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Sévices à enfant

Diagnostic :

Il est évoqué sur la conjonction d’indices de suspicion le plus souvent cliniques, de données anamnestiques et de résultats d’examens complémentaires systématiques ou orientés.

Autant d’informations obtenues lors d’une hospitalisation au mieux consentie par la famille.

A – Indices de suspicion et informations apportés par l’examen clinique :

1- Indices de suspicion de mauvais traitements physiques :

– hématomes et ecchymoses multiples, de morphologie parfois évocatrice (linéaire, boucle) ; de topographie particulière (visage, cuir chevelu, oreilles, parties couvertes : thorax, région dorsale ; lombes) ; et d’âges différents ;

– brûlures (évocatrices si cigarette), siégeant en particulier au dos des mains ou dans la bouche ;

– griffures ou traces de contention aux extrémités des membres ;

– morsures ;

– plaques de cheveux arrachés.

– uniques, diaphysaires, parfois répétées dans le même territoire ;

– ou multiples, souvent situées dans certains sites atypiques : côtes, sternum, omoplates.

– les arrachements métaphysaires multiples et décollements périostés, souvent latents, découverts par l’examen systématique de l’ensemble du squelette (syndrome de Silverman) ;

– des sévices physiques peuvent être également suspectés sur un mode sévère devant des troubles neurologiques aigus (crises convulsives ou coma à début brutal avec pâleur, évoquant un hématome sous-dural, ou des lésions cérébrales d’enfants secoués) ;

– un traumatisme crânien ou orbitaire ;

– des lésions dentaires ;

– des traumatisme viscéraux sévères inexpliqués (rupture viscérale intra-abdominale ; hémopneumothorax).

2- Indices de suspicion de négligences ou de mauvais traitements psychologiques ou émotionnels :

Ils peuvent être associés aux signes de maltraitance physique (ils doivent être recherchés systématiquement) ou être reconnus isolément.

– une hygiène corporelle déficiente ;

– une conduite parentale diététique inappropriée ;

– un retard de croissance staturopondéral sans cause évidente et pouvant aller dans les formes extrêmes jusqu’au « nanisme psychosocial » ;

– des administrations médicamenteuses anarchiques ;

– des intoxications répétées mal élucidées.

– troubles du comportement psychomoteur avec un retard du langage ;

– troubles du comportement affectif avec peur excessive ou au contraire quête affective indifférenciée envers tout adulte ;

– troubles de l’alimentation (boulimie, anorexie, pica).

Le syndrome de Münchhausen par procuration est une forme particulière mais non exceptionnelle de maltraitance.

Les parents (habituellement la mère) allèguent des symptômes chez l’enfant conduisant à multiplier les examens et l’hospitalisation, voire les interventions.

Toutes ces manifestations, sans être spécifiques de la maltraitance, sont autant d’indices d’appel justifiant d’être intégrés dans le contexte anamnestique et précisé par l’examen.

B – Données anamnestiques :

Le recueil des données anamnestiques peut, conduite particulière dans le contexte de la maltraitance, être réalisé de façon simultanée ou postérieure à l’examen clinique, de façon progressive sans qu’à aucun moment aucun des intervenants ne cherche à obtenir un aveu de culpabilité ou n’exprime un jugement ou une accusation.

– parents (informations si possible après entrevue séparée du père et de la mère) ou d’autres accompagnants éventuels ;

– l’enfant seul, s’il est capable de s’exprimer ;

– le personnel paramédical qui a eu l’occasion d’observer l’enfant et le milieu familial.

– aux responsables de l’enfant : éthylisme, chômage ; psychose ou état dépressif ; toxicomanie ; immaturité ou jeune âge parental ; antécédents de sévices à l’enfant dans l’enfance ;

– à l’enfant : prématurité ; multiples consultations aux urgences vespérales ou nocturnes ; hospitalisations ou séparations prolongées ; troubles du comportement (agitation ; pleurs incessants ; anorexie ; troubles du sommeil ; handicap physique ou intellectuel) ;

– à la fratrie : placements, décision judiciaire ; mort subite inexpliquée ;

– au contexte des informations apportées concernant la maltraitance, on retiendra en particulier comme ayant une valeur d’orientation essentielle à toujours prendre en compte : . l’incohérence entre le motif invoqué des consultations et le tableau clinique, . le hiatus entre les explications fournies par les parents en réponse aux questions et les signes physiques observés, . le délai parfois inexplicable entre le début des signes et la consultation médicale, . la responsabilité reportée sur une tierce personne des blessures de l’enfant, . le manque d’intérêt pour la gravité possible de la condition médicale de l’enfant.

C – Examen clinique :

Il doit être conduit chez un enfant mis en confiance en évitant les examens douloureux ou agressifs inutiles.

La présence d’une personne connue de l’enfant peut continuer à apaiser celui-ci.

Cet examen vise à :

– une observation des réactions et du comportement de l’enfant : figé, irritable, hostile, indifférent ;

– l’évaluation de la croissance staturopondérale et des grands repères de l’acquisition du développement psychomoteur ;

– l’inspection des téguments : description détaillée et non interprétative des lésions (coloration, dimension, topographie) ;

– l’évaluation de la mobilité des membres et des articulations ;

– l’inspection des organes génitaux externes et de la région anale ;

– la recherche d’hémorragies rétiniennes (au fond d’oeil).

Aucun des éléments de l’anamnèse et de l’examen clinique très étroitement intégrés n’est pathognomonique des situations de maltraitance.

D – Examens complémentaires :

Certains sont systématiques : numération formule sanguine ; étude de l’hémostase (+ facteur XIII), fond d’oeil à la recherche d’hémorragies rétiniennes (enfant secoué) ; transaminases ; recherche de toxique ; examen radiographique du squelette (complet chez l’enfant de moins de 2 ans).

Il affirme seul les fractures.

D’autres sont orientés selon la clinique : le fond d’oeil, l’échographie transfontanellaire ou surtout l’examen tomodensitométrique cérébral, l’échographie abdominale.

E – Diagnostic différentiel :

Ils sont plus inhabituels chez le jeune nourrisson.

Il importe cependant d’éliminer par l’anamnèse les rituels d’endormissement (hématomes frontaux) ; par l’étude de l’hémostase : une thrombopénie, une hémophilie ou d’autres affections constitutionnelles ou acquises des facteurs de l’hémostase.

Conduite médico-légale :

A – En ville :

Devant des indices de suspicion de maltraitance, la famille, les proches, le médecin traitant peuvent intervenir dans un premier temps auprès de la PMI (Protection maternelle et infantile), l’ASE (Aide sociale à l’enfance) ou mieux, en orientant l’enfant vers une structure hospitalière.

L’accord d’un des parents peut permettre l’hospitalisation que la raison donnée soit véritable ou prétexte.

Le numéro vert national (119 ou 08 00 05 41 41) peut également être utilisé par le médecin mais aussi par tout enfant ou adulte, pour demander conseil et faire transmettre un signalement à l’institution adéquate.

B – À l’hôpital :

La décision d’hospitalisation est le plus souvent souhaitable.

En cas de refus, dans une situation de danger immédiat ou en cas de menace de retrait de l’enfant de la structure hospitalière, il est nécessaire de faire appel en urgence au procureur de la République ou à son substitut et de formuler une demande en urgence d’OPP (ordonnance de placement provisoire) permettant le maintien de l’enfant dans la structure hospitalière.

C’est, en effet, en milieu hospitalier que sera réalisée au mieux une période d’observation pendant plusieurs jours, dans un cadre stable sur le plan affectif et stimulant pour l’enfant.

Cette observation permettra l’évaluation prolongée de l’environnement et de l’état somatique de l’enfant (comportement, appétit).

Elle peut constituer la base d’un projet thérapeutique, en évitant la banalisation et le jugement.

Ce projet ne peut être que le fruit du travail d’une équipe :

– à l’intérieur du service, réunions de synthèse regroupant médecins, assistante sociale, personnel soignant, psychologue ;

– avec les intervenants extrahospitaliers : centres de protection maternelle et infantile, médecin traitant, équipe sociale de secteur,

Aide sociale à l’enfance, intersecteur, médecin scolaire.

Cette hospitalisation conduit à alerter les autorités administratives ou judiciaires.

Un certificat médical initial descriptif, rédigé par un docteur en médecine doit être établi.

Il sera transmis en cas de demande d’intervention auprès du procureur de la République ou gardé dans le dossier dans les situations où des mesures judiciaires n’ont pas semblé immédiatement nécessaires.

Toutes les conditions pour une surveillance régulière de l’enfant à court terme doivent par ailleurs être réunies après contact avec les services de protection maternelle et infantile, la crèche, l’école ou le service social de secteur.

L’essentiel de la conduite médico-légale repose sur le signalement ; il peut être :

– administratif (à l’inspecteur de l’Aide sociale à l’enfance), si la coopération de la famille paraît possible ;

– ou judiciaire (au procureur de la République) dans le cas contraire ou si la maltraitance est particulièrement grave ou nécessite une protection immédiate.

C – Le procureur ou son substitut au parquet des mineurs :

Il peut délivrer une ordonnance de placement provisoire : l’enfant est alors confié pour une durée temporaire à l’hôpital ou à l’Aide sociale à l’enfance.

Dans les 8 jours, le juge des enfants sera saisi au titre de l’assistance éducative.

Le procureur peut demander une enquête complémentaire (Brigade de protection des mineurs).

Si des poursuites sont estimées nécessaires contre les éventuels auteurs de violences, le parquet requerra la désignation d’un juge d’instruction ou transmettra le dossier à la juridiction compétente.

D – Le juge des enfants :

Au terme d’un travail d’instruction (enquête sociale complémentaire, audition des familles, expertise) il détermine la mesure qui lui semble la plus appropriée à l’intérêt de l’enfant, ou de l’adolescent.

Il peut :

– ordonner un complément d’informations ;

– ordonner une mesure d’investigations et d’orientation éducative (IOE) ;

– ordonner une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) ;

– décider du placement de l’enfant (foyer, famille d’accueil ou tiers…) ;

– maintenir l’enfant dans sa famille en assortissant cette décision d’obligations précises ;

– prononcer un non-lieu en assistance éducative.

Dans tous les cas, le juge des enfants doit :

– s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée ;

– maintenir si possible le mineur dans sa famille.

Les décisions prononcées ont, certes, un caractère obligatoire, mais sont susceptibles d’appel.

Le retrait des droits d’autorité parentale, rarement envisagé, est identifié plus comme une mesure de protection des enfants que comme une sanction d’une faute des parents.

Cette mesure facultative et réversible peut n’être que partielle.

Elle est prononcée par la chambre civile du tribunal à la requête du procureur ou de l’un des parents ou en cas d’infractions pénales commises par les parents sur l’enfant par le tribunal correctionnel ou la cour d’assises.

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