Stratégie pratique en urgence face à un accident vasculaire cérébral

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Introduction :

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) posent un problème majeur dans les sociétés occidentales, par leur fréquence, leur mortalité, les handicaps physiques et cognitifs qu’ils entraînent et les risques de récidive ischémique, cérébrale ou myocardique auxquels ils exposent.

Stratégie pratique en urgence face à un accident vasculaire cérébralIls représentent la troisième cause de mortalité et de handicap dans les pays industrialisés, ce qui en fait une priorité de santé publique. Environ 80 % des AVC sont ischémiques.

Chaque année, dans une population occidentale de 1 million d’habitants, 500 patients ont un accident ischémique transitoire (AIT) et 2 400 ont un AVC : 480 (20 %) en décèdent à 1 mois, alors que 700 (29 %) en sont décédés et 600 (25 %) restent dépendants à 1 an. Dans cette même population, les 12 000 patients qui ont des antécédents d’AVC ou d’AIT dont 800 chaque année (7 % par an) présenteront un nouvel AVC.

En plus des problèmes purement médicaux auxquels ils exposent, les AVC représentent également un problème de santé publique par leur coût.

Si d’importants progrès ont été réalisés au cours de ces dernières années dans le domaine de leur prise en charge diagnostique et thérapeutique en phase aiguë, et de leur prévention, leur traduction sur le terrain prend un retard inquiétant.

La sévérité du pronostic et l’absence de traitement curatif ont favorisé pendant longtemps une attitude contemplative face aux AVC.

Il en est résulté le maintien à domicile de certains malades, des hospitalisations tardives, des retards de prise en charge intrahospitalière, une quasi-absence de structures spécialisées et de graves insuffisances dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique en milieu hospitalier.

À l’époque actuelle, où des moyens thérapeutiques ont été prouvés efficaces pour réduire la mortalité, les séquelles et les récidives, cette attitude passive est une perte de chance pour le patient.

Nous nous limitons à la stratégie diagnostique et thérapeutique dans les 24 premières heures face à un déficit neurologique focal d’origine vasculaire (ischémique ou hémorragique) et excluons de notre propos les hémorragies méningées, les hématomes sous- et extraduraux, les thromboses veineuses cérébrales et l’ischémie cérébrale globale, qui font l’objet d’autres chapitres de ce traité.

Physiopathologie :

A – ISCHÉMIE CÉRÉBRALE :

L’ischémie cérébrale résulte d’une chute du débit sanguin cérébral (DSC), le plus souvent en rapport avec l’occlusion d’une artère cérébrale par du matériel embolique. Les conséquences tissulaires de cette hypoperfusion dépendent de sa durée et de son intensité.

La zone d’ischémie cérébrale peut schématiquement se diviser en trois parties, en allant de la périphérie vers le centre :

– une zone d’oligémie modérée où la réduction de la perfusion cérébrale n’a aucune traduction clinique ;

– une zone appelée pénombre où le DSC est encore suffisant pour assurer un apport énergétique permettant la survie des cellules, mais est insuffisant pour permettre leur fonctionnement.

Cette zone est responsable d’un déficit neurologique ; en cas de restauration précoce d’un DSC normal, la zone de pénombre peut évoluer vers un retour à la normale, avec, parallèlement, disparition du déficit neurologique ; en revanche, si le DSC reste identique, la zone de pénombre évolue vers la nécrose en quelques heures et le déficit neurologique est constitué.

Le phénomène de pénombre dépend en effet de deux facteurs : l’intensité de la baisse du DSC et sa durée ;

– une zone de nécrose traduisant une défaillance des systèmes de défense cellulaire à l’hypoxie avec mort cellulaire, responsable d’un déficit neurologique constitué, persistant même en cas de restauration précoce d’un DSC normal.

La pénombre étant évolutive dans le temps, la démarche thérapeutique consiste, soit à rétablir un DSC normal dans la zone de pénombre (maintien de la pression artérielle, thrombolyse), soit à permettre à cette zone de pénombre de tolérer le plus longtemps possible cette situation en attendant une recanalisation spontanée par thrombolyse ou mise en jeu de suppléances (neuroprotection).

L’ischémie est responsable d’une glycolyse anaérobie, d’une acidose intracellulaire et, par perturbations des canaux calciques récepteuret voltage-dépendants, d’une inflation calcique intracellulaire.

Le calcium, deuxième messager intracellulaire, favorise une activation enzymatique qui est responsable de la destruction cellulaire.

L’ischémie cérébrale a deux caractéristiques qui la différencient de l’ischémie myocardique.

D’une part la pathologie est hétérogène, chaque sous-type d’ischémie cérébrale ayant un pronostic différent et exposant à des risques différents des traitements : athérome des vaisseaux extracérébraux, occlusion des petites artères intracérébrales, cardiopathies emboligènes, autres causes établies (dissections des vaisseaux cervicaux, causes hématologiques, angéites, etc) et les causes indéterminées (deux causes plausibles d’infarctus cérébral ou plus, ou bilan complet mais négatif, ou bilan incomplet).

D’autre part, la particularité de l’infarctus cérébral est aussi sa fréquente transformation hémorragique.

Avant 45 ans, un tiers des infarctus cérébraux restent d’étiologie indéterminée.

En aucun cas, l’hypertension artérielle, la contraception orale, le tabagisme ou l’hypercholestérolémie ne peuvent être considérés comme des causes : ce ne sont que des facteurs de risque.

B – HÉMORRAGIE CÉRÉBRALE :

Dans l’hémorragie cérébrale spontanée, la cause peut être une malformation vasculaire (anévrisme, angiome, cavernome), une lipohyalinose des perforantes en rapport avec une hypertension artérielle chronique, une angiopathie amyloïde, une thrombose veineuse ou des troubles de l’hémostase.

L’hémorragie est responsable de lésions cérébrales par différents mécanismes : une destruction du parenchyme, un refoulement du parenchyme par l’hémorragie, un engagement et une ischémie cérébrale secondaire à la baisse de la pression de perfusion cérébrale.

En aucun cas, une pression artérielle élevée ne peut être la cause directe de l’hémorragie : l’hypertension artérielle chronique est responsable d’une lipohyalinose des perforantes qui fragilise ces artères de petit calibre et est responsable d’hémorragies, généralement profondes.

Stratégie diagnostique :

Toute mesure thérapeutique débute par la reconnaissance de l’AVC et surtout, la reconnaissance du fait qu’il s’agit d’une urgence médicale au même titre qu’un infarctus du myocarde.

La démarche diagnostique face à un AVC se décompose en quatre phases successives : identifier l’AVC ; préciser la nature de l’AVC ; apprécier le profil évolutif de l’AVC ; déterminer la cause de l’AVC.

A – IDENTIFIER L’ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL :

Il est important de reconnaître l’AVC afin de faire admettre au plus vite le patient dans une unité spécialisée, si possible via le centre 15 en France (ou un équivalent à l’étranger) qui oriente le patient vers le centre adapté le plus proche.

Toutefois, dans près de 15 % des cas, même après avis neurologique et scanner en urgence, les patients ont une autre pathologie prise par erreur pour un AVC.

La plupart de ces « erreurs » sont en fait des doutes diagnostiques plus que des erreurs et les deux tiers sont des déficits focaux postcritiques et des auras migraineuses.

La raison qui explique ces erreurs est, dans la plupart des cas, une anamnèse rendue difficile dans un contexte d’urgence, par une aphasie, un trouble de vigilance, l’absence d’informant ou une impossibilité de rentrer en contact avec le médecin habituel.

C’est principalement l’interrogatoire du patient, de son entourage ou des deux qui suggère la nature vasculaire du tableau neurologique.

La présentation clinique varie considérablement selon le sujet et selon la taille et le siège de la lésion.

La nature vasculaire d’un déficit neurologique est quasi certaine lorsque quatre critères cliniques sont réunis :

– installation brutale ;

– caractère focal du déficit neurologique : les symptômes et les signes peuvent tous s’expliquer par une seule lésion anatomique.

– caractère « déficitaire » des symptômes (par exemple : hémiplégie, aphasie, hémianopsie, etc), et non pas « positif » (par exemple : paresthésies, crise focale, scotome scintillant, etc) ;

– intensité d’emblée maximale.

Si l’association de ces quatre éléments cliniques est hautement évocatrice d’un AVC, certains AVC peuvent toutefois avoir une expression clinique qui ne répond pas à l’une ou l’autre de ces caractéristiques.

Dans ces circonstances, la plus grande prudence s’impose avant de retenir un diagnostic d’AVC et l’imagerie joue un rôle encore plus crucial :

– le déficit neurologique peut s’installer en quelques minutes ou heures ;

– l’expression clinique peut être multifocale en présence de lésions multiples ;

– des symptômes « positifs » (paresthésies, crises) peuvent exister ;

– l’intensité du déficit neurologique peut ne pas être maximale, le patient continuant à s’aggraver pendant quelques heures.

B – PRÉCISER LA NATURE DE L’ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL :

Le terme très général et peu précis d’AVC ne peut être utilisé qu’en préhospitalier, quand la nature est encore inconnue.

En revanche, une fois l’imagerie cérébrale (scanner ou imagerie par résonance magnétique [IRM]) réalisée en urgence, il faut utiliser les termes plus précis d’infarctus ou d’hémorragie cérébrale. Préciser la nature de l’AVC permet d’orienter le bilan étiologique.

Les examens nécessaires pour préciser la cause ne sont, en effet, pas les mêmes selon qu’il s’agit d’une ischémie ou d’une hémorragie.

Par exemple, une exploration ultrasonologique des vaisseaux cervicaux n’a pas d’intérêt s’il s’agit d’une hémorragie.

L’électrocardiogramme (ECG) et l’échocardiographie ne sont pas effectués dans le même but selon qu’il s’agit d’une ischémie (recherche de cardiopathie emboligène) ou d’une hémorragie (recherche du retentissement de l’hypertension artérielle).

La détermination de la nature de l’AVC permet aussi d’éviter des thérapeutiques malencontreuses comme anticoaguler un patient présentant une hémorragie, ou faire baisser la pression artérielle au cours d’une ischémie aiguë.

Certes est-il possible d’identifier, à l’échelon de grands groupes de patients, des symptômes et des signes plus fréquents dans une hémorragie que dans une ischémie (céphalées, troubles de vigilance, crises épileptiques, signes controlatéraux, etc), mais ces nuances n’ont pas de valeur individuelle suffisante pour permettre de se dispenser d’une imagerie.

C’est pourquoi l’imagerie cérébrale en urgence s’avère indispensable, l’IRM étant actuellement la technique de référence.

1- Lorsque l’IRM encéphalique est disponible en urgence :

Son utilisation est alors hautement souhaitable, avec les séquences suivantes : T2, T1, FLAIR, écho de gradient pour reconnaître une hémorragie, diffusion, perfusion, et trois dimensions (3D) time of flight (TOF).

L’IRM apporte des informations sur deux éléments cruciaux : la zone à risque et l’occlusion artérielle, et permet par ailleurs de différencier ischémie et hémorragie sur les séquences en écho de gradient.

Dans l’ischémie cérébrale, la diminution du DSC dans le territoire ischémique a pour conséquence un gonflement cellulaire par oedème cytotoxique.

Il en résulte une diminution de la diffusion de l’eau au sein de l’espace interstitiel.

Dès les premières minutes suivant l’infarctus cérébral, le coefficient apparent de l’eau (CDA) est effondré et apparaît en hypersignal sur des séquences IRM spécifiques en séquences de diffusion. Ces anomalies de signal sont plus précoces que sur les séquences classiques en T1, T2 ou FLAIR.

L’IRM de perfusion, qui étudie les effets de premier passage d’un traceur (gadolinium) au sein de la microcirculation cérébrale, permet la mesure sélective des paramètres de la perfusion cérébrale.

En combinant l’IRM de diffusion et de perfusion au début de l’ischémie cérébrale, il est théoriquement possible de séparer la zone supposée nécrosée détectée en diffusion, de la zone hypoperfusée détectée en perfusion au sein d’une même région anatomique qui représente une véritable zone à risque, cible de toutes les mesures thérapeutiques en phase aiguë.

L’angiographie par résonance magnétique (ARM) permet d’identifier une occlusion au niveau des vaisseaux intracrâniens grâce aux séquences en « temps de vol ».

La combinaison de ces séquences pourrait permettre d’identifier un sous-groupe de patients qui, même dans les 3 heures, ont peu de chances de bénéficier de la thrombolyse en raison du petit volume de la zone à risque, ou de l’absence d’occlusion artérielle.

Inversement, il devrait être possible d’identifier un sous-groupe de patients qui peuvent encore tirer bénéfice d’une thrombolyse au-delà de la troisième et la sixième heure, en raison d’un volume important de zone à risque et d’une occlusion artérielle.

Dans l’hémorragie cérébrale, la difficulté de visualiser l’hémorragie pendant les premières heures sur l’IRM est une limite fréquemment opposée à son utilisation de première intention sans scanner.

Si les séquences T2 écho de gradient ont une bonne sensibilité pour détecter les hémorragies 2 heures 30 minutes après le début, le risque de négliger des microhémorragies sur une IRM plus précoce n’est toutefois pas totalement écarté.

L’IRM présente cependant ses contre-indications propres (pacemaker, claustrophobie) et est malheureusement rarement située à proximité des services d’urgence.

Par ailleurs, toutes les machines ne disposent pas encore des séquences de diffusion-perfusion.

Elle se substitue peu à peu au scanner comme technique de référence, mais elle est encore, en partie, en phase d’évaluation à la phase aiguë des AVC et en France, son utilisation se trouve limitée par un problème d’accessibilité des machines.

2- IRM encéphalique indisponible en urgence : scanner, examen de première intention

L’imagerie de l’encéphale est confiée au scanner sans injection de produit de contraste.

Il a surtout pour intérêt de différencier immédiatement l’ischémie de l’hémorragie. Dans l’ischémie cérébrale, il est souvent normal.

Il peut toutefois, même moins de 3 heures après l’installation du déficit, déjà révéler des signes précoces d’ischémie cérébrale : disparition des limites du noyau lenticulaire, signe du ruban insulaire, disparition avec ou sans oedème des limites entre la substance grise et la substance blanche.

Ces signes précoces traduisent habituellement un infarctus cérébral étendu et un risque d’hémorragie plus élevé en cas de thrombolyse, en particulier lorsque le territoire pathologique dépasse un tiers du territoire de l’artère cérébrale moyenne.

Le scanner peut aussi visualiser l’occlusion de l’artère cérébrale moyenne qui apparaît alors hyperdense.

Les essais thérapeutiques de fibrinolytiques intraveineux ont, jusqu’à ce jour, utilisé le scanner comme seul moyen d’imagerie lors de l’inclusion des malades.

Le scanner détecte mal les infarctus de petite taille et les infarctus de la fosse postérieure à la période aiguë.

Dans l’hémorragie cérébrale, le scanner cérébral révèle immédiatement la présence d’une hyperdensité spontanée intraparenchymateuse.

Ainsi, deux renseignements importants ne sont pas apportés par le scanner cérébral au moment où doit être prise une décision de thrombolyse : dans le déficit neurologique, quelles sont les responsabilités respectives de la zone de nécrose définitive et de la zone de pénombre encore réversible ?

Une occlusion artérielle estelle encore présente ?

C – APPRÉCIER LE PROFIL ÉVOLUTIF DE L’ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL :

Cela repose principalement sur l’interrogatoire du patient, de la famille, ou d’une façon générale de tous ceux qui ont pu intervenir à domicile.

Une fois le patient hospitalisé, c’est la répétition des examens cliniques qui permet de reconnaître le profil évolutif.

L’utilisation d’une échelle d’évaluation de la sévérité du déficit neurologique, comme l’échelle du National Institute of Health (NIH), permet une évaluation quantifiée et plus objective.

Les fonctions supérieures, en particulier le langage, doivent faire l’objet d’une étude spécifique et systématique indispensable à une évaluation correcte du profil évolutif. Il est ainsi possible de distinguer trois profils évolutifs.

1- Accidents transitoires :

Ce sont des épisodes de dysfonctionnement cérébral ou oculaire focal régressant totalement en moins de 24 heures selon la définition, mais ne durant en fait pas plus de quelques minutes en général.

Si la plupart des accidents neurologiques transitoires sont des AIT, certains sont toutefois hémorragiques, voire non vasculaires.

Environ 5 % des AIT sont suivis d’un accident constitué, même jusqu’à 13 % en présence d’une sténose serrée de la carotide interne.

Par ailleurs, le caractère transitoire des symptômes n’exclut pas qu’il puisse y avoir un infarctus cérébral sur l’imagerie : un AIT sur quatre s’accompagne d’un infarctus cérébral.

Les AIT nécessitent de déterminer au plus vite la cause présumée, afin de mettre en route la prévention secondaire la plus appropriée : les risques des thérapeutiques ne sont pas majorés par la proximité de l’accident en l’absence d’infarctus cérébral et la prévention secondaire peut être envisagée au plus vite.

Toutefois, le diagnostic d’AIT est entaché d’un risque d’erreurs assez élevé avec d’autres causes de déficit neurologique focal transitoire non vasculaire.

2- Accidents en évolution :

Le déficit neurologique persiste pendant plus de 24 heures et continue de s’aggraver pendant plusieurs heures.

Ces accidents en évolution se rencontrent surtout dans des occlusions d’un gros axe artériel où le phénomène thrombotique in situ s’aggrave en quelques heures, ou en présence d’un oedème cérébral sur un infarctus malin.

Les accidents en évolution posent surtout un problème de diagnostic différentiel avec certaines hémorragies cérébrales, un hématome sous-dural ou des pathologies non vasculaires (abcès, encéphalite, métastase, hémorragie sur gliome de haut grade, etc).

Ils nécessitent donc de s’assurer de l’absence de piège diagnostique justifiant une autre mesure urgente.

3- Accidents constitués :

Ils sont responsables d’un déficit neurologique qui persiste plus de 24 heures et laisse généralement des séquelles.

Certains sont toutefois totalement régressifs au-delà de la 24e heure.

La prise en charge des accidents constitués consiste à appliquer les mesures thérapeutiques recommandées en phase aiguë et à déterminer la cause présumée afin de mettre en route la prévention secondaire la plus appropriée.

Dans les formes les plus sévères, des thérapeutiques potentiellement dangereuses doivent parfois être différées de quelques jours (anticoagulants) ou sont inutiles (chirurgie carotidienne).

D – DÉTERMINER LA CAUSE DE L’ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL :

1- Face à une ischémie cérébrale :

Le diagnostic étiologique d’une ischémie cérébrale se pratique en deux temps successifs : certaines explorations doivent être systématiques et précoces, même en présence d’une cause potentielle évidente, d’autres ne sont pratiquées que de façon optionnelle et légèrement différée.

D’une façon générale, le diagnostic étiologique influence peu la prise en charge pendant les 24 premières heures, sauf dans quelques cas particuliers.

Il doit pourtant être fait très précocement car le bilan étiologique a d’autant plus de chances d’être positif qu’il est précoce, certaines causes disparaissant avec le temps.

* Démarche systématique :

Elle comprend, outre la clinique, des examens simples qui doivent être réalisés au plus vite après le début des signes : un hémogramme, à la recherche d’une polyglobulie, d’une thrombocytose ou d’une thrombocytémie, un ECG à la recherche d’une fibrillation auriculaire ou d’un infarctus du myocarde en phase aiguë, une exploration ultrasonographique des vaisseaux cervicaux à la recherche d’arguments pour une plaque d’athérome ou pour une dissection artérielle et une échocardiographie transthoracique à la recherche d’une anomalie morphologique cardiaque.

La rentabilité de ce dernier examen est faible en l’absence de point d’appel, mais il est néanmoins recommandé de façon systématique car les patients chez lesquels il permet de dépister une cause ne sont pas toujours prédictibles.

La découverte d’une étiologie ne dispense pas d’effectuer l’ensemble de ces examens, l’association de deux causes étant fréquente. Bien que le dosage du cholestérol n’ait aucune utilité en phase aiguë, il est préférable de faire le prélèvement en urgence, car le fait de présenter une ischémie cérébrale modifie la cholestérolémie dès la 48e heure, et aucun dosage n’est fiable pendant au moins 3 mois.

À côté de la démarche paraclinique indispensable, l’examen neurologique d’entrée peut apporter des arguments intéressants, mais non spécifiques, en faveur de l’origine lacunaire d’une ischémie cérébrale.

* Explorations optionnelles :

Elles ne sont effectuées qu’en fonction de l’évolution clinique, de l’âge et des résultats des premiers examens, et presque jamais dans les 24 premières heures : artériographie des vaisseaux cervicaux, conventionnelle ou par résonance magnétique (ARM), échocardiographie transoesophagienne, étude de la vulnérabilité auriculaire, ponction lombaire ou biologie spécialisée.

2- Face à une hémorragie cérébrale :

* Démarche systématique :

Elle consiste à se renseigner par l’anamnèse sur :

– les chiffres de pression artérielle antérieurs du patient, en accordant plus de valeur à la présence d’un éventuel retentissement viscéral de l’hypertension artérielle qu’aux chiffres réels présentés à l’admission et les jours suivants ;

– d’éventuelles thérapeutiques anticoagulantes ou antiplaquettaires en cours.

* Explorations optionnelles :

– Dans une hémorragie lobaire, les trois hypothèses diagnostiques principales sont la rupture d’une malformation vasculaire anévrismale ou angiomateuse, une thrombose veineuse cérébrale ou une angiopathie amyloïde.

Elles justifient une exploration angiographique (conventionnelle ou par résonance magnétique) dans les premières heures ou une IRM selon l’orientation clinique.

– Dans une hémorragie cérébrale profonde chez un hypertendu de longue date, aucune autre exploration n’est nécessaire en urgence.

Une IRM à distance peut être utile pour dépister d’autres causes potentielles, en particulier des cavernomes.

– Dans une hémorragie cérébrale profonde chez un sujet non connu comme hypertendu, ou chez un sujet jeune, ou en cas de récidive, une IRM s’impose à la recherche d’une lésion focale à l’origine de l’hémorragie (cavernome, angiome, tumeur…).

Si une IRM précoce est utile, elle est toutefois rarement en urgence.

En effet, en raison de la présence de sang, une lésion sous-jacente peut encore passer inaperçue à ce stade.

Stratégie thérapeutique :

A – MESURES NON SPÉCIFIQUES :

L’AVC est une urgence au même titre que l’infarctus du myocarde et ces mesures générales doivent être appliquées par le premier médecin qui prend en charge le patient, qu’il soit ou non spécialiste de la pathologie.

Certaines de ces mesures peuvent justifier une prise en charge en unité de réanimation.

Elles s’appliquent, parfois avec des nuances, dans tous types d’AVC.

1- Traiter une urgence vitale immédiate :

Il convient de rechercher une urgence vitale immédiate, assez rare en pratique, mais pas toujours évidente : affection simulant un AVC (traumatique, toxique, métabolique ou autre), affection responsable de l’AVC (infarctus du myocarde, dissection aortique) ou complication (inhalation, rhabdomyolyse, hypothermie).

2- Assurer la normalité des paramètres physiologiques :

L’hypoxie, l’hyper- ou l’hypoglycémie, l’hyperthermie, la baisse du débit cardiaque, l’hypovolémie et les déséquilibres hydroélectrolytiques aggravent l’ischémie cérébrale.

Il faut donc dépister et traiter, par tous les moyens appropriés, les modifications de ces paramètres, en intervenant même dès une hyperthermie à 37,5° C (par le paracétamol).

Seule l’élévation initiale de la pression artérielle doit être respectée pendant la première semaine : la perte momentanée de l’autorégulation du DSC expose à une baisse de DSC en cas de baisse de pression artérielle.

L’AVC s’accompagne d’une réaction hypertensive de défense dont le but est d’augmenter le DSC dans la zone ischémique.

La plupart des spécialistes s’accordent pour ne pas traiter le pic hypertensif de phase aiguë.

Il n’y a qu’en cas de défaillance ventriculaire gauche menaçante, d’encéphalopathie hypertensive, ou de thrombolyse, qu’un traitement peut être envisagé : dans ces cas exceptionnels, les voies sublinguales et intramusculaires sont proscrites et la préférence donnée au traitement oral par captopril (6,25 à 12,5 mg) ou intraveineux continu par labétalol (5 à 20 mg intraveineux) ou urapidil (10 à 50 mg intraveineux suivis de 4 à 8 mg/h).

Les substances d’action rapide administrées par voie intramusculaire (clonidine) ou sublinguale (nifédipine) sont strictement contreindiquées.

La règle générale est donc de ne jamais faire baisser les chiffres de pression artérielle pendant les 5 premiers jours, sauf chez les patients thrombolysés et en présence d’une urgence vitale nécessitant de faire baisser la pression artérielle (oedème aigu pulmonaire, insuffisance cardiaque grave, dissection aortique, pression artérielle se maintenant supérieure à 240/120 mmHg plus de 1 heure après l’admission).

Dans l’hémorragie cérébrale, la conduite optimale est moins claire : baisser la pression artérielle peut aggraver l’ischémie périlésionnelle par diminution de la pression de perfusion cérébrale et la maintenir élevée expose au risque d’entretenir l’hémorragie ou de favoriser les récidives.

Il existe un certain consensus pour ne traiter que les hypertensions mal tolérées et lorsque les chiffres dépassent (au repos et à deux mesures séparées d’au moins 1 heure) 180/105 mmHg, selon les modalités décrites ci-dessus.

3- Prévenir les complications :

La prévention des escarres nécessite un apport calorique suffisant, au besoin par sonde nasogastrique, une mobilisation précoce, une kinésithérapie et un matelas appropriés.

Les troubles de déglutition nécessitent la pose d’une sonde nasogastrique.

Une héparine de bas poids moléculaire à dose préventive est conseillée dès le début si un déficit moteur d’un membre inférieur est présent, en prévention des thromboses veineuses.

Dans les hémorragies, une héparine de bas poids moléculaire n’est pas contre-indiquée à partir de la 48e heure, le risque d’aggravation étant minime.

Dans les 48 premières heures, son bénéfice supposé en prévention des accidents thromboemboliques veineux doit être mis en balance avec le risque d’aggravation de l’hémorragie cérébrale et la prescription doit être prise à l’échelon individuel.

Un traitement anticonvulsivant ou antiépileptique peut être nécessaire en cas de crises.

Une agitation doit avant tout faire rechercher une douleur, un fécalome, une infection urinaire, un globe vésical, ou un trouble métabolique, et non pas prescrire en première intention un sédatif.

Une rééducation précoce, par kinésithérapie et orthophonie, est nécessaire, avec un lever précoce s’il n’y a pas de sténose de la carotide serrée.

B – HOSPITALISATION EN UNITÉ NEUROVASCULAIRE :

Elle s’impose également pour tous types d’AVC.

1- Essais cliniques :

La méta-analyse de 19 essais randomisés, comparant un système organisé de soins à une prise en charge conventionnelle, a montré une supériorité des unités neurovasculaires sur tous les critères de jugement, et ce résultat est concordant avec ceux des essais ultérieurs.

Les unités neurovasculaires s’accompagnent d’une diminution de mortalité de 20 %, concernant les quatre modalités (neurologique, cardiovasculaire, complication de décubitus et autres).

Cette diminution de la mortalité ne s’accompagne pas d’une augmentation du nombre de patients dépendants.

Environ 25 patients doivent être traités pour prévenir un décès et 20 patients pour permettre un retour à domicile indépendant.

Le bénéfice est indépendant de l’âge, du sexe et de la gravité initiale, se maintient à 10 ans et n’est pas associé à une augmentation de récidive ou de handicap à long terme.

L’effet favorable de ces unités est sans doute en partie dû à la prise en charge standardisée et spécialisée des patients, permettant des diagnostics plus précis et plus précoces, des investigations plus appropriées et une meilleure prévention des complications.

Ces unités réduisent par ailleurs le coût de prise en charge des AVC.

Le bénéfice apporté par ces unités a été démontré à une époque où il n’existait pas encore de traitement spécifique.

L’étude de Cleveland a montré qu’une thrombolyse effectuée en dehors de telles unités s’accompagnait d’une surmortalité par hémorragies, en raison d’erreurs d’évaluation du délai et d’interprétation du scanner.

La société française neurovasculaire a rédigé des recommandations sur le cahier des charges de ces unités.

2- Quels sont les patients qui bénéficient de ce type d’unité ?

Le bénéfice est observé indépendamment de l’âge, du sexe, de la gravité de l’AVC, du délai de l’hospitalisation et de la structure de référence : neurologie générale, médecine.

Il n’existe donc pas, dans cette méta-analyse, de catégories de patients qui ne bénéficient pas d’une hospitalisation en unité neurovasculaire.

Il faut toutefois noter que la majorité de ces unités comportaient certains critères de sélection en fonction de la sévérité de l’AVC, en particulier les AVC très discrets ou les AVC très sévères et donc aucune conclusion ne peut être formulée pour ces catégories.

3- Quel type d’unité est efficace ?

Le bénéfice observé était indépendant du type d’unité neurovasculaire : « unités dédiées » ou « unités mixtes ».

La comparaison directe de ces deux types d’organisation suggère cependant un meilleur résultat dans les « unités dédiées ».

Les données sont actuellement insuffisantes pour savoir si les résultats peuvent être transposés à un autre type d’organisation : les « unités mobiles » (équipe mobile sans unité de lieu).

4- Quelle filière de soins ?

Le fonctionnement d’une unité neurovasculaire nécessite :

– des conventions avec les services cliniques situés en amont (centre 15, service d’aide médicale d’urgence [samu]…), en aval (rééducation, soins de suite) ou en « dérivation » (neurochirurgie, réanimation) ;

– une accessibilité en urgence à un plateau technique comprenant un scanner cérébral (et d’emblée ou à terme une IRM) et les explorations ultrasonores (vasculaires et cardiaques) ;

– des protocoles écrits de prise en charge des patients (qui fait quoi et comment ?) avec des check-lists préimprimées pour ne rien oublier et ce, à chaque étape de la prise en charge.

De tels protocoles réduisent la durée d’hospitalisation, le coût et surtout, limitent les complications ;

– un programme d’éducation du personnel médical et paramédical ;

– la disponibilité 24 h/24 d’un neurologue et d’un radiologue.

La prise en charge en unité neurovasculaire des AVC sauve des vies et apporte d’autres avantages.

C – THROMBOLYSE INTRAVEINEUSE :

Elle ne s’applique qu’à certaines ischémies artérielles.

1- Essais cliniques randomisés :

Les trois essais utilisant la streptokinase avec inclusion dans les 4 ou 6 heures ont été interrompus en raison d’une surmortalité précoce par hémorragie cérébrale sous streptokinase, et plus encore, l’association streptokinase-aspirine.

Les résultats à 3 mois de l’étude du National Institute of Neurological Disorders and Stroke rt-PA study group (NINDS) indiquent un effet favorable significatif du rt-PA, à 0,9 mg/kg dans les 3 heures.

ECASS 2 avait un protocole proche (0,9 mg/kg) mais un délai maximal de 6 heures.

Compte tenu des difficultés rencontrées dans l’évaluation du scanner dans ECASS 1 où un malade sur six n’aurait pas dû être inclus, et dont le résultat est négatif en intention de traiter mais positif dans la population cible, des sessions de formation spécialisée ont été suivies par tous les investigateurs de ECASS 2 : aucune différence significative n’a été mise en évidence sur le critère de jugement principal, mais sur un critère secondaire (Rankin <= 2).

Une hémorragie cérébrale symptomatique a été observée chez 8,8 % des malades du groupe rt-PA et 3,4 % du groupe placebo, sans influence sur la mortalité à 3 mois.

La méta-analyse des essais de rt-PA montre un effet favorable sur le critère « mort ou dépendance » (odd ratio [OR] : 0,55 ; intervalle de confiance [IC] 95 % : 0,42-0,73) sans effet significatif sur la mortalité (OR : 0,95 ; IC 95 % : 0,67-1,35), bien que le risque d’hémorragie intracrânienne soit plus élevé chez les malades traités (OR : 2,62 ; IC 95 % : 1,56-4,62).

L’effet favorable du rt-PA avant la troisième heure dans les conditions de l’étude permet d’éviter 140 morts ou dépendances pour 1 000 malades traités.

L’augmentation de mortalité par hémorragie cérébrale est compensée par la réduction de mortalité par infarctus oedémateux.

Les facteurs favorisant les hémorragies sont la sévérité du déficit, une atténuation de densité ou un effet de masse sur le scanner initial, et l’âge.

2- Études de cohortes :

Des études de cohortes réalisées à la suite de l’autorisation par la Food and Drug Administration (FDA) d’utiliser le rt-PA dans l’ischémie cérébrale suggèrent qu’il soit possible d’obtenir en pratique quotidienne des résultats du même ordre que dans l’étude du NINDS.

Toutefois, ces résultats favorables ont été rapportés par des équipes spécialisées dans la prise en charge des AVC, alors qu’un excès d’hémorragies cérébrales est observé en dehors d’unités spécialisées et dans les centres qui ne traitent qu’un petit nombre de malades.

3- Recommandations :

Le rt-PA n’est indiqué que chez une faible proportion de patients sélectionnés sur des critères cliniques (délai inférieur à 3 heures, sévérité du déficit, absence de contre-indication) et scanographiques (absence de signe d’ischémie de plus d’un tiers du territoire de l’artère cérébrale moyenne).

La société française neurovasculaire a publié des recommandations pour la thrombolyse par le rt-PA intraveineux dans les 3 heures.

Ces recommandations sont fondées sur les résultats d’essais cliniques dans lesquels les malades ont été sélectionnés à partir de critères cliniques et du scanner et devront être révisées en fonction du développement de l’IRM de première intention.

Ce n’est que lorsque toutes les conditions de fonctionnement d’une unité neurovasculaire sont remplies, sans exception, que, dans quelques cas correspondant aux critères définis par les recommandations, une thrombolyse peut être envisagée.

Si l’un des prérequis n’est pas respecté, il est préférable de s’abstenir de toute idée de thrombolyse, celle-ci ayant plus de chances d’être délétère que bénéfique.

En aucun cas elle n’est envisagée après 80 ans, chez un patient sous aspirine ou anticoagulant, en présence d’une pression artérielle supérieure à 185/100, en dehors d’une unité spécialisée, ou par toute autre personne qu’un neurologue habitué et formé à la prise en charge des AVC.

4- Avenir de la thrombolyse :

* Autorisation de mise sur le marché (AMM) du rt-PA dans l’ischémie cérébrale :

La décision des autorités européennes quant à l’AMM du rt-PA dans cette indication n’est pas encore connue en février 2002, 6 ans après sa pratique en routine aux États-Unis.

* Améliorer la sélection des patients à thrombolyser :

Les bons candidats à la thrombolyse sont les patients qui présentent une occlusion artérielle et un mismatch, c’est-à-dire une anomalie de perfusion plus étendue que l’anomalie de diffusion.

* Thrombolyse intra-artérielle :

Une étude a démontré un bénéfice de la thrombolyse intraartérielle des occlusions aiguës du segment M1 de l’artère cérébrale moyenne si l’on utilise la pro-urokinase dans la fenêtre de 6 heures.

Il pourrait s’agir d’une voie d’avenir pour les patients qui ne peuvent être traités par le rt-PA dans les 3 heures.

La limite est le coût et la nécessité de disposer d’une équipe de radiologie interventionnelle, ce qui ne concerne que peu de centres. Dans les ischémies par occlusion aiguë du tronc basilaire, une thrombolyse intra-artérielle peut être envisagée dans certains centres sélectionnés.

* Nouveaux thrombolytiques :

De nouveaux fibrinolytiques ayant une affinité plus marquée pour le caillot sont actuellement en cours d’investigation. Ils pourraient exposer à un risque hémorragique moindre.

* Antifibrinogènes :

L’ancrod, enzyme défibrinogénémiante, améliore le devenir dans les AVC traités dans les 3 heures, mais d’autres études sont en cours.

Il est difficile de tirer des conclusions pratiques actuellement.

D – ANTITHROMBOTIQUES :

1- Aspirine :

Elle n’est indiquée que dans certaines ischémies artérielles.

À la phase aiguë, l’aspirine (160 à 300 mg) évite neuf récidives ou décès pour 1 000 patients traités.

Les contre-indications étant rares, cet effet marginal à l’échelon individuel est important en termes de santé publique.

En dehors des circonstances où l’administration de rt-PA est possible, l’administration de 300 mg d’aspirine doit être la plus précoce possible.

Les autres antiplaquettaires n’ayant jamais été testés dans cette indication, ils n’ont pas de place à ce stade.

2- Héparine :

Dans les ischémies constituées présumées artérielles, l’étude International Stroke Trial (IST), dont les imperfections méthodologiques ont été soulignées, n’a pas montré d’effet bénéfique de l’administration précoce d’héparine, y compris dans la fibrillation auriculaire.

Des dix essais randomisés d’héparine de bas poids moléculaire ou équivalent, seulement quatre ont testé l’hypothèse d’une réduction de mortalité et de handicap par le traitement.

Seule une étude a montré un effet favorable sur le critère principal.

La méta-analyse de ces essais a montré une réduction d’incidence de phlébites et d’embolies pulmonaires, mais un excès d’hémorragies cérébrales.

Dans la fibrillation auriculaire, les résultats sont identiques.

Il n’y a donc pas de base scientifique à une prescription large d’héparine en phase aiguë de l’ischémie cérébrale constituée, y compris dans la fibrillation auriculaire, où l’anticoagulation peut être différée de quelques jours.

Les indications d’héparine sont exceptionnelles dans les accidents constitués : elles doivent être posées au cas par cas et rester l’exception.

En revanche, s’il s’agit d’un AIT ou d’un accident mineur, il apparaît logique de débuter tôt l’anticoagulation dès lors que l’étiologie présumée la justifie (fibrillation auriculaire, dissection de vaisseaux cervicaux).

E – CHIRURGIE EN PHASE AIGUË :

1- Dans l’ischémie cérébrale :

Les indications de la chirurgie en phase aiguë de l’ischémie cérébrale sont exceptionnelles et se limitent, en pratique, à la chirurgie des infarctus pseudotumoraux du cervelet, par dérivation de liquide céphalorachidien ou abord direct, mais ce type d’indication ne survient généralement qu’entre la 48e et la 96e heure, ce qui sort de notre cadre.

Dans les infarctus malins hémisphériques, la pratique de grands volets de décompression est en cours d’évaluation.

En cas d’hypertension intracrânienne grave, en attendant la chirurgie, il est utile de surélever la tête de 30°, d’éviter les positions qui compriment les jugulaires, de diminuer l’apport hydrique et de prescrire du glycérol à 10 % (250 mL intraveineux en 30 à 60 minutes toutes les 6 heures), ou du mannitol (0,25 à 0,50 g/kg intraveineux en 30 minutes toutes les 3 heures), ou du furosémide (1 mg/kg/j intraveineux).

Les corticoïdes doivent être proscrits.

La ventilation assistée peut être indiquée.

2- Dans l’hémorragie cérébrale :

Les mêmes mesures médicales de traitement de l’hypertension intracrânienne que dans l’ischémie s’imposent en cas d’élévation de la pression intracrânienne.

Une dérivation ventriculaire peut être utile en cas d’hydrocéphalie par blocage.

Les quatre seuls essais ayant comparé le traitement médical seul au traitement médical et chirurgical ne permettent pas de conclure à la supériorité d’une des stratégies sur l’autre.

Toutefois, les techniques utilisées sont obsolètes ; mais il existe un consensus pour la chirurgie dans certains cas : hématome du cervelet compressif, hématomes lobaires de plus de 50 cm3 quand l’état clinique s’aggrave et hématomes lobaires malformatifs.

F – NEUROPROTECTION :

Si de nombreuses molécules neuroprotectrices réduisent la taille des infarctus cérébraux expérimentaux chez l’animal, aucune n’a, à ce jour, montré la moindre utilité en clinique humaine. Une voie de recherche intéressante pourrait être l’hypothermie.

En pratique :

Il est artificiel de séparer la démarche diagnostique et la démarche thérapeutique car les deux démarches se chevauchent en partie.

En respectant les principes exposés ci-dessus, la stratégie pratique est celle indiquée dans l’encadré.

Conclusion :

Le diagnostic d’AVC est très probable en présence d’un déficit neurologique focal, brutal, et d’emblée maximal, mais seule l’imagerie différencie l’ischémie de l’hémorragie cérébrale.

L’IRM, avec séquences de diffusion-perfusion et exploration du polygone de Willis, est appelée à remplacer le scanner cérébral : elle permet, même à un stade précoce, d’apporter des arguments positifs en faveur d’une ischémie cérébrale, des éléments pronostiques, et de visualiser l’occlusion artérielle, aidant ainsi la prise en charge thérapeutique ; les séquences d’écho de gradient identifient les hémorragies.

Chez un patient présentant une ischémie cérébrale aiguë, nous disposons de moyens thérapeutiques efficaces pour réduire la mortalité, les séquelles et les récidives.

En phase aiguë d’un AVC, le traitement repose, pour tous les malades, sur l’application de mesures générales (traiter une urgence vitale immédiate, assurer le maintien des paramètres physiologiques sauf la pression artérielle, et prévenir les complications) et l’admission en unité neurovasculaire, qui diminue le risque de décès et de handicap indépendamment de tout traitement.

De rares malades, présentant généralement une hémorragie et exceptionnellement une ischémie, peuvent nécessiter un geste chirurgical décompressif en urgence.

Dans le cas particulier de l’ischémie cérébrale, deux autres mesures sont nécessaires : la thrombolyse intraveineuse par rt-PA chez les patients admis dans les 3 heures en l’absence de contre-indication, si les conditions locales le permettent, et chez ceux qui ne sont pas éligibles pour le rt-PA, l’aspirine (160 à 300 mg) réduit les récidives précoces et la mortalité, y compris dans la fibrillation auriculaire.

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