Sténoses laryngées de l’adulte (Suite)

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Première partie

Traitement :

Le traitement d’une sténose laryngée de l’adulte est complexe dans ses indications et dans sa réalisation.

Sténoses laryngées de l’adulte (Suite)Il comporte plusieurs temps diagnostiques et thérapeutiques, impliquant plusieurs anesthésies générales et, dans certains cas, nécessitant une trachéotomie.

La durée totale du traitement avant de parvenir à la décanulation est très souvent de plusieurs mois.

Le patient et son entourage seront utilement informés de ces aspects contraignants et inévitables.

Une description globale du projet de traitement leur est à cet égard profitable.

A – STÉNOSES ÉMERGEANTES :

Il convient d’individualiser le groupe des sténoses vues à un stade non encore organisé et séquellaire car elles sont encore susceptibles d’évoluer ; il est possible d’espérer alors en réduire la sévérité.

L’ORL, sollicité pour examiner des patients présentant une symptomatologie vocale ou respiratoire postintubation, qu’ils aient été intubés au long cours ou pendant la simple durée d’une intervention, doit préciser les lésions anatomiques sous-tendant la symptomatologie, effectuer un bilan lésionnel adéquat, établir un pronostic et proposer un traitement.

Le but de celui-ci est de réduire le pourcentage d’évolution vers la sténose, en tenant compte de la majorité d’évolution spontanée ultérieure non sténogène et donc de réduire l’iatrogénie ou les séquelles fonctionnelles supplémentaires que pourrait induire le traitement.

Ses objectifs sont donc de plusieurs ordres.

Le premier consiste à procurer au patient une filière laryngotrachéale suffisante.

Le second objectif est de réduire le risque d’évolution vers la sténose.

Le choix de l’attitude à adopter n’est pas toujours simple : une dyspnée laryngée peut être la conséquence d’un oedème modéré, rapidement parlant cliniquement quand il survient sur un larynx de petite taille mais tout aussi rapidement réversible sous traitement, ou au contraire de lésions beaucoup plus sévères, par exemple de granulomes obstructifs témoignant de lésions chondritiques graves et n’ayant aucune probabilité de régresser sous un traitement banal.

L’attitude thérapeutique immédiate doit donc être décidée après un bilan morphologique du larynx.

En ce qui concerne le risque d’évolution ultérieure vers la sténose, la perte de la charpente cartilagineuse cricoïdienne ou trachéale en est la cause principale ; elle a comme origine une surinfection puis une fonte cartilagineuse ; réduire l’infection est donc essentiel dans le traitement préventif de la sténose, plus encore que la réduction des granulomes inflammatoires qui n’en sont qu’une conséquence.

En revanche, les granulomes contribuent à obstruer la filière et nécessitent pour cela une action spécifique.

Enfin, la cicatrisation du processus inflammatoire peut se faire sur un mode fibreux, dont l’importance peut rétrécir la lumière ou bloquer les aryténoïdes.

1- Traitement médical :

Le traitement médical a une place de première intention puisqu’il vise à réduire l’inflammation.

Administré précocement, au stade des lésions évolutives et en cours de cicatrisation, son but est de réduire la réaction inflammatoire et la fibrose secondaire et donc de prévenir l’apparition d’une sténose.

* Corticostéroïdes :

Du fait de leur action anti-inflammatoire, ils ont été le traitement le plus employé pour contrôler, réduire et prévenir la fibrose sousmuqueuse.

Ils agiraient en inhibant la synthèse du collagène et la multiplication des fibroblastes et en activant la destruction du collagène.

Mais la place des corticoïdes doit être discutée.

Il n’y a aucun consensus sur leur emploi dans la littérature ; ils peuvent contribuer à diminuer un oedème modéré mais leur action est hypothétique en cas de granulomes, puisque la plupart de ceux-ci disparaissent après suppression de l’agent traumatisant.

Certains arguments cliniques et expérimentaux laissent au contraire supposer une action défavorable sur la cicatrisation et sur la charpente cartilagineuse, ainsi qu’un rôle possible d’aggravation de l’infection sous-jacente.

Les études cliniques ne permettent pas de conclure quant à l’efficacité et les études expérimentales sont discordantes : Croft conclut à leur efficacité tandis que Suppance, dans des conditions expérimentales plus proches de la clinique, n’obtient aucun bénéfice de leur administration.

Ils sont préconisés par voie générale ou in situ, éventuellement associés à des dilatations ou complétés par un calibrage.

Cependant, aucune étude clinique avec cas témoins n’a fait la preuve de leur intérêt.

Dans les atteintes laryngées des granulomatoses systémiques (sarcoïdose, Wegener), ils peuvent être utilisés en injections in situ.

* Antibiotiques :

Les antibiotiques sont justifiés par le rôle néfaste de la surinfection dans l’importance de la réaction cicatricielle.

Sasaki a montré l’efficacité préventive d’une pénicillinothérapie systématique.

Une antibiothérapie antianaérobie est largement acceptée et peut être recommandée dans tous les cas où il existe une réaction inflammatoire granumomateuse ou une dénudation cartilagineuse.

* Traitement antireflux gastro-oesophagien :

Le traitement antireflux gastro-oesophagien est défendu par beaucoup, compte tenu du rôle traumatisant pour le larynx du reflux acide, mais peu d’études spécifiques ont été prospectivement menées chez les patients traités pour sténoses et la petite taille des populations étudiées ne permet pas toujours de conclure.

* Traitements antisténogènes antimitotiques (mitomycine, 5FU), latyrogènes (D-pénicillamine) :

C’est dans le cadre des sténoses en voie de constitution que le recours à des actions pharmacologiques, en particulier in situ, est le plus prometteur.

Toutefois, ces produits ne sont pas entrés dans la routine clinique et font surtout l’objets d’études expérimentales sur des modèles animaux.

2- Trachéotomie :

Elle peut être inévitable.

Elle a l’avantage de shunter l’obstruction laryngée.

De plus, elle n’aggrave pas l’état du larynx et n’obère pas le traitement ultérieur de la sténose laryngée à plusieurs conditions :

– respecter le squelette cartilagineux laryngé, notamment le cricoïde en la faisant suffisamment bas au 3e-4e anneau trachéal ;

– utiliser une technique correcte ;

– entretenir la trachéotomie par une désinfection pluriquotidienne qui réduit l’infection ascendante.

En effet, ses effets adverses potentiels tiennent à la surinfection du larynx qui constitue un facteur sténogène surajouté.

3- Traitement endoscopique :

Le traitement endoscopique a une place de choix dans les sténoses émergentes au stade inflammatoire.

Il est souvent fait sous couvert d’une trachéotomie de sécurité.

Son but est de reperméabiliser la filière, en nettoyant le larynx des granulomes qui l’obstruent, en effectuant des dilatations ou en mettant en place un calibrage.

* Nettoyage du larynx :

Il est effectué aux instruments froids ou au laser.

Quelle que soit la technique employée, il doit être prudent et veiller surtout à ne pas dénuder ou léser les cartilages, ni à provoquer des lésions surajoutées elles-mêmes potentiellement sténogènes.

Le laser le plus utilisé au niveau du larynx est le laser CO2 et plus rarement, le KTP ou d’autres lasers.

Les techniques de résection de fibrose interaryténoïdienne ou cricoïdienne après constitution d’un microlambeau grâce au laser (« micro-trapdoor flap ») n’ont pas d’indications à ce stade précoce inflammatoire. Certains défendent le recours à des injections in situ de corticoïdes après l’ablation des granulomes.

* Dilatations :

Les dilatations au trachéoscope ou aux bougies peuvent être utilisées comme technique adjuvante pour reperméabiliser une filière totalement obstruée par un granulome, comme préparation d’un calibrage ou en complément du laser.

* Mise en place d’un calibrage :

La mise en place d’un calibrage se discute dans un certain nombre de cas de traumatismes iatrogènes du larynx avec lésions sténosantes inflammatoires.

On utilise plus volontiers à ce stade les T-tubes en silicone type Montgomery.

D’autres modes de calibrage sont plus rarement employés : tubes d’Aboulker, lame de Silastict roulée (« swiss-roll »), stent souple en doigt de gant (« finger cot »), chaque mode ayant ses avantages théoriques.

Leur but est de maintenir une filière de taille correcte après nettoyage endoscopique du larynx, de guider la cicatrisation muqueuse et de contenir l’évolution vers la sténose en exerçant une dilatation permanente.

Leur relative souplesse est un avantage dans la mesure où elle est supposée guider la cicatrisation sans exercer de contrainte pressionnelle trop forte et où l’on ne recherche pas ici la mise en place d’une armature de substitution puisque la charpente cartilagineuse n’est a priori pas altérée.

Ils sont à distinguer des calibrages mis en place après agrandissement chirurgical effectué à un stade de sténose laryngée constituée dont le but est alors de guider la reconstitution d’une charpente fibrocartilagineuse.

En contrepartie, les calibrages peuvent être source de traumatisme et de surinfection muqueuse, favoriser la survenue de granulomes et l’évolution sténosante.

À un stade précoce, ils sont indiqués dans les cas très inflammatoires avec des granulomes volumineux et obstructifs dans lesquels l’évolution vers la sténose constituée est crainte.

Pour cette raison, la durée de maintien du calibrage doit être soigneusement pesée.

Une durée relativement courte, de 2 à 3 semaines, a l’avantage de réduire le risque de surinfection associée et doit être préférée à ce stade précoce, au contraire des sténoses constituées qui nécessitent un calibrage de plusieurs mois.

Un calibrage par un tube de Montgomery court peut aussi être proposé comme alternative à une canule de trachéotomie.

B – STÉNOSES LARYNGÉES CONSTITUÉES :

Les méthodes thérapeutiques disponibles ont pour but ici de rétablir une filière anatomiquement suffisante pour assurer une respiration sans dyspnée par les voies naturelles.

Elle a donc pour objectif d’éviter ou de supprimer la trachéotomie.

1- Techniques endoscopiques :

Effectuées par les voies naturelles sous anesthésie générale, elles sont moins invasives que les techniques ouvertes et se sont notablement développées au cours des dix dernières années ; elles permettent, dans un certain nombre de cas, d’éviter la trachéotomie lorsque celle-ci n’a pas été faite au préalable ; toutefois, elles n’en suppriment pas le risque qui doit toujours être évoqué avec le patient.

Le principe général des techniques endoscopiques est d’élargir la filière laryngée, aux dépens des aryténoïdes principalement, plus rarement aux dépens de la fibrose muqueuse interaryténoïdienne ou cricoïdienne ; ces procédés d’élargissement sont parfois combinés à des calibrages et peuvent nécessiter d’être faits sous couvert d’une trachéotomie de sécurité effectuée de principe.

Plusieurs techniques récentes ont été rapportées dans la littérature avec des résultats à court et long terme dont l’évaluation reste limitée.

* Aryténoïdectomies :

La technique a évolué avec les années ; la vaporisation laser du laser est considérée désormais comme risquant d’aggraver l’état local en augmentant la fibrose ; afin de réduire celle-ci, on privilégie une libération progressive des insertions musculaires sur le corps de l’aryténoïde, avec le laser CO2, manié avec de faibles puissances, agissant comme une rugine ; la désarticulation s’effectue quand toute la hauteur du cartilage est ainsi libérée.

* Technique du microlambeau postérieur (« micro-trapdoor technique ») :

Cette technique a été proposée essentiellement par les auteurs américains dans le but de traiter la fibrose sténosant les régions interaryténoïdienne et sous-glottique postérieure.

Le principe consiste à créer un lambeau muqueux interaryténoïdien ou cricoïdien à pédicule inférieur qui est relevé de haut en bas sur la hauteur de la zone fibreuse à traiter ; le laser CO2 ou, de préférence, les micro-instruments sont utilisés.

Au laser, on effectue ensuite la vaporisation du tissu cicatriciel sous-muqueux sténosant.

Le lambeau est ensuite rabattu ; quelques points de laser défocalisé à faible puissance permettent d’assurer une suture des berges muqueuses.

L’utilisation de cette technique sur un mode séquentiel dans différents quadrants de la circonférence sténosée a été proposée.

Toutefois l’efficacité immédiate et à long terme de ce procédé n’a pas fait l’objet d’études sur des séries comportant un nombre de malades significatif.

Une variante du principe de couverture muqueuse des zones fibreuses traitées a été proposée par Wang qui effectue une greffe muqueuse solidarisée aux berges de la zone opérée par des points de laser.

* Cordectomies :

La cordectomie segmentaire postérieure peut contribuer à élargir une filière rétrécie par une ankylose cricoaryténoïdienne.

Surtout utilisée dans les paralysies laryngées en fermeture, sa place dans le traitement des sténoses est rapportée comme technique d’appoint.

* Autres techniques :

+ Dilatations endoscopiques :

Elles ont été décrites dans des sténoses sous-glottiques modérées en particulier idiopathiques dans certains cas associée au laser.

+ Techniques laser :

Des techniques d’incision radiaire au laser CO2 de sténoses fibreuses ont été décrites pour des sténoses trachéales et sous-glottiques avec des résultats mitigés particulièrement dans les cas avec perte de la charpente cartilagineuse.

Dans tous les cas, l’emploi du laser doit être prudent pour ne pas surajouter un facteur iatrogène

+ Aryténoïdopexies :

Elles n’ont pas d’indications dans les sténoses contrairement aux paralysies car l’ankylose articulaire et la fibrose interaryténoïdienne empêchent la mobilisation du cartilage.

2- Calibrages :

Leur place est importante dans le traitement des sténoses fibreuses. Ils sont en règle complémentaires des gestes d’agrandissement endoscopiques ou en chirurgie ouverte.

Dans certains cas, ils peuvent toutefois être utilisés comme procédés au long cours, voire définitifs de maintien d’une filière perméable.

Contrairement aux calibrages utilisant, dans certaines sténoses trachéales ou trachéobronchiques, des prothèses larguées, ces calibrages laryngés imposent en règle le maintien d’un orifice de trachéotomie qui permet d’assurer en même temps qu’une ouverture de sécurité le bon positionnement supérieur du calibrage par rapport à la glotte.

Les tubes en T type Montgomery sont les plus utilisés dans ces circonstances en raison de leur souplesse et de leur bonne tolérance.

Ils ont un intérêt particulier soit dans des sténoses complexes et/ou très étendues dont le traitement par les procédés classiques a échoué ou s’est avéré impossible, soit chez les patients dont l’état général contre-indique plusieurs anesthésies générales, en complément d’un geste endoscopique au laser.

Des prothèses larguées type Dumon ont été utilisées avec une bonne efficacité sur la dyspnée dans une petite série de cinq sténoses sous-glottiques par Kurrus ; ils étaient mis en place soit par laryngofissure, soit par endoscopie après dilatation, leur extrémité supérieure positionnée 4-5 mm sous le plan glottique, et ils étaient fixés par un point largué en sous-cutané.

Dans tous les cas, il s’agissait de patients en mauvais état général, chez lesquels des techniques de laryngoplastie avaient échoué ; un patient a pu, à distance, bénéficier d’une résection-anastomose et les quatre autres patients ont pu être décanulés.

3- Chirurgie ouverte :

* Résections anastomoses :

Elles consistent en la résection de la zone sténosée suivie de l’anastomose en termino-terminal des segments sains d’amont et d’aval.

C’est l’intervention de référence dans les sténoses trachéales (en particulier celles survenant en regard du ballonnet de la sonde d’intubation) ; elle est réalisable dans les cas de sténoses laryngées de l’adulte où la partie du larynx atteinte peut être réséquée sans conséquence fonctionnelle : elle implique donc que la sténose respecte la zone interaryténoïdienne et les articulations cricoaryténoïdiennes.

Il s’agit de résections cricoïdiennes partielles, respectant dans tous les cas la partie haute du chaton cricoïdien porteuse des articulations et qui peuvent être étendues à la trachée (résections cricotrachéales).

Les anastomoses sont cricotrachéales ou crico-thyro-trachéales si la résection emporte la totalité de l’anneau cricoïdien antérieur.

* Laryngoplasties d’agrandissement :

Beaucoup de sténoses laryngées concernent les articulations et ne sont, par conséquent, pas accessibles à une résection-anastomose. Les chirurgies d’agrandissement préservent les structures laryngées tout en élargissant la filière.

Cet élargissement peut se faire soit aux dépens de la partie postérieure du larynx soit uniquement aux dépens de sa partie antérieure. Le type de la chirurgie d’élargissement postérieur est l’intervention de Réthi-Aboulker ; c’est le type même de la chirurgie d’agrandissement-calibrage ; elle reste la chirurgie ouverte la plus fréquemment effectuée en raison de la nécessité d’agir sur l’ensemble cricoaryténoïdien.

Elle comprend un abord antérieur par cervicotomie antérieure verticale, puis une ouverture du larynx par thyrotomie médiane (ou laryngofissure) qui permet d’effectuer le bilan des lésions et d’examiner l’aspect de la région interaryténoïdienne et des articulations.

Le temps suivant comporte une section systématique de toute l’épaisseur du muscle interaryténoïdien respectant soigneusement la muqueuse interaryténoïdienne postérieure avec d’éviter la création d’un diasthème iatrogène ; puis une cricotomie sagittale antérieure et postérieure intéressant toute la hauteur et toute l’épaisseur du chaton cricoïdien ; ces gestes permettent d’écarter efficacement l’un de l’autre les deux hémilarynx.

Le maintien de l’élargissement ainsi obtenu est assuré par plusieurs procédés.

Le calibrage par un tube endoluminal fait partie de la technique classique et reste actuellement la technique de référence pour la plupart des auteurs.

Deux types de tubes sont actuellement préférentiellement utilisés : le tube d’Aboulker en Teflont, plus rigide ; le tube en T de Montgomery en silicone, plus souple et d’une mise en place plus aisée.

Ce calibrage est laissé pendant une durée variable, de 4-6 semaines pour les uns, à plus souvent 6 mois pour les autres.

L’interposition de matériel entre les éléments cartilagineux séparés par l’incision est un autre procédé.

Des procédés d’interposition postérieure entre les deux hémichatons cricoïdiens ont été proposés mais semblent actuellement peu utilisés en raison de leur instabilité.

Plus fréquemment sont utilisées des techniques d’interposition antérieure, utilisant comme matériel du cartilage surtout costal, mais aussi du cartilage septal, conqual, l’épiglotte, du périchondre libre, l’os hyoïde libre ou composite avec les muscles sous-hyoïdiens, le cartilage thyroïde composite avec les muscles sous-hyoïdiens et même un lambeau libre de péroné.

L’avantage des techniques d’interposition antérieure est leur relative simplicité, leur inconvénient est que la plupart des sténoses laryngées ont une composante sténosante postérieure.

Le retentissement vocal des deux types de technique mériterait d’être prospectivement évalué.

Les techniques d’interposition et de calibrage sont le plus souvent combinées l’une avec l’autre mais imposent le maintien prolongé d’une trachéotomie.

La recherche chez l’adulte de solutions chirurgicales permettant le rétablissement en un seul temps d’une respiration par les voies naturelles est un objectif intéressant mais qui n’est pas atteint actuellement en routine.

En résumé, les variantes des techniques de laryngotrachéoplastie utilisées chez l’adulte sont : le recours à une section postérieure ou non, le recours à une interposition antérieure, à une interposition postérieure, le matériel d’interposition, la mise en place d’un calibrage, le type de calibrage et sa durée.

* Combinaison des techniques de résection-anastomose et de laryngoplasties :

Elles visent à traiter en un temps à la fois la zone cricoïdienne et/ou trachéale accessible à une résection et la zone postérieure du larynx nécessitant un travail d’élargissement (section de fibrose interaryténoïdienne, remobilisation d’une articulation cricoaryténoïdienne).

Ce sont des chirurgies difficiles, appelant souvent un calibrage et rapportées dans peu de séries.

Il est également possible dans certaines sténoses étagées d’effectuer une chirurgie en plusieurs temps comportant successivement une laryngoplastie puis une résection-anastomose.

* Autres techniques ouvertes :

+ Traitements des sténoses supraglottiques et glottiques antérieures :

Ce sont les différentes techniques d’épiglottectomie et d’épiglottoplasties venant compléter l’ablation du tissu cicatriciel.

Un tube de calibrage peut être mis en place pendant quelques semaines.

+ Procédés plastique en plusieurs temps :

Ce sont des procédés de chirurgie plastique consistant à reconstruire une paroi à partir de lambeaux cutanés régionaux, individualisés en plusieurs temps et renforcés par une armature cartilagineuse.

Ils sont d’un emploi très rarement rapporté en fait dans la littérature moderne et ne concernent que quelques sténoses laryngotrachéales étendues.

Biller a rapporté une série de 28 adultes avec sténose laryngotrachéale étendue où il a obtenu une décanulation chez 22 d’entre eux.

Donald a présenté une série de huit patients où cinq ont pu être décanulés par la technique de Rodolphe Meyer.

Strome a effectué une homogreffe de larynx chez un patient porteur d’une sténose laryngée majeure post-traumatique.

Ce cas est, à l’heure actuelle, resté unique.

3- Perspectives thérapeutiques médicales et chirurgicales :

La réduction des durées de calibrage, les techniques de laryngotrachéoplastie sans calibrage, les techniques sans trachéotomie ou avec suppression précoce de la trachéotomie, les techniques de dilatation interne et de dilatation progressive par expandeur interne, les tubes de calibrage largués, les techniques de chirurgie d’élargissement endoscopique au laser suivies d’injections locales d’antimitotiques sont les pistes explorées actuellement dans les sténoses laryngées de l’adulte.

Beaucoup de ces solutions thérapeutiques ont fait l’objet surtout d’essais de chirurgie expérimentale sur des modèles animaux mais certaines apparaissent prometteuses et ont été employées sur de courtes séries en clinique humaine.

* Traitements médicaux :

Ces traitements utilisent les propriétés anticollagène et antifibrose pour diminuer la formation des sténoses cicatricielles, soit à la phase inflammatoire de constitution de la sténose, soit en complément de techniques de dilatations ou d’élargissement au laser de sténoses constituées pour réduire la réponse inflammatoire secondaire et la réaggravation des lésions.

+ Antimitotiques in situ :

L’emploi de la mitomycine en applications topiques laryngées a fait l’objet d’études prospectives expérimentales récentes sur des séries de chiens opérés porteurs de sténoses induites avec des résultats significatifs, montrant dans les groupes traités une cicatrisation sans sténose et avec une fibrose réduite ; le problème de la toxicité systémique est posé même si aucun effet n’a été observé dans le cadre de ces travaux expérimentaux.

Outre des études cliniques non comparatives, un seul essai pédiatrique randomisé en double aveugle contre placebo a été mené, qui n’a pas montré de bénéfice à ce traitement.

Le 5 fluoro-uracile a aussi été étudié expérimentalement en administration locale chez le lapin associé aux corticoïdes locaux, avec des résultats significatifs.

+ Lathyrogènes :

Produits à visée rhumatologiques dont l’action est d’inhiber la synthèse du collagène, les lathyrogènes administrés oralement ont été étudiés dans des travaux expérimentaux et dans de courtes études cliniques. Les perspectives actuelles sont restreintes.

* Perspectives chirurgicales :

Elles sont offertes par des travaux, surtout expérimentaux, sur l’animal, étudiant des techniques qui diminuent la durée totale du traitement et le nombre de procédures sous anesthésie générale et cherchent à éviter la trachéotomie.

+ Techniques de laryngotrachéoplasties sans trachéotomie et/ou sans calibrage :

Différentes techniques d’élargissement par laryngoplasties sans calibrage ont été proposées.

Les techniques avec interpositions diverses sans calibrage ont été les plus explorées.

Quarante ans après le dispositif métallique d’Aubry qui maintenait l’écartement des hémichatons cricoïdiens, ou comme les sutures métalliques écartantes de Pelisse, Mitskavitch a utilisé sur des porcs des microplaques en titane après section cricoïdienne, selon le principe de la distraction-stabilisation des fragments cartilagineux ; les résultats étaient marqués par la mobilisation intraluminale des plaques, ce qui apparaît comme le facteur limitant de ces techniques.

+ Techniques de dilatation progressive par expandeur interne :

Eliashar a expérimenté sur 13 chiens, dont trois seulement avec sténose, une technique de traitement comportant une laryngoplastie avec section de l’anneau cricoïdien antérieur sans ouverture de la muqueuse laryngée, trachéotomie, et mise en place d’un calibrage gonflable en silicone ; celui-ci est gonflé progressivement à l’eau ou à l’air sur 11 jours.

Les résultats quantitativement limités ne permettent pas une extrapolation à l’homme ; toutefois, le principe d’élargir la charpente cartilagineuse en respectant la muqueuse laryngée puis d’expandre celle-ci progressivement est un concept potentiellement efficace.

Les difficultés pour dissocier l’ouverture cartilagineuse du geste muqueux et la nécessité d’une section postérieure du cricoïde sont des facteurs limitants.

Afin d’obtenir une reconstruction de la paroi laryngotrachéale plus fiable, Delaere a étudié sur un modèle animal la possibilité de préfabriquer un auto-implant composite (avec muqueuse, cartilage et fascia vascularisé) avec des résultats intéressants.

L’utilisation de cartilages conservés, autologues ou en homogreffes, dans un but de reconstruction laryngotrachéale est également expérimentée.

C – INDICATIONS :

1- Sténoses inflammatoires :

Dans les sténoses inflammatoires, encore évolutives, les principes de traitement sont :

– la réduction des phénomènes inflammatoires par le traitement médical et le nettoyage endoscopique économique des granulomes ;

– le maintien d’une filière fiable qui peut nécessiter des séances de dilatation ou une trachéotomie de sécurité faite en bonne position ;

– la facilitation d’une cicatrisation laryngée non sténosante par la mise en place d’un tube de calibrage le plus souvent de type Montgomery pendant une durée limitée à quelques semaines.

Les sténoses postcaustiques entrent dans ce cadre du fait de la durée des processus inflammatoires ; les résections-anastomoses précoces doivent être évitées et des calibrages très prolongés sont souvent nécessaires.

2- Sténoses constituées :

Dans les sténoses constituées, les indications sont guidées par la mobilité laryngée résiduelle et les cartilages atteints.

* Sténoses à larynx mobile :

Les articulations cricoaryténoïdiennes sont libres et la sténose intéresse le cricoïde, pouvant s’étendre à la trachée.

L’indication de référence est la résection-anastomose cricotrachéale ou thyro-cricotrachéale.

Une chirurgie d’agrandissement laryngotrachéal constitue l’alternative si l’extension de la sténose au cricoïde dépasse les possibilités de résection.

* Sténoses à larynx fixé :

Les articulations et/ou la région interaryténoïdienne sont concernés.

Selon la sévérité de l’atteinte cricoïdienne, on discute :

– les gestes endoscopiques : cordectomie postérieure, aryténoïdectomie, microlambeaux postérieurs ;

– les techniques ouvertes d’agrandissement-calibrage type Réthi-Aboulker avec nécessité du maintien d’un calibrage pendant plusieurs mois.

Les techniques endoscopiques par leurs aspects moins invasifs sont souvent privilégiées dans un premier temps.

Toutefois, chez les sujets jeunes, dont l’objectif est le retour à une activité la plus normale possible, en particulier sans dyspnée d’effort, la récupération d’une filière adéquate passe, dans un certain nombre de cas, par une chirurgie ouverte.

Dans les sténoses cricoïdiennes idiopathiques, certains auteurs ont privilégié des attitudes conservatrices endoscopiques, d’autres des attitudes chirurgicalement plus agressives, la prise en compte d’un reflux gastro-oesophagien étant dans tous les cas nécessaire aux plans diagnostique et thérapeutique.

D – RÉSULTATS DES TRAITEMENTS :

Les résultats du traitement se mesurent essentiellement sur la possibilité de parvenir à une respiration par les voies naturelles, c’est-à-dire à la suppression de la trachéotomie quand elle était nécessaire, avec une filière suffisante pour des efforts adaptés à la condition générale du patient.

Les résultats doivent intégrer également l’état vocal. Dans la série de 740 sténoses laryngotrachéales présentée par les auteurs du rapport à la Société française d’ORL de 1985, 13 % des malades restaient porteurs d’une canule et 3 % décédaient pendant la période du traitement ; sur 535 malades opérés, 355 ont eu un seul temps opératoire et 30 en ont eu trois et plus.

Les résultats étaient dépendants du siège de la sténose, lui-même déterminant les types de traitement utilisables : les meilleurs résultats étaient obtenus avec les sténoses trachéales traitées par résectionsanastomoses (156 succès sur 164 cas = 95 %), les sténoses cricotrachéales traitées par résections-anastomoses (34 succès sur 44 cas = 77 %) ; les sténoses laryngées diverses traitées par chirurgie d’agrandissement-calibrage aboutissaient à 91 succès (58,7 %) sur 155 cas au prix de plusieurs temps opératoires ; les calibrages simples aboutissaient dans le larynx à 29 succès (47,5 %) pour 61 cas et dans la trachée à 24 succès (40 %) pour 60 cas ; dans les sténoses à larynx fixé, des gestes portant sur l’aryténoïde n’ont été effectués que 13 fois avec 11 succès.

Dans les sténoses évolutives à larynx mobile traitées par dilatation et/ou laser, il est rapporté 118 succès (82,5 %) sur 143 cas ; dans les sténoses évolutives à larynx fixé, le taux de succès de ces traitements est de 71 % (22/31).

Les sténoses à larynx fixé entraînent des difficultés thérapeutiques plus grandes, plus d’échecs de la chirurgie initiale (39 % dans cette série) et plus de nécessités de chirurgies itératives.

Les résultats phonatoires sont variables selon le siège de la sténose ; il est rapporté 24 % de phonation moyenne ou mauvaise chez les 740 patients mais il existe une prédominance numérique des sténoses trachéales et il est indiqué que les sténoses laryngées donnent de mauvais résultats phonatoires.

D’autres séries plus courtes ont rapporté leurs résultats : Gavilan dans une série de 60 sténoses laryngotrachéales pédiatriques et adultes avec 1,95 procédures par patient en moyenne a pratiqué cinq résections-anastomoses, 91 laryngoplasties (80 avec interposition cartilagineuse, 11 avec os hyoïde), 86 calibrages (63 T-tubes, 23 autres), huit aryténoïdectomies/cordectomies, trois laryngectomies supraglottiques.

Il a observé quatre décès avant décanulation et a pu décanuler 42 patients sur 56 restants au bout d’un délai moyen de 561 jours.

Rhee a rapporté 15 adultes opérés de laryngotrachéoplastie en un temps avec interposition cartilagineuse costale sans calibrage, les patients étant laissés intubés 24 heures : deux ont eu une trachéotomie précoce après extubation et quatre ont dû être réintubés ; un patient est mort en postopératoire immédiat peu après l’extubation, les 14 autres ont récupéré une filière naturelle ; mais 3 sur 14 seulement n’ont pas eu d’autre chirurgie, tandis que quatre ont eu trachéotomie avec calibrage par tube de Montgomery, huit ont eu des procédures endoscopiques supplémentaires (une à trois procédures chez sept patients, 15 procédures chez un patient), trois ont eu une autre laryngotrachéoplastie à un autre niveau.

Le résultat final a été obtenu en quelques mois.

Dans une série de 80 sténoses de la sousglotte et trachée haute traitées par résection laryngotrachéale et reconstruction en un temps, Grillo a rapporté 74 succès.

Maddaus, dans une série de 15 patients ayant une sténose combinée laryngée et trachéale, traitée par chirurgie en un temps, avec résection-anastomose cricotrachéale, laryngofissure, geste intralaryngé, calibrage par Montgomery (3 à 42 mois), rapporte 13 succès.

Dans une série de Benjamin de 15 sténoses idiopathiques chez la femme, traitées par laser (13 fois), agrandissement calibrage (trois fois), laryngoplastie (une fois), une trachéotomie a été maintenue six fois.

Dans une série de 18 sténoses caustiques, Gaissert rapporte neuf succès avec respiration naturelle, 15 patients ayant eu un calibrage maintenu pendant une moyenne de 28 mois, deux au début de la série ayant eu une resténose précoce après anastomose.

En cas d’échec respiratoire ne trouvant pas son explication dans une sténose résiduelle au niveau de la zone traitée, il convient de rechercher un second site sténotique méconnu lors du bilan initial ou une décompensation d’une pathologie bronchopulmonaire distale.

C’est au terme de l’ensemble du traitement qu’il est possible d’évaluer l’état séquellaire résultant des sténoses : on dit du patient que son état est consolidé ; dans le cadre de la réparation juridique du dommage corporel, c’est alors seulement que le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) peut être estimé.

Le traitement peut ne nécessiter qu’une seule chirurgie comme dans les sténoses trachéales peu étendues, ou au contraire, comme dans certaines sténoses laryngées, nécessiter plusieurs temps opératoires sous anesthésie générale s’étalant sur plusieurs mois : en termes de réparation du dommage, cet aspect participe à l’évaluation de la pénibilité du traitement sous forme du quantum doloris.

Les résultats à long terme, à distance du traitement, mériteraient d’être évalués, en raison de la possibilité de resténose après chirurgie d’agrandissement.

Prévention des sténoses :

Elle est dominée par la réduction des traumatismes laryngotrachéaux liés aux techniques de réanimation.

L’utilisation des ballonnets à basse pression a réduit sensiblement l’incidence des blessures trachéales mais l’incidence des traumatismes laryngés est restée sensiblement inchangée.

Cependant, la connaissance de facteurs de risque traumatique doit permettre d’en réduire l’importance et la sévérité.

A – CHOIX DE LA SONDE :

On doit utiliser une sonde en polychlorure de vinyle (PVC) ou en silicone avec un ballonnet à basse pression de bonne qualité.

Cette notion est désormais admise par tous. En revanche, des sondes de calibre élevé sont encore utilisées de première intention, en particulier chez les femmes.

Or, des sondes du plus petit diamètre possible doivent être préférées y compris pour la durée d’une anesthésie générale, en particulier pour les petits larynx féminins, afin de réduire le traumatisme.

B – QUALITÉ DE LA RÉANIMATION :

Elle est essentielle pour réduire les mouvements relatifs du larynx et de la sonde : ajustement du respirateur à la sonde par un dispositif souple, maintien de la tête en antéflexion, sédation des malades indispensable pour réduire la lutte contre le respirateur, les mouvements de déglutition et l’agitation du patient.

Humidification et réchauffement des gaz inhalés, aspirations atraumatiques, antibiothérapie adaptée sont nécessaires.

Les changements répétés de sondes doivent être évités car ils aggravent le traumatisme laryngé.

Mais c’est surtout la stratégie adoptée en vue d’une ventilation prolongée qui paraît essentielle ; trois notions doivent être rappelées : les lésions d’intubation sont inévitables au bout de 48-72 heures ; l’intubation de plus de 7 ou 10 jours fait courir un risque significatif de complications et de sténoses mais reste largement employée en pratique de réanimation.

Quand la nécessité d’une ventilation assistée dépasse de façon prévisible 5 à 7 jours, certains recommandent de ne pas prolonger l’intubation et de la convertir précocement en trachéotomie réglée.

C’est le cas des comas neurologiques et neurochirurgicaux.

Quand la pathologie entraîne une hypertonie du malade, la durée acceptable d’intubation se raccourcit encore.

Quand la ventilation est, a priori, de courte durée (comme au cours des comas barbituriques), la phase de réveil doit être attentivement surveillée et l’extubation faite dès que possible.

La surveillance systématique de tout larynx après intubation, dans l’immédiat et quelques semaines plus tard, a été recommandée, mais le bénéfice de cette attitude systématique mériterait d’être prospectivement évalué.

L’examen de la filière laryngotrachéale pourrait permettre de traiter précocement une sténose émergente et de réduire l’évolution cicatricielle, lorsque des facteurs de risques lésionnels sont à craindre : intubation traumatique, intubations prolongée ou itératives, trachéotomie après intubation prolongée, terrain (diabète…), symptomatologie laryngée persistante après extubation ou décanulation (dysphonie, signes respiratoires d’atteintes laryngée ou laryngotrachéale, troubles de la déglutition).

Ces facteurs de risque sont à déterminer.

Conclusion :

Les sténoses laryngées de l’adulte sont une conséquence redoutable des traumatismes du larynx au premier rang desquels sont les traumatismes thérapeutiques.

Leur traitement est difficile ; il vise d’abord à rétablir une respiration satisfaisante par les voies naturelles mais il laisse persister dans un pourcentage significatif de cas des séquelles fonctionnelles respiratoires ou vocales ; il nécessite souvent plusieurs temps opératoires et s’étend sur plusieurs mois ou années pour parvenir au résultat final.

De plus, la mortalité de ce traitement n’est pas négligeable.

La réduction des facteurs iatrogènes favorisant les sténoses est un élément clef de leur prévention.

La confrontation avec l’expérience acquise dans le traitement des sténoses laryngotrachéales de l’enfant est susceptible de faire progresser le traitement de ce problème chez l’adulte.

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