Spondylarthrite ankylosante

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Physiopathologie-étiologie :

Deux facteurs semblent prépondérants dans la physiopathologie des spondylarthropathies :

Spondylarthrite ankylosante– le terrain génétique de susceptibilité, représenté en grande partie par l’association étroite au groupe HLA (human leucocyte antigen) B27.

D’autres facteurs génétiques ont été identifiés, certains liés au complexe majeur d’histocompatibilité : groupes appartenant au groupe B27 CREG (cross reactive group : B7, B22, B27, B40), autres facteurs non liés à l’histocompatibilité ;

– le déclenchement par une infection bactérienne, évident au cours des arthrites réactionnelles, non démontré mais vraisemblable pour les autres spondylarthropathies, dont la spondylarthrite ankylosante.

L’idée la plus communément admise à l’heure actuelle est que les spondylarthropathies sont la conséquence d’une infection bactérienne survenant sur un terrain génétique de susceptibilité.

Le rhumatisme résulterait soit de la persistance de l’infection bactérienne, facilitée par un trou dans la réponse immunitaire génétiquement déterminé, soit d’une réaction dysimmunitaire ayant pour origine un mimétisme moléculaire entre des antigènes bactériens et des antigènes exprimés par les patients.

Ces liens entre génétique et infection sont parfaitement illustrés par des données expérimentales : la molécule HLA-B27 est une molécule de classe 1 du complexe majeur d’histocompabilité.

Le rôle de ces molécules est de présenter des peptides étrangers à des cellules immunocompétentes : les lymphocytes T CD8 cytotoxiques.

Des chercheurs sont parvenus à créer des rats transgéniques exprimant B27 (et la b2-microglobuline) ; ces rats développent spontanément une maladie articulaire similaire à une spondylarthropathie humaine (ankylose rachidienne, arthropathie périphérique, inflammation intestinale et dermatose proche du psoriasis).

Les mêmes rats transgéniques, élevés en atmosphère stérile, ne développent pas la maladie articulaire.

Il semble donc que les spondylarthropathies soient la conséquence d’une réponse immunitaire inadaptée à certains agents infectieux, lorsque ces infections surviennent sur un terrain génétique particulier

Diagnostic :

A – Signes cliniques :

1- Manifestations articulaires :

  • L’atteinte pelvirachidienne révèle le plus souvent la spondylarthrite ankylosante, et demeure ultérieurement la plus caractéristique de la maladie.

La spondylarthrite ankylosante débute le plus souvent chez un homme de moins de 30 ans par une lombalgie basse, irradiant volontiers vers les fesses.

La douleur suit un rythme nettement inflammatoire, réveillant parfois le malade dans la seconde partie de la nuit, maximale le matin au réveil, s’atténuant dans la matinée après un dérouillage prolongé.

Il s’y associe une raideur lombaire parfois très sévère, obéissant au même rythme inflammatoire.

Parfois, la spondylarthrite ankylosante débute par des sciatalgies tronquées à bascule.

Ces douleurs sont bien soulagées par la prise d’antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), cette sensibilité constituant un important argument diagnostique.

Les critères diagnostiques des spondylarthropathies, proposés par Amor et par l’European Seronegative Spondylarthropathy Group (ESSG), ont un grand intérêt pour le diagnostic des formes frustes ou débutantes. La maladie s’étend progressivement à l’ensemble du rachis et parfois du thorax antérieur.

Dans certains cas, l’enraidissement est surtout marqué lors des poussées de la maladie, et rétrocède plus ou moins complètement lors des périodes de rémission. Ailleurs, l’évolution se fait vers un enraidissement progressif et définitif de tout ou partie du rachis.

L’ankylose rachidienne se fait le plus souvent en cyphose, plus ou moins sévère, pouvant aller jusqu’à la perte du regard horizontal.

Elle peut également concerner le thorax antérieur (réduction de l’ampliation thoracique) ou les articulations coxo-fémorales.

L’évolution de l’enraidissement est suivie cliniquement par des mensurations telles que l’indice de Schöber où on trace un trait en regard de l’épineuse de L5, et 10 cm plus haut, puis on demande au patient de se pencher en avant et l’on mesure la nouvelle distance entre les deux traits.

Elle doit normalement atteindre 15 cm ; distance doigts-sol ; distance nuque-mur ou occiput-mur ; ampliation thoracique.

  • Atteinte articulaire rhizomélique : l’atteinte de la hanche est fréquente et souvent précoce.

Elle est rarement destructrice, mais peut évoluer vers l’ankylose complète, source d’un handicap majeur.

L’atteinte des épaules est plus rare.

  • Atteinte articulaire périphérique : des arthrites périphériques surviennent dans près d’un tiers des cas, affectant essentiellement les articulations des membres inférieurs (genoux, chevilles, métatarso-phalangiennes), volontiers sous la forme d’une mono- ou d’une oligoarthrite asymétrique.
  • Enthésopathies : les talalgies sont les plus fréquentes et les plus caractéristiques des enthésopathies : talalgie postérieure, à l’insertion du tendon d’Achille sur le calcanéum, talalgie inférieure, à l’insertion de l’aponévrose plantaire.

Elles ont elles aussi un horaire inflammatoire, maximales le matin au réveil ou à la reprise de l’appui après un repos prolongé.

À l’examen, les parties molles peuvent être tuméfiées en regard de l’insertion du tendon d’Achille. L’enthèse est douloureuse à la pression. D’autres localisations sont possibles : ischions, trochanters…

2- Manifestations extra-articulaires :

  • Une uvéite antérieure, volontiers récidivante, est observée dans 20 à 25 % des cas.
  • L’insuffisance aortique est classiquement mentionnée dans la littérature, en fait exceptionnellement retrouvée.
  • Des troubles de conduction à type de blocs de branche sont rarement symptomatiques.
  • Des diarrhées sont fréquemment signalées par les patients, et des études endoscopiques systématiques ont montré que 40 % des patients présentent des lésions coliques histologiquement proches des entérocolopathies inflammatoires.

B – Signes biologiques :

  • Le syndrome inflammatoire est souvent peu marqué, voire totalement absent dans près d’un quart des cas.
  • Le phénotype HLAB27 est retrouvé dans 80 à 90 % des cas.

C – Signes radiologiques :

1- Articulations sacro-iliaques :

L’atteinte des sacro-iliaques est quasi constante, le plus souvent bilatérale, plus ou moins symétrique.

Elle évolue en 4 stades : déminéralisation des berges articulaires, responsable d’un aspect d’élargissement de l’interligne, érosions, condensation, puis fusion des berges articulaires aboutissant à la disparition de l’interligne.

Le pubis peut être affecté de façon similaire.

2- Rachis :

Les lésions les plus précoces semblent être les érosions du rebord du corps vertébral, pouvant aboutir à une mise au carré du corps vertébral par effacement de sa concavité antérieure naturelle.

L’ossification des ligaments vertébraux se traduit par le développement de syndesmophytes, ossifications naissant au niveau de l’angle du corps vertébral.

Les premiers syndesmophytes apparaissent le plus souvent à la charnière dorso-lombaire.

À un stade évolué de la maladie, les syndesmophytes peuvent ponter complètement le disque intervertébral, réalisant l’aspect de « colonne bambou ».

Le ligament interépineux peut également s’ossifier. Les articulaires postérieures peuvent être le siège d’érosions ou d’une ankylose.

3- Articulations rhizoméliques :

La coxite se traduit par un pincement de l’interligne, et par des ossifications péricapitales et du bourrelet cotyloïdien.

Dans les formes ankylosantes, une fusion complète de la tête fémorale et du cotyle peut être observée.

4- Articulations périphériques :

On constate fréquemment l’association d’un pincement de l’interligne, parfois d’érosions osseuses, et d’ossifications péri-articulaires : ossifications des enthèses, appositions périostées.

5- Enthèses :

Les enthèses peuvent être le siège de lésions érosives et d’ossifications irrégulières, responsables d’un aspect hérissé de l’os.

Les enthésopathies les plus fréquentes sont celles de l’épine ischiatique, des massifs trochantériens et de la face postérieure du calcanéum.

D – Diagnostic différentiel :

Il se fait avec toutes les autres causes de lombalgie, et notamment avec la pathologie discale, pouvant être à l’origine, chez un sujet jeune, d’une douleur lombaire aiguë, d’une raideur vertébrale, d’une irradiation sciatique, ces signes pouvant répondre favorablement aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

Chez le sujet plus âgé, il ne faut pas confondre les syndesmophytes avec un simple ostéophyte témoignant d’une arthrose, ou une ossification du ligament vertébral antérieur d’une maladie hyperostosique, plus épaisse, souvent exubérante, ne s’accompagnant pas d’une sacro-iliite et non associée à l’haplotype HLAB27.

Évolution, complications, pronostic :

A – Évolution :

Elle se fait par poussées plus ou moins rapprochées, entrecoupées de rémission. Au début de la maladie, la raideur disparaît en période de rémission.

Puis, dans les formes évoluant vers l’ankylose (qui ne concerne pas la majorité des malades), un enraidissement plus ou moins marqué persiste entre les poussées, témoignant de la présence d’ossifications définitives.

Rarement, la maladie évolue d’un seul tenant, malgré le traitement, vers une ankylose rachidienne complète, les ossifications pouvant alors s’étendre aux articulations thoraciques et aux hanches.

Les formes mineures sont les plus fréquentes, se limitant bien souvent à une sacro-iliite.

B – Surveillance :

La surveillance est essentiellement clinique, et se fonde sur l’intensité des douleurs, la qualité de la réponse au traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens et la posologie nécessaire pour obtenir un soulagement, la progression de l’enraidissement appréciée sur les indices cliniques (Schöber, distance nuque-mur, ampliation thoracique).

C – Complications :

Des complications redoutables peuvent survenir dans les formes très ankylosantes.

  • Les fractures du rachis surviennent pour des traumatismes mineurs.

Ces fractures évoluent le plus souvent vers la pseudarthrose.

Elles peuvent être responsables de lésions neurologiques majeures. Le diagnostic de ces fractures peut être très difficile, les douleurs vertébrales étant volontiers attribuées à une poussée inflammatoire, et le trait de fracture étant particulièrement difficile à mettre en évidence au sein des ossifications.

  • Les fractures de fatigue sont la conséquence des énormes contraintes mécaniques qui s’exercent sur le rachis totalement ankylosé.

Ces fractures de fatigue évoluent vers la constitution de foyers de pseudospondylodiscite, consécutifs aux remaniements osseux provoqués par la mise en jeu continuelle du seul segment de mobilité rachidienne que constitue le foyer de fracture.

  • La luxation antérieure de l’atlas, favorisée par l’ankylose cervicale basse, comporte un risque de compression médullaire.
  • L’insuffisance respiratoire est secondaire à l’ankylose thoracique.
  • Le syndrome de la queue de cheval est secondaire à une arachno-épidurite inflammatoire ou à une méningocèle attribuée à des troubles de circulation du liquide céphalo-rachidien.

Ainsi, le pronostic de la spondylarthrite ankylosante est extrêmement variable.

La maladie évolue le plus souvent sur un mode mineur, ce qui explique que le diagnostic soit fait parfois tardivement, devant une fusion complète des sacro-iliaques constituée à bas bruit pendant de nombreuses années.

Les formes évoluant vers une ankylose rachidienne complète, responsables d’un handicap important, ont généralement un début précoce, évoluent d’un seul tenant et sont presque exclusivement masculines.

Principes du traitement :

A – Anti-inflammatoires non stéroïdiens :

Ils constituent la base du traitement de la spondylarthrite ankylosante.

Ils ne sont prescrits que lors des poussées inflammatoires au début de la maladie.

Puis, lorsque la fréquence des poussées le justifie, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont prescrits au long cours, la posologie étant modulée en fonction de l’importance des douleurs, et en cherchant toujours la posologie minimale efficace.

On conserve alors une seule prise quotidienne le soir afin de couvrir au mieux la douleur nocturne.

La phénylbutazone est créditée d’une efficacité particulière sur la spondylarthrite ankylosante.

Compte tenu de la fréquence des effets secondaires observés avec ce produit (risque d’agranulocytose), il n’est utilisé qu’en cas d’échec des autres anti-inflammatoires.

B – Traitement de fond :

Ils n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité sur l’atteinte pelvi-rachidienne.

Ces traitements sont donc réservés aux atteintes périphériques. Les produits les plus couramment utilisés sont les sels d’or, la salazopyrine et le méthotrexate.

La sulfasalazine diminuerait la fréquence des poussées d’uvéite.

C – Traitement physique :

Il a pour but de prévenir l’enraidissement du rachis et de la cage thoracique, et la cyphose vertébrale.

Il repose sur une gymnastique quotidienne adaptée et sur des postures en extension du tronc.

Le travail physique doit tenir compte du stade évolutif, des capacités de chaque malade, et des périodes évolutives de la maladie.

D – Traitement chirurgical :

Le recours à la chirurgie est exceptionnel : stabilisation d’un foyer de fracture, ostéotomie de redressement de rachis ankylosés en cyphose très accentuée, arthroplastie d’une grosse articulation détruite.

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