Stratégie antibiotique probabiliste au cours des infections respiratoires basses de l’adulte (immunodéprimé exclu) (Suite)

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Première partie

Stratégies thérapeutiques :

Des recommandations et consensus émanant de sociétés et de groupes scientifiques divers ont été publiés dans divers pays au cours de la dernière décennie, principalement pour le traitement des pneumonies communautaires ou des exacerbations des bronchopathies chroniques ;

Stratégie antibiotique probabiliste au cours des infections respiratoires basses de l’adulte (immunodéprimé exclu) (Suite)plus rarement pour le traitement des pneumonies nosocomiales, en raison des très grandes variations du tropisme et de la résistance bactérienne d’un hôpital, voire d’une unité à l’autre.

Les stratégies vont généralement dans un même sens (les germes ciblés étant partout quasiment les mêmes), mais avec une relative disparité dans le choix des molécules, des posologies.

Il y a à cela plusieurs raisons : l’ancienneté relative de la recommandation, la distribution géographique des résistances microbiennes (qui varient significativement d’un pays à un autre), les contraintes économiques et des facteurs socioculturels.

Les variations d’un pays à un autre sont toutefois relativement mineures en comparaison des prescriptions des praticiens par rapport aux recommandations de leur propre pays : une enquête européenne évaluait la compliance des praticiens aux recommandations nationales pour le traitement des infections respiratoires basses entre 3 et 28 %, soit une moyenne de 17 %.

D’un autre point de vue, l’application trop rigoureuse d’un traitement antibiotique sans diversification possible expose à la surprescription de certaines molécules et à un désastre écologique tel celui qu’on observe avec la montée des résistances de Streptococcus pneumoniae.

A – AU COURS DE LA BRONCHITE AIGUË :

Les essais cliniques d’un antibiotique versus un placebo ou un médicament non antibiotique n’ont pas permis de mettre en évidence un avantage de l’antibiotique sur l’évolution de la maladie ou sur la prévention des complications.

D’après une méta-analyse de huit de ces essais, la toux n’est pas modifiée par les antibiotiques ; en revanche, les effets indésirables surviennent plus souvent qu’avec un placebo.

Les antibiotiques les plus récents n’ont pas été comparés à des placebos mais à des molécules plus anciennes (érythromycine, doxycycline, aminopénicilline, céphalosporine de première génération) : ils n’ont pas permis d’obtenir un bénéfice supplémentaire significatif.

Un essai récent est en faveur d’une moindre fréquence d’infections focales secondaires sous antibiotiques. De plus amples études sont nécessaires avec une méthodologie rigoureuse et de larges cohortes.

En pratique, les recommandations vont dans le même sens en faveur d’une abstention de toute prescription antibiotique en cas de bronchite aiguë de l’adulte sain.

Le consensus de Lille (1991) préconisait un recours à un antibiotique dans l’éventualité d’un tabagisme, de la persistance d’un syndrome bronchique (toux et expectoration purulente) au-delà du septième jour, avec présence de râles bronchiques à l’auscultation.

Les antibiotiques préconisés dans cette situation sont macrolides ou cyclines (dans l’hypothèse d’une infection à Mycoplasma pneumoniae ou Chlamydia pneumoniae), aminopénicilline ou céphalosporine de première génération (dans l’hypothèse d’une surinfection à Streptococcus pneumoniae ou Haemophilus influenzae), dans tous les cas sur une durée de 5 à 8 jours.

L’abstention des aminopénicillines inhibiteurs de bêtalactamases, des fluoroquinolones systémiques et des céphalosporines de 2e et 3e générations, est soulignée dans les références médicales opposables (RMO) publiées par la Caisse nationale d’assurance maladie.

B – AU COURS DE L’EXACERBATION D’UNE BRONCHITE CHRONIQUE :

1- Antibiothérapie curative :

Les essais cliniques d’un antibiotique versus un placebo ont objectivé des résultats contradictoires.

Si l’on prend en compte les essais dont la méthodologie est la plus rigoureuse, le bénéfice du traitement antibiotique est significatif mais modeste : il est évalué à 23 % chez les patients d’Anthonisen de type I.

D’après une méta-analyse portant sur neuf essais randomisés versus placebo, Saint et al ont objectivé un bénéfice clinique dans une proportion comparable, soit 22 % (avec une très discrète amélioration de la fonction ventilatoire).

Les nouvelles molécules, en particulier macrolides et fluoroquinolones, n’ont pas été testées contre placebo.

Il n’y a pas d’essai clinique d’envergure ayant démontré un bénéfice significatif de ces antibiotiques par rapport à des molécules plus anciennes.

Des données microbiologiques récentes inciteraient toutefois à faire appel à des antibiotiques de spectre élargi en cas de BPCO avec trouble ventilatoire obstructif sévère (un VEMS à moins de 35 % de la norme) ou en cas d’exacerbations itératives ; dans ce dernier cas, des antibiotiques tels que le coamoxiclav, la ciprofloxacine, l’azithromycine allongeraient significativement l’intervalle de temps entre deux exacerbations.

Ces observations encore trop limitées pour les appliquer à une stratégie validée devraient être confirmées par des études ultérieures prenant en compte le bénéfice du traitement sur un suivi, non pas seulement de 28 jours, comme c’est la règle, mais de 3 à 6 mois.

Les recommandations publiées par la Société de pathologie infectieuse (SPILF) et de pneumologie de langue française (SPLF) vont dans un sens identique, en hiérarchisant les indications de l’antibiothérapie suivant le niveau de gravité.

L’existence de facteurs de comorbidité (en particulier cardiopulmonaire) et la fréquence des exacerbations (égale à quatre par an) sont des facteurs à prendre en compte en faveur d’une antibiothérapie d’indication élargie.

Si l’on se fonde sur l’épidémiologie des pathogènes responsables d’infection (ou de colonisation) au cours des bronchites chroniques, le choix des antibiotiques définis dans les RMO au cours de la bronchite aiguë est acceptable. Il est mentionné, dans les recommandations de la SPLF, la possibilité, compte tenu de l’incidence des Haemophilus influenzae producteurs de bêtalactamases, de recourir éventuellement aux associations aminopénicilline + inhibiteur de bêtalactamases ou aux céphalosporines orales de 2e ou de 3e génération actives sur le pneumocoque (par voie orale).

Le bénéfice d’un recours à ces antibiotiques de spectre élargi en première intention n’est démontré par aucune étude clinique d’envergure à ce jour.

Les autres molécules sont réservées aux échecs du traitement de première intention, aux exacerbations récidivantes, aux terrains particulièrement fragiles : dans ce cas, il est fait appel aux antibiotiques de spectre élargi précités qui n’auraient pas été utilisés en première intention, aux fluoroquinolones, à des traitements par voie parentérale.

Les durées de traitement préconisées sont de l’ordre de 7 à 10 jours.

Certaines molécules comme l’azithromycine autorisent des traitements raccourcis de 3 à 5 jours.

Un panel international anglo-saxon a récemment proposé une classification des patients en quatre groupes selon la sévérité de la bronchopathie et les facteurs de risque associés, en vue de l’élargissement du spectre de l’antibiotique prescrit.

Cette classification est concordante avec les propositions françaises ; le type IV, toutefois, paraît critiquable, justifiant plutôt en pratique un prélèvement microbiologique et dans l’éventualité de l’isolement d’un Pseudomonas sp., une bithérapie à la place d’une monothérapie par ciprofloxacine.

Ces tentatives de mise en ordre des prescriptions au cours des exacerbations de bronchite chronique sont une indiscutable avancée, mais elles font appel souvent à des extrapolations thérapeutiques basées sur des conjectures, faute d’études cliniques et d’essais thérapeutiques randomisés homogènes en nombre suffisant, commandités par des structures scientifiques indépendantes.

Comme l’a bien souligné le groupe d’experts de la SPILF, de plus amples travaux sont nécessaires, basés sur des définitions claires et accessibles des patients, des critères d’exacerbation, des signes d’infection, ainsi que de la morbidité et de la mortalité en cas d’exacerbation d’origine microbienne.

2- Antibiothérapie prophylactique :

Dans les années 1960, une antibiothérapie prophylactique au cours de la bronchite chronique était souvent prescrite à la saison froide, par une tétracycline, un macrolide ou une aminopénicilline, 8 à 10 jours par mois.

Cette stratégie a été abandonnée car elle favorisait l’émergence de germes résistants, elle était onéreuse et sans effet significatif sur la prévention des exacerbations ou sur le développement et l’aggravation de l’obstruction bronchique. Neuf études ont été recensées sur l’efficacité de l’antibiothérapie dans la prévention des exacerbations.

Cinq d’entre elles étaient négatives et quatre positives.

L’une des études parmi les plus importantes, commanditée par le Medical Research Council, objectivait un moindre absentéisme professionnel sous traitement prophylactique sans que la fréquence des exacerbations fût affectée.

Il apparaît, à l’analyse de ces études, que les patients présentant plus de trois exacerbations par an ont tiré un bénéfice de l’antibiothérapie prophylactique.

Celle-ci pourrait par conséquent être préconisée chez un groupe limité de patients, atteints d’un trouble ventilatoire obstructif sévère, ayant un nombre élevé d’exacerbations annuelles.

Ce groupe représente environ 10 % des patients atteints de BPCO.

Aucune étude n’a montré que l’antibiothérapie séquentielle prévenait ou stabilisait le développement de l’obstruction bronchique.

Ces données épidémiologiques sont discordantes par rapport aux données expérimentales mais les enquêtes sont anciennes, et portent sur des effectifs limités.

La présence de bactéries dans les voies respiratoires basses pourrait altérer la fonction ciliaire et endommager l’épithélium.

Une réponse inflammatoire aux sécrétions bactériennes pourrait accroître la sécrétion d’enzymes élastolytiques et protéolytiques, aboutissant à un dommage tissulaire.

Des lésions ressemblant à celles des BPCO ont été reproduites chez l’animal après certains types d’infections virales ou bactériennes.

De nouvelles études épidémiologiques seraient opportunes, comparant des antibiotiques plus récents ayant une concentration dans la paroi et les sécrétions bronchiques, plus élevée.

C – AU COURS DES BRONCHECTASIES SUPPURÉES (MUCOVISCIDOSE EXCLUE) :

L’entraînement au drainage bronchique acquis par les patients et l’abondance de l’expectoration contribuent à fiabiliser l’examen bactériologique des crachats.

Celui-ci est justifié en cas d’échec d’un premier traitement probabiliste.

Le traitement antibiotique probabiliste est analogue à celui préconisé en cas des BPCO évoluées, soit en général le coamoxiclav qui a l’avantage de couvrir les anaérobies, ou une céphalosporine de 2e ou 3e génération ou une fluoroquinolone, en réservant l’usage de la ciprofloxacine au cas où un Pseudomonas sp. aurait été identifié.

L’examen bactériologique de l’expectoration vise en particulier à la mise en évidence d’une infection à Staphylococcus aureus ou à Pseudomonas sp., justifiant une antibiothérapie ciblée.

En cas d’infection confirmée à Pseudomonas aeruginosa, une bithérapie prolongée sur une quinzaine de jours est nécessaire, éventuellement à renouveler en l’absence d’éradication du germe après un délai d’observation de 4 à 6 semaines.

L’antibiothérapie fait appel à l’association d’une bêtalactamine antipyocyanique (carboxypénicilline ou uréidopénicilline, ou uréidopénicilline + inhibiteur de bêtalactamase ou ceftazidime associé à un aminoside [tobramycine, nétilmicine, nétromicine, amikacine]) ou à la ciprofloxacine.

En ambulatoire, l’association d’un aminoside en aérosol et de la ciprofloxacine à forte posologie (1 500 mg) est envisageable mais demeure controversée.

L’aérosolthérapie aurait une plus grande efficacité au décours immédiat d’un traitement antibiotique parentéral.

Le recours à un traitement antibiotique en cas d’isolement d’un Pseudomonas sp. colonisant est controversé.

Plusieurs études tendraient à confirmer que la présence de Pseudomonas aeruginosa concourait à l’aggravation des lésions de bronchectasies et/ou du trouble ventilatoire obstructif.

Des essais ont été proposés avec un traitement de long cours par bêtalactamines ou ciprofloxacine.

Certaines équipes ont recours par extrapolation du modèle de Hoiby dans la mucoviscidose à une biantibiothérapie parentérale de type bêtalactamine + aminoside ou ciprofloxacine durant 15 jours, renouvelable toutes les 6 à 8 semaines jusqu’à éradication du germe.

Le bénéfice de telles stratégies est à évaluer par rapport aux contraintes et au surcoût.

Par extrapolation d’une expérience japonaise du traitement de la panbronchiolite oblitérante par des macrolides à faible posologie au long cours et sur des données in vitro et in vivo d’atténuation de la virulence de Pseudomonas sp. et des signes inflammatoires induits, des essais sont en cours d’évaluation du bénéfice de ce traitement sur une longue durée.

D – AU COURS DE LA PNEUMONIE COMMUNAUTAIRE :

Une étude, dès 1938, démontrait le bénéfice hautement significatif d’un traitement par un sulfamide versus un placebo : 92 % de succès avec l’antibiotique, 27 % de décès dans le groupe placebo (mais aussi 73 % de succès spontanés).

Quoiqu’il y ait une mortalité incompressible des pneumonies communautaires sous un traitement adapté, indépendante de la résistance microbienne et liée à la virulence du germe et au terrain, une stratégie antibiotique ne doit être validée que si elle permet d’obtenir un taux de succès supérieur à 90%.

À partir de l’ensemble des données rappelées dans les bases du traitement empirique, le consensus de Lille, sous l’égide de la SPILF en 1991, a proposé des recommandations selon trois options en fonction des circonstances cliniques et du terrain : l’adulte présumé sain sans signe de gravité ; l’adulte « fragile » à risque ; le patient hospitalisé en raison de symptômes graves.

Chez l’adulte présumé sain sans signe de gravité, deux modalités étaient proposées, soit une prescription d’amoxicilline (1 g trois fois par jour) devant une pneumonie franche ; soit un macrolide devant une pneumonie bénigne, d’allure atypique, de l’adulte jeune.

En l’absence d’amélioration clinique lors d’une réévaluation 48 à 72 heures plus tard, il était proposé une inversion ou une association des deux antibiotiques ; l’indication d’une radiographie thoracique dans toute forme traînante ; l’hospitalisation en cas d’aggravation rapide.

Chez l’adulte « fragile » à risque, il était conseillé de prescrire une antibiothérapie de spectre élargi incluant Streptococcus pneumoniae, des bacilles à Gram négatif (Klebsiella pneumoniae, Escherichia coli) et Staphylococcus aureus.

Parmi les choix possibles étaient préconisées l’amoxicilline-acide clavulanique (à privilégier lorsqu’une pneumonie de déglutition était envisagée), les céphalosporines orales sans discrimination et sans indication de posologie.

En cas d’échec, l’hypothèse d’une infection à pneumocoque de sensibilité diminuée impliquait d’augmenter la posologie d’amoxicilline ou d’utiliser la ceftriaxone ; d’autre part, en cas de risque d’infection à Legionella pneumophila ou d’échec du traitement de première intention, l’association d’un macrolide ou d’une fluoroquinolone était conseillée.

Chez le patient hospitalisé en raison de symptômes graves, l’attitude probabiliste était proscrite, une antibiothérapie associée par voie parentérale conseillée, couvrant un large spectre, de type amoxicilline-acide clavulanique ou céphalosporine de troisième génération injectable + macrolide ou fluoroquinolone.

Devant la certitude d’une pneumococcie, le niveau de résistance du pneumocoque avait paru justifier un traitement par pénicilline G ou amoxicilline à très fortes doses, respectivement 100 000 UI/kg/j et 150 mg/kg/j.

À ce jour, une étude a validé la posologie de 3 g d’amoxicilline au cours des pneumonies à pneumocoque incluant des pneumocoques de sensibilité diminuée avec des CMI atteigant 2 mg/L, soit actuellement la quasi-totalité des souches de pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline en France, les souches ayant une CMI à 4 et 8 mg/L étant exceptionnelles.

Le choix des céphalosporines orales sans discrimination chez des patients adultes « fragiles » à risque est contestable en raison des niveaux d’activité variables de ces molécules sur les pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline et d’une moindre activité de ces antibiotiques par rapport à l’amoxicilline.

Ces recommandations ne prennent pas en compte la mise à disposition de fluoroquinolones antipneumococciques dont la place dans le traitement des pneumonies communautaires doit être précisée.

Dans les années qui ont suivi le consensus de Lille, la plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont proposé des recommandations.

Celles-ci ont en commun une démarche probabiliste chez les patients non hospitalisés, établissant une distinction entre les sujets avec et sans facteur de risque, et élargissant chez ces derniers le spectre du traitement antibiotique.

Elles diffèrent sur la définition des facteurs de risque, et particulièrement dans le cas des formes bénignes traitées au domicile, sur le choix des antibiotiques et les posologies.

La Société européenne de pneumologie a proposé, en 1998, des recommandations à visée pragmatique étendues aux infections respiratoires basses dans leur ensemble, la plupart des cas d’infections respiratoires basses sans signe de gravité en milieu communautaire étant traités sans la confirmation de la pneumopathie par une radiographie thoracique.

Ces recommandations précisent la place des investigations complémentaires (radiographie thoracique, examen microbiologique de l’expectoration, numération-formule sanguine, évaluation de la fonction respiratoire).

Elles distinguent les patients traités au domicile et à l’hôpital, en secteur traditionnel et en unité de soins intensifs.

Aminopénicillines et macrolides demeurent les traitements de référence au cours des infections traitées au domicile avec, comme alternative, la plupart des molécules disponibles dans cette indication (tétracyclines, céphalosporines orales, quinolones de troisième génération, streptogramines orales, aminopénicillines + inhibiteurs de bêtalactamases).

Chez le patient hospitalisé, les recommandations sont superposables aux recommandations du consensus de Lille de 1991 et de l’American Thoracic Society.

Ayant pour finalité un consensus entre plusieurs pays européens aux pratiques relativement différentes, ces recommandations sont plus une orientation générale qu’un schéma pratique immédiatement applicable dans chaque pays.

L’Agence du médicament a publié, en 1999, des recommandations sur l’antibiothérapie par voie générale en pratique courante au cours des infections respiratoires basses.

Une radiographie thoracique (de face et profil) est recommandée lorsque les données cliniques sont évocatrices d’une pneumonie (absence d’infection associée des voies aériennes supérieures, polypnée supérieure à 25, tachycardie supérieure à 100/min, température supérieure à 37,8 °C, anomalie auscultatoire, notamment râles crépitants en foyer) ou lorsque les données sont peu évocatrices du diagnostic de pneumonie si le contexte de survenue (comorbidité, âge supérieur à 75 ans, vie en institution) expose à une sémiologie trompeuse et à un risque potentiel d’évolution compliquée.

Le choix du traitement antibiotique distingue l’adulte sans facteur de risque ni signe de gravité relevant d’un traitement ambulatoire, et l’adulte avec facteur de risque.

1- Chez l’adulte sans facteur de risque ni signe de gravité, relevant d’un traitement ambulatoire :

Les macrolides demeurent le traitement de référence des pneumonies atypiques et l’amoxicilline à la posologie de 3 g, le traitement des pneumonies confirmées ou présumées à pneumocoque.

Il est précisé qu’il n’y a pas de justification actuelle à l’utilisation systématique de bêtalactamines injectables (ceftriaxone, céfuroxime) ; l’utilisation de l’association aminopénicilline + inhibiteur de bêtalactamase n’est pas justifiée ; le cotrimoxazole, les céphalosporines orales de première génération ne sont pas recommandés en raison de leur activité insuffisante sur les souches de pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline et de leur absence d’activité sur les germes atypiques ; les céphalosporines orales de 2e et 3e générations qui conservent une activité potentielle in vitro sur Streptococcus pneumoniae de sensibilité intermédiaire à la pénicilline (céfuroxime axétil, cefpodoxime proxétil, céfotiam héxétil) ne sont pas recommandées car elles sont inactives sur les pneumocoques résistant à la pénicilline, leur concentration au niveau parenchymateux par surcroît n’étant pas, aux posologies recommandées, optimales ; les fluoroquinolones de type péfloxacine, ofloxacine ou ciprofloxacine n’ont pas d’indication dans le traitement des pneumopathies présumées à pneumocoque ; la place des nouvelles fluoroquinolones antipneumococciques n’est pas définie : elles ne sont pas recommandées en première intention ; la place de la pristinamycine ne paraît pas suffisamment étayée pour le traitement des pneumonies à pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline.

Cet antibiotique pourrait constituer une alternative en cas d’allergie à la pénicilline (voire, mais ceci ne figure pas dans la recommandation, en cas de pneumonie postgrippale en raison de la fréquence des surinfections par Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae et Staphylococcus aureus).

Il n’y a pas de justification chez le sujet sain à une bithérapie d’emblée.

2- Chez l’adulte avec facteur(s) de risque(s) :

Le choix de l’antibiothérapie est discuté individuellement et doit tenir compte de la nature et du nombre des facteurs de risques, de l’état clinique et des germes potentiellement responsables (Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa, Legionella…), sans perdre de vue que le risque d’infection à pneumocoque demeure au premier plan.

Le choix de l’antibiotique peut se limiter à l’application des règles définies pour l’adulte sain (amoxicilline 3 g/j) ou à l’élargissement à un traitement antibiotique à spectre plus large que celui de l’amoxicilline en mono- ou bithérapie tel que l’amoxicilline-acide clavulanique ou certaines céphalosporines de 2e ou 3e génération (en association éventuelle avec un macrolide).

La profusion des recommandations et la multiplication des alternatives thérapeutiques pourraient a priori être une source de confusion pour le praticien.

On remarquera que celles-ci vont dans le même sens.

Quelques points doivent être mis en exergue en synthèse :

– un élargissement des indications de la radiographie thoracique dans toute situation où le diagnostic de pneumonie est suspecté ;

– le recours principalement à deux classes d’antibiotiques, les bêtalactamines et les macrolides avec une priorité pour les bêtalactamines en présence d’une pneumonie alvéolaire ;

– la bêtalactamine de référence est une amoxicilline.

En fonction des signes de gravité symptomatique et du terrain, le spectre de cette bêtalactamine peut être élargi sous réserve que la molécule choisie ait une bonne activité sur Streptococcus pneumoniae (coamoxiclav, ceftriaxone, céfotaxime) ;

– la posologie de 3 g d’amoxicilline reste le traitement de référence de la pneumonie alvéolaire présumée pneumococcique (incluant les pneumocoques de sensibilité diminuée actuellement en circulation en France).

Plusieurs études ont démontré qu’il n’y avait pas de corrélation significative au cours des pneumonies entre la résistance in vitro jusqu’à un seuil de 2 mg/L et la résistance clinique.

En revanche, il n’y a pas de données disponibles au-delà de ce seuil.

Il n’y a pas de signe radioclinique prédictif d’une pneumonie à pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline ; mais plusieurs études ont mis en évidence divers facteurs de risque qui augmentent significativement la fréquence des infections par un pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline : antécédent d’hospitalisation, traitement récent par une bêtalactamine, âges extrêmes, immunodépression (en particulier coinfection par le VIH) ;

– les nouvelles fluoroquinolones antipneumococciques (trovafloxacine, moxifloxacine, lévofloxacine, grépafloxacine, gémifloxacine…) pourraient occuper une place de choix dans le traitement des pneumonies compte tenu de leur spectre particulièrement adapté, sous réserve d’une confirmation de leur bonne tolérance.

Les principales limitations à leur usage sont, dans l’hypothèse d’une surprescription, le risque de voir se développer une résistance microbienne.

Leurs indications pourraient être limitées aux pneumonies communautaires alvéolaires confirmées par un examen radiographique thoracique : représentant environ 5 à 8 % des infections respiratoires basses, elles ne seraient pas en elles-mêmes une source de surprescription si les indications étaient strictement limitées par ailleurs aux cas d’infections otorhinolaryngologiques et bronchiques réfractaires, en deuxième intention.

Dans l’hypothèse où la résistance à la pénicilline de Streptococcus pneumoniae évoluerait avec des CMI de l’ordre de 4 à 8 mg/L, en proportion significative, les fluoroquinolones antipneumococciques constitueraient une alternative.

E – AU COURS DES PNEUMONIES NOSOCOMIALES :

La prescription d’un traitement empirique et ses modalités (s’agissant principalement de pneumonies chez des patients ventilés) demeurent controversées.

Dans l’esprit du consensus français et nord-américain, certains conditionnent le traitement antibiotique aux données d’un examen direct du lavage bronchoalvéolaire avec un recours à l’antibiothérapie s’il y a plus de 5 % de cellules infectées sur la pastille de cytocentrifugation du liquide, le choix de l’antibiotique étant orienté par la morphologie des micro-organismes visualisés après coloration de Gram et entériné par les données ultérieures des cultures quantitatives.

Quand la fibroscopie est impossible, l’orientation se fait sur le produit de l’aspiration trachéale.

D’autres auteurs préconisent une simplification des procédures, les données de la simple aspiration apportant une orientation proche de celle obtenue par prélèvements fibroscopiques.

La sensibilité de la technique permettrait de récuser le diagnostic de pneumonie en l’absence de germe ; en présence d’un prélèvement mono- ou plurimicrobien, l’absence de certains germes (tels que Staphylococcus aureus ou Pseudomonas sp.) permettrait de simplifier le traitement probabiliste.

Cette technique expose toutefois à une surprescription d’antibiotiques dans le cas d’une simple colonisation microbienne.

En fait, à la lumière de travaux récents, il apparaît qu’il n’y a pas une bonne concordance entre la présence de bactéries dans un prélèvement protégé au seuil significatif de l’infection et la démonstration d’une pneumonie histologique.

Une fois la décision de l’antibiothérapie prise, faut-il prescrire une monothérapie ou une bithérapie ?

Les avis sont partagés, certaines études ne démontrant pas un bénéfice significatif de la bithérapie.

Il y a un relatif consensus sur le bénéfice d’une bithérapie en cas d’infection à Pseudomonas aeruginosa ou si la stratégie thérapeutique implique comme deuxième antibiotique la rifampicine, l’acide fusidique ou la fosfomycine, voire une fluoroquinolone.

Il y a une tendance plutôt en faveur de la bithérapie lorsque le germe causal présumé (ou confirmé) est Acinetobacter sp. ou Staphylococcus aureus.

L’American Thoracic Society a proposé trois types de schémas thérapeutiques selon le type des patients : dans le groupe I se trouvent les patients sans facteur de risque en faveur d’une étiologie précise et présentant une infection peu sévère, quel que soit le moment où elle a débuté, ou sévère mais de survenue précoce (5 premiers jours d’hospitalisation) ; le groupe II correspond aux patients avec des facteurs de risque notables dont l’infection est peu sévère, quel que soit le moment de survenue ; le groupe III comporte des patients avec infection sévère précoce associée à des facteurs de risque ou de survenue tardive.

Si l’on a une orientation plus précise en faveur d’un ou plusieurs micro-organismes, en particulier en fonction de l’environnement microbien de l’unité de soins, des antécédents du patient et des données de l’examen direct sur l’aspiration endobronchique, le choix de l’antibiothérapie peut être plus ciblé.

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