Examens biologiques en pathologie articulaire (Sérologies bactériennes et virales)

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Introduction :

Diverses infections bactériennes et virales sont connues pour déclencher des arthropathies inflammatoires.

Devant une mono-, une oligo- ou une polyarthrite débutante, l’identification de l’infection originelle peut avoir un intérêt diagnostique, pronostique et, plus rarement, thérapeutique.

Il est donc important de connaître les agents infectieux qu’il peut être utile de rechercher, quelles sont les techniques d’identification, quelles peuvent être les difficultés d’interprétation des résultats de ces explorations et, enfin, dans quels types de situation clinique demander de tels examens.

Bien qu’il s’agisse de méthodes indirectes, seuls les sérodiagnostics sont utilisés en pratique courante, et nous n’aborderons ici que ces techniques d’identification des agents infectieux.

Quelles sont les infections bactériennes et virales susceptibles d’induire une arthrite ?

A – INFECTIONS BACTÉRIENNES À L’ORIGINE D’ARTHRITES « INFLAMMATOIRES » :

Diverses arthropathies inflammatoires, arthrites réactionnelles et arthrites postinfectieuses notamment, sont induites par des bactéries.

À la différence des arthrites septiques, seuls seraient présents dans l’articulation des constituants antigéniques bactériens, des bactéries non viables ou tout au moins sous une forme non réplicative, expliquant la négativité des cultures de liquide synovial.

Les germes impliqués dans les arthrites réactionnelles peuvent être séparés en deux catégories, selon l’origine du foyer infectieux originel.

Examens biologiques en pathologie articulaire (Sérologies bactériennes et virales)

Chlamydia trachomatis et Ureaplasma urealyticum sont impliqués dans les arthrites réactionnelles faisant suite à une infection urogénitale.

Salmonella enteridis et typhimurium, Yersinia enterocolitica et pseudotuberculosis, Shigella flexneri (exceptionnellement sonnei) et Campylobacter jejuni sont responsables d’arthrites réactionnelles postdysentériques.

Les arthrites induites par Chlamydia pneumoniae et Mycobacterium bovis BCG sont assimilables aux arthrites réactionnelles, tandis que l’on parle d’arthrite ou rhumatisme postinfectieux pour les arthropathies induites par le streptocoque b-hémolytique du groupe A ou pour les arthrites aseptiques induites par le méningocoque.

Enfin, Borrelia burgdorferi, agent de la maladie de Lyme, et Tropheryma whippelii, responsable de la maladie de Whipple, peuvent induire des arthropathies mimant parfois un authentique rhumatisme inflammatoire.

B – INFECTIONS VIRALES À L’ORIGINE D’ARTHRITES :

De nombreuses infections virales peuvent être à l’origine de manifestations articulaires, simples arthralgies inflammatoires le plus souvent, authentiques arthrites parfois.

Ces manifestations articulaires sont le plus souvent contemporaines de la phase initiale de l’infection virale.

Elles sont plus fréquemment observées chez l’adulte que chez l’enfant.

Les principaux virus pouvant être à l’origine de manifestations articulaires sont les virus des hépatites (A, B et C), le parvovirus B19, le virus de la rubéole, les paramyxovirus (rougeole, oreillons), les virus du groupe herpès (herpès simplex, cytomégalovirus, varicelle-zona, Epstein-Barr), les entérovirus (écho et coxsackies) et les arbovirus (dengue, fièvre jaune).

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) n’est que rarement responsable de manifestations rhumatologiques.

Ces manifestations sont très polymorphes : arthromyalgies lors de l’infection primaire, arthrites réactionnelles, oligoarthrites parfois associées à des enthésopathies inflammatoires ou à un psoriasis, vascularites, arthrites ou ostéites septiques à la phase tardive de l’infection…

Quels sont les sérodiagnostics disponibles ?

A – SÉROLOGIES BACTÉRIENNES :

Ces sérologies ont une valeur très variable, parfois par manque de spécificité (fréquence des réactions croisées), soit du fait de la forte prévalence de certaines infections.

Seules ont une réelle valeur une augmentation des IgM, témoignant d’une infection récente, une franche variation du taux des IgG sur deux sérologies effectuées à 3 semaines d’intervalle, ou une élévation des IgA sériques témoignant d’une infection muqueuse active.

1- Chlamydia trachomatis :

Des tests immunoenzymatiques sensibles et spécifiques permettent une mesure quantitative des titres d’IgG et d’IgA, mais non des IgM.

La forte séroprévalence dans les populations à risque (jusqu’à 20 %) limite l’intérêt du titrage des IgG.

2- Chlamydia pneumoniae :

La forte séroprévalence dans la population adulte saine (plus de 70 %) limite l’intérêt de cette sérologie.

Seuls des titres élevés, et surtout la présence d’IgM, dans un contexte clinique évocateur, doivent être pris en considération.

3- Yersinia enterocolitica et pseudotuberculosis :

La spécificité des tests immunoenzymatiques est satisfaisante, mais, là encore, la séroprévalence relativement élevée limite l’intérêt de la recherche des IgG.

La détection d’IgA témoigne cependant d’une infection digestive active.

4- Salmonella enteridis et typhimurium :

Les tests d’agglutination (Vidal et Félix) ont un intérêt limité compte tenu de la multitude de réactions croisées avec d’autres bactéries du tractus digestif.

5- Shigella flexneri :

Les réactions croisées, notamment avec Escherichia coli, ôtent beaucoup d’intérêt à ce sérodiagnostic.

6- Campylobacter jejuni :

Les tests sérologiques sont sensibles et spécifiques, permettant de distinguer les différents isotypes.

7- Streptococcus :

Des sérologies permettent de mettre en évidence des anticorps dirigés contre différents antigènes streptococciques : les anticorps antistreptolysine (ASLO), antistreptokinase et antistreptodornase.

Seuls des titres élevés et variant de façon notoire dans le temps peuvent être pris en considération compte tenu de la très forte séroprévalence.

8- Borrelia burgdorferi :

Les tests sérologiques (Elisa ou immunofluorescence), permettent de rechercher la présence d’anticorps anti-Borrelia de type IgM ou IgG, dans le sérum, le liquide céphalorachidien ou le liquide articulaire.

La sensibilité de ces tests est imparfaite, et des taux faibles imposent une confirmation par western blot.

L’interprétation de ces sérodiagnostics est délicate : ils demeurent négatifs dans près de 50 % des cas à la phase initiale de la maladie.

Au stade des arthrites, la sensibilité de l’Elisa est de 80 à 100 %.

Cependant, les taux sérologiques demeurent souvent peu élevés. De plus, des réactions croisées existent, notamment avec les autres spirochétoses (syphilis), et il ne faut pas conclure abusivement à une maladie de Lyme devant une sérologie positive en zone d’endémie ou chez des sujets à risque, des études ayant montré que 30 à 40 % des agriculteurs et des travailleurs forestiers ont une sérologie positive indépendamment de toute manifestation clinique de maladie de Lyme.

9- Autres bactéries :

Aucun sérodiagnostic fiable n’est disponible pour Ureaplasma, les autres mycoplasmes, les mycobactéries ou encore Tropheryma whippelii.

B – SÉROLOGIES VIRALES :

Elles sont dans l’ensemble sensibles et spécifiques.

En ce qui concerne les virus responsables des fièvres éruptives de l’enfant, la forte séroprévalence chez l’adulte conduit à ne prendre en considération qu’une sérologie positive en IgM témoignant d’une primo-infection, et avec plus de circonspection une simple ascension des taux d’IgG à 3 semaines d’intervalle.

Les sérodiagnostics des virus des hépatites sont très fiables, et permettent, pour l’hépatite B, de différencier une infection aiguë d’une infection ancienne guérie ou chronique active.

Rappelons que les manifestations articulaires sont contemporaines de la phase aiguë de l’hépatite B.

La sérologie VIH (Elisa et western-blot) est également sensible et spécifique.

Elle doit être effectuée avec le consentement du patient.

Quand demander une sérologie bactérienne ou virale en pratique ?

Il serait absurde d’effectuer de façon systématique un large criblage sérologique devant une oligo- ou polyarthrite débutante.

L’interprétation de tels examens faits à titre systématique exposerait à des interprétations délicates.

La réalisation de sérologies bactériennes ou virales doit être motivée par le contexte clinique.

A – QUAND EFFECTUER DES SÉROLOGIES BACTÉRIENNES ?

1- Devant une oligoarthrite compatible avec une arthrite réactionnelle postvénérienne :

La réalisation d’une sérologie pour Chlamydia trachomatis (IgG et IgA) est justifiée devant toute arthrite réactionnelle faisant suite à une infection génitale, ou devant toute oligoarthrite compatible avec une telle pathologie, même en l’absence d’infection urogénitale cliniquement parlante compte tenu de la fréquence des infections génitales asymptomatiques induites par ce germe.

Un titre franc d’IgA signe une infection muqueuse active.

Une sérologie positive en IgG demande à être contrôlée pour différencier une infection active de la trace sérologique d’une infection ancienne.

Ces examens sérologiques sont utilement complétés par la recherche directe du germe en immunofluorescence (IF) ou en polymerase chain reaction (PCR) sur un frottis urétral ou cervical, ou en PCR sur les urines du premier jet.

Cette recherche est justifiée par la nécessité de traiter une infection génitale active, mais aussi par plusieurs travaux qui semblent montrer que le traitement antibiotique prolongé réduit d’environ 50 % la durée d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia et l’incidence des rechutes.

2- Devant une arthrite réactionnelle faisant suite à un épisode diarrhéique :

L’intérêt des examens sérologiques est très discutable.

En effet, nous l’avons vu, la valeur de ces tests est obérée par leur manque de spécificité ou la forte séroprévalence de certaines infections dans la population générale.

Au stade où survient l’arthrite, l’infection digestive a rétrocédé le plus souvent et n’impose plus un traitement anti-infectieux.

Enfin, aucune étude n’a montré un quelconque effet d’un traitement anti-infectieux sur l’évolution des arthrites réactionnelles à porte d’entrée digestive.

3- Sérodiagnostic pour Chlamydia pneumoniae :

Il peut être demandé dans les très exceptionnelles oligoarthrites faisant suite à une pneumopathie.

4- Quand rechercher des anticorps antistreptococciques ?

Rhumatisme poststreptococcique et rhumatisme articulaire aigu sont devenus parfaitement exceptionnels en Europe occidentale.

La recherche d’anticorps antistreptolysine O (ASLO) ou d’autres anticorps antistreptococciques n’a de sens que chez des sujets à risque, notamment chez des immigrés récemment transplantés.

Seuls des titres très élevés d’anticorps doivent être pris en considération : des études ont montré que les ASLO s’élèvent de façon aspécifique au cours de poussées de différents rhumatismes inflammatoires, notamment dans les spondylarthropathies.

5- Quand demander une sérologie pour Borrelia burgdorferi ?

Elle mérite d’être effectuée systématiquement devant une arthrite subaiguë ou chronique survenant en zone d’endémie.

Ailleurs, elle ne doit être pratiquée que lorsque l’interrogatoire retrouve des éléments évocateurs d’une infection à Borrelia : la notion d’une morsure de tique, d’une lésion cutanée évoquant un érythème chronique migrant, d’un travail exposé ou de promenades en forêt, en tenant compte des difficultés d’interprétation discutées plus haut.

B – QUAND EFFECTUER DES SÉROLOGIES VIRALES ?

Le diagnostic d’arthrite virale doit être évoqué devant un tableau d’oligo- ou de polyarthrite aiguë fébrile, notamment s’il est associé à une éruption cutanée, ou si l’on a une notion de contage (épidémie virale dans l’entourage du patient), ou en cas de profession exposée (travail au contact d’enfants).

Les sérodiagnostics des différents virus susceptibles d’induire des fièvres éruptives méritent alors d’être demandés, notamment la sérologie de parvovirus B19 du fait de la fréquence particulière de ses manifestations articulaires.

Seules la présence d’IgM ou une forte variation des titres d’IgG sont prises en considération, compte tenu de la très forte séroprévalence de l’infection dans la population générale.

L’intérêt de ces sérodiagnostics est essentiellement pronostique : la majorité des arthrites virales guérissent spontanément en quelques semaines ou quelques mois, sans séquelle.

Les virus hépatotropes doivent systématiquement être recherchés en cas d’élévation des transaminases, ou lorsque la polyarthrite s’associe à des manifestations tels une cryoglobulinémie ou un syndrome sec.

L’indication de la sérologie VIH est beaucoup plus difficile à apprécier, compte tenu du caractère très polymorphe des (rares) manifestations rhumatologiques de l’infection.

Le contexte clinique peut bien sûr orienter, mais on sait que l’infection s’observe de plus en plus souvent en dehors des populations traditionnellement à risque ; des infections extra-articulaires à répétition, le caractère particulièrement rebelle d’une arthrite réactionnelle ou son association à des lésions cutanées (psoriasis, pustulose palmoplantaire, kératodermie blennorragique) inhabituellement sévères constituent des signes d’appel classiques.

Conclusion :

Les sérologies bactériennes et virales ne sont que des méthodes diagnostiques indirectes.

Elles permettent tout au plus, lorsque le test utilisé est suffisamment spécifique, de conclure que le patient a été en contact avec un germe donné, mais elles n’apportent jamais la preuve formelle d’une infection active.

De plus, quel que soit le titre observé, une sérologie ne permet pas d’établir un lien entre l’infection dont elle témoigne et les manifestations articulaires du patient.

Devant des symptômes articulaires, l’intérêt des sérologies bactériennes et virales reste limité, et de tels examens ne doivent être réalisés qu’en présence d’un contexte clinique d’orientation, et doivent être motivés par un bénéfice diagnostique, pronostique ou thérapeutique.

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