Principaux aspects techniques et pratiques de la SPECT cérébrale. Résultats et indications (Suite)

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Première partie

B – SPECT ET ÉPILEPSIE :

Les crises d’épilepsie s’accompagnent d’une augmentation très importante du débit sanguin et du métabolisme énergétique du cerveau.

Principaux aspects techniques et pratiques de la SPECT cérébrale. Résultats et indications (Suite)Ces anomalies sont focalisées dans les crises partielles et globales, dans les crises généralisées.

De plus, en période intercritique, les foyers épileptogènes sont souvent le siège d’une hypoperfusion et d’un hypométabolisme.

Ces constatations, faites en partie chez l’animal, ont surtout été établies et confirmées chez l’homme, dès qu’il a été possible d’appliquer la TEP et la SPECT chez ce dernier.

Elles s’expliquent parfaitement par le concept classique de couplage entre fonctionnement cérébral, métabolisme énergétique et débit sanguin et, en même temps, constituent un exemple supplémentaire de ce couplage.

L’intérêt pratique de ces anomalies découle du fait que les résultats du traitement chirurgical des épilepsies partielles rebelles au traitement médical dépendent de la qualité de la localisation des foyers épileptogènes à exciser.

La technique de référence pour cette localisation est une technique invasive, la stéréoélectroencéphalographie par électrodes profondément implantées.

Les techniques d’imagerie morphologique, comme la TDM et l’IRM, n’ont pas de valeur localisatrice supérieure à celle de l’électroencéphalogramme (EEG) conventionnel de surface.

Les techniques d’imagerie isotopique, comme la TEP et la SPECT, ont été rapidement perçues comme pouvant apporter des solutions à ce problème.

La SPECT, notamment, a suscité de nombreuses études portant, non seulement sur la signification des images intercritiques, mais aussi, grâce aux traceurs de perfusion permettant de dissocier l’injection du traceur et l’acquisition des données , sur l’apport des images critiques et postcritiques.

Ces anomalies de perfusion ont été observées dans les épilepsies temporales.

Mais, elles ont également été mises en évidence dans de nombreuses autres localisations comme, par exemple, dans les épilepsies de l’aire motrice supplémentaire ou l’aire auditive primaire.

Une méta-analyse récente portant sur 30 articles exploitables (sur 46 sélectionnés) a permis d’établir la valeur localisatrice de la SPECT, exprimée en termes de sensibilité et de faux positifs, en prenant pour référence la localisation électroencéphalographique, par électrodes de surface, chez 303 patients, et l’efficacité du traitement chirurgical, chez 162 d’entre eux, tous présentant des crises d’épilepsie temporale.

La sensibilité par rapport à l’EEG et à l’efficacité chirurgicale a été de 0,44 et de 0,43 pour la SPECT intercritique, de 0,75 et de 0,77 pour la SPECT postcritique, et 0,97 et 1,00 pour la SPECT critique.

Les taux de faux positifs se sont élevés à 7,4 % et 4,4 % pour la SPECT intercritique, et à 1,5 % et 0,0 % pour la SPECT postcritique.

Les auteurs ont cependant estimé, dans leurs conclusions, que l’utilisation conjointe des SPECT critiques et intercritiques pourrait être la meilleure façon d’exploiter cette méthode. Cette étude a, en outre, permis d’évaluer à 5 % la fréquence des hyperperfusions intercritiques. S’agissant d’épilepsie infantile et d’épilepsie extratemporale chez

l’adulte, les données rassemblées n’ont pas été suffisamment nombreuses pour autoriser des conclusions.

Sur le plan technique, la plupart des SPECT avaient été obtenues avec l’HMPAO, sans qu’il y ait de différence entre les résultats observés avec ce marqueur et avec les autres.

La plus grande homogénéité des résultats obtenue, en phase intercritique, lorsque trois séries de mesures effectuées avec des tomographes de basse résolution ont été retirées de l’étude, a mis en évidence l’importance des performances intrinsèques des appareils de tomographie pour la qualité des examens.

Les derniers travaux sur l’intérêt de la SPECT dans la localisation des foyers épileptogènes ont surtout été méthodologiques. En matière de traitement d’images, les méthodes de soustraction entre images critique et intercritique semblent constituer un progrès notable.

Il est aujourd’hui possible de procéder successivement à une normalisation des images SPECT, à leur soustraction, au seuillage de l’image soustraite pour ne conserver qu’un foyer d’hyperactivité, puis à la localisation précise de ce foyer par fusion tridimensionnelle de l’image SPECT avec une image IRM.

L’intérêt pratique de cette procédure complexe de traitement d’images vient d’être validé récemment par une étude portant sur une série de 51 patients consécutifs présentant des crises de toute topographie.

Les résultats sont impressionnants : valeur localisatrice significativement supérieure (88,2 %) à celle de l’EEG critique (64,7 %) et de l’IRM (49,0 %), et comparable à celle de l’EEG par électrode intracérébrale (85,7 %), d’une part, et, d’autre part, évolution postopératoire favorable à 100 %, dans les 16 cas où le site chirurgical concordait avec la localisation SPECT.

Pour ces auteurs, cependant, la meilleure utilisation de la procédure devrait être de servir de guide pour l’implantation des électrodes intracrâniennes dans les cas difficiles.

Par ailleurs, plusieurs auteurs se sont intéressés aux foyers d’hypoperfusion observés à distance des foyers épileptogènes, dans le thalamus ipsilatéral aux foyers temporaux par exemple, sans que la signification et l’intérêt pratique de ces anomalies aient été clairement précisés.

En matière de traceurs, on constate que l’HMPAO est de plus en plus fréquemment remplacé par l’ECD pour l’obtention des SPECT critiques et, par voie de conséquence, des SPECT intercritiques.

La plupart des auteurs justifient leur attitude par le fait que le marquage de l’ECD reste stable plus longtemps que celui de l’HMPAO et que sa préparation peut donc être faite à l’avance.

Mais aucun d’eux n’apporte la preuve d’une réelle supériorité d’un traceur sur l’autre.

Signalons, pour terminer, les perspectives intéressantes offertes par les images SPECT obtenues avec l’iomazénil marqué au 123I.

Comme le flumazénil marqué au 18F utilisable en TEP, ce ligand des récepteurs centraux aux benzodiazépines se fixe peu au niveau des foyers épileptogènes.

Plusieurs travaux préliminaires tendent à montrer qu’il permet d’obtenir des foyers d’hypofixation plus intenses et plus focalisés que les foyers hypométaboliques intercritiques de la TEP et que les foyers d’hyperperfusion critiques de la SPECT, ouvrant de nouvelles perspectives, non seulement dans la localisation préchirurgicale des foyers épileptogènes, mais aussi dans la connaissance des mécanismes physiopathologiques sous-tendant les crises observées chez un patient donné.

L’épilepsie constitue incontestablement un domaine d’application privilégié de la SPECT.

Pour l’instant, les indications de cette technique sont limitées au problème très spécialisé du bilan préopératoire des épilepsies rebelles au traitement médical.

Grâce aux propriétés très particulières des marqueurs de perfusion, qui peuvent être préparés à l’avance et injectés au lit du malade, la SPECT s’est avérée supérieure à la TEP pour l’obtention des images critiques.

Celles-ci sont actuellement considérées comme les images ayant la meilleure valeur localisatrice.

Des améliorations dans leur acquisition et leur utilisation pratique peuvent être raisonnablement attendues d’une meilleure connaissance des traceurs et de leurs conditions d’administration, d’une diffusion plus large des meilleurs tomographes et des procédés de traitement et d’interprétation d’image les mieux adaptés, et d’études évaluant leur intérêt dans les conditions de la pratique.

Mais les perspectives les plus intéressantes sont celles que les ligands de neurorécepteurs ouvrent, dès à présent, dans l’étude des mécanismes physiopathologiques des crises directement chez l’homme.

C – SPECT ET MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES :

Les études SPECT des maladies neurodégénératives ont surtout été consacrées aux démences.

Celles-ci sont aussi variées, au plan de la clinique et de la neuropathologie, que les maladies cérébrovasculaires.

Mais rares sont celles qui n’ont pas fait l’objet d’au moins une étude SPECT.

Une excellente revue générale a été récemment consacrée à ces travaux.

Le plus souvent, les études SPECT ont suivi ou accompagné des études TEP et, chaque fois qu’il en a été ainsi, les deux méthodes ont donné des résultats à peu près superposables.

Cette similitude de résultats concerne surtout les modifications locales de perfusion mises en évidence en SPECT et les modifications locales de métabolisme mises en évidence en TEP avec le désoxyglucose marqué au fluor 18F.

D’une manière générale, les zones hypoperfusées correspondent aux zones hypométaboliques.

Toutefois, les études comparatives directes des deux méthodes dans une même population sont très rares.

Citons celle de Kuwabara et al, qui a confirmé la bonne concordance topographique des anomalies TEP et SPECT, avec cependant une surestimation des basses valeurs et une sous-estimation des hautes valeurs SPECT, que les auteurs rapportent à la plus faible résolution spatiale de cette dernière méthode.

Actuellement, tout le monde s’accorde pour considérer que le couplage débit-métabolisme est conservé dans ces affections.

La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des démences.

Ses aspects SPECT ont pu être étudiés par de nombreuses équipes et sont aujourd’hui bien connus. Ils font l’objet de la première section.

D’autres tableaux SPECT, plus ou moins caractéristiques, ont été individualisés.

Ils concernent les démences frontotemporales, les hydrocéphalies à pression normale, les dégénérescences cérébrales focalisées, comme les aphasies lentement progressives, les démences multi-infarcts et les démences à corps de Lewy. Leurs formes typiques sont décrites succinctement dans une deuxième section.

Ces descriptions sont suivies d’une discussion d’ensemble de l’intérêt pratique de la SPECT dans les démences, les deux dernières sections étant consacrées aux cas particuliers de la maladie de Huntington et de la maladie de Parkinson.

1- SPECT et maladie d’Alzheimer :

La maladie d’Alzheimer est, de toute la pathologie, l’affection qui a bénéficié des études SPECT les plus nombreuses et les plus diversifiées.

Les résultats fournis par ces différentes études concordent, en outre, étroitement avec ceux de la TEP.

Il est donc aujourd’hui bien établi que l’image caractéristique de la maladie d’Alzheimer, en SPECT comme en TEP, est celle d’une hypoperfusion et/ou d’un hypométabolisme des régions temporopariétales.

Cette image a été retrouvée avec tous les marqueurs de perfusion cérébrale, sans exception.

Dans tous les cas, elle a été décrite comme étant plus précoce, plus étendue et plus intense que les images d’atrophie localisée mises en évidence par la TDM ou l’IRM classique.

Une étude récente a montré que la fixation d’un ligand des récepteurs des benzodiazépines, l’iomazénil, marqué au 123I, donnait des images plus étendues et plus contrastées que celles obtenues avec l’HMPAO.

Le plus souvent, ces anomalies de la perfusion et du métabolisme sont bilatérales et asymétriques et s’observent chez des patients présentant un syndrome aphaso-apraxo-agnosique typique.

Elles ont un caractère évolutif. Peu intenses et peu étendues au début ou dans les formes peu évolutives, elles deviennent de plus en plus marquées et de plus en plus étendues.

Dans les formes graves ou anciennes, on observe fréquemment une hypoperfusion et/ou un hypométabolisme des régions frontales.

Mais les quelques études longitudinales qui ont pu être réalisées ont montré que, chez un patient donné, la zone la moins perfusée avait une topographie remarquablement stable du début à la fin de la maladie.

Seuls les cortex primaires sont relativement épargnés.

L’atteinte hippocampique n’est mise en évidence que sur des plans de coupe particuliers, avec des appareils de haute résolution spatiale.

Mais elle pourrait se manifester sur les examens standards par une hypoperfusion centrale dont la signification n’a pas été clairement élucidée.

La valeur pronostique des anomalies SPECT a été étudiée récemment.

Il semble que les patients ayant les plus fortes réductions de la perfusion relative des lobes temporaux soient ceux dont le déclin cognitif est le plus rapide, et que ceux qui ont les plus fortes réductions de la perfusion relative de la région pariétale droite soient ceux dont la survie est la plus courte.

On admet généralement, bien que cela n’ait pas été démontré directement, que la topographie des zones hypoperfusées correspond à celles des lésions anatomopathologiques.

En revanche, l’étroite correspondance entre les anomalies SPECT et les anomalies neuropsychologiques a été abondamment argumentée, surtout depuis l’amélioration de la résolution spatiale des appareils.

Les images SPECT ont même été prises comme données de référence pour évaluer la valeur localisatrice de l’EEG dans la maladie d’Alzheimer.

2- SPECT et autres syndromes démentiels :

Au cours des dernières années, la diversité neuropathologique des affections regroupées dans ce cadre a suscité de nombreuses études visant à identifier des tableaux cliniques caractéristiques. Ces études ont souvent été complétées par des études SPECT.

L’individualisation du groupe des démences frontales est celle qui a le plus bénéficié de l’apport de la SPECT.

Dès le début des troubles, ces affections s’accompagnent d’une hypoperfusion et/ou d’un hypométabolisme des deux régions préfrontales.

Par la suite, cette hypoperfusion s’accentue et s’étend aux pôles temporaux.

La SPECT a été utilisée pour essayer de distinguer les différentes lésions histopathologiques responsables de ces tableaux cliniques.

Ces tentatives ont donné des résultats contradictoires et, le plus souvent, peu convaincants.

Les aphasies isolées lentement progressives s’accompagnent d’un petit foyer d’hypoperfusion de l’hémisphère gauche dont la localisation correspond assez étroitement à la symptomatologie clinique.

Dans les hydrocéphalies à pression normale, le débit sanguin cérébral est diminué de façon globale, mais plutôt modérée.

Cette diminution est surtout marquée dans une vaste zone sous-corticale centrale.

Il existe aussi des anomalies de la perfusion corticale, de topographie variable d’un sujet à l’autre.

Ces deux types d’anomalies peuvent être associés chez un même patient ou, au contraire, être observés de manière isolée.

Ces troubles de la perfusion semblent correspondre aux troubles métaboliques observés en TEP.

Les hypoperfusions et/ou hypométabolismes corticaux pourraient être le reflet de lésions vasculaires ou dégénératives sous-jacentes, facteurs d’une évolution démentielle indépendante de l’hydrocéphalie, et la relative préservation de la perfusion corticale serait prédictive d’une bonne réponse à la dérivation ou à la soustraction du liquide céphalorachidien.

Toutefois, après traitement, les améliorations de la perfusion concernent aussi bien la zone sous-corticale que les régions corticales et ces améliorations sont généralement corrélées à l’amélioration clinique.

Les mécanismes et la signification de ces constatations n’ont pas encore été clairement élucidés.

Les démences multi-infarcts, considérées comme les démences vasculaires les plus fréquentes, sont caractérisées par une évolution par poussées régressives, par la présence de signes cliniques et par la constatation de plusieurs infarctus corticaux distribués aléatoirement sur les images TDM ou IRM.

La SPECT donne des images d’hypoperfusion ayant une topographie superposable à celle des lésions ischémiques et, généralement, une étendue plus grande que ces dernières.

Ces images n’apportent pas une contribution significative au diagnostic.

Néanmoins, de nombreuses études SPECT ont été consacrées au diagnostic différentiel entre cette affection et la maladie d’Alzheimer.

Les premières de ces études ont donné des résultats contradictoires.

Le principal intérêt de la SPECT dans ce contexte pourrait être la mise en évidence d’une maladie d’Alzheimer sous-jacente à une démence multi-infarct.

Plus récemment, il a été montré que la démence à corps de Lewy s’accompagnait d’une hypoperfusion postérieure bilatérale, comparable à celle observée dans la maladie d’Alzheimer, mais souvent plus étendue.

3- Intérêt pratique des données SPECT dans le diagnostic des démences :

Ces descriptions ont été faites, pour la plupart, à partir de groupes de patients sélectionnés en fonction de critères cliniques caractéristiques.

Ces groupes de patients n’ont pas toujours été comparés à des groupes témoins et, lorsqu’ils l’ont été, ces témoins étaient souvent des sujets normaux appariés en âge et sexe.

Les hautes valeurs de sensibilité et de spécificité observées dans ces conditions ont une portée pratique limitée.

Elles n’ont pas été retrouvées lorsque les comparaisons ont été faites entre groupes de patients.

Peu de travaux neuropathologiques ont permis de valider ces constatations cliniques.

Des études de cas ont cependant montré que le pattern d’hypoperfusion temporopariétale uni- ou bilatérale pouvait être observé dans des cas de démence vasculaire, de maladie de Parkinson, d’intoxication oxycarbonée et d’encéphalomyopathie mitochondriale et que le pattern d’hypoperfusion frontale isolée, tout en étant caractéristique de démence de type frontotemporal, pouvait traduire d’authentiques maladies d’Alzheimer, une paralysie supranucléaire progressive, une maladie du motoneurone ou une démence vasculaire.

L’étude la plus importante a comparé, chez 54 patients, le diagnostic SPECT au diagnostic histopathologique obtenu, 47,9 mois plus tard, soit par autopsie (51 cas), soit par biopsie (trois cas).

Cette population comprenait, du point de vue histopathologique, 43 cas de maladie d’Alzheimer (pure dans 28 cas, associée à des corps de Lewy dans dix cas ou à des infarcts multiples dans cinq autres cas), huit cas de lésions diverses (démence frontale, dégénérescence multisystémique, paralysie supanucléaire progressive, démence dysphasique…) et trois cas d’absence de lésion.

Le diagnostic SPECT de maladie d’Alzheimer a été celui de vrai positif dans 37 cas, de vrai négatif dans huit, de faux positif dans trois et de faux négatif dans neuf, ce qui représente une sensibilité de 86 % et une spécificité de 57 %.

Une étude clinique récente a permis de préciser la valeur de la SPECT dans le diagnostic étiologique des démences.

Elle a été réalisée par le groupe de Manchester avec une population de 363 déments consécutifs, suivis tous les 6 mois pendant 3 ans et répartis en fonction de critères cliniques classiques en cinq groupes principaux : maladie d’Alzheimer (132 cas), démence vasculaire (78 cas), maladie à corps de Lewy (24 cas), démence frontotemporale (58 cas) et aphasie progressive (22 cas).

Les 49 cas restants comprenaient un petit nombre de paralysie supranucléaire progressive, d’atrophie multisystémique, de maladie de Parkinson idiopathique, de maladie de Huntington, d’encéphalopathie autoimmune, de maladie de Creutzfeldt-Jakob et d’hydrocéphalie à pression normale.

Ils n’ont pas été inclus dans l’étude. Les images SPECT initiales, obtenues avec une gammacaméra tournante à une tête, après injection d’HMPAO, c’est-à-dire dans les conditions de la médecine nucléaire standard, ont été classées visuellement en neuf patterns anormaux et un pattern normal, ce dernier étant observé dans 21 cas (6,7 %).

La probabilité de chacun de ces patterns de correspondre à une des cinq formes de démence a été comparée, sous la forme d’un rapport (likelihood ratio), à celle de correspondre à chacune des quatre autres formes.

Il a été montré que plusieurs patterns augmentaient significativement la probabilité pour un patient d’avoir une ou plusieurs formes de démence, par rapport à la probabilité d’en avoir une ou plusieurs autres.

Ainsi, une hypoperfusion bilatérale postérieure augmentait la probabilité d’avoir une maladie d’Alzheimer par rapport à celle d’avoir une démence vasculaire ou une démence frontotemporale, mais pas par rapport aux deux autres formes de démence étudiées.

Une hypoperfusion bilatérale postérieure associée à une hypoperfusion unilatérale antérieure augmentait également la probabilité d’avoir une maladie d’Alzheimer par rapport à celle d’avoir une démence vasculaire ou une démence temporopariétale.

Mais elle augmentait aussi la probabilité d’avoir une maladie à corps de Lewy par rapport à celle d’avoir une des quatre autres formes de démence.

Une hypoperfusion postérieure unilatérale augmentait la probabilité d’une aphasie progressive par rapport à celle des autres formes de démence.

Une hypoperfusion antérieure bilatérale augmentait la probabilité d’une démence frontotemporale par rapport à celle d’une démence vasculaire ou d’une maladie à corps de Lewy.

Mais elle augmentait aussi la probabilité d’avoir une démence vasculaire, une démence frontotemporale ou une aphasie progressive par rapport à la probabilité d’avoir une maladie d’Alzheimer.

Un pattern d’hypoperfusions multifocales augmentait la probabilité d’une démence vasculaire par rapport à celle d’une maladie d’Alzheimer.

Les autres patterns (hypoperfusion antérieure unilatérale, isolée ou associée à une hypoperfusion postérieure unilatérale, hypoperfusion généralisée et pattern normal) n’apportaient aucune contribution à la différenciation des cinq formes de démence étudiées.

Enfin, ces auteurs ont évalué la valeur pratique de la SPECT dans le diagnostic étiologique des démences à l’aide du pourcentage de résultats significatifs dans la comparaison des cinq groupes, pris deux à deux.

La SPECT a permis de distinguer une maladie d’Alzheimer d’une démence vasculaire et d’une démence frontotemporale dans plus de 50 % des cas.

Mais la différenciation entre maladie d’Alzheimer et démence à corps de Lewy, d’une part, et entre démence vasculaire, démence frontotemporale et aphasie progressive d’autre part, n’a été possible que dans moins de 25 % des cas.

Les conclusions de cette étude peuvent être reprises au terme de ce chapitre.

Même si les progrès techniques des tomographes permettent d’envisager une amélioration de ces résultats, l’utilisation de l’imagerie SPECT de perfusion, dans le diagnostic étiologique des démences, ne devrait être que sélective, dans les cas difficiles, en complément de l’évaluation clinique et tomodensitométrique.

4- Cas particulier de la maladie de Huntington :

La mise au point d’un test de diagnostic génétique fiable a conféré à la maladie de Huntington une place particulière parmi les maladies neurodégénératives.

Si ce test a l’avantage de permettre de rassurer définitivement les descendants de malades qui ne sont pas porteurs de l’anomalie génétique, en revanche il informe, longtemps à l’avance, ceux qui seront atteints à leur tour, alors qu’on ne peut leur proposer que des traitements expérimentaux.

Cette situation pose avant tout des problèmes éthiques nouveaux.

Mais elle incite aussi à intensifier les recherches et les essais thérapeutiques.

Dès lors, il devient extrêmement important de disposer de moyens d’investigation permettant de porter un diagnostic précoce, si possible préclinique, de la maladie.

Il serait, de plus, intéressant d’avoir des critères d’évaluation de l’état neurobiologique des patients.

La TDM et l’IRM classique répondent mal à ces objectifs. Elles ne visualisent parfois l’atrophie caractéristique des noyaux caudés qu’à un stade relativement tardif.

Quelques études TEP ont montré la précocité de l’hypométabolisme glucidique des striatums, même chez des porteurs de gènes asymptomatiques, et la survenue plus tardive d’un hypométabolisme du cortex frontal. Des résultats superposables ont été obtenus par plusieurs études SPECT.

L’hypoperfusion striatale accompagne, ou précède parfois, la survenue des troubles moteurs.

Elle est toujours plus précoce que les signes d’atrophie visibles à la TDM ou à l’IRM.

Les hypoperfusions corticales, qui prédominent dans les régions frontales et pariétales, sont plus tardives et généralement associées à la présence de troubles du comportement et/ou de déficits cognitifs objectivés par les tests neuropsychologiques.

Il a été suggéré par plusieurs auteurs que la SPECT pourrait fournir des critères d’inclusion et d’évaluation dans les essais thérapeutiques portant sur la maladie de Huntington.

5- Cas particulier de la maladie de Parkinson :

En ce qui concerne les images SPECT, la maladie de Parkinson a deux particularités.

La première est de ne pas présenter d’anomalie notable de la perfusion et la seconde d’être un modèle privilégié pour l’utilisation des ligands des récepteurs dopaminergiques.

Sauf lorsqu’il y a évolution démentielle, les anomalies de perfusion observées dans la maladie de Parkinson, qu’elles soient diffuses ou localisées, sont peu marquées et mal systématisables.

Toutefois, il existe une diminution de la réactivité vasculaire de l’aire motrice supplémentaire, au cours des épreuves d’activation motrice, chez les parkinsoniens en période off et cette anomalie peut être corrigée, en même temps que le ralentissement moteur, par l’administration de L-dopa ou d’agonistes dopaminergiques.

Ces constatations n’ont pas d’intérêt clinique, mais elles ont permis de montrer que l’aire motrice supplémentaire jouait un rôle important dans l’akinésie parkinsonienne et que, comme des observations faites chez le sujet normal l’avaient suggéré, elle intervenait essentiellement dans la programmation des mouvements, alors que l’aire motrice primaire était plus directement impliquée dans la réalisation de celle-ci.

Plusieurs ligands des récepteurs dopaminergiques ont déjà été utilisés chez l’homme, avec des résultats encourageants mais variables en fonction de l’affinité du ligand pour les transporteurs de dopamine et de la rapidité de sa cinétique.

Dans la maladie de Parkinson, il existe un déficit de fixation de ces ligands au niveau des noyaux gris centraux.

L’IPT marqué au 123I semble être le traceur le mieux adapté à la visualisation de cette anomalie.

Il donne, en 2 heures, des résultats très discriminants entre sujets normaux et parkinsoniens, qu’il s’agisse du simple rapport entre fixation spécifique et fixation non spécifique, facile à utiliser en clinique, ou de paramètres dynamiques dérivés des courbes de radioactivité en fonction du temps, mieux adaptés à des études physiopathologiques.

L’intérêt de ces résultats dans le diagnostic précoce de la maladie et dans le traitement de la maladie reste à préciser.

Ces deux exemples illustrent les potentialités de la SPECT en tant que technique d’imagerie fonctionnelle permettant la mise en évidence de mécanismes physiopathologiques en pratique neurologique.

D – SPECT ET TUMEURS CÉRÉBRALES :

Bien que l’oncologie soit un des champs d’application les plus privilégiés des techniques de médecine nucléaire, l’intérêt de la SPECT dans la détection, la gradation et l’évaluation du pronostic des tumeurs cérébrales n’a pas encore été clairement établi.

Il n’existe sur ce sujet, ni méta-analyse, ni revue générale.

Une des causes de cette incertitude est que ces tumeurs sont relativement peu fréquentes et, en même temps, très diversifiées dans leurs caractéristiques histopathologiques et leur pronostic.

De ce fait, les populations réunies jusqu’à présent, même pour les plus fréquentes d’entre elles, comme les gliomes, n’ont pas été suffisamment nombreuses pour se prêter à des études structurées comparables à celles qui ont permis d’évaluer l’apport réel de la SPECT dans la prise en charge des démences.

Une autre difficulté est qu’on ne dispose, pour l’instant, d’aucun marqueur véritablement spécifique de ces tumeurs et que les traceurs de débit, qui ont été à la base des études SPECT de la plupart des affections cérébrales, ont donné, dans les tumeurs, des résultats sans portée pratique réelle ou difficiles à interpréter.

Ainsi, du point de vue hémodynamique, le seul apport de la SPECT a été de confirmer que les méningiomes sont significativement plus perfusés que les gliomes et presque toutes les autres tumeurs cérébrales.

Dans les autres situations, la fixation tumorale de l’HMPAO, de l’ECD ou de l’isopropyl-iodoamphétamine se fait selon un éventail de valeurs bien plus large que celui de la fixation normale.

Mais aucune relation n’a pu être mise en évidence entre le degré de perfusion global d’une tumeur et un paramètre d’intérêt clinique, comme notamment le degré de malignité.

Ceci est probablement dû à la complexité des troubles circulatoires observés dans les tumeurs, celles-ci associant souvent, au sein d’une même lésion, des zones hyper- ou hypovascularisées, des zones oedématiées et/ou des zones de nécrose.

Toutefois, cette hypothèse n’a jamais été confirmée ni en SPECT, ni même en TEP.

Les seuls résultats offrant des perspectives pratiques ont été obtenus avec des marqueurs « métaboliques » comme le 201Tl, le sesta- MIBI marqué au 99mTc et, plus récemment, l’alpha-méthyltyrosine marquée au 123I.

Ces résultats sont assez concordants pour qu’il soit raisonnable de penser qu’au moins un de ces traceurs devrait prendre place dans la prise en charge de ces tumeurs. Mais leurs indications respectives sont encore loin d’avoir été codifiées.

Pour être utile dans la prise en charge des tumeurs cérébrales, une technique d’imagerie doit pouvoir apporter des réponses pratiques aux trois questions classiques et essentielles qui sont celles de leur détection et de leur localisation, de leur gradation histologique et de leur pronostic, et de la détection de leur récidive.

1- Détection et localisation des tumeurs cérébrales :

Que ces tumeurs soient primitives ou secondaires, les techniques de choix, pour les détecter et les localiser, restent bien évidemment les techniques d’imagerie morphologiques classiques que sont la TDM et l’IRM.

Avec les tomographes monophotoniques actuels cependant, ces différents traceurs permettent de visualiser les tumeurs ayant une taille supérieure à 5 mm.

La valeur localisatrice de ces images est encore en discussion : bien que leur résolution spatiale soit moins bonne que celle des images morphologiques classiques, elles pourraient être plus informatives que ces dernières sur l’extension des tumeurs infiltrantes.

Nous avons déjà vu, à plusieurs reprises au cours de cet exposé, que les images SPECT étaient généralement plus étendues que les images TDM et IRM.

Mais une étude comparative récente a montré que la fixation du 201Tl avait une étendue comparable à celle de la prise de contraste en IRM, alors que la fixation de la méthionine marquée au 11C donnait les images les plus étendues, et le FDG 18F les images les moins étendues.

Ces différences de fixation, qui peuvent maintenant être étudiées en SPECT, offrent des perspectives intéressantes dans la difficile évaluation de l’infiltration des tumeurs gliales.

2- Gradation histologique et pronostic des tumeurs :

Principal élément du pronostic, cette gradation histologique repose aujourd’hui sur la biopsie stéréotaxique multiple, examen invasif (même si ses risques sont actuellement réduits) et ne couvrant pas avec certitude la totalité de la lésion malgré la multiplicité des prélèvements.

Plusieurs études ont montré que le taux de fixation tumorale du 201Tl permettait de distinguer les gliomes de bas et de haut grade avec une spécificité de l’ordre de 90 %.

Une comparaison récente des taux de fixation tumorale du 201Tl, en SPECT, de la méthionine marquée au 11C et du FDG marqué au 18F, en TEP, a mis en évidence le pouvoir discriminant nettement supérieur du thallium, ce dernier étant le seul traceur permettant de séparer les tumeurs de grade III de celles de grade IV.

D’autres études suggèrent qu’à lésions histologiques identiques, il pourrait y avoir une corrélation négative entre le taux de fixation du thallium et la durée de survie, notamment dans les glioblastomes.

Toutes ces données font penser que la SPECT pourrait être utilisée, comme l’IRM et la TEP, comme guide pour les biopsies cérébrales.

De plus, il semble que la SPECT puisse permettre une analyse des processus physiopathologiques impliqués dans le développement des tumeurs.

Ainsi, le sesta-MIBI marqué au 99mTc identifierait la présence de la glycoprotéine

P, expression du gène MDR-1 de résistance aux drogues, alors que la fixation de l’iodo-alpha-méthyltyrosine marquée au 123I serait corrélée, non à la densité cellulaire, mais à l’activité proliférative évaluée histochimiquement par le nombre relatif de cellules exprimant l’antigène nucléaire Ki-67.

3- Détection des récidives :

La détection de ces récidives et leur diagnostic différentiel avec la fibrose postopératoire et/ou la radionécrose constituent un autre champ d’application potentiel de la SPECT.

Les techniques d’imagerie morphologique ont des performances très limitées dans ce domaine.

Il a été abondamment montré que la TEP, au FDG marqué au 18F ou à la méthionine marquée au 11C, permettait une détection et une différenciation précoces de ces récidives.

Parallèlement, plusieurs études SPECT ont montré que la fixation du 201Tl ou de sesta-MIBI marqué au 99mTc était significativement augmentée dans les récidives tumorales, alors qu’elle était le plus souvent absente dans les lésions de radionécrose.

Des résultats encore plus encourageants ont été obtenus avec l’iodo-alpha-méthyltyrosine marqué au 123I, qui a donné une sensibilité de 78 % et surtout une spécificité de 100 % dans le diagnostic de récurrence chez 27 patients (18 de haut grade et neuf de bas grade) atteints de gliome.

E – SPECT ET AFFECTIONS CÉRÉBRALES DIVERSES :

Les travaux rapportés dans le présent chapitre sont moins bien documentés que ceux qui ont fait l’objet des chapitres précédents.

Pour chaque affection considérée, on ne dispose le plus souvent que de quelques articles dont les résultats ne sont pas toujours parfaitement concordants, voire même d’un seul article.

Toutefois, ces résultats nous ont paru devoir être rapportés succinctement car ils constituent un ensemble assez cohérent et contribuent à situer l’intérêt et les limites de la SPECT cérébrale.

Dans les traumatismes crâniens, les anomalies SPECT sont plus précoces, plus étendues et plus nombreuses que les lésions scanographiques, mais leur signification ne sont pas claires.

Dans les traumatismes légers, des anomalies SPECT ont été observées en l’absence de toute lésion scanographique et IRM ; il s’agit toujours de zones d’hypoperfusion et l’étendue de ces zones pourrait être corrélée à la gravité clinique du syndrome postcommotionnel.

Dans les traumatismes plus sévères, caractérisés par la présence de signes de contusion, d’hémorragie et/ou d’encéphalomalacie à la TDM ou à l’IRM, la littérature fait état de zones hyper- ou hypoperfusées.

Jusqu’à présent, il n’a pas été possible de distinguer, parmi ces anomalies, celles qui correspondaient à des lésions irréversibles et celles qui correspondaient à un simple dysfonctionnement cérébral.

Toutefois, une diminution globale du débit sanguin cérébral serait généralement associée à un mauvais état clinique et les patients ayant les anomalies SPECT les plus nombreuses et les plus étendues, ainsi que les anomalies affectant le tronc cérébral, sembleraient avoir un plus mauvais pronostic que ceux qui ont des lésions moins nombreuses et moins étendues.

Dans les états végétatifs persistants, une diminution globale du débit cortical serait un signe de mauvais pronostic, alors que la présence de déficits localisés ne serait pas forcément indicatrice d’un pronostic favorable.

Le sida (syndrome de l’immunodéficience acquise) s’accompagne fréquemment d’une hypoperfusion corticale diffuse, accompagnée ou non de zones d’hypoperfusion plus marquée dans le cortex, le sous-cortex et la substance blanche.

Dans certains cas, l’hypoperfusion périventriculaire simule l’existence d’une dilatation ventriculaire nettement plus importante que celle que la TDM ou l’IRM met en évidence.

L’importance de ces hypoperfusions a été décrite comme étant corrélée à la sévérité de la démence, ce qui n’a guère d’intérêt pratique.

En revanche, la SPECT pourrait être utile pour affirmer l’existence d’une atteinte cérébrale organique chez des sujets ayant une sérologie VIH (virus de l’immunodéficience humaine) positive et présentant des troubles légers de l’attention, des symptômes modérés de dépression ou de psychose, sans signe neurologique associé et sans anomalie visible à la TDM ou à l’IRM.

Ces anomalies SPECT et les troubles neuropsychiques dont elles seraient le substratum seraient réversibles sous traitement.

Enfin, dans une série de patients sidéens présentant une masse prenant le contraste à l’IRM, une technique SPECT de double traceur (201Tl et sesta-MIBI marqué au 99mTc) a permis de différencier, dans 91,7 % des cas, les lymphomes cérébraux des lésions bénignes d’origine infectieuse.

Dans tous les cas, les deux traceurs ont donné des résultats concordants, les index d’asymétrie étant cependant plus contrastés avec le sesta-MIBI qu’avec le thallium.

Des études plus ponctuelles ont été réalisées dans d’autres maladies infectieuses.

Au cours de la phase initiale de l’encéphalite herpétique, lorsque la TDM est encore normale, plusieurs auteurs ont rapporté une hyperfixation d’HMPAO contrastant, dans certaines études, avec une hypofixation d’ECD dans le lobe temporal affecté.

Dans la maladie de Lyme, des hypoperfusions focalisées ont été observées dans le cortex et le sous-cortex des régions frontales de patients présentant des signes objectifs d’atteinte neurologique, mais pas d’anomalie visible à l’IRM. Ici aussi, une régression partielle mais significative des zones hypoperfusées et des signes cliniques a été rapportée quelques mois après un traitement antibiotique.

Toujours dans la maladie de Lyme, des troubles focalisés de la perfusion ont également été rapportés chez des patients présentant des symptômes neuropsychiques sans substratum organique mais ayant déjà reçu, pour certains, un traitement antibiotique ; ces troubles seraient cependant plus modérés que ceux qui caractérisent les patients ayant des signes neurologiques d’organicité. Plusieurs études ont été consacrées aux anomalies de la perfusion cérébrale au cours des maladies auto-immunes.

Qu’il s’agisse de lupus érythémateux disséminé ou de syndrome de Sjögren, les déficits de perfusion sont généralement modérés, mais plus fréquents et plus étendus, une fois de plus, que les anomalies observées en TDM ou en IRM.

La manière d’exprimer ces anomalies fait encore l’objet de discussion, l’interprétation visuelle simple des images ayant tendance à sous-estimer la fréquence des hypoperfusions focalisées et à méconnaître les hypoperfusions diffuses qui seraient systématiques dans le lupus érythémateux disséminé.

Pour certains, les lésions frontales seraient les plus fréquentes ; pour d’autres, ce seraient les lésions pariétales.

Mais tous s’accordent pour décrire l’existence de lésions des noyaux gris centraux, moins fréquentes toutefois que les lésions corticales. Une bonne concordance entre ces anomalies de perfusion et les troubles cognitifs évalués par tests psychométriques a été systématiquement rapportée.

Des améliorations de la perfusion cérébrale, parallèles à l’amélioration clinique, ont été décrites chez des patients sous corticothérapie. Il semblerait qu’il n’y ait pas d’anomalie SPECT dans la sclérodermie, mais le nombre de patients étudiés est actuellement trop faible pour permettre une conclusion.

Plusieurs études portant sur les manifestations neurologiques de la maladie de Behçet ont montré que la SPECT à l’HMPAO permettait de mettre en évidence un plus grand nombre de lésions focalisées que l’IRM, les lésions SPECT étant constituées de foyers d’hypoperfusion dans la substance grise, surtout dans le cortex cérébral, mais aussi dans les noyaux gris centraux et le cortex cérébelleux, alors que les lésions IRM étaient faites de signaux hyperintenses dans la substance blanche.

Les deux méthodes d’imagerie seraient donc complémentaires dans l’évaluation des lésions cérébrales dues à la maladie de Behçet.

Pour terminer, signalons les quelques rares cas de mutisme akinétique observés, après intoxication par le CO ou méthotrexate, et rapportés comme caractérisés par une hypoperfusion massive des lobes frontaux, des noyaux centraux et du thalamus, selon une topographie évoquant une atteinte neurotoxique des voies dopaminergiques.

Il ressort de toutes ces données que les images de perfusion cérébrale fournies par la SPECT ont une grande sensibilité, supérieure à celles de la TDM et de l’IRM, mais qu’elles manquent de spécificité et de résolution spatiale.

Actuellement, la grande sensibilité de la SPECT repose sur le fait que toute altération du fonctionnement cérébral, qu’elle soit réversible ou irréversible, semble s’acccompagner d’une modification circulatoire.

Cette adaptation très fine de la circulation à l’état du parenchyme qu’elle irrigue suggère que les images pathologiques observées dans la plupart des affections générales pourraient précéder les manifestations cliniques de ces affections et être utilisées pour le dépistage et la prévention de leurs complications cérébrales.

La faible spécificité de la SPECT s’explique, elle aussi, par le fait que cette imagerie n’est bien souvent aujourd’hui qu’une imagerie de perfusion, ne pouvant prendre que deux formes, hypo- ou hyperperfusion.

Mais elle s’explique aussi par la survenue, à distance des lésions, d’anomalies circulatoires liées non à la nature de ces lésions mais à leur topographie.

Ces phénomènes de déafférentation et de diaschisis jouent un rôle non négligeable dans l’étendue des images SPECT et doivent être bien connus pour éviter des erreurs d’interprétation.

Le plus fréquent de ces phénomènes, le diaschisis cérébelleux croisé, décrit et bien étudié en TEP, est fréquemment retrouvé en SPECT.

Quant au manque de résolution spatiale, même s’il est en grande partie corrigé avec les nouveaux tomographes « trois têtes », il fait que, en raison de la primauté accordée aujourd’hui à la valeur localisatrice des images, la SPECT n’est pas considérée comme une méthode de visualisation de première intention.

Conclusion :

Malgré son antériorité technique, la SPECT cérébrale a été la dernière des grandes techniques d’imagerie 3D à avoir acquis ses indications cliniques spécifiques.

Celles-ci sont liées à l’utilisation de marqueurs de perfusion dont la fixation cérébrale reste stable pendant suffisamment de temps pour permettre leur injection au lit du malade et l’acquisition des images correspondantes en temps différé.

Ceci est particulièrement utile dans les situations comme la phase initiale des accidents ischémiques cérébraux et les crises d’épilepsie.

Dans ces deux domaines, la SPECT cérébrale est supérieure à toutes les autres techniques d’imagerie et pourrait s’avérer particulièrement intéressante pour porter certaines indications thérapeutiques.

Même si ces indications sont peu nombreuses (thrombolyse et autres traitements d’urgence de la phase initiale des accidents, chirurgie de l’épilepsie focalisée), elles justifient l’implantation d’un appareillage adéquat et d’une équipe compétente dans les centres procédant à ces traitements.

Dès à présent, les neurologues devraient donc encourager les médecins nucléaires à choisir, lors du renouvellement de leur équipement, des tomographes « trois têtes » bien adaptés à l’utilisation cérébrale, et à mettre en place des procédures de contrôle de qualité rigoureuses.

Mais ils doivent aussi s’impliquer dans la mise en oeuvre de chacune des applications qu’ils souhaitent utiliser et, notamment, dans le choix des radiotraceurs, des méthodes de traitement et de visualisation des données.

Cette mise en oeuvre ne peut être que multidisciplinaire car elle nécessite une grande rigueur méthodologique dans l’utilisation de l’appareil et de chaque radiotraceur particulier et, en même temps, des compétences spéciales en mathématiques pour le traitement des données et en physiopathologie pour l’interprétation des résultats.

Cette spécificité de chaque application et la multidisciplinarité qu’elle nécessite se retrouvent dans les situations chroniques, comme les affections neurodégénératives et les tumeurs dans lesquelles la SPECT est actuellement en mesure de fournir des résultats tout à fait superposables à ceux de la TEP.

Si les données extraites de l’étude de la perfusion cérébrale n’ont encore qu’une portée clinique limitée, les possibilités récentes offertes par le désoxyglucose marqué au 18F et, surtout, par les molécules marquées au 123I, acides aminés et ligands de neurorécepteurs, qui sont de plus en plus nombreuses à pouvoir être utilisées chez l’homme, pourraient déboucher assez rapidement sur de nouvelles indications pratiques, justifiant alors l’installation de sites propres de SPECT cérébrale.

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