjà eu deux avortements, en l’absence de traitement.

D’autres risques obstétricaux sont également augmentés chez les femmes porteuses d’aPL : retard de croissance intra-utérine, hématome rétroplacentaire, prééclampsie responsable de mort néonatale et de prématurité.

Enfin, la période du post-partum immédiat doit être considérée comme critique pour la mère, particulièrement sujette à des accidents thrombotiques veineux et artériels en tout genre.

5- Formes cliniques du SAPL :

Les thromboses du SAPL sont par définition récidivantes.

Elles peuvent intéresser le même territoire et toucher plus volontiers le système veineux ou le système artériel.

C’est ainsi que certains auteurs décrivent un SAPLartériel et un SAPL veineux.

Dans notre expérience, ainsi que dans celle de Piette, les deux types de vaisseaux sont touchés chez 40 % environ des individus souffrant de SAPL.

En milieu obstétrical, il n’est pas rare d’observer uniquement des pertes foetales récidivantes sans autre manifestation thrombotique.

B – Manifestations non thrombotiques :

Plusieurs manifestations cliniques et biologiques sont statistiquement associées à la présence d’aPL, mais leur nature thrombotique ou conséquence d’une thrombose n’est pas démontrée.

1- Coeur et valves :

Des lésions valvulaires sont fréquentes chez les sujets porteurs d’aPL.

Initialement décrites au cours du SAPL II à un lupus systémique, elles sont également fréquentes au cours du SAPL I.

Elles s’apparentent à l’endocardite de Libman-Sachs.

Ainsi, l’étude échocardiographique de Khamashta, portant sur 132 lupus, rapporte 16 % de végétations valvulaires et 38 % d’épaississement de la valve mitrale.

L’insuffisance valvulaire mitrale, et plus rarement aortique, en est une conséquence.

Des emboles détachés des thrombi valvulaires sont à l’origine de certainsAVC ou AIT chez ces malades.

Une greffe oslérienne est toujours possible.

2- Poumons :

Une HTA pulmonaire primitive, sans phénomène thromboembolique ou maladie cardiaque, a été rapportée par certains aux aPL.

3- Système nerveux :

On a décrit l’association hautement significative entre chorée et anticoagulant circulant type LAC.

D’autres mouvements normaux sont décrits : hémiballisme notamment.

Les migraines sont très fréquentes et les études épidémiologiques n’ont pu confirmer l’association aux aPL.

Un syndrome de Guillain-Barré avec aPL, d’isotype IgA, a été décrit, mais le rôle des aPLreste douteux.

Diverses observations de myélite transverse, parfois récidivante ou extensive, parfois associée à une névrite optique (syndrome de Devic), ont été rapportées au cours de lupus systémiques compliqués de SAPL.

En l’absence de preuve anatomique, une origine thrombotique paraît douteuse.

4- Manifestations hématologiques :

Une thrombopénie est observée chez 30 % des SAPL.

Il s’agit rarement d’une thrombopénie profonde, et ne se complique d’hémorragie que s’il existe un déficit associé en facteur de coagulation.

Sa physiopathologie est sans doute multiple : parfois il existe des stigmates de coagulopathie de consommation a minima, expliquant l’effet favorable de l’aspirine ou de l’anticoagulation dans certaines observations.

D’autres mettent en évidence des autoanticorps antiplaquettes. Une anémie hémolytique à test de Coombs positif est rare dans le SAPLI, elle s’observe essentiellement au cours du SAPL II du lupus.

Les anticorps associés sont des aCL d’isotype IgM.

Un anticoagulant circulant est fréquemment retrouvé ainsi que des anticorps antimitochondrie de typeV.

Rappelons les rares observations de purpura thrombotique thrombocytopénique et d’anémie hémolytique avec schizocytes par microangiopathie thrombotique.

Similitudes et différences d’expression des SAPL I et du SAPL secondaire à un lupus :

Deux études portant sur un nombre suffisant de patients ont comparé la prévalence des diverses manifestations cliniques et biologiques dans le SAPL I et le SAPL secondaire à un lupus systémique.

Dans l’étude européenne de Vianna et al, portant sur 114 patients, seules trois manifestations sont plus fréquentes au cours du lupus avec SAPL :

– l’anémie hémolytique (21 % versus 7 %) ;

– la neutropénie (11 % versus 0 %) ;

– les atteintes valvulaires cardiaques (67 % versus 37 %).

L’étude mexicaine multicentrique confirme, sur 146 patients, la plus grande fréquence de l’anémie hémolytique au cours du lupus (28 % versus 12 %), mais également du livedo reticularis (72 %versus 32 %), de la thrombopénie (53 % versus 28 %).

Enfin, deux manifestations sont plus fréquentes dans le SAPL I : il s’agit des thromboses artérielles (44 %versus 13 %) et des pertes foetales répétées (80 % versus 46 %).

Les études longitudinales de séries de SAPL ont montré qu’un contingent très faible de SAPL I devenait ultérieurement des lupus systémiques avec les manifestations clinico-immunologiques qui lui sont propres : on estime cette fréquence à 1,5 à 3 % des SAPL I.

Dans l’expérience d’Alarcon-Segovia, portant sur 557 lupus, dont 52 avec SAPL II, 11 étaient entrés dans la maladie par une manifestation de SAPL.

Il existe cependant un contingent de patients, avec un SAPL, qui ne répondent pas à quatre critères de la classification de l’association des rhumatologues américains (ACR) édictée en 1982 et modifiée en 1997, pour le lupus systémique.

Les auteurs anglo-saxons parlent de syndrome lupus-like, ou de lupus incomplet.

Cette catégorie de malades est de classement très difficile, même en utilisant les critères d’exclusion proposés par Piette.

Dans notre expérience portant sur 108 SAPL, 17 étaient ainsi classés lupuslike contre 22 SAPL I et 69 SAPL II. Avec un recul moyen de 7,2 ± 6,5 ans, ces patients se sont comportés comme des SAPLI et n’ont pas évolué vers un lupus. Mais d’autres auteurs ont une opinion différente.

Pronostic du SAPL et influence sur le pronostic du lupus :

Les thromboses étant par définition récidivantes dans le SAPL, certains se sont attachés à rechercher, dans une étude multivariée, quels étaient les facteurs prédictifs d’une récidive : les deux facteurs indépendants qui semblent ressortir sont l’existence d’un antécédent de thrombose (sic) et un taux élevé d’IgG aCL (supérieur à 40 UGPL).

Différentes études rétrospectives ont montré que la présence d’un anticoagulant circulant constituait le facteur de risque le plus puissant de la survenue d’une thrombose artérielle ou veineuse.

La présence d’un anticoagulant circulant augmente morbidité et mortalité : 3,9 % versus 19 % dans la série de Glueck et al.

Cette conclusion a été confirmée par la suite par Jouhikainen et al, avec 30 %de mortalité versus 14 % sur un suivi de 22 ans.

Une analyse multivariée faite par Gulko et al en 1993, qui disposait d’un dosage d’aCL, 6 à 21 ans avant l’étude de survie, conclut que l’existence d’accidents thromboemboliques et la positivité des IgM aCL affectent toutes deux, et indépendamment négativement, la probabilité de survie.

D’autres facteurs sont associés à une mortalité plus élevée, selon Alarcon-Segovia et Drenkard : l’anémie hémolytique, les thromboses veineuses, les thromboses artérielles et la thrombopénie, soit l’ensemble des manifestations non obstétricales du SAPL.

La présence d’aPL au cours du lupus en l’absence de SAPL reste d’interprétation et donc de traitement débattus en l’absence d’étude prospective.

Un début de réponse est fourni par Shah et al qui ont suivi pendant 10 ans 21 lupus systémiques avec aCL ou LAC mais sans SAPL : 52 % ont développé durant ce suivi un SAPL.

Durant cette même période, 2/10 patients avec un SAPL I et 3/21 avec un SAPL II sont morts ; quatre fois sur cinq le décès est secondaire à une thrombose.

Dans un travail français multicentrique prospectif, nous avons montré que l’existence d’un anticoagulant circulant mais non d’anticardiolipine au cours du lupus était associée, en l’absence de signe préalable de SAPL, à une fréquence élevée de manifestations artérielles et neurologiques cliniques attribuables à un SAPL.

Physiopathologie du SAPL :

Elle reste en grande partie méconnue.

En effet, le rôle pathogène direct des aPL ou des anticofacteurs est rarement démontré, malgré l’existence de modèles expérimentaux.

A – Antiphospholipides et facteurs de la coagulation ou de la fibrinolyse :

De nombreuses interactions ont été mises en évidence entre les IgG ou IgM antiphospholipides ou anticofacteurs, certains anticoagulants circulants et diverses voies de la coagulation ou de la fibrinolyse, ainsi qu’avec certaines fonctions cellulaires des plaquettes ou de l’endothélium vasculaire.

La liste n’est pas exhaustive et aucune d’entre elles ne paraît rendre compte de l’ensemble des phénomènes.

On peut espérer un réel progrès des connaissances le jour où on comprendra quels sont, parmi les différents aPL/cofacteurs, ceux qui ont réellement un rôle pathogène.

B – Modèles expérimentaux :

1- Modèles spontanés :

Deux souches de souris auto-immunes développent spontanément des aPL et des manifestations cliniques proches de celles de l’homme.

Les souris MRL/lpr développent, dès l’âge de 2 mois, des titres élevés d’IgG aCL, associés à une thrombopénie et des portées de faible effectif.

L’analyse histopathologique montre une vasculopathie du système nerveux central avec occlusions vasculaires et infiltrat périvasculaire des plexus choroïdes.

Le second modèle spontané est l’hybride mâle de première génération F1 (NZW × B X SB) qui fait des infarctus myocardiques et une thrombopénie.

Les aCL produits par ces hybrides sont bêta2-GP I dépendants et reconnaissent les principaux phospholipides anioniques ainsi que les plaquettes et l’acide désoxyribonucléique (ADN).

2- Modèles induits :

L’induction d’un SAPL a pu être obtenue chez la souris Balb/c en injectant des IgG purifiées de patientes ayant des avortements répétés avec aPL : ainsi, 15 mg d’IgG injectés à la souris Balb/c gestante provoquent un avortement en 48 heures avec à l’histologie une nécrose, des dépôts d’IgG et de fibrine.

Des portées peu nombreuses et de petit poids de naissance sont observées avec des doses beaucoup plus faibles (10 íg/souris) d’aCL monoclonal ou polyclonal humain injecté chez la souris ICR.

Les IgG antiphosphatidylsérine ont un effet identique.

Les souris ainsi immunisées ont un taux bas d’interleukine 3 (IL3), cytokine intervenant dans la trophicité placentaire.

Le traitement de ces animaux par l’IL3 prévient les résorptions foetales.

L’aspirine agirait en rétablissant des taux élevés d’IL3.

L’immunisation de lapins ou de souris avec de la bêta2-GP I induit la production simultanée d’anti- bêta2-GP I et d’aCL en l’absence de toute contamination de la bêta2-GP I par des phospholipides.

Des manifestations cliniques analogues à celles obtenues avec des anticorps aCL sont observées.

En particulier, les souris PL/J immunisées avec la bêta2-GP I ont des portées très faibles (fort indice de résorption) et certaines développent une myélite transverse.

Une parenté de séquence a été mise en évidence entre le cinquième domaine (site de fixation aux phospholipides) de la bêta2-GP I et une protéine virale.

L’immunisation de souris normales par cette séquence induit la production d’aPL.

3- Modèle de thrombose :

Un modèle de thrombose veineuse expérimentale a été développé par Pierangeli et Harris : il consiste à pincer la veine fémorale de souris mâles CD1 après dénudation à l’aine afin d’y créer une lésion thrombogène.

L’injection intraveineuse préalable d’IgG antiphospholipides induit un caillot de taille supérieure et plus durable que celui obtenu chez les témoins ayant reçu des IgG normales.

Il s’agit actuellement du seul modèle in vivo de thrombose liée à des IgG antiphospholipides.

Histopathologie :

Les données histopathologiques proviennent de prélèvements de peau, de pièces d’amputation, de biopsies rénales, neuropathologiques et valvulaires.

Tous les travaux publiés insistent sur le caractère purement thrombotique des lésions histologiques observées, même si cliniquement, les manifestations peuvent mimer une vascularite.

Les artères de gros calibre présentent un épaississement important de l’intima, une prolifération de la média, et un épaississement de l’adventice.

Il en résulte une diminution nette du calibre de la lumière vasculaire.

Une endartérite proliférante sans vascularite caractérise les vaisseaux cutanés du syndrome de Sneddon, ainsi que les artérioles méningées et corticales.

Parmi les viscères, le rein a fait l’objet de descriptions histopathologiques qui toutes insistent sur l’ischémie glomérulaire, la présence d’une fibrose intimale des artères interlobulaires et parfois de thrombi hyalins dans les lumières artériolaires.

L’histopathologie des valves cardiaques reste d’interprétation délicate : s’agit-il de dépôts fibrinocruoriques sur valves saines, d’une endocardite marastique ou d’une endocardite type Libman Sacks ?

La vasculopathie déciduale décrite lors des avortements répétés est d’interprétation également difficile, car une infiltration par des cellules inflammatoires est habituellement rapportée dans les artères spiralées.

Les marquages immunohistochimiques insistent sur la diminution de l’annexine V (ou PAP-1), protéine ayant une activité antithrombotique.

Génétique du SAPL :

Une prédisposition génétique aux anticorps antiphospholipides est fortement suggérée à travers les études portant sur les familles ou les jumeaux dont plusieurs membres sont, soit porteurs sains d’antiphospholipides, soit atteints d’un syndrome primaire des antiphospholipides alors que d’autres germains ont un lupus ou une autre affection auto-immune.

Une transmission autosomique dominante est proposée.

Dans le syndrome primaire des antiphospholipides, il existe un excès de DR4, DR53, DQB1*0301 (DQ7) et DQB1*0302, résultat confirmé pour DR4 et DQ7, et pour certaines études DR7, plus récemment DRB1*1302.

Les allèles DR4 ou DR7, DQB1*0301, 0302 et 0303 sont souvent portés par le même haplotype et sont en déséquilibre de liaison.

DQB1*0302 (DQ8) et l’ensemble des allèles DQB1*03 sont corrélés avec la présence d’anticorps anti-bêta2-GP I.

DQB1*0301 mais aussi DQB1*0302, *0303 et *0602 partagent la même séquence d’acides aminés en position 71-77 du troisième segment hypervariable DQB1, soit TRAELDT selon le code des acides aminés.

Dans le syndrome primaire, l’étude phénotypique du C4 par RFLP a révélé une association entre haplotypes portant les allèles silencieuxC4AQOouC4BQO et présence d’aCL.

Prise en charge thérapeutique du SAPL :

Cette prise en charge multidisciplinaire nécessite la coopération étroite du médecin traitant, du coagulationniste et de l’équipe obstétricale.

Elle comporte un volet de traitement des thromboses et un volet de prise en charge de la grossesse.

Mais il ne faut pas perdre de vue que les deux versants peuvent être présents chez le même individu, en particulier autour de la période d’accouchement, imposant une vigilance extrême de toute l’équipe afin d’éviter toute interruption, même temporaire, du traitement.

A – Traitement des thromboses :

Bien qu’il s’agisse d’un travail rétrospectif, on connaît, depuis Glueck et al, la propension des SAPL à récidiver les épisodes thrombotiques dans l’année qui suit le premier épisode : 13,7 % après une première phlébite, 6,7 % après une première thrombose artérielle.

Tous les auteurs s’accordent sur la nécessité d’un traitement préventif de ces récidives en utilisant des doses curatives.

1- Prévention des récidives de thrombose veineuse :

La phase initiale du traitement d’une thrombose veineuse n’a aucune originalité et fait appel à l’héparine classique, aux posologies habituelles ou l’héparine à bas poids moléculaire (HBPM) ayant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication.

La seule difficulté consiste, en cas de LAC, à déterminer les ajustements nécessaires puisque le TCA est habituellement allongé.

On se fonde alors sur l’héparinémie (entre 0,2 et 0,4 U/íL) ou l’activité anti-Xa.

La surveillance du chiffre des plaquettes est impérative compte tenu du risque (6 à 15 %) de thrombopénie induite par l’héparine.

Le relais par les AVK peut se faire dans les délais usuels.

La surveillance de l’INR doit être fréquente, sachant que l’équilibration est parfois difficile en cas de SAP Lavec LAC.

Une étude rétrospective a suggéré que la meilleure prévention de récidives était obtenue en stabilisant l’INR au delà de 3,0, mais le risque de complications hémorragiques graves est alors plus élevé (10 % à 24 mois selon Gitter et al. L’équipe de Harris et al préconise plutôt un INR entre 2,6 et 3,0.

Actuellement, toutes les équipes prônent la poursuite de façon indéfinie des AVK, compte tenu des nombreuses observations de récidive thrombotique dans les semaines et le mois qui suivent un arrêt de l’anticoagulation.

Les femmes désirant une grossesse doivent repasser par un traitement héparinique, de préférence avant la conception car les AVK sont tératogènes au premier trimestre de la grossesse.

2- Thromboses artérielles :

Les études rétrospectives ont également montré que la prévention des récidives artérielles passait par un traitement par les AVK seuls ou associés à l’aspirine à dose antiagrégante (100 à 300 mg/j).

Cette association donnerait peut-être des résultats un peu meilleurs que les AVK seuls, lesquels sont très supérieurs au non-traitement.

L’INR préconisé serait de 3,0 pour certains, supérieur à 3,0 pour d’autres.

L’addition d’aspirine n’augmente pas le risque hémorragique dans les séries rapportées.

Il n’y a pas de place pour la prednisone, ou les immunosuppresseurs dans la prévention des récidives artérielles.

L’hydroxychloroquine aurait des propriétés antithrombotiques intéressantes, en particulier en matière de thromboses artérielles (en abaissant le cholestérol et la glycémie ainsi qu’en faisant baisser le titre des aPL), son utilisation est actuellement préconisée comme traitement adjuvant auxAVK et à l’aspirine.

Les autres mesures préventives consistent à traiter toutes les facteurs de risque :

– arrêt du tabac ;

– régime hypocholestérolémiant, voire les statines qui ont l’AMM en cas de coronaropathie ;

– contrôle métabolique du diabète ;

– interdiction de contraception orale avec des produits à base d’oestrogènes ;

– correction par l’acide folique d’une hyperhomocystinémie.

En cas d’intervention chirurgicale programmée, on peut préconiser 5 000 unités d’héparine en sous-cutané, juste avant l’induction anesthésique, puis 5 000 unités en sous-cutané toutes les 12 heures durant les 2 à 3 premiers jours postopératoires ou durant toute la période d’alitement.

3- Syndrome catastrophique des antiphospholipides :

Chez ces sujets extrêmement fragilisés, l’anticoagulation par l’héparine est rarement suffisante, et il est habituel (sans preuve définitive) d’y associer des bolus de Solu-Médrolt, des échanges plasmatiques, quotidiens au début, et pour certains le cyclophosphamide et/ou les veinoglobulines avec des succès variables.

B – Contraception, stimulation de l’ovulation et traitement hormonal substitutif :

En cas d’antécédent thrombotique, la contraception hormonale oestroprogestative est contre-indiquée, même au prix d’un traitement anticoagulant à dose efficace.

De même, toute stimulation hormonale en vue de déclencher l’ovulation, et a fortiori pour une fécondation in vitro après recueil d’ovules, est formellement contre-indiquée.

Plusieurs accidents thrombotiques sévères ont été rapportés.

Enfin, en l’absence de données définitives sur le sujet, il n’est pas recommandé de recourrir à un traitement hormonal substitutif chez les femmes ménopausées ayant un SAPL.

C – Traitement des pertes foetales :

La prise en charge thérapeutique des pertes foetales répétées permet d’obtenir actuellement plus de 70 % d’enfants vivants contre 10 % en l’absence de traitement.

Les corticoïdes ne constituent plus la pièce maîtresse du traitement et leur posologie ne doit en aucun cas dépasser 20 mg/j de prednisone sauf indication extraobstétricale.

En effet, les corticoïdes ont été rendus responsables d’une morbidité maternelle et foetale élevée (hypertension, diabète gestationnel, prééclampsie, ostéonécroses, infections, prémarurité, etc).

Les études prospectives portant sur des SAPLprimaires et non des lupus avec SAPL ont bien montré l’intérêt de l’association héparine-aspirine.

La posologie de l’héparine standard a été initialement proposée entre 10 000 et 20 000 unités deux fois par jour en deux injections sous-cutanées, ce qui allonge le TCA vers 1,2 à 1,5 fois le témoin.

Une dose de 5 000 à 12 500 unités, deux fois par jour, qui n’allonge pas le TCA, donnerait des résultats équivalents.

Les HBPM peuvent remplacer l’héparine standard, mais n’ont pas l’AMM dans cette indication.

Toutes les héparines utilisées au long cours entraînent une perte osseuse, mesurée par densitométrie, et une supplémentation vitaminocalcique est préconisée (2 g de calcium/j et 800 unités de vitamine D).

L’aspirine utilisée seule à dose antiagrégante a été créditée de nombreux succès, mais elle peut s’avérer insuffisante chez des femmes ayant déjà présenté de nombreuses pertes foetales.

Elle diminue la fréquence des épisodes de prééclampsie.

Ces diverses mesures thérapeutiques restent cependant insuffisantes pour diminuer les taux de prématurité, qui restent très élevés (50 % des naissances), en particulier dans le SAPL secondaire à un lupus systémique.

D – Indications thérapeutiques dans les grossesses du SAPL :

Elles sont au mieux établies par un avis spécialisé dans le cadre d’une consultation préconceptionnelle.

On décourage toute grossesse en cas d’antécédent thrombotique artériel, a fortiori récidivant. On détermine le taux et l’isotype, IgG ou IgM, des aPL.

Ces tests sont répétés tous les 3 mois, car des fluctuations importantes peuvent s’observer durant une grossesse, en l’absence de tout accident de thrombose.

La surveillance obstétricale comprend un suivi régulier de la fréquence cardiaque foetale et de son développement par ultrasons.

La vélocimétrie doppler du débit sanguin ombilical est possible à 20 semaines, puis répétée toutes les 2 ou 3 semaines.

Elle est utile pour dépister une détresse foetale, en surveillant la résistance vasculaire placentaire.

Les femmes sous AVK avant la conception sont passées sous héparine, de préférence avant l’arrêt de la contraception.

En fait, plusieurs attitudes théapeutiques sont préconisées selon les antécédents maternels :

– absence de traitement : elle s’adresse aux femmes avec aPL n’ayant aucun antécédent de thrombose ou de perte foetale ;

– aspirine à faible dose : elle est préconisée chez les femmes avec aPL ayant eu une perte foetale, mais aucun antécédent de thrombose ;

– héparine et aspirine à faible dose : c’est l’attitude préconisée, soit chez les femmes ayant eu des antécédents de thromboses, la posologie étant plutôt de 15 000 unités d’héparine calcique deux fois par jour, soit chez les femmes ayant eu une perte foetale durant le deuxième ou le troisième trimestre de gestation, ou trois pertes foetales documentées durant le premier trimestre avec des taux modérés ou élevés d’IgG aCL, ou un LAC.

La posologie d’héparine sous-cutanée étant alors de 15 000 U/j en deux fois.

Selon Petri, l’aspirine ne doit pas être arrêtée au moment de l’accouchement.

On connaît cependant les réticences des anesthésistes devant une telle recommandation.

Les veinoglobulines, voire les échanges plasmatiques, vivent des rares échecs de l’association héparine-aspirine.

E – Traitement de la thrombopénie :

Le chiffre des plaquettes au-dessus de 50 000/mm3 ne nécessite aucun traitement.

Les corticoïdes à forte dose sont habituellement efficaces sur la thrombopénie en cas de complication hémorragique.

Certains auteurs ont rapporté l’effet bénéfique, soit de l’aspirine à faible dose, soit de l’héparine, mais l’effet reste inconstant.

La dapsone et le danazol ont également été crédités de certains succès.

Il en est de même des veinoglobulines, mais l’effet obtenu est transitoire et le coût très élevé.

La splénectomie est parfois le seul traitement efficace, en particulier dans le SAPL secondaire à un lupus.

F – Divers :

En cas d’insuffisance valvulaire mal tolérée, il est possible de recourir à un remplacement valvulaire avec de bons résultats.

On préfére les hétérogreffes aux valves métalliques, compte tenu des risques de thrombose plus élevés en cas d’arrêt imposé du traitement anticoagulant au long cours.

L’embolectomie pulmonaire reste un geste de sauvetage exceptionnel mais possible.

Enfin, en cas d’insuffisance rénale chronique, l’hémodialyse est indiquée mais on redoute les thromboses de la fistule artérioveineuse.

La transplantation rénale est également grevée de fréquentes complications thrombotiques.

Le SAPL n’a été individualisé que depuis 15 ans.

Le nombre considérable de publications qu’il a suscitées en fait indiscutablement une « maladie vedette » des années 1990.

Il reste encore beaucoup de travaux à réaliser pour comprendre sa physiopathologie exacte.

Sa prise en charge thérapeutique est d’ores et déjà satisfaisante, au prix d’un traitement continu et étroitement surveillé.

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