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Suppurations péripharyngées

Introduction :

Les suppurations péripharyngées sont le plus souvent secondaires à une infection pharyngée ou dentaire ou à l’ingestion d’un corps étranger.

Elles sont plus rarement secondaires à un traumatisme lors d’un examen endoscopique.

On différencie, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant, les infections localisées qui peuvent être collectées (phlegmons) ou non (cellulites), des infections extensives à point de départ pharyngé (fasciites nécrosantes ou cellulites extensives).

Ces infections sont caractérisées par la très grande fréquence de responsabilité des streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A et des germes anaérobies et par la nécessité d’un drainage chirurgical lorsqu’il existe un abcès constitué ou une infection extensive.

Les différentes aponévroses cervicales délimitent des espaces cellulograisseux ou viscéraux et jouent à la fois un rôle dans la limitation et dans la propagation du processus infectieux.

Les différents espaces anatomiques peuvent être atteints de manière isolée ou associée.

Le phlegmon périamygdalien est le plus fréquemment observé, les suppurations des espaces parapharyngés viennent ensuite par ordre de fréquence, que ce soit chez l’adulte ou l’enfant.

Les phlegmons rétropharyngés sont les moins fréquents ; ils sont essentiellement observés chez les très jeunes enfants.

Ces suppurations péripharyngées guérissent le plus souvent sous traitement adapté.

La mise en jeu du pronostic vital est liée à l’obstruction de la filière respiratoire ou à l’extension à des espaces vitaux (atteinte médiastinale ou vasculaire jugulocarotidienne).

Anatomie. Physiopathologie :

Le pharynx est un conduit musculomembraneux vertical continu de 15 cm, étendu de la base du crâne jusqu’au bord inférieur de la sixième vertèbre cervicale.

Il est constitué de trois parties : le rhinopharynx, l’oropharynx (de part et d’autre du voile du palais) et l’hypopharynx.

Il est prolongé par l’oesophage.

Ses parois sont constituées de dedans en dehors par la muqueuse, une couche conjonctive sous-muqueuse appelée fascia pharyngobasilaire, une couche musculaire constituée par le chevauchement des muscles constricteurs supérieurs, moyens et inférieurs ; enfin, une lame conjonctive appelée fascia péripharyngé.

L’oesophage cervical est un conduit musculomembraneux de 4 à 5 cm, naissant au bord inférieur du cartilage cricoïde.

Il est constitué d’une muqueuse, d’une sous-muqueuse et d’une musculeuse.

L’os hyoïde permet de séparer schématiquement trois espaces pouvant être le siège de collections ou de suppurations.

A – RÉGION SOUS-MAXILLAIRE (EN AVANT DE L’OS HYOÏDE) :

Elle est appelée région submandibulaire dans la nouvelle nomenclature.

Sa partie profonde, située entre la mandibule et l’os hyoïde, est schématiquement limitée d’avant en arrière par le ventre antérieur du muscle digastrique, le muscle mylohyoïdien, le muscle hyoglosse et le ventre postérieur du muscle digastrique (accompagné du muscle stylohyoïdien).

Cette région communique avec la région sublinguale (trajet du canal de Wharton) en dedans du bord postérieur du muscle mylohyoïdien.

Ceci explique la possibilité de diffusion des infections du plancher.

En revanche, la loge sous-maxillaire est séparée de la loge parotidienne par la cloison intermaxilloparotidienne, diminuant les possibilités d’extension infectieuse.

Outre la glande sous-maxillaire, le nerf hypoglosse (grand hypoglosse) et les vaisseaux faciaux, la loge sousmaxillaire contient des ganglions lymphatiques de part et d’autre des vaisseaux faciaux et de la glande (pré- et rétrovasculaires et préet rétroglandulaires).

L’infection locale, en général d’origine dentaire (plus rarement par plaie du plancher) peut entraîner une diffusion directe de l’infection par le plancher buccal ou la suppuration d’une adénopathie satellite.

B – RÉGION PARAPHARYNGÉE (AU-DESSUS DE L’OS HYOÏDE) :

Elle répond à la loge parotidienne en dehors.

Cette dernière peut être le siège de tuméfaction d’origine infectieuse et de suppuration, entre autres à partir des noeuds lymphatiques intraparotidiens.

La région profonde s’étend de la base du crâne (os sphénoïdal) à l’os hyoïde.

Elle est séparée en deux régions, oro- et rhinopharyngée, sans qu’il existe de réelle barrière.

1- Région rhinopharyngée :

Elle est peu en cause dans les suppurations péripharyngées pour plusieurs raisons.

Tout d’abord par l’absence de passage du bol alimentaire à ce niveau et de la régression précoce des végétations adénoïdes (qui sont exceptionnelles après 10 ans).

* Parois :

La paroi supérieure est adhérente au corps du sphénoïde.

La paroi latérale est séparée de la région parapharyngée par le muscle constricteur supérieur du pharynx doublé sur sa face interne par le fascia pharyngobasilaire et sur sa face externe par le fascia externe du pharynx.

À la partie supérieure, seuls les deux fascia persistent, accompagnés des muscles de la trompe d’Eustache.

La paroi antérieure est en continuité avec les fosses nasales par l’intermédiaire des choanes.

* Espaces parapharyngés :

La région rhinopharyngée postérieure est en continuité avec la région oropharyngée et hypopharyngée postérieure, ce qui facilite la diffusion de l’infection.

Sa constitution est la même aux deux étages (rhino- et oropharyngé).

Elle est séparée de la région latérale par des lames fibreuses, dites lames de Charpy.

Trois espaces de décollement rétropharyngés sont possibles :

– l’espace rétropharyngé proprement dit, étendu de la base du crâne à la vertèbre C7 ou T1, est limité par le constricteur en avant et le fascia péripharyngien en arrière ;

– en arrière du précédent, limité par le fascia péripharyngien en avant et l’aponévrose prévertébrale en arrière, il existe un espace que les Anglo-Saxons appellent l’espace dangereux (danger space) en raison de la possibilité de diffusion de l’infection jusqu’au médiastin.

C’est à ce niveau que se situent les noeuds lymphatiques rétropharyngés.

Les plus importants sont les noeuds rétropharyngés latéraux, les noeuds rétropharyngés médians étant inconstants ;

– l’espace prévertébral.

La région latérale est occupée par la musculature du voile du palais et de la trompe d’Eustache qui empêche la diffusion des infections d’origine pharyngienne.

Toutefois, il existe des noeuds lymphatiques, situés en avant de l’ostium pharyngien de la trompe d’Eustache, le plexus prétubaire.

D’autre part, la partie antérieure de la région latérale répond à la partie postéro-interne de la fosse ptérygomaxillaire (ou fosse infratemporale) qui peut être le siège de collections, de suppuration par le biais d’infiltration (anesthésie tronculaire) ou d’adénopathies suppurées.

2- Région oropharyngée :

C’est la région la plus concernée par les collections parapharyngées, essentiellement à point de départ amygdalien.

* Parois :

L’amygdale ou tonsille palatine située sur la face latérale de l’oropharynx est constituée de tissus lymphoïdes.

Elle est entourée d’une capsule fibreuse qui la sépare de la paroi oropharyngée latérale constituée par les muscles constricteurs du pharynx.

C’est dans cet espace de décollement que se constituent les phlegmons périamygdaliens.

Les muscles qui délimitent la loge amygdalienne, palatoglosse en avant et palatopharyngé en arrière, empêchent la diffusion du phlegmon vers les parois antérieure et postérieure.

La paroi oropharyngée latérale et postérieure est constituée par le chevauchement en « tuile de toit » de deux muscles plats et fins, les constricteurs supérieur et moyen du pharynx.

L’existence d’un hiatus entre ces deux muscles et leur faible épaisseur sont à l’origine de la diffusion parapharyngée des infections.

Le fascia pharyngobasilaire, qui recouvre la face interne des constricteurs, constitue une barrière importante contre l’envahissement tumoral des lésions carcinomateuses de la région, mais plus faible sur la diffusion infectieuse.

* Espaces parapharyngés :

En regard de l’oropharynx, cette région est divisée en deux par la partie interne du rideau stylien.

Le rideau stylien est constitué de dehors en dedans par le ventre postérieur du muscle digastrique, le muscle stylohyoïdien, le ligament stylohyoïdien et le ligament stylomandibulaire.

Ces muscles sont reliés par du tissu conjonctif.

La loge préstylienne, directement en contact avec le fascia pharyngobasilaire, est occupée par les muscles ptérygoïdiens, l’artère et le nerf maxillaire (interne).

La loge rétrostylienne (région sous-parotidienne postérieure), en arrière du rideau stylien et en dehors des lames de Charpy, contient l’artère carotide interne, la veine jugulaire interne, les quatre dernières paires crâniennes (IX, X, XI et XII) et le ganglion sympathique cervical.

C – RÉGION CERVICALE (EN DESSOUS DE L’OS HYOÏDE) :

Cette région répond à l’hypopharynx et à l’oesophage cervical.

Le larynx et la trachée n’ont qu’une place limitée dans la survenue d’infections cervicales en raison de leur caractère aseptique.

1- Parois :

Les sinus piriformes sont séparés de la région cervicale par les ailes du cartilage thyroïde (en avant) dans laquelle ils s’encastrent.

La paroi postérieure et la partie la plus postérieure de la paroi hypopharyngée latérale ne sont séparées de la région cervicale que par les muscles constricteurs moyen et inférieur du pharynx.

L’oesophage cervical est en contact avec la trachée en avant (qu’il déborde légèrement à gauche).

Il est entouré avec la trachée par la gaine viscérale, seule barrière (avec la musculature intrinsèque) à la diffusion cervicale.

Les tuméfactions et les suppurations cervicales sont rarement consécutives à une diffusion d’origine endoluminale (hypopharynx ou oesophage).

Elles sont essentiellement dues aux corps étrangers (arête de poisson) ou aux traumatismes endoscopiques.

2- Espaces parapharyngés :

Dans la région cervicale, il n’existe pas de réelle barrière médiane (entre les côtés droit et gauche du cou) et inférieure (avec le médiastin supérieur).

Cela explique la possibilité de diffusion des suppurations cervicales de manière bilatérale et l’atteinte fréquente du médiastin supérieur.

L’hypopharynx répond directement à la gouttière jugulocarotidienne, alors que l’oesophage en est séparé par les lobes thyroïdiens.

Il existe un abondant réseau lymphatique cervical avec les chaînes jugulocarotidiennes, spinales et cervicales transverses.

Ce réseau correspond au drainage lymphatique de la totalité des régions précédentes.

Les collections cervicales proviennent donc essentiellement d’une adénopathie (sous-digastrique en particulier), conséquence d’une infection locale (amygdalienne ou dentaire, par exemple).

Bactériologie :

Les bactéries responsables d’infections cervicales sont le plus souvent des bactéries commensales de la flore oropharyngée.

Ces bactéries deviennent virulentes et invasives lorsqu’il existe une rupture de l’équilibre physiologique, notamment une infection virale ou bactérienne pharyngée, une infection dentaire ou une plaie par un corps étranger, qui rompt la barrière muqueuse et permet la diffusion de ces germes dans les espaces cervicaux profonds.

Cette flore oropharyngée et salivaire est composée de germes aéroanaérobies avec souvent une prédominance de germes anaérobies.

En fonction de la virulence des germes en cause, mais peut-être également du terrain (patients immunodéprimés, âgés ou diabétiques) et/ou des traitements associés (anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS] et corticoïdes), cette infection peut rester longtemps localisée, puis se collecter sous forme d’abcès ou évoluer vers une infection diffuse et extensive parfois nécrosante sous forme de cellulite cervicale extensive gangreneuse ou adénophlegmoneuse.

Un prélèvement bactériologique est nécessaire lorsqu’il existe une collection purulente.

Ce prélèvement est théoriquement inutile lors des phlegmons périamygdaliens du fait de l’efficacité quasi constante de la pénicilline sur les germes isolés, mais doit être effectué de principe afin de documenter un éventuel échec du traitement.

Les modalités de transport et de mise en culture des germes anaérobies ont une influence majeure sur la fréquence avec laquelle ces germes sont isolés.

En pratique, l’absence d’isolement de bactéries au cours d’une suppuration péripharyngée doit faire suspecter la présence de germes anaérobies qui n’auraient pas été mis en évidence par les techniques de transport et de culture utilisées.

L’isolement de germes commensaux non pathogènes de la flore oropharyngée est fréquent dans ces prélèvements qui sont souvent polymicrobiens.

Dans les études où les modalités d’isolement d’anaérobies sont optimales, ceux-ci sont largement prédominants dans la bactériologie de ces infections ; il s’agit de Bacteroides sp., Micrococcus sp., Fusobacterium sp. et Peptostreptococcus sp.

Les streptocoques aérobies sont les principaux germes aérobies isolés ; il s’agit le plus souvent de streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A lorsque l’origine de la suppuration est une infection pharyngée.

Des staphylocoques et des bactéries à cocci à Gram négatif sont plus rarement en cause.

Ces derniers germes sont plus particulièrement à craindre chez les patients hospitalisés ou vivant en institution et chez les sujets alcooliques ou diabétiques.

Des hémocultures sont également nécessaires chez les patients en hypo- ou hyperthermie.

Elles doivent être prélevées par paire (aérobie et anaérobie) et renouvelées deux à trois fois seulement.

Infections localisées :

A – PHLEGMON PÉRIAMYGDALIEN :

C’est la cause la plus fréquente de suppuration péripharyngée, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant.

Son incidence est estimée à 30 cas pour 100 000 personnes par an.

Ces phlegmons sont essentiellement observés chez l’adolescent et chez l’adulte jeune au décours d’une angine.

La propagation de l’infection se fait à travers la capsule fibreuse de l’amygdale dans l’espace périamygdalien, espace virtuel où la constitution d’un abcès décolle l’amygdale du plan musculaire des constricteurs pharyngés.

Avant la constitution d’un abcès, il existe une première phase purement inflammatoire qui s’étend souvent à la région oropharyngée (voile, piliers amygdaliens) et parapharyngée.

L’abcès, lorsqu’il est collecté, est le plus souvent localisé au pôle supérieur de l’amygdale, plus rarement à la partie moyenne, voire inférieure.

La présentation clinique est typiquement celle d’une angine qui s’aggrave de manière unilatérale avec une dysphagie qui s’intensifie et peut aller jusqu’à l’aphagie et une recrudescence de la fièvre.

La douleur est unilatérale avec une fréquente limitation de l’ouverture buccale et une voix modifiée par l’inflammation du voile.

L’examen clinique est souvent difficile du fait du trismus.

Le voile est inflammatoire et oedématié de manière unilatérale, avec une luette souvent déviée de l’autre côté, parfois elle-même oedématiée.

Les deux amygdales sont augmentées de volume et inflammatoires avec, du côté du phlegmon, une amygdale parfois masquée par l’oedème du pilier antérieur.

Les adénopathies cervicales sont fréquemment observées, parfois unilatérales.

Il peut être difficile d’affirmer le caractère collecté du phlegmon : l’existence d’un trismus et d’une latéralisation de la luette sont les seuls signes cliniques évocateurs.

La ponction à l’aiguille, à l’aplomb de l’oedème (au niveau de la partie supérieure du pilier antérieur), permet, si elle ramène du pus, de confirmer le diagnostic.

B – INFECTIONS DES ESPACES PHARYNGÉS LATÉRAUX (OU PARAPHARYNGÉS) :

Les phlegmons parapharyngés sont des complications plus rares dont les mécanismes de survenue sont multiples.

L’infection peut avoir un point de départ amygdalien, plus rarement parotidien, ou provenant de la suppuration d’un ganglion qui draine les fosses nasales ou le pharynx.

L’origine de ces abcès est rarement dentaire.

On distingue, en fonction de la localisation de l’abcès par rapport au rideau stylien, les phlegmons préstyliens et rétrostyliens.

Le compartiment antérieur préstylien ne contient pas d’éléments nobles, seulement de la graisse et du tissu lymphatique.

Il est important de séparer ces deux localisations anatomiques de l’abcès car la présentation clinique, la gravité de l’infection et la voie d’abord chirurgicale sont différentes.

Leurs caractéristiques cliniques communes sont : la fièvre, la douleur à la déglutition, la raideur cervicale et l’altération de l’état général.

Les abcès pharyngés latéraux (abcès préstyliens ou paraamygdaliens) surviennent essentiellement chez l’adulte ou le grand enfant.

Les patients présentant un abcès du segment antérieur se présentent avec un trismus modéré, une fièvre et une tuméfaction pharyngée latérale associée à une tuméfaction cervicale douloureuse en arrière de l’angle mandibulaire, dans la région parotidienne.

La collection purulente est située en dehors du constricteur pharyngé ; elle refoule l’amygdale en bas et en dedans avec des signes inflammatoires locaux et notamment un oedème beaucoup moins important qu’au cours des phlegmons périamygdaliens.

Le risque est l’extension aux espaces celluleux de voisinage et notamment à la région sous-maxillaire.

La ponction pharyngée peut permettre le diagnostic.

Les abcès du compartiment postérieur (abcès rétrostylien ou sousparotidien postérieur) sont typiquement caractérisés par l’importance des signes généraux de toxi-infection, l’absence de trismus et la discrétion des signes pharyngés locaux, de la douleur et de la dysphagie.

Il peut en revanche exister un oedème responsable d’une dyspnée et une paralysie des dernières paires crâniennes.

Les signes caractéristiques sont l’empâtement de la région rétromandibulaire associé à un épaississement du pilier postérieur de l’amygdale.

Chez l’enfant, un torticolis peut être révélateur.

Très rarement, leur origine est otologique, secondaire à un abcès mastoïdien (abcès de Bezold) ou une pétrosite qui se sont ouverts dans la région sous-parotidienne postérieure.

La gravité des complications est liée à la présence de la carotide interne et de la veine jugulaire interne et/ou à la diffusion de l’infection vers le médiastin.

C – INFECTIONS DE L’ESPACE RÉTROPHARYNGÉ :

L’espace rétropharyngé s’étend de la base du crâne au médiastin supérieur (au niveau de la première vertèbre dorsale).

Les ganglions rétropharyngés situés en regard de C2, qui forment deux groupes de part et d’autre de la ligne médiane, régressent entre 2 et 5 ans.

La plus grande fréquence des suppurations rétropharyngées avant 4 ans provient de l’infection de ces ganglions.

Les suppurations rétropharyngées du plus grand enfant ou de l’adulte sont secondaires à l’ingestion d’un corps étranger ou à un traumatisme parfois iatrogène de la paroi pharyngée postérieure (intubation, endoscopie, contention antérieure du rachis cervical par du matériel d’ostéosynthèse).

Parfois, elles sont secondaires à la propagation d’une infection d’un autre espace péripharyngé ou d’une infection osseuse vertébrale.

La présentation clinique typique associe une douleur pharyngée fébrile et une dysphagie à une raideur cervicale, voire une hyperextension cervicale, évoquant un torticolis ou une méningite.

Le problème du diagnostic différentiel avec une épiglottite peut se poser lorsque le patient présente une dyspnée inspiratoire associée à une hypersalivation et de la fièvre.

L’examen clinique montre un bombement souvent un peu latéralisé de la paroi postérieure du pharynx.

Cet examen doit être prudent car, surtout chez le jeune enfant, il risque d’aggraver la gêne respiratoire et de provoquer un spasme laryngé.

Il doit être effectué avec une aspiration à portée de main car il existe un risque d’inondation des voies respiratoires par rupture de l’abcès, surtout en cas de tentative de palpation de la collection.

L’atteinte de l’espace prévertébral par extension de l’infection expose à la diffusion de l’infection dans le médiastin.

Il peut également exister une collection antérieure compliquant une spondylodiscite, à staphylocoque le plus souvent, mais qui peut également être une tuberculose (mal de Pott) ou une coccidioïdomycose.

La présentation clinique est identique ; la collection est médiane avec des signes d’atteinte des corps vertébraux adjacents sur la radiographie.

Imagerie :

A – RADIOGRAPHIES STANDARDS :

L’imagerie conventionnelle n’a actuellement plus de place dans le bilan des infections péripharyngées.

Les incidences cervicales de profil sont encore utilisées dans le bilan des infections rétropharyngées, notamment chez l’enfant, ou à la recherche d’un corps étranger radio-opaque.

Au cours d’un abcès rétropharyngé, les radiographies cervicales de profil montrent une disparition de la courbure physiologique et un épaississement des tissus mous (avec une distance séparant la paroi pharyngée postérieure du corps vertébral supérieure à 7 mm en C2 et supérieure à 14 mm chez l’enfant et à 22 mm au-delà de 15 ans en C6).

Il peut de plus y avoir un déplacement de la graisse prévertébrale, parfois de l’air ou un niveau liquide, voire un corps étranger.

Ces radiologies doivent être pratiquées en profil strict, effectuées en inspiration, le cou en hyperextension car des images latérales, chez un enfant qui pleure, ou en expiration, peuvent donner un faux aspect d’épaississement des parties molles.

Elles sont largement supplantées par le scanner actuellement, mais elles gardent un intérêt, surtout chez l’enfant en partie du fait de leur facilité d’obtention et de leur rapidité d’exécution.

Les images panoramiques dentaires sont utiles dans le bilan étiologique à la recherche d’un foyer infectieux dentaire.

Un cliché radiologique pulmonaire est habituellement demandé lorsqu’une hospitalisation est indiquée, à la recherche d’une infection pulmonaire associée et/ou d’un élargissement du médiastin évocateur d’une infection médiastinale.

B – TOMODENSITOMÉTRIE :

Le scanner est actuellement l’examen de choix dans le diagnostic et le bilan des abcès cervicaux profonds et des suppurations péripharyngées.

Il n’est en pratique pas nécessaire pour les phlegmons périamygdaliens.

Dans les abcès para- ou rétropharyngés, il permet de localiser le site de l’infection et de délimiter les espaces anatomiques concernés par l’infection afin de guider le chirurgien dans le geste de drainage chirurgical.

Il permet de préciser le stade clinique de l’infection et de différencier une inflammation cellulitique d’un abcès collecté.

La corrélation entre l’aspect scanographique d’abcès et l’exploration chirurgicale est de 92 %.

Au stade de cellulite, les tissus pathologiques prennent le contraste de façon diffuse et homogène, avec des contours mal délimités.

L’oedème périphérique ne se rehausse pas avec le contraste.

Au stade d’abcès collecté, la tuméfaction est arrondie à centre hypodense sans rehaussement après injection de produit de contraste.

La coque de l’abcès est épaisse et irrégulière et prend le contraste de manière importante.

Il faut signaler l’importance de la recherche de petites bulles gazeuses dans les cellulites anaérobies, compte tenu de leur pronostic.

Les complications vasculaires ou osseuses associées peuvent être évaluées.

Le foyer d’origine de la suppuration peut parfois être mis en évidence sur cet examen, notamment s’il s’agit d’un corps étranger.

C – RÉSONANCE MAGNÉTIQUE NUCLÉAIRE (RMN) :

La RMN est moins utilisée compte tenu de son accès plus difficile en urgence.

C’est l’examen le plus sensible pour l’étude des parties molles, des tissus inflammatoires, de l’oedème ou des collections dont le contenu séreux ou mucoprotéinique peut être facilement évalué en fonction du signal sur les différentes séquences pondérées en T1 ou en T2.

La prise de contraste après injection de gadolinium est équivalente à celle retrouvée sur le scanner.

Il faut citer l’intérêt des séquences en saturation de graisse qui permettent un meilleur repérage des prises de contraste des tissus inflammatoires non collectés par rapport aux espaces graisseux environnants.

Prise en charge thérapeutique :

Le traitement des suppurations péripharyngées nécessite une prise en charge médicochirurgicale.

Une antibiothérapie est nécessaire ; elle est administrée par voie parentérale.

L’utilisation de la pénicilline en monothérapie est théoriquement suffisante, surtout dans le traitement des phlegmons périamygdaliens.

Cependant, des germes producteurs de bêta-lactamases sont isolés dans 22 % des cas dans certaines séries.

Il est donc habituel, en France, de prescrire une association pénicilline A/inhibiteur de bêta-lactamases ou d’associer du métronidazole dans le traitement des phlegmons périamygdaliens.

La nécessité d’une antibiothérapie rapidement efficace incite souvent dans les infections graves à utiliser, en première intention, une antibiothérapie à large spectre associant une céphalosporine injectable, un aminoside et du métronidazole et à réadapter le traitement en fonction des résultats bactériologiques à la 48e heure.

Les différentes modalités de prise en charge du phlegmon amygdalien font l’objet de discussions.

La plus classique consiste à ponctionner l’abcès, à l’inciser si la ponction ramène du pus, et à le drainer.

Une anesthésie générale peut être nécessaire chez le jeune enfant ou chez les patients pusillanimes.

Certains auteurs proposent des ponctions itératives (en général, deux ou trois suffisent mais le risque de récidive de l’abcès est plus élevé) ou une amygdalectomie « à chaud » (facilitée par le décollement dû à l’abcès).

Une antibiothérapie isolée est instituée lorsque la ponction ne ramène pas de pus.

Après 24 heures de traitement, l’amélioration ou l’aggravation permet de différencier un phlegmon non collecté d’un phlegmon en voie de collection qu’il faudra ponctionner et drainer le cas échéant.

L’hospitalisation est, dans tous les cas, recommandée si la dysphagie empêche l’alimentation et surtout l’absorption des antibiotiques ; une administration par voie intraveineuse des antibiotiques est alors nécessaire.

Une amygdalectomie à distance (en pratique 5 à 6 semaines après l’accident aigu) est classiquement recommandée par les auteurs français.

Une récidive du phlegmon ne survient que chez 10 à 15 % des patients ; les auteurs anglo-saxons ne proposent donc l’amygdalectomie qu’aux patients ayant des antécédents d’angines à répétition, ce qui constitue environ 30 % des patients présentant un phlegmon périamygdalien.

Le traitement des phlegmons parapharyngés et rétropharyngés dépend du caractère collecté ou non de l’infection.

Il est d’abord médical puis guidé par les données cliniques, radiologiques et par la ponction.

Cette ponction est indiquée lorsque l’on soupçonne un abcès collecté et que celui-ci est accessible, sans danger pour l’axe vasculaire par voie endobuccale ou par voie externe.

Elle est effectuée le plus souvent sous anesthésie générale, notamment chez l’enfant et, si elle ramène du pus, elle indique la nécessité d’un drainage de l’abcès.

La voie d’abord, externe ou endobuccale, est guidée par la localisation de la collection et par son extension.

En pratique, la voie endobuccale est réservée aux collections limitées, à distance de l’axe vasculaire.

Les phlegmons occupant la loge rétrostylienne (donc en contact avec l’axe vasculaire) et/ou étendus à plusieurs espaces anatomiques sont préférentiellement pris en charge par voie externe.

L’abord externe permet le drainage de la collection et la mise en place de lames, ce qui permet de faire des lavages.

Lorsque la ponction est blanche, il peut se discuter, si la tolérance clinique est bonne, de proposer un traitement médical en hospitalisation et de réévaluer toutes les 24-48 heures l’évolution clinique locale et générale.

Complications des infections localisées :

A – COMPLICATIONS VASCULAIRES :

La thrombophlébite de la veine jugulaire interne est une complication relativement fréquente des infections de l’espace viscéral du cou.

Cette complication peut passer inaperçue ou être constatée lors du drainage chirurgical de l’abcès lorsque cette thrombose est aseptique, réactionnelle à l’infection adjacente.

La thrombose septique de la jugulaire interne est parfois palpable sous la forme d’un cordon induré et douloureux en avant du muscle sterno-cléido-mastoïdien, rarement associée à une atteinte neurologique du pneumogastrique. Une septicémie peut être le seul signe évocateur.

Les emboles septiques pulmonaires, ostéoarticulaires sont fréquents.

Il peut y avoir une infection rétrograde qui se manifeste par un abcès cérébral ou une méningite.

Le diagnostic évoqué cliniquement est confirmé par le scanner avec injection de produit de contraste.

Un traumatisme local, soit par cathétérisme vasculaire, soit par injection chez les toxicomanes, peut être à l’origine d’une thrombophlébite septique primitive de la veine jugulaire interne.

La symptomatologie est alors identique mais le germe en cause est le plus souvent Staphylococcus aureus.

D’autres causes plus rares de thrombophlébite de la veine jugulaire interne sont une propagation d’une infection de la mastoïde à partir du sinus latéral ou une infection dentaire.

Le traitement est avant tout médical, reposant sur une antibiothérapie adaptée.

Les traitements anticoagulants sont discutés. L’abord chirurgical pour ligature de la veine n’est indiqué que s’il existe une collection purulente à drainer ou en cas d’échec de traitement antibiotique avec un état septicémique non contrôlé.

Le syndrome de Lemierre associe une angine et une thrombose de la veine jugulaire interne responsable d’emboles septiques pulmonaires dus à Fusobacterium necrophorum.

Initialement décrit par Lemierre en 1936, ce syndrome est exceptionnellement rencontré.

Les complications vasculaires artérielles sont heureusement exceptionnelles.

La rupture de la carotide complique les abcès de l’espace viscéral du cou ; il s’agit essentiellement de la carotide interne, plus rarement de la carotide primitive ou de la carotide externe ou de ses branches.

Elle est particulièrement à craindre lors des infections de l’espace rétrostylien et justifie le drainage rapide des abcès de cette localisation.

Elle doit être suspectée devant des saignements pharyngés mineurs récidivants.

La rupture est souvent tardive (entre le 7e et le 14e jour) dans l’évolution de l’infection du fait de la résistance de la paroi artérielle vis-à-vis de l’infection et de la constitution d’un faux anévrisme.

La rupture peut se manifester par une hémorragie buccale cataclysmique lorsque l’hémorragie s’évacue au niveau du pilier postérieur de l’amygdale ou uniquement par un volumineux hématome cervical puis par un état de choc.

La meilleure attitude actuelle consiste, si le diagnostic est évoqué précocement, à pratiquer une artériographie qui montre un aspect de pseudoanévrisme de l’artère et permet dans le même temps l’oblitération endoluminale de l’artère en cause.

Il est parfois nécessaire de faire un abord chirurgical vasculaire pour lier l’artère avec, bien entendu, un risque élevé de séquelles neurologiques transitoires ou définitives.

Ces complications actuellement exceptionnelles étaient autrefois mortelles chez 20 à 40 % des patients.

B – CELLULITES CERVICALES EXTENSIVES À POINT DE DÉPART PHARYNGÉ :

Ce sont des complications rares mais sévères de situations infectieuses résultant d’une contamination transmuqueuse à point de départ le plus souvent dentaire ou pharyngé.

Pour la grande majorité des patients, des signes généraux et locaux coexistent lors de l’examen initial.

On constate un syndrome infectieux avec une température toujours supérieure à 38 °C, des signes fonctionnels associant une douleur cervicale, une odynophagie ; souvent, une dyspnée laryngée, parfois une douleur thoracique en cas d’extension médiastinale.

Il faut distinguer deux formes cliniques de cellulites.

– La forme gangreneuse est la traduction clinique d’une nécrose tissulaire gazogène responsable d’une crépitation sous-cutanée et, à la radiographie, d’un emphysème.

Cette forme de cellulite est remarquable par sa rapidité d’évolution et par des signes généraux très marqués (température supérieure à 40 °C, faciès grisâtre, sepsis).

– La forme adénophlegmoneuse se manifeste par un empâtement cervical, au début sous-mandibulaire qui s’étend progressivement jusqu’au creux sus-claviculaire homolatéral.

Elle réalise au final une tuméfaction cervicale tendue, rouge, très douloureuse, s’étendant de la pointe de la mastoïde jusqu’au creux sus-claviculaire.

La diffusion de l’infection peut franchir la ligne médiane et s’étendre également jusqu’à la fourchette sternale avec très souvent un érythème douloureux présternal qui ne préjuge en aucun cas d’une extension médiastinale haute.

Sur le plan radiologique, on retrouve le plus souvent des zones de nécroses tissulaires sous forme de bulles d’air des parties molles.

L’évolution de cette forme clinique est toujours plus lente que la forme gangreneuse.

L’interrogatoire, dans ce type d’infection, est d’une grande importance et permet souvent de retrouver une symptomatologie dentaire ou pharyngée dans les jours ou semaines qui ont précédé l’hospitalisation.

Les chiffres de la littérature rapportent 70 % de cellulites à porte d’entrée dentaire et 20 % d’origine pharyngée.

Citons également les cellulites postopératoires après chirurgie carcinologique oto-rhino-laryngologique (ORL).

Un certain nombre de facteurs favorisants ont été répertoriés dans les différentes séries, tels que le diabète, la corticothérapie et l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

La prise d’AINS n’a pu être formellement incriminée comme facteur favorisant dans les cellulites cervicales.

L’étude de Solberg et al sur la phénylbutazone démontrait in vitro la réduction de l’activation de granulocytes, de la phagocytose et de la destruction intracellulaire de streptocoques et staphylocoques.

Cependant, les AINS diminuent les premiers signes de l’inflammation et peuvent de ce fait retarder la première consultation.

La mortalité se situe entre 20 et 25 % et atteint 40 % en cas d’extension médiastinale.

L’avènement de l’antibiothérapie depuis le milieu de ce siècle aurait permis une diminution modeste du taux de mortalité pour les médiastinites d’origine cervicale.

Les méta-analyses d’Estrera et Wheatley rapportent 40 % de mortalité pour les patients atteints de médiastinite d’origine cervicale.

Ce taux élevé de mortalité est à l’évidence dépendant de plusieurs facteurs tels que le retard de prise en charge, la forme clinique et la rapidité d’apparition de complications médiastinales, le traitement chirurgical inadapté, une prise en charge non multidisciplinaire.

Les patients qui présentent une cellulite cervicale extensive doivent être pris en charge de façon multidisciplinaire par des chirurgiens ORL, thoraciques et des réanimateurs.

Une réanimation est nécessaire en cas de choc septique, de décompensation d’une pathologie sous-jacente.

Un drainage chirurgical s’impose dans la très grande majorité des cas ; il est particulièrement urgent dans les formes gangreneuses.

L’objectif est de mettre à plat toutes les collections purulentes et d’exciser les zones nécrotiques glandulaires, musculaires et vasculaires.

Le deuxième temps consiste à mettre en place un système de drainage et de lavage des différentes loges explorées.

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