Sténoses laryngées de l’adulte

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Notions anatomiques concernant les sténoses laryngées :

C’est l’ensemble formé par le cartilage cricoïde et les deux cartilages aryténoïdes qui est le siège de la majorité des lésions constitutives des sténoses laryngées.

Sténoses laryngées de l’adulteLes cordes vocales se rejoignent en avant pour former la commissure antérieure et s’appuient en arrière sur les cartilages aryténoïdes qui délimitent ainsi, avec les faisceaux du muscle interaryténoïdien, la commissure postérieure.

Cette zone frontière entre la cavité du larynx et la cavité du pharynx est particulièrement exposée lors des manoeuvres d’intubation.

C’est également le point d’appui de la sonde qui vient se caler dans l’incisure interaryténoïdienne.

Le cricoïde fournit la charpente de la filière aérienne : toute destruction de ce cartilage et tout épaississement de la muqueuse sont causes de réduction de la filière ; les aryténoïdes par leur mobilité permettent l’ouverture et la fermeture de la glotte : toute ankylose des articulations cricoaryténoïdiennes et toute fibrose entre les deux aryténoïdes réduisent leur mobilité et l’ouverture glottique.

La plupart des sténoses laryngées sont la conséquence de ces deux types d’atteinte.

Beaucoup plus rarement, certaines sténoses, en règle consécutives à des traumatismes laryngés externes ou à des brûlures caustiques, sont liées à des atteintes anatomiques différentes de l’ensemble cricoaryténoïdien ; ces atteintes concernent l’étage glottique ou sus-glottique ou la margelle du larynx.

Elles sont le fait de cicatrices muqueuses qui créent des synéchies entre les structures concernées et rétrécissent la filière ; il s’agit par exemple de synéchies entre aryténoïdes et épiglotte ou de cicatrices sténosantes du vestibule laryngé ou de synéchies entre les deux cordes vocales.

Sous le plan des cordes débute la région sous-glottique.

Étendue sur une hauteur de 1,5 à 2 cm, elle est circonscrite par le cartilage cricoïde.

Cet anneau inextensible est tapissé par une muqueuse respiratoire qui est directement en contact avec les surfaces cartilagineuses.

La microvascularisation de la muqueuse de la région cricoïdienne est identique à celle observée au niveau de la trachée cervicale.

C’est le réseau vasculaire du périchondre interne qui a la plus grande importance pour le cricoïde.

Les facteurs qui rendent cette région sous-glottique vulnérable sont : son étroitesse, son inextensibilité, la fragilité de son tissu de recouvrement, sa microvascularisation.

Physiopathologie :

L’ouverture de la muqueuse laryngotrachéale est un facteur de surinfection muqueuse, cartilagineuse et périarticulaire ; les compressions muqueuses par une sonde d’intubation sont un facteur d’ischémie sous-jacente.

L’ischémie et l’infection sont des facteurs de chondrite et de périarthrite ; leur évolution peut se faire sur un mode de cicatrisation fibreuse qui peut épaissir la muqueuse ou créer une ankylose cricoaryténoïdienne, constitutive des sténoses laryngées ; l’infection peut aller jusqu’à à une nécrose du cartilage, ce qui crée une perte de la charpente, élément principal des sténoses ; elle peut aussi réaliser une arthrite, aboutissant à une immobilité aryténoïdienne.

Étiologies des sténoses laryngées :

A – STÉNOSES SÉQUELLAIRES DES TECHNIQUES D’ANESTHÉSIE ET DE RÉANIMATION :

L’intubation trachéale par voie translaryngée constitue la première cause de sténoses laryngées et cela, quel que soit le groupe d’âge.

La trachéotomie entraîne un traumatisme pour le larynx soit directement quand le cricoïde est lésé, du fait d’une technique défectueuse, soit indirectement lorsqu’elle contribue à aggraver les lésions créées par une intubation préalable.

1- Traumatismes postintubation :

Le traumatisme créé par l’intubation peut survenir lors de la mise en place du tube ou, plus fréquemment, être la conséquence du maintien prolongé de l’intubation.

Hormis les lésions par traumatisme direct qui surviennent lors de l’insertion du tube, les lésions rencontrées sont la conséquence de l’hyperpression exercée par le ballonnet et surtout par le tube sur les parois laryngotrachéales.

Les pressions exercées par la sonde d’intubation sur les parois sont très supérieures à la pression de perfusion capillaire muqueuse laryngée et trachéale et cela, quel que soit le type de sonde utilisé.

Cette hyperpression est responsable d’une ischémie muqueuse, qui aboutit à une perte de substance, dénudant le cartilage sous-jacent.

La surinfection aggrave la réaction inflammatoire et les lésions cartilagineuses, qui aboutissent à une sténose.

* Localisation des lésions :

Quelles que soient les circonstances de survenue du traumatisme, sa localisation est bien systématisée ; deux régions anatomiques sont en effet électivement exposées et correspondent aux points de pression du tube.

Ce sont la partie postérieure du larynx et la trachée à l’endroit où le ballonnet gonflé exerce une pression circonférentielle. Les lésions laryngées sont :

– la partie postérieure de l’endolarynx, c’est-à-dire les aryténoïdes et en particulier les apophyses vocales, la région interaryténoïdienne, la région des articulations cricoaryténoïdiennes.

La configuration anatomique de la glotte et de la base de langue expliquent l’appui de la sonde dans la commissure postérieure ; les mouvements sphinctériens du larynx augmentent l’hyperpression à ce niveau.

Cette région postérieure est la zone critique du larynx ;

– les cordes vocales et l’étage supraglottique peuvent être traumatisés au cours d’une intubation ; l’anneau cricoïdien peut être traumatisé par un ballonnet gonflé à ce niveau ; des luxations aryténoïdiennes peuvent survenir et la fréquence des subluxations est peut-être sous-estimée.

* Anatomopathologie :

Les lésions laryngées de l’intubation ont été bien étudiées sur des pièces d’autopsies animales et humaines.

Les lésions les plus fréquentes sont d’origine ischémique et évoluent en trois stades :

– un oedème et une infiltration leucocytaire, visibles histologiquement après 2 heures ;

– des ulcérations macroscopiques à partir de 7 heures d’intubation.

Ces ulcérations sont plus ou moins profondes, pouvant concerner l’épithélium, la sous-muqueuse ou le cartilage ;

– le troisième stade correspond à l’atteinte cartilagineuse : périchondrite puis chondrite aboutissant à la nécrose, élément majeur dans la survenue d’une sténose.

Les études autopsiques du larynx des patients décédés en réanimation ont montré que l’aspect macroscopique était stéréotypé, associant, à des degrés variables, certaines lésions : ulcération symétrique de la face inférieure des apophyses vocales qui est la plus fréquente des lésions, ulcération postérolatérale du cricoïde en regard des articulations cricoaryténoïdiennes, ulcération interaryténoïdienne, ulcération en regard des ballonnets, lésions de la paroi antérieure de la trachée en regard de l’extrémité de la sonde.

Lindholm a établi une classification selon l’extension en surface qui n’a qu’une valeur relative car la gravité de l’atteinte postérieure du larynx n’est pas liée à son extension en surface.

La cicatrisation de ces lésions traumatiques est variable : la régénération se fait à partir de la membrane basale ; si celle-ci est détruite, le processus de réépithélialisation est plus long car il vient de la périphérie.

Plus l’ulcération est large et profonde, plus la surinfection est importante et plus la prolifération de conjonctif, la réaction inflammatoire (granulome) et la sclérose cicatricielle sont marquées.

C’est la fibrose qui en résulte qui est à l’origine des sténoses.

La mise en place de la sonde d’intubation peut être traumatisante et aboutir à des hématomes, des ulcérations, des lacérations glottiques ou à des luxations ou subluxations de l’articulation cricoaryténoïdienne facteur potentiel de séquelles ultérieures, vocales ou respiratoires.

* Facteurs de risque :

+ Matériel d’intubation :

Quel que soit le matériel utilisé, les relations anatomiques du larynx et de la sonde provoquent un traumatisme.

Ce conflit est aggravé par le matériel utilisé. – Diamètre. Les mesures des pressions exercées sur la partie postérieure du larynx ont montré que cette pression atteignait 200 à 400 mmHg même pour les petits tubes.

Cependant, la surface sur laquelle s’exerce cette pression est d’autant plus étendue et la pression est d’autant plus grande que le calibre du tube est élevé.

Le rôle du diamètre du tube rend compte de la fréquence des lésions laryngées chez la femme et l’enfant dont l’étroitesse du larynx explique le risque d’intubation par des sondes de trop gros diamètre.

Si, chez l’adulte, la zone la plus étroite de la filière aérienne est l’orifice glottique, chez l’enfant, c’est la région sousglottique, délimitée par l’anneau cricoïdien, qui est la région la plus étroite.

Ainsi, une sonde d’intubation qui passe facilement la glotte peut être trop large et donc dangereuse au niveau du cricoïde chez l’enfant ou dans un larynx féminin.

– Matériau.

Les sondes d’intubation en caoutchouc présentaient de nombreux inconvénients liés à leur rugosité, à leur capacité de rétention des produits irritants et toxiques utilisés pour leur stérilisation, à leur mauvaise tolérance histologique.

Elles ne sont désormais plus utilisées en France.

Les sondes en plastique (chlorure de polyvinyle) et en silicone sont mieux tolérées car elles sont lisses, ont un pouvoir de rétention faible et sont inertes ; elles sont à usage unique.

Elles sont indispensables pour toute intubation prolongée. Cependant, quels que soient les matériaux employés, la sonde exerce une hyperpression sur la commissure postérieure.

– Ballonnet.

Le ballonnet est surtout déterminant dans la survenue de lésions trachéales plus que cricoïdiennes.

Le recours à des ballonnets à basses pressions a réduit la survenue de lésions ischémiques à ce niveau.

+ Terrain :

Chez l’enfant, la pression capillaire muqueuse (15-25 mmHg) est inférieure à celle de l’adulte. L’oedème déclenché par l’intubation est précoce et le choix de la sonde doit se faire en tenant compte de l’âge et du poids (table de Huault) mais aussi de l’éventuelle réduction de calibre liée à cet oedème.

Les nouveau-nés paraissent mieux supporter les intubations prolongées que les plus grands enfants du fait de la plasticité plus grande du cartilage laryngé pendant le premier mois de la vie.

La femme n’est particulièrement exposée au traumatisme que dans la mesure où la sonde de trop gros calibre risque d’être utilisée.

Ainsi, si Hawkins trouve 90 % de femmes dans une série de 68 sténoses postintubation, elles ne sont que 35 % sur les 740 cas de la série du rapport à la Société française d’oto-rhino-laryngologie (ORL).

La pathologie justifiant l’assistance ventilatoire peut aggraver le traumatisme et constituer un facteur de risque de sténoses chez l’adulte et chez l’enfant.

Plusieurs éléments interviennent : la pression systémique basse, la durée de ventilation assistée et les mouvements du larynx sur sonde.

Cela rend compte de la fréquence des sténoses après coma et dans les suites de chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle.

En cas de pathologie laryngée préexistante, l’intubation risque d’aggraver les lésions laryngées.

C’est le cas des laryngites avec lésions muqueuses des maladies infectieuses (rougeole, coqueluche, infections herpétiques), ce qui peut faire préférer la trachéotomie.

+ Qualité de la réanimation :

L’agitation du patient, en particulier en cas de désadaptation à la respiration assistée, une position en hyperextension, un défaut d’humidification, une surinfection majeure aggravent le traumatisme causé par la sonde, en particulier dans la zone postérieure du larynx.

Un ballonnet gonflé dans la sous-glotte crée un traumatisme à ce niveau pouvant aboutir à une nécrose cricoïdienne.

+ Durée de l’intubation :

C’est dans les années 1960 que l’intubation prolongée a commencé à être employée de façon régulière pour les ventilations assistées au long cours.

En 1959, Aboulker considérait que la durée de l’intubation ne devait pas dépasser 2 à 3 jours.

En 1969, Lindholm a présenté une série d’adultes ayant eu une intubation au long cours ; la durée moyenne était de 32 heures, l’intubation la plus longue était de 8 jours.

Depuis cette époque, l’intubation de longue durée a été admise comme le mode privilégié en réanimation pour la ventilation au long cours.

Le traumatisme constitué par la pratique de l’intubation prolongée isolée reste donc un problème d’actualité.

Les études portant sur des pièces d’autopsie ont montré que les lésions laryngées macroscopiques étaient d’importance variable.

Donnelly, étudiant en post-mortem 99 larynx intubés, et Mcgovern sur 366 malades intubés ont montré que l’importance des lésions était corrélée avec la durée d’intubation.

Stauffer, à propos de 63 autopsies postintubation, retrouvait également des lésions laryngotrachéales constantes, mais sans corrélation entre leur sévérité et la durée d’intubation.

Parallèlement à cette fréquence élevée de lésions anatomiques postintubation, il a été noté que leur évolution vers la sténose était relativement rare.

Surtout, il a été montré dans des études prospectives que les sténoses étaient d’autant plus fréquentes que les lésions aiguës étaient importantes et surtout que la durée d’intubation était longue : Whited n’a observé qu’une sténose sur 50 patients intubés moins de 5 jours, cinq sténoses (5 %) sur 100 patients intubés entre 5 et 10 jours, sept sténoses (14 %) sur 50 patients intubés plus de 10 jours.

En conclusion, il considère qu’une intubation de 7 jours et moins entraîne un taux faible mais significatif de séquelles graves, tandis qu’au-delà de 10 jours la fréquence et la sévérité des séquelles rendent inacceptable en routine la pratique d’une intubation aussi prolongée.

Dans la série de Stauffer, la fréquence de sténoses était d’autant plus grande chez les patients survivants que la durée d’intubation était longue.

Enfin, dans le rapport à la Société française d’ORL sur les sténoses, 73 % des sténoses postintubation exclusive survenaient après une intubation supérieure à 5 jours.

2- Lésions laryngées post-trachéotomie :

* Siège :

Les lésions laryngées directement créées par la trachéotomie sont rares et la conséquence d’une technique incorrecte.

Seules les trachéotomies trop hautes peuvent léser le cricoïde par le biais d’une dénudation cartilagineuse et d’une surinfection qui aboutissent à une chondrite de l’anneau, plus ou moins étendue.

Cette atteinte cricoïdienne peut être le résultat d’une incision entre le cricoïde et le premier anneau mais aussi d’une incision entre le premier et le deuxième anneau : l’anneau sus-jacent à la canule est rapidement détruit par celle-ci qui vient alors s’appuyer sur l’arc antérieur du cricoïde.

La trachéotomie percutanée a été développée par les réanimateurs depuis une dizaine d’année comme une alternative à la trachéotomie, accessible à des non-chirurgiens.

Elle est effectuée avec des kits stériles qui permettent la ponction trachéale transcutanée, la dilatation de l’orifice de trachéotomie puis la mise en place d’une canule spécifique.

Elle aurait un taux de complications et d’incidents faible, mais la courbe d’apprentissage de la technique mérite d’être comparée chez des chirurgiens et des non-chirurgiens.

Des sténoses laryngotrachéales ont aussi été décrites avec cette technique.

* Facteurs de risque :

Certains de ces facteurs tiennent à la technique : – le siège : les trachéotomies trop hautes, concernant le cricoïde ou les deux premiers anneaux créent un traumatisme laryngé direct.

La trachéotomie doit donc être faite en regard des 3e et 4e anneaux, tout en restant à distance du tronc artériel brachiocéphalique ;

– les décollements inutiles et excessifs dénudent les cartilages, favorisent l’ischémie et l’infection.

Les conditions de réalisation de la trachéotomie jouent un rôle : une technique réglée, faite sous intubation, dans de bonnes conditions d’asepsie, permet de limiter tous les facteurs de risque, ce qui n’est pas le cas de trachéotomies faites en « catastrophe » ou sur un malade agité.

3- Association intubation-trachéotomie :

Une trachéotomie faite après plusieurs jours d’intubation constitue un traumatisme laryngotrachéal majeur et un facteur de risque maximum de sténose ultérieure.

Toutes les études prospectives de malades intubés ont montré la gravité de cette association.

Il en est de même des séries de sténoses constituées : ainsi, 43 % des sténoses dans la série du rapport à la Société française sont précédées par cette association, alors que 29 % sont la conséquence d’une intubation isolée.

Cette notion est retrouvée dans de nombreuses autres séries.

Sasaki, dans plusieurs études expérimentales, a bien montré le rôle infectant de la trachéotomie et son importance : la muqueuse sous-glottique gauche de 20 chiens ayant été endoscopiquement strippée, sans atteinte cartilagineuse, six chiens restèrent sans trachéotomie tandis que 14 étaient trachéotomisés.

Chez les chiens non trachéotomisés, la quantité de bactéries retrouvée dans les tissus sous-glottiques lésés reste faible et stable, les lésions sont cicatrisées au 14e jour, la cicatrisation n’est pas hypertrophique.

Au contraire, chez les chiens trachéotomisés, la quantité de bactéries croissait exponentiellement dans la sous-glotte, tandis qu’histologiquement apparaissaient des granulomes, une périchondrite, une chondrite.

L’importance des réactions était diminuée quand un traitement antibiotique local ou général était institué.

Cependant, ainsi que le souligne Whited, l’incidence propre de la trachéotomie dans la séquence intubation-trachéotomie ne doit pas être surestimée : dans sa série prospective, la conversion de l’intubation en trachéotomie a toujours été décidée parce qu’il existait déjà des problèmes laryngés manifestes.

L’examen laryngotrachéal au moment de la trachéotomie a toujours montré des lésions extensives chez les malades qui devaient évoluer ultérieurement vers la sténose ; enfin, quand la trachéotomie avait été décidée avant l’apparition de lésions majeures liées à l’intubation, la cicatrisation s’était toujours faite sans séquelles.

Dans une autre étude prospective, Stauffer confirmait que l’intubation prolongée suivie de trachéotomie entraînait un risque significativement plus élevé de sténose que l’intubation de courte durée avant trachéotomie.

L’intubation de longue durée semble donc bien être l’élément essentiel de gravité de l’association, la trachéotomie n’étant réalisée que lorsqu’une poursuite de la ventilation assistée ou l’importance des lésions laryngées l’impose.

4- Intubations de courte durée :

Les intubations de courte durée (la durée d’une intervention habituelle, c’est-à-dire moins de 7 heures) peuvent entraîner des traumatismes laryngés, mais aboutissent heureusement rarement à une sténose.

* Traumatismes aryténoïdiens :

Dans ce contexte, les lésions les plus significatives dans la survenue d’un rétrécissement de la filière respiratoire sont celles consécutives à des traumatismes aryténoïdiens avec luxation ou subluxation cricoaryténoïdienne.

Leur fréquence réelle n’est pas connue, le problème étant rapporté dans la littérature essentiellement sous forme de cas cliniques et certaines subluxations étant probablement méconnues.

C’est une complication rare et sérieuse responsable en postopératoire d’une dysphonie et d’une déglutition douloureuse marquées ; le diagnostic peut être évoqué en laryngoscopie devant un aryténoïde oedématié, basculé et de mobilité réduite ; le scanner pourrait aider au diagnostic ; la réduction endoscopique dans les meilleurs délais (c’est-à-dire dans les jours, voire dans les heures suivantes) est le traitement classiquement proposé, mais il s’agit d’un geste difficile et dont l’efficacité reste hypothétique, la littérature scientifique ne fournissant pas d’éléments permettant d’évaluer son efficacité anatomique et fonctionnelle.

Les circonstances de cet accident ne sont pas toujours claires ; elles peuvent être la conséquence directe d’un traumatisme par la lame du laryngoscope ou par la sonde d’intubation, mais ces éléments ne sont pas toujours mis en évidence.

Il n’est pas impossible que certaines luxations soient liées à l’appui de la sonde d’intubation sur l’aryténoïde pendant la durée de l’anesthésie ou qu’elles puissent être favorisées par des changements de position au cours d’une intervention comportant plusieurs temps opératoires différents.

* Paralysies laryngées postintubation :

C’est un sujet de controverse qui est loin d’être clos.

Des cas de paralysie récurrentielle postintubation ont été rapportés dans la littérature.

Il s’agirait d’une complication dont la pathogénie ferait intervenir une compression du nerf au niveau de sa pénétration dans le larynx entre le cricoïde et le ballonnet.

Si l’existence d’immobilités laryngées après intubation, même de courte durée, est indiscutable, son origine neurogène est fortement discutée ; la plupart des cas cliniques rapportés ne s’accompagnent pas d’argument électromyographiques (EMG).

En raison de la fréquence des lésions laryngées postérieures après intubation, même de très courte durée, une explication purement mécanique des immobilités après intubation, qu’elles soient de courte ou de longue durée est vraisemblable (par ankylose cricoaryténoïdienne, synéchie ou fibrose interaryténoïdienne) ; cette explication est compatible avec la régression de l’immobilité habituellement observée en quelques semaines et est à mettre en parallèle avec la cicatrisation le plus souvent sans séquelles des lésions laryngées postérieures.

B – TRAUMATISMES EXTERNES :

Les traumatismes externes du larynx peuvent être des traumatismes ouverts ou fermés.

Les traumatismes ouverts sont accompagnés d’une plaie du cou et sont le plus souvent consécutifs à une plaie par arme blanche ; les traumatismes fermés sont le plus souvent la conséquence d’un accident de la circulation ; ils peuvent être directs par écrasement (sur un volant ou par la ceinture de sécurité par exemple en voiture ou par chute sur le cadre d’un vélo) ou indirects aboutissant au maximum à une disjonction laryngotrachéale.

Le traitement en urgence comporte un parage économique et une réparation des lésions muqueuses ainsi qu’une réduction des fractures cartilagineuses.

L’évolution sténotique peut être la conséquence des pertes de substances muqueuses, de la cicatrisation et de l’immobilité aryténoïdienne liée aux lésions des nerfs récurrents et/ou aux ankyloses articulaires.

Ces sténoses sont souvent complexes et plurifactorielles.

Elles comportent souvent une composante supraglottique.

C – BRÛLURES LARYNGOTRACHÉALES :

Il peut s’agir de brûlures consécutives à des inhalations de fumées ou de vapeurs qui causent des brûlures thermiques du vestibule laryngé, de la glotte, de la sous-glotte et de la trachée cervicale.

Ces brûlures par inhalations causent des atteintes circonférentielles avec des pertes de substance muqueuses dont la cicatrisation aboutit à une sténose.

Une brûlure cutanée profonde surajoutée peut perturber la vascularisation cartilagineuse et aggraver les séquelles.

Plus fréquemment, les brûlures caustiques de l’adulte créent des lésions graves de la margelle et du vestibule laryngés associées à des atteintes du pharynx et de l’oesophage ; le traitement de ces sténoses est difficile du fait de l’inflammation persistante et de la tendance à la resténose.

D – STÉNOSES SÉQUELLAIRES DE TRAITEMENTS D’AFFECTION LARYNGÉE :

1- Séquelles du traitement des paralysies laryngées :

Le traitement des immobilités laryngées purement neurogènes peut surajouter une composante mécanique.

Le polytétrafluoroéthylène (Téflont) qui fut beaucoup utilisé dans les paralysies laryngées unilatérales a été accusé de provoquer des réactions inflammatoires importantes pouvant aboutir à un oedème réactionnel (pouvant nécessiter une réintubation, voire une trachéotomie), des granulomes, jusqu’à une sténose.

Cela explique la restriction de l’emploi du Teflont, voire son abandon progressif d’abord au profit du collagène puis, en raison de coût de celui-ci et des risques liés aux prions, au profit de la graisse autologue et des autres implants utilisées dans les thyroplasties.

Dans les paralysies bilatérales, le laser est utilisé préférentiellement pour effectuer une cordectomie segmentaire postérieure afin d’élargir la filière glottique ; les vaporisations extensives effectuées au laser sur les régions aryténoïdiennes font courir un risque de sténoses cicatricielles avec ankylose articulaire ou brides laryngées.

Le risque de synéchies entre les deux cordes vocales est rare après cordectomie segmentaire.

2- Séquelles d’autres affections bénignes :

Les premières cures de papillomatoses infantiles dans les années 1970 ont laissé des larynx séquellaires avec des synéchies glottiques générant des séquelles vocales le plus souvent, parfois des réductions de la filière respiratoire.

Dans la plupart des indications actuelles du laser en pathologie laryngée, l’action superficielle du laser, les faibles puissances employées font que les complications sont exceptionnelles, à condition que certaines précautions soient respectées.

La création de deux surfaces cruentées venant au contact l’une de l’autre risque d’aboutir à une synéchie : ce risque est élevé quand il existe des lésions sur le tiers antérieur des deux cordes vocales ou dans la région commissurale postérieure ; dans ces cas, et en particulier dans les formes extensives, il faut savoir respecter le bord libre d’un côté ou réaliser une intervention en plusieurs temps.

Cela est facilité par la précision du tir laser, qui a été améliorée par l’existence de micro-points, et par le recours à des puissances minimales efficaces, délivrées sur un mode fractionné qui réduit l’effet thermique.

Le traitement des sténoses graves du larynx et de la trachée peut paradoxalement aggraver la sténose ; il est dangereux de réaliser des gestes laser trop étendus en surface et en profondeur car ils aboutissent à des synéchies, à des atteintes cartilagineuses surajoutées et à des cicatrices rétractiles sténogènes.

3- Séquelles de laryngectomies partielles :

Les différentes techniques de laryngectomies partielles permettent toutes d’éviter la trachéotomie définitive.

Des sténoses ont été décrites dans les suites de laryngectomies supra-cricoïdiennes, de laryngectomies type Tucker, de cordectomies bilatérales, d’hémilaryngo-pharyngectomies supracricoïdiennes.

Elles restent rares pour les techniques les plus utilisées.

Certains facteurs techniques peuvent favoriser anatomiquement la sténose : anastomose circulaire dans les cricohyoïdopexies, déplacement postérieure de l’épiglotte dans les Tucker.

Toutefois, à technique égale, certains facteurs peuvent favoriser la survenue de sténoses : artérite, diabète, insuffisance rénale ou radiothérapie préalable sont susceptibles de perturber la cicatrisation et d’altérer la vascularisation cartilagineuse.

4- Larynx radiques :

Les modifications tissulaires induites par la radiothérapie sont susceptibles d’aboutir à des sténoses laryngées dont le traitement est particulièrement difficile du fait de la mauvaise qualité de la cicatrisation ; de plus, elles posent le problème diagnostique d’une récidive cancéreuse.

Ces sténoses postradiques sont favorisées par différents facteurs : une dose-tumeur supérieure à 75 grays, un raccourcissement de l’étalement des doses, un envahissement du cartilage par la tumeur, l’infection, les troubles vasculaires préexistants (artérite), la chirurgie partielle (elle perturbe la vascularisation et dénude les cartilages ; une couverture soigneuse de ceux-ci est indispensable).

Quand une irradiation postopératoire est nécessaire après laryngectomie partielle, elle ne doit pas dépasser 50-55 grays sur le lit tumoral.

Plusieurs facteurs anatomiques contribuent à favoriser une évolution sténogène : la radiomucite subaiguë et la chondrite qui peuvent aboutir à une chondronécrose ; l’endartérite, l’oedème résiduel, la fibrose tardive et l’ankylose articulaire cricoaryténoïdienne.

Les sténoses sont le résultat des atteintes combinées muqueuse, articulaire et cartilagineuse.

Elles sont de traitement très difficile et peuvent imposer le port définitif d’une canule de trachéotomie.

Le diagnostic différentiel est toujours difficile avec une récidive.

Celui-ci repose sur l’endoscopie avec biopsies mais les récidives profondes sont souvent difficiles à affirmer malgré celles-ci.

La tomodensitométrie à émissions de positons (TEP) semble un outil supplémentaire d’aide au diagnostic dans les larynx radiques : les récidives fixent plus le marqueur utilisé ([18F]-fluorodéoxyglucose ou FDG) que les lésions non tumorales, ce qui permet d’orienter les biopsies.

E – SÉQUELLES D’AFFECTIONS LARYNGÉES SPÉCIFIQUES :

Certaines maladies systémiques granulomateuses à expression laryngée peuvent créer des sténoses, en particulier la sarcoïdose et la maladie de Wegener.

Le diagnostic doit être évoqué particulièrement devant une sténose avec granulomes sans cause iatrogène connue et étayé par des biopsies.

Leur traitement pose des problèmes tout à fait spécifiques :

– par le rôle potentiel des corticoïdes qui, d’une part, ont une place dans le traitement par voie générale ou par voie locale, en injections in situ pour réduire la réaction granulomateuse mais qui, d’autre part, peuvent aussi contribuer à aggraver l’état de la charpente cartilagineuse laryngée ;

– par la difficulté et les incertitudes du traitement chirurgical.

Certaines maladies infectieuses comme la rougeole peuvent créer des lésions muqueuses, dont la cicatrisation peut se faire sur un mode sténotique.

F – STÉNOSES LARYNGÉES ET REFLUX GASTRO-OESOPHAGIEN ET PHARYNGÉ :

Le reflux gastro-oesophagien est un élément déterminant dans la survenue d’une sténose laryngée chez des patients ayant un traumatisme de l’axe laryngotrachéal ou une intubation au long cours.

Le risque de sténose sous-glottique apparaît particulièrement élevé dans cette situation dans les larynx de petite taille, en particulier chez les femmes.

Koufman a étudié 32 patients avec sténoses sous-glottique ou trachéale en Phmétrie des 24 heures et a montré que les trois quarts d’entre eux avaient un reflux gatrooesophagien avec un reflux acide dans le pharynx.

Dans une série de 12 patients avec sténose laryngotrachéale, Toohill a fait une PHmétrie étagée et retrouvé un reflux pharyngé acide chez huit patients sur 12 (contre sept sur 34 dans une série témoins sans sténose) ; le nombre d’épisodes de reflux pharyngés et la durée d’exposition acide du pharynx étaient plus élevés chez les patients porteurs de sténoses, alors qu’il n’y avait pas de différence significative pour les deux groupes en ce qui concerne l’oesophage.

Les situations de réanimation sont aussi susceptibles d’augmenter le risque de survenue d’un reflux.

De plus, le reflux gastropharyngé pourrait être en cause dans une proportion significative de sténoses laryngotrachéales étiquetées idiopathiques.

Il pourrait aussi favoriser la constitution d’une sténose quand préexiste une atteinte granulomateuse.

Le traitement de principe du reflux fait partie des mesures thérapeutiques systématiques que ce soit en préventif dans tous les types de traumatismes laryngés ou en curatif devant une sténose émergeante ou constituée.

Mais Zalzal, dans une étude prospective sur l’effet du reflux gastro-oesophagien et de son traitement, portant sur 74 enfants opérés de laryngoplastie pour sténose, n’a pas trouvé de différence selon l’existence d’un reflux et son traitement en ce qui concerne la décanulation finale.

D’autres évaluations prospectives restent souhaitables.

Classification des sténoses laryngotrachéales :

Plusieurs classifications des sténoses ont été proposées.

Les classifications combinant les données anatomiques et fonctionnelles sont les plus utiles pour guider les indications thérapeutiques.

Le classement est effectué à partir des données morphologiques (examen clinique y compris laryngoscopie indirecte, imagerie, endoscopie) et dynamiques.

A – STÉNOSES SYSTÉMATISABLES :

La plupart des sténoses sont systématisables en fonction de la mobilité aryténoïdienne et des cartilages atteints ; c’est le cas des sténoses causées par l’intubation et la trachéotomie.

Parmi les sténoses systématisables, certaines peuvent être étagées en plusieurs sites de l’axe laryngotrachéal.

La conservation de la mobilité aryténoïdienne permet d’affirmer que les articulations cricoaryténoïdiennes sont indemnes.

On peut ainsi distinguer :

– les sténoses à larynx mobile : sténoses cricoïdiennes, sténoses trachéales, sténoses cricotrachéales.

Le rétrécissement existe en regard des cartilages atteints, cricoïde et/ou trachéaux ;

– les sténoses à larynx fixé : les articulations cricoaryténoïdiennes sont atteintes.

Il s’agit des sténoses les plus fréquentes.

Ce sont des sténoses aryténoïdiennes, des sténoses cricoaryténoïdiennes, des sténoses aryténoïdo-crico-trachéales.

Dans les sténoses aryténoïdiennes, les aryténoïdes sont fixés par l’atteinte des articulations cricoaryténoïdiennes et/ou par une fibrose interaryténoïdienne.

Dans les sténoses cricoaryténoïdiennes, il s’y associe un rétrécissement de la sous-glotte en regard de l’atteinte du cartilage thyroïde.

Ces sténoses peuvent être étagées et intéresser deux sites différents, par exemple, les aryténoïdes et la trachée à la suite d’une intubation prolongée.

B – STÉNOSES COMPLEXES :

À l’inverse des sténoses systématisables, il existe des sténoses complexes souvent consécutives à des traumatismes externes ou à des brûlures caustiques.

Elles intéressent à des degrés divers tous les étages du larynx avec souvent des lésions cutanées, nerveuses, pharyngées, oesophagiennes consécutives au traumatisme causal ; les immobilités laryngées peuvent être la conséquence de paralysies, récurrentielles ou du pneumogastrique, ou d’une atteinte articulaire cricoaryténoïdienne.

C – AUTRES :

Les classifications les plus utilisées dans la littérature internationale ont recours aux termes classiques de sténose glottique, sousglottique, supraglottique.

Diverses classifications intégrant l’extension et la sévérité des lésions ont été proposées dans un but pronostique.

Les sténoses glottiques dites postérieures correspondent aux atteintes fixant les cartilages aryténoïdes ; elles sont plus fréquentes que les sténoses par synéchies entre les deux cordes vocales, seules sténoses glottiques proprement dites ; ces synéchies entraînent des séquelles plus souvent vocales que respiratoires.

Les sténoses dites sous-glottiques correspondent aux sténoses cricoïdiennes et les sténoses dites glotto-sous-glottiques aux sténoses cricoaryténoïdiennes.

D’un point de vue fonctionnel et thérapeutique, il est important de distinguer les sténoses en voie de constitution, émergentes, inflammatoires et les sténoses constituées, séquellaires, fibreuses.

En ce qui concerne les lésions anatomiques constitutives du rétrécissement, il faut distinguer les altérations de la charpente cartilagineuse qui provoquent un effondrement pariétal, des lésions muqueuses (épaississement fibreux, granulomes) qui peuvent coexister avec une charpente intacte ou, plus souvent, être associées à des lésions cartilagineuses.

Clinique des sténoses laryngées :

Les sténoses se révèlent soit de façon aiguë par la survenue d’une détresse respiratoire lors d’une tentative d’extubation au terme d’une période de réanimation, soit de façon plus progressive par une dyspnée croissante.

Le plus souvent, la symptomatologie régresse et la surveillance laryngoscopique montre une disparition des anomalies laryngées en quelques semaines sans séquelles.

L’évolution vers la sténose est le résultat de la cicatrisation fibreuse et rétractile des lésions : une fibrose interaryténoïdienne, un blocage de l’articulation cricoaryténoïdienne, une synéchie entre les apophyses vocales aboutissent à l’immobilisation des aryténoïdes ; au niveau de l’anneau cricoïdien, la lumière est rétrécie du fait de la fibrose ou du fait de l’effondrement cartilagineux créé par une chondronécrose.

La dyspnée est le signe révélateur de la sténose, elle peut se manifester d’emblée, en particulier lors d’une tentative de décanulation quand, chez un malade trachéotomisé après avoir été intubé, les lésions laryngées ont eu le temps de cicatriser sur un mode sténotique.

Plus souvent, la dyspnée s’installe secondairement après un intervalle libre de plusieurs semaines, voire plusieurs mois,

L’organisation très progressive des lésions cicatricielles explique la bonne tolérance de la dyspnée chez certains malades dont l’état respiratoire peut ne se décompenser qu’à l’occasion d’une poussée inflammatoire.

Le caractère de la dyspnée est inspiratoire lorsque les lésions rétrécissent la filière laryngée et la trachée haute, du fait d’une dépression physiologique de ces structures au cours de l’inspiration alors que le volume pulmonaire augmente.

Elle peut s’accompagner de bruits inspiratoires (cornage) et de signes de lutte sous-jacents à l’obstacle (tirage sus-claviculaire, sus-sternal).

Plus les lésions intéressent la partie basse de la trachée, plus la dyspnée et les bruits ont un caractère expiratoire.

Elle est mixte dans les sténoses de la trachée cervicale basse et thoracique haute.

Une dyspnée aux deux temps peut exister en cas de sténose laryngée et traduit la sévérité de la sténose qui retentit aussi sur la phase expiratoire ; elle peut aussi résulter d’une seconde sténose ou d’une pathologie bronchique chronique associée.

L’auscultation de l’axe laryngotrachéal est un examen simple qui permet de juger de l’importance du rétrécissement de la filière et de son siège, et qui facilite la reconnaissance des bruits au cours du cycle respiratoire.

La présence d’une dysphonie soit par une atteinte de la production vocale (défaut d’accolement des cordes vocales), soit par les modifications du volume d’air expiratoire pour faire vibrer les cordes vocales, ou encore par une modification des cavités de résonance, est aussi un moyen d’aide au diagnostic du siège de l’obstacle et de son retentissement.

En laryngoscopie, l’aspect des sténoses laryngées est variable.

Les sténoses avec immobilité aryténoïdienne sont une séquelle très spécifique de l’intubation, suivie ou non de trachéotomie.

La diminution de mobilité des aryténoïdes est liée à une arthrite, à une périarthrite ou à une atteinte des muscles interaryténoïdiens.

On peut observer un oedème aryténoïdien, une ulcération interaryténoïdienne plus ou moins étendue vers le cricoïde, le cartilage pouvant être dénudé, des granulomes interaryténoïdiens et sous-glottiques le plus souvent non obstructifs.

Quand l’atteinte aryténoïdienne est isolée, la laryngoscopie indirecte ne montre qu’une immobilité laryngée qu’il importe de différencier d’une paralysie récurrentielle.

Les lésions laryngées postérieures isolées sont difficiles à mettre en évidence en laryngoscopie directe et en imagerie, et l’étude de la mobilité passive aryténoïdienne lors de l’endoscopie est utile quand elle permet d’affirmer l’ankylose, notamment si le diagnostic différentiel de paralysie récurrentielle est discuté.

Dans certains cas, la thyrotomie médiane permet de faire le bilan complet des lésions et constitue ainsi le premier temps du traitement chirurgical.

L’atteinte de l’étage cricoïdien a des conséquences diverses selon la sévérité des lésions de la charpente cartilagineuse.

L’existence d’un granulome dans la lumière cricoïdienne doit faire suspecter, surtout s’il est volumineux, persistant ou récidivant, l’existence d’une chondronécrose du cricoïde.

Au contraire, il peut exister un oedème rétrécissant notablement la filière mais qui régresse sans sténose en l’absence de destruction de l’infrastructure cartilagineuse.

L’existence d’un rétrécissement fibreux sous muqueuse non inflammatoire est une autre constatation possible.

Dans certains cas, chez des malades trachéotomisés peut même exister une sténose totale, en « queue de radis » ou réalisant un mur sous-glottique dont la hauteur ne peut être appréciée que par la visualisation à partir de l’orifice de trachéotomie et à l’imagerie.

Bilan préthérapeutique :

A – BILAN ANATOMIQUE :

Il est déterminant pour apprécier la sévérité et le pronostic de la sténose, pour évaluer son mécanisme et son siège et pour proposer un traitement adéquat.

1- Laryngoscopie indirecte :

Le bilan repose d’abord sur la laryngoscopie indirecte au miroir et en nasofibroscopie.

Ce temps permet d’évaluer la mobilité aryténoïdienne et de distinguer deux groupes de malades.

Ceux dont la mobilité aryténoïdienne est conservée ce qui implique l’intégrité des aryténoïdes et des articulations cricoaryténoïdiennes ; les troubles vocaux éventuels sont alors la conséquence d’une atteinte de la morphologie des cordes vocales et les troubles respiratoires celle d’un rétrécissement plus bas situé cricoïdien ou trachéal mais les uns et les autres n’impliquent pas en tout cas un blocage des aryténoïdes.

Au contraire, la mise en évidence d’une diminution de mobilité aryténoïdienne, uni- ou bilatérale pose un problème plus complexe quant au mécanisme en cause.

L’hypothèse de paralysie récurrentielle postintubation survenant par un mécanisme de compression du récurrent par la sonde est peu vraisemblable ; toutefois, la pathologie causale de l’intubation, par exemple un polytraumatisme, peut être responsable d’une paralysie récurrentielle méconnue initialement ; on peut donc être amené à discuter le diagnostic du mécanisme neurogène ou mécanique devant une immobilité.

L’EMG peut alors être utile pour distinguer les atteintes mécaniques des atteintes neurogènes ; l’existence d’un tracé de dénervation permet d’affirmer celle-ci, tandis qu’un tracé normal est plutôt en faveur d’une immobilité par ankylose articulaire.

Toutefois, il s’agit d’un examen de réalisation et d’interprétation délicates ; en raison de l’innervation très particulière du larynx, on peut ainsi observer des atteintes nerveuses avec un tracé normal ou des signes de réinnervation ; une paralysie ancienne peut s’accompagner de phénomènes de fibrose musculaire et d’ankylose articulaire ; on doit donc manier avec précautions les arguments de l’EMG, notamment dans une perspective médico-légale.

La plupart des immobilités ont une cause mécanique pure mais l’on doit essayer de distinguer :

– les désarticulations cricoaryténoïdiennes, en règle unilatérales et liées à une intubation traumatique, sources de dysphonie douloureuse ; seule une réduction précoce est susceptible de permettre la récupération de la fonction articulaire ;

– les synéchies interaryténoïdiennes parfois traitables avec succès si elles sont très localisées ;

– les inflammations interaryténoïdiennes très préoccupantes lorsqu’elles cicatrisent sur un mode fibrotique qui rétracte les deux aryténoïdes l’un sur l’autre ;

– les atteintes des articulations cricoaryténoïdiennes ; ces dernières sont certainement très fréquentes sous forme de périarthrites ; elles sont probablement susceptibles de régresser dans une majorité de cas mais peuvent aboutir à une ankylose cricoaryténoïdienne.

2- Imagerie :

L’imagerie, dominée par le scanner, permet de visualiser l’aspect de la charpente cartilagineuse, c’est-à-dire de l’anneau cricoïdien et des anneaux trachéaux.

Les tomographies frontales ont longtemps été un examen très utile permettant de bien visualiser la hauteur d’une sténose, mais doivent être désormais remplacées par des reconstitutions scanographiques de qualité (en deux et surtout désormais en trois dimensions), facilitées par l’utilisation des scanners hélicoïdaux.

La corrélation avec l’endoscopie est désormais satisfaisante.

La résonance magnétique nucléaire a une place encore assez restreinte dans les sténoses ; sa sémiologie reste à préciser et les conditions de réalisation de l’examen sont a priori défavorables chez un patient dont la filière est limite.

Les canules métalliques de trachéotomie sont sources d’artefacts en imagerie.

3- Endoscopie :

L’endoscopie laryngotrachéale sous anesthésie générale est un examen majeur puisqu’il constitue également un temps thérapeutique.

Cependant, ses modalités et ses indications doivent être bien pesées.

En effet, si le malade est porteur d’une trachéotomie, l’endoscopie s’impose d’emblée puisqu’elle ne risque pas de modifier la situation respiratoire.

En revanche, si le malade n’a pas de trachéotomie, l’anesthésie risque de décompenser un état respiratoire précaire.

Dans les sténoses inflammatoires en voie de constitution, un traitement médical peut être efficace sur la filière dans les cas d’oedèmes discrets ou modérés de la sous-glotte.

Dans les cas où la dyspnée ne régresse pas en quelques heures, l’endoscopie s’impose, le patient ou son entourage étant prévenus de la possibilité d’une trachéotomie.

B – BILAN DU RETENTISSEMENT DE LA STÉNOSE :

1- Évaluation du retentissement respiratoire :

L’interrogatoire d’un malade non trachéotomisé permet d’apprécier les circonstances de survenue de la dyspnée qui est proportionnelle à la sténose, existant dès le repos ou lors de l’effort.

Le type d’effort minimal déclenchant la dyspnée est précisé.

Dans les sténoses laryngées et trachéales hautes, c’est une dyspnée inspiratoire ; dans les sténoses trachéales plus basses, c’est classiquement une dyspnée aux deux temps ; mais dans ce cas, la dyspnée peut être non bruyante et moins spectaculaire, parce que sans cornage et sans tirage, même quand la filière résiduelle est très étroite.

En ce qui concerne le retentissement fonctionnel respiratoire, celui-ci est variable selon le terrain : une filière étroite mais suffisante pour éviter la trachéotomie et ne s’accompagnant pas de dyspnée de repos est plus acceptable chez un patient à l’activité ou à la mobilité réduites que chez un sujet actif chez lequel l’objectif est de rétablir une activité la plus normale possible, même à l’effort.

Les explorations fonctionnelles respiratoires sont importantes car elles permettent d’objectiver et de quantifier l’obstacle.

Elles contribuent aussi à l’évaluation du retentissement de l’obstacle en évaluant la fonction pulmonaire.

L’élément le plus important est la courbe débit-volume dont l’aspect dans une sténose des voies respiratoires hautes comporte un aplatissement (aspect de courbe en plateau).

Elle est obtenue en demandant au patient d’inhaler profondément jusqu’à sa capacité complète, puis d’expirer de façon forcée, puis d’inspirer encore jusqu’à sa complète capacité pulmonaire.

Les spiromètres de précision (pneumotachographes) permettent des mesures instantanées.

On détermine ainsi le volume maximal inspiré par seconde (VIMS), le volume expiratoire maximum par seconde et les débit de pointe expiratoire et inspiratoire (peak flow).

Le volume et le débit sont mis respectivement en ordonnée et en abscisse pour obtenir la courbe.

On décrit différents types de courbes dues aux obstacles des voies aériennes laryngotrachéales : les courbes d’obstruction intra- ou extrathoraciques fixées, les courbes d’obstruction variables.

Les courbes fixées sont ainsi nommées car l’obstruction y est constante au cours du cycle respiratoire.

Les sténoses sous-glottiques et trachéales fibreuses donnent ce type de courbe : on observe un plateau dans les composantes inspiratoire et expiratoire de la courbe avec une diminution des débits de pointe expiratoire et inspiratoire tandis que la capacité vitale maximale est inchangée.

La forme de la courbe est un peu différente selon la hauteur de l’obstacle avec une atteinte prédominant d’autant plus sur l’inspiration que l’obstacle est haut situé.

Les courbes d’obstruction variable sont celles qui sont liées aux trachéomalacies et sont caractérisées par l’atteinte élective du débit de pointe dans une seule de ses composantes inspiratoire ou expiratoire.

2- Retentissement vocal :

Il ne doit pas être négligé ou sous-estimé et est précisé par le retentissement fonctionnel professionnel ou d’agrément.

Parfois, quand la dysphonie est au premier plan, il peut être utile d’effectuer un bilan vocal instrumental, examen non invasif.

Si certaines sténoses laryngées peuvent s’accompagner d’emblée d’une dysphonie, le problème essentiel est généré souvent par le traitement qui dégrade la voix en améliorant la respiration en particulier dans les sténoses laryngées traitées par procédé d’agrandissement.

C – BILAN GÉNÉRAL :

Il est essentiel dans la décision thérapeutique.

Un état général très dégradé incite à réduire le nombre d’anesthésies générales et est un argument en faveur d’une technique palliative telle une trachéotomie ou un calibrage au long cours ; de même, une filière étroite mais suffisante pour éviter la trachéotomie et une dyspnée de repos est plus acceptable chez un patient à l’activité ou à la mobilité réduites que chez un sujet actif chez lequel l’objectif est de rétablir une activité la plus normale possible, même à l’effort.

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