Sclérodermies

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Introduction :

La sclérodermie est une affection du tissu conjonctif qui peut atteindre, soit la peau dans sa forme localisée, soit les organes profonds dans sa forme systémique.

Elle fait partie des connectivites.

Physiopathogénie :

SclérodermiesLa physiopathogénie de la sclérodermie, bien que toujours inexpliquée, est probablement plurifactorielle.

En effet, les patients atteints de cette maladie présentent tous des anomalies vasculaires, immunitaires et un dysfonctionnement des fibroblastes.

Ces anomalies sont toutes liées les unes aux autres et conduisent finalement à l’activation des fibroblastes, responsable de la formation de la fibrose caractérisant la maladie.

Ces mécanismes physiopathogéniques sont identiques, que la sclérodermie soit localisée ou systémique.

A – ALTÉRATIONS VASCULAIRES :

Les modifications vasculaires de la sclérodermie touchent à la fois les capillaires, les artères de petit calibre et les artérioles.

L’état actuel des connaissances ne permet pas de dire si ces altérations vasculaires sont primitives ou secondaires aux phénomènes auto-immuns.

Les altérations des cellules endothéliales semblent provoquées par des médiateurs, en particulier par des cytokines.

Parmi celles-ci, le transforming growth factor (TGF) b est la plus connue et la plus étudiée.

Il induit, in vitro, une stimulation de la synthèse de collagène et, in vivo, il stimule l’angiogenèse en provoquant une prolifération intimale et une obstruction de la paroi des vaisseaux favorisant ainsi la formation de la fibrose.

D’autres cytokines comme l’interleukine (IL)1, l’IL4 et l’IL6 ou certains facteurs de croissance comme le platelet derived growth factor (PDGF), le fibroblast growth factor (FGF) b, l’epidermal growth factor (EGF), l’endothéline 1 et l’insulin-like growth factor (IGF)1 interviennent également dans les anomalies vasculaires et dans l’activation de la synthèse de collagène mais leurs mécanismes d’action sont encore mal connus.

Une des hypothèses expliquant la formation du néotissu conjonctif responsable de la fibrose est un déséquilibre entre les cytokines activatrices et inhibitrices de la production de collagène.

Enfin, la conséquence de la souffrance des cellules endothéliales est le développement d’une microangiopathie.

Cette microangiopathie se manifeste par des vasospasmes qui, lorsqu’ils sont prolongés, entraînent une anoxie aggravant celle induite par la fibrose.

Ces anomalies microcirculatoires sont visibles à l’examen histologique et à l’examen capillaroscopique dès les stades initiaux de la maladie.

B – ANOMALIES IMMUNITAIRES ET RÉPONSE LYMPHOMONOCYTAIRE :

Dans la sclérodermie, il se produit une réaction lymphomonocytaire, impliquant les lymphocytes T et B et les monocytes-macrophages qui vont constituer un infiltrat de cellules mononucléées localisé, soit au niveau périvasculaire, soit au niveau du derme profond et du tissu sous-cutané. De plus, on observe un déséquilibre de la balance lymphocytaire en faveur des lymphocytes T helper avec une élévation du rapport CD4/CD8.

L’augmentation de la fonction T helper entraînerait une stimulation des lymphocytes B qui synthétiseraient des autoanticorps et des lymphokines stimulant la production de collagène.

Enfin, les différentes cellules composant l’infiltrat inflammatoire (plaquettes, monocytesmacrophages et lymphocytes) interviennent également dans ce processus par la production de cytokines, en particulier de TGFb.

C – ANOMALIES DES FIBROBLASTES ET ALTÉRATION DU TISSU CONJONCTIF :

Les fibroblastes des sujets atteints de sclérodermie systémique présentent eux aussi certaines anomalies de fonctionnement et de structure.

Des études ont montré une augmentation de l’expression des molécules d’adhérence intercellulaire de type 1 (ICAM 1) à la surface des fibroblastes et des cellules inflammatoires mononucléées.

Cette augmentation d’expression des ICAM 1 est liée à la stimulation des cellules par les cytokines (IL1, tumor necrosis factor [TNF] a et interféron [IFN] c) et favorise les interactions lymphocytes-fibroblastes.

Il en résulte une stimulation des fibroblastes avec augmentation de la synthèse des collagènes de types I, III, V, VI, de la fibronectine et des protéoglycanes responsable de la formation d’un néotissu conjonctif et donc de la fibrose.

À ces anomalies de synthèse s’ajoute une diminution de l’activité collagénase permettant l’accumulation du collagène dans le derme.

D – AUTRES FACTEURS :

– Facteurs génétiques.

Des cas familiaux de sclérodermie systémique ou survenant chez des jumeaux homozygotes ont été rapportés.

L’association à des groupages human leukocyte antigen (HLA) particuliers comme le type HLA DR1, DR3 et DR5 ne serait pas fortuite.

– Facteurs environnementaux. L’exposition à des résines époxy, des solvants et à la silice (syndrome d’Erasmus) est reconnue comme facteur favorisant le développement de la sclérodermie systémique.

E – MICROCHIMÉRISME :

Cette hypothèse est basée sur l’existence d’une analogie clinique entre la sclérodermie systémique et la maladie du greffon contre l’hôte (MGCH) dans sa forme sclérodermiforme et sur le fait que la sclérodermie systémique atteint préférentiellement les femmes de 45 à 55 ans, suggérant ainsi un lien possible avec la grossesse.

La persistance de cellules foetales résiduelles de grossesses antérieures dans l’organisme maternel serait le facteur déclenchant la sclérodermie systémique en initiant une réaction allo-immune foetale antimaternelle.

Lee et al ont ainsi montré que les femmes atteintes de sclérodermie systémique avaient, dans leurs cellules sanguines mononucléées, un taux d’acide désoxyribonucléique (ADN) du chromosome Y provenant de foetus masculin quantitativement plus élevé que les femmes exemptes de la maladie.

De plus, ces femmes sclérodermiques présentaient le plus souvent un phénotype HLA de type II permettant une meilleure tolérance des cellules foetales et un microchimérisme plus important. Parallèlement, ces mêmes cellules foetales avaient un haplotype HLA qui permettait un rejet des cellules maternelles, favorisant ainsi l’hypothèse d’une MGCH.

L’équipe d’Artlett et al a confirmé ces résultats et a également retrouvé cette augmentation significative au niveau cutané par rapport au groupe contrôle.

Cependant, cette théorie, bien que séduisante, n’explique pas la survenue de cas de sclérodermie systémique chez les enfants, les hommes ou chez les femmes nullipares sauf, éventuellement, en cas d’antécédents de transfusion sanguine, de transplantation d’organe, de fausse couche ou de passage maternofoetal de cellules maternelles (réaction maternelle antifoetale), situations pouvant conduire à un microchimérisme cellulaire.

Sclérodermie localisée :

Il s’agit de la forme la plus fréquente de la maladie avec atteinte quasi exclusive de la peau et absence de syndrome de Raynaud, d’acrosclérose et d’atteinte viscérale profonde.

Sa physiopathogénie est toujours mal connue.

La sclérodermie « localisée » peut prendre différents aspects cliniques ; elle évolue généralement en trois phases successives, oedémateuse puis indurée et scléreuse, puis atrophique.

Son évolution est imprévisible et des améliorations spontanées sont fréquentes.

A – FORMES CLINIQUES :

1- Sclérodermies localisées en plaques :

* Morphée en plaques :

Elle se caractérise par l’apparition de plaques uniques ou multiples, initialement érythémateuses puis d’aspect scléreux, blanc, induré, entourées d’un halo érythémateux souple caractéristique appelé lilac ring traduisant son activité inflammatoire et son évolutivité.

Dans les suites de son évolution apparaît une hyper- ou hypopigmentation plus ou moins atrophique.

Elle se localise principalement sur le corps, à la racine des membres.

La localisation au cuir chevelu peut provoquer une alopécie cicatricielle.

* Morphée en goutte (« white spot disease ») :

Elle forme de petites taches blanches nacrées multiples pouvant évoluer vers la pigmentation, et de distinction clinique et nosologique difficile avec le lichen scléroatrophique.

Elle se localise principalement à la partie supérieure du tronc.

* Atrophodermie idiopathique de Pasini-Pierini :

Elle touche principalement les adolescents et se traduit par l’apparition de petites plaques d’emblée atrophiques et de couleur brun violacé sans inflammation ni sclérose associée.

Elle se localise principalement sur le tronc et épargne généralement la face, les mains et les pieds.

Son évolution est le plus souvent bénigne avec des régressions spontanées fréquentes.

L’étiopathogénie de l’atrophodermie de Pasini-Pierini reste discutée.

Pour certains auteurs, il s’agirait d’une entité distincte de la sclérodermie du fait de caractéristiques cliniques, histologiques et évolutives différentes ; pour d’autres, ce serait une forme clinique de morphée d’involution spontanée et d’emblée atrophique.

* Morphée chéloïdienne ou morphée nodulaire :

Elle se traduit par l’apparition de nodules chéloïdiens associés à des morphées typiques.

2- Sclérodermie en plaque généralisée ou en plaques multiples :

La sclérodermie en plaque généralisée se caractérise par l’apparition de morphées multiples confluentes ou non, sur tout le corps, le visage et parfois les muqueuses.

Elle peut s’accompagner de signes cliniques et biologiques de sclérodermie systémique et de difficultés respiratoires en cas d’engainement thoracique.

3- Sclérodermie localisée bulleuse :

Décrite en 1896, la morphée bulleuse est une forme clinique de sclérodermie localisée rare qui se manifeste par des lésions bulleuses de clivage sous-épidermique associées à des morphées typiques.

Une dilatation lymphatique secondaire à une obstruction serait à l’origine de la formation des bulles.

4- Sclérodermies en bande :

* Morphée en bande :

Au niveau des membres, elle réalise un tableau de sclérodermie dite « monomélique » débutant souvent dans l’enfance.

Des bandes scléroatrophiques apparaissent progressivement sur les membres suivant les lignes de Blaschko, puis la scléroatrophie s’étend aux muscles et aux tendons, réalisant l’aspect de morphée pansclérotique traduisant une atteinte profonde.

Des anomalies osseuses de type hyperostose linéaire ou mélorhéostose peuvent également compléter le tableau.

Les séquelles de ce type de sclérodermie sont principalement fonctionnelles (déformations articulaires et osseuses, arrêt ou retard de la croissance du membre), esthétiques et psychologiques.

Il n’y a pas, en principe, d’évolution vers une sclérodermie systémique mais les anticorps antinucléaires peuvent être positifs.

* Morphée en « coup de sabre » :

Sur le front ou le visage, la sclérodermie en bande donne un aspect dit en « coup de sabre » avec ou sans hémiatrophie associée.

La bande se localise sur le front, peut remonter jusqu’au cuir chevelu, entraînant alors une alopécie cicatricielle, et s’étendre jusqu’au nez, voire à la lèvre supérieure.

Dans cette localisation, des lésions oculaires (énophtalmie, atteinte des muscles oculomoteurs, anomalie de l’iris), des anomalies des gencives, des malpositions dentaires et l’atteinte de la langue sont possibles.

La peau est scléreuse, atrophique et adhère à l’os sous-jacent.

Elle peut être hypo- ou hyperpigmentée.

La sclérodermie en « coup de sabre » peut parfois s’associer à une hémiatrophie homolatérale du visage et est alors difficilement individualisable du syndrome de Parry-Romberg.

Le syndrome de Parry-Romberg est une atrophie hémifaciale progressive d’évolution chronique.

Dans un premier temps, les anomalies sont profondes et localisées au niveau du tissu conjonctif, des muscles et des os.

Puis, secondairement, le derme est atteint avec apparition progressive d’une hémiatrophie de la face.

La distinction nosologique entre sclérodermie en « coup de sabre » et syndrome de Parry-Romberg prête encore à discussion.

5- Sclérodermies profondes :

* Morphée sous-cutanée :

Elle atteint préférentiellement les tissus sous-cutanés et l’hypoderme.

* Fasciite de Shulman :

Considérée par certains auteurs comme une forme de sclérodermie localisée, elle apparaît brutalement, dans les suites d’un effort.

Elle se caractérise par un aspect de peau d’orange lié à la localisation profonde de la sclérose au niveau de l’hypoderme et du fascia.

Sa localisation la plus fréquente est la racine des membres.

Le diagnostic, suspecté cliniquement, est confirmé par la biopsie profonde permettant l’analyse de la peau, du fascia et du muscle.

Biologiquement, l’hyperéosinophilie, inconstante, est un élément d’orientation.

* Morphée panscléreuse :

Il s’agit de la localisation profonde de la sclérodermie monomélique.

B – AUTRES SIGNES CLINIQUES ASSOCIÉS À LA SCLÉRODERMIE LOCALISÉE :

Les différentes formes cliniques de sclérodermie localisée sont, habituellement, de bon pronostic mais peuvent parfois s’associer à des manifestations systémiques.

C – BILAN D’UNE SCLÉRODERMIE LOCALISÉE :

Le diagnostic de sclérodermie localisée est principalement clinique mais il peut être confirmé par une histologie cutanée.

Un bilan biologique minimal comprenant une numération-formule sanguine (NFS), une vitesse de sédimentation (VS) et la recherche d’anticorps antinucléaires est souhaitable, les autres examens complémentaires comme la capillaroscopie étant à prescrire en fonction de la clinique.

Le rôle d’une possible infection borrélienne dans la genèse des sclérodermies en plaques est toujours un sujet débattu.

La sérologie borréliose reste recommandée en cas de sclérodermie localisée, surtout lorsqu’il existe des arguments épidémiologiques ou sémiologiques en faveur d’une infection.

Des cas de morphées associées à une positivité de la sérologie borréliose ont été rapportés, de même que l’efficacité du traitement antibiotique par pénicilline sur les lésions cutanées.

D – ÉVOLUTION ET TRAITEMENT :

La sclérodermie localisée évolue exceptionnellement en sclérodermie systémique et l’espérance de vie des sujets atteints est considérée comme normale.

Les morphées se stabilisent en général après 3 à 5 ans d’évolution et l’amélioration spontanée est fréquente.

Les formes en « coup de sabre » peuvent cependant évoluer sur plusieurs années, jusqu’à 20 ans, avant de se stabiliser.

Il n’existe pas de protocole bien défini sur la prise en charge thérapeutique des sclérodermies localisées ; leur pronostic est difficile à établir et leur évolution imprévisible.

1- Corticothérapie :

Pour les morphées isolées, on peut proposer l’application quotidienne ou biquotidienne de dermocorticoïdes de classe I ou II sur les plaques avec ou sans occlusion.

Les injections intralésionnelles de triamcinolone (Kénacort) sont efficaces sur la phase oedémateuse de la morphée mais majorent le risque d’atrophie séquellaire ultérieure.

La plupart des auteurs s’accorde pour débuter précocement une corticothérapie générale à raison de 1 mg/kg/j sur plusieurs mois en cas de sclérodermie en « coup de sabre » débutante ou dans les sclérodermies monoméliques, afin d’en limiter les séquelles.

Ce traitement est inefficace dans les morphées évoluées car il agit principalement sur la composante inflammatoire et oedémateuse.

2- Calcitriol :

Le calcitriol (Rocaltrol) inhibe la croissance des fibroblastes et supprime la production de certaines cytokines.

Il a été proposé en 1995 dans le traitement des morphées. Cependant, une étude récente réalisée versus placebo n’a pas confirmé l’efficacité de ce produit dans cette indication.

3- Photothérapie :

L’UVAthérapie, la PUVAthérapie, ainsi que la balnéoPUVAthérapie semblent également être des alternatives thérapeutiques intéressantes.

Les ultraviolets (UV)A 1 (340 à 400 nm) sont efficaces à fortes et faibles doses dans le traitement des manifestations cutanées de la sclérodermie mais sont non disponibles en France.

4- Autres traitements :

Le méthotrexate à faibles doses (15 mg par semaine) a été rapporté comme efficace dans le traitement des morphées sous réserve d’une confirmation de cette efficacité par des études contrôlées.

Actuellement, il est difficile de conclure sur l’efficacité réelle de ce produit non dénué d’effets secondaires.

L’intérêt d’une pénicillinothérapie au long cours dans les sclérodermies localisées n’est toujours pas démontré, sauf en cas de sérologie borréliose positive. D’autres traitements comme la D-pénicillamine, les antipaludéens de synthèse, la salazopyrine, la photochimiothérapie extracorporelle, les rétinoïdes et la ciclosporine ont été préconisés dans le traitement des morphées sans que leur efficacité n’ait été prouvée dans des études contre placebo.

Chez l’enfant, l’association de méthotrexate (0,3 à 0,6 mg/kg/semaine) et de bolus de corticoïdes (30 mg/kg sur 3 jours par mois durant 3 mois) semble donner des résultats encourageants dans le traitement de la sclérodermie localisée, sous réserve d’une confirmation de ces effets sur une plus grande cohorte de patients et versus placebo.

De même, certains auteurs rapportent l’efficacité de l’application de calcipotriol topique en association avec la photothérapie UVA 1 dans le traitement des morphées multiples de l’enfant.

Le traitement de référence de la fasciite de Shulman au stade débutant est la corticothérapie générale ; la balnéoPUVAthérapie pourrait être également efficace dans cette indication.

Enfin, la chirurgie est une possibilité thérapeutique en cas de sclérodermie en « coup de sabre » ou d’atteinte monomélique stable cliniquement.

Sclérodermie systémique :

La sclérodermie systémique est une affection rare dont l’incidence variable est évaluée entre 2 et 20 cas par an et par million d’habitants en fonction des régions.

Elle associe une atteinte cutanée caractérisée par une induration localisée ou diffuse et une atteinte viscérale variable responsable de la gravité de la maladie.

Elle touche majoritairement le sexe féminin, principalement entre 30 et 50 ans (ratio 3/1), sans distinction de race.

L’évolution de la maladie dépend de son extension, en particulier des atteintes viscérales.

Barnett et Coventry ont proposé une classification se basant sur l’étendue des lésions cutanées et viscérales permettant d’établir un pronostic de l’affection.

Pour des raisons inconnues, les cancers pulmonaires, mammaires, cutanés et les lymphomes malins non hodgkiniens sont plus fréquents chez les sujets atteints de sclérodermie systémique que dans la population générale.

A – MANIFESTATIONS CUTANÉES :

1- Syndrome de Raynaud :

Souvent inaugural, il est présent dans 95 % des cas de sclérodermie systémique et peut précéder l’ensemble des autres manifestations cliniques de plusieurs années.

Il s’agit d’un acrosyndrome paroxystique se manifestant au froid et atteignant principalement les mains, parfois les pieds, le nez et les oreilles dans les formes sévères.

Le syndrome de Raynaud se reconnaît cliniquement par ses trois phases, la dernière étant inconstante.

La première phase est la phase dite « syncopale », caractérisée par un vasospasme rendant les doigts blancs, insensibles et froids.

C’est cette phase qui permet de faire le diagnostic clinique de syndrome de Raynaud. À cette phase succède la phase dite « asphyxique », avec des doigts cyanosés et bleus.

La troisième phase est la phase « érythemalgique », inconstante, correspondant à une hyperhémie des doigts.

La manoeuvre de Allen est un geste clinique utile dans l’exploration d’un syndrome de Raynaud afin d’en rechercher le caractère pathologique.

Elle consiste à comprimer simultanément les artères radiale et cubitale au niveau du poignet, puis à relâcher l’une ou l’autre des artères après avoir fait effectuer au malade des mouvements de flexion-extension de la paume afin de vidanger la vascularisation.

On observe alors la revascularisation de la paume et des doigts qui, lorsqu’elle est retardée ou inhomogène, apporte un argument en faveur du caractère pathologique du syndrome de Raynaud.

Un interrogatoire orienté, l’âge de survenue tardif, des manifestations cliniques sévères et atypiques, une aggravation de la symptomatologie au cours du temps et une manoeuvre de Allen anormale sont des arguments en faveur d’un syndrome de Raynaud lié à une maladie systémique en opposition avec la maladie de Raynaud idiopathique.

2- Sclérose cutanée :

Elle débute initialement aux mains et réalise un tableau de sclérodactylie.

Les doigts sont d’abord oedématiés et boudinés, puis la peau devient scléreuse, adhérente au plan profond et impossible à plisser.

Progressivement, on assiste à une déformation des doigts qui perdent leur souplesse, restent bloqués en semi-flexion, entraînant ainsi une gêne fonctionnelle majeure.

Des ulcérations ou des crevasses douloureuses apparaissent, de cicatrisation difficile.

Les dystrophies unguéales, voire une disparition de l’ongle et de la dernière phalange par ostéolyse sont classiques dans les formes sévères (résorption de la phalange en « sucre d’orge sucé »).

Au niveau du visage, la sclérose entraîne une disparition des rides, avec un faciès figé et un rétrécissement de l’orifice buccal qui s’entoure de rides radiaires dites en « gousset de bourse ».

La sclérose cutanée peut secondairement s’étendre à l’ensemble du corps et s’accompagner de troubles pigmentaires à type d’hyper- ou d’hypopigmentation.

3- Télangiectasies :

Signes cutanés extrêmement fréquents de la sclérodermie, elles se localisent principalement sur le visage et les mains mais peuvent également se retrouver sur les muqueuses.

4- Autres signes cutanéomuqueux :

La calcinose dermique est une manifestation cutanée secondaire à l’ischémie locale qui peut se voir dans toutes les formes de sclérodermie systémique mais qui caractérise principalement le syndrome de Thibierge et Weissenbach ou CREST syndrome (calcinose, syndrome de Raynaud, atteinte oesophagienne, sclérodactylie et télangiectasies).

La calcinose est responsable de la formation de nodules calcifiés localisés surtout au niveau des phalanges qui s’ulcèrent en laissant échapper un produit crayeux.

La sclérodermie peut également s’accompagner d’un syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire se manifestant par une xérostomie et une xérophtalmie.

Le déchaussement dentaire est fréquent chez les sujets atteints de sclérodermie systémique.

Il est favorisé par la sclérose du ligament alvéolodentaire et par la xérostomie secondaire au syndrome de Gougerot-Sjögren.

B – MANIFESTATIONS VISCÉRALES :

1- Atteinte digestive :

L’oesophage est l’organe du tractus digestif le plus fréquemment atteint (70-80 %) dans les sclérodermies systémiques.

Cette atteinte oesophagienne se manifeste par une dysphagie et par un reflux gastro-oesophagien.

Les examens complémentaires, en particulier le transit oesogastroduodénal et la manométrie oesophagienne, peuvent montrer une dilatation de l’oesophage, des anomalies de la motilité oesophagienne, un rétrécissement ou une incontinence du sphincter inférieur de l’oesophage.

L’endoscopie haute permet de dépister les oesophagites secondaires au reflux, voire les carcinomes de l’oesophage possibles dans ce contexte.

Il est inutile de recontrôler annuellement la manométrie si celle-ci est déjà anormale.

En revanche, il convient alors d’effectuer périodiquement une endoscopie haute pour dépister les complications du reflux gastrooesophagien.

Les troubles du péristaltisme de l’estomac sont possibles et peuvent être responsables d’une dilatation gastrique.

L’association maladie de Biermer avec gastrite atrophique autoimmune et sclérodermie systémique est fréquente et non fortuite dans le cadre du syndrome auto-immun multiple.

L’atteinte de l’intestin grêle est responsable de deux complications majeures de la maladie que sont la malabsorption et le syndrome pseudo-occlusif.

Les causes de la malabsorption sont plurifactorielles : elle résulte à la fois de la pullulation microbienne liée à l’hypomotricité intestinale, de troubles de l’absorption et de la perméabilité intestinale, de l’entéropathie exsudative secondaire à l’obstacle au drainage lymphatique intestinal, et de l’ischémie intestinale chronique.

L’association à une maladie coeliaque est possible et peut participer à la malabsorption.

Le syndrome pseudo-occlusif est responsable de douleurs abdominales chroniques, de ballonnements et d’alternances de diarrhée et de constipation.

La malabsorption peut être responsable du décès du patient par dénutrition sévère et état cachectique.

L’atteinte du pancréas est rare mais peut également participer à la malabsorption en cas de pancréatite chronique.

L’atteinte hépatique est exceptionnelle.

Les associations cirrhose biliaire primitive ou hépatite auto-immune et sclérodermie systémique sont possibles et doivent être recherchées en cas de signe d’appel biologique.

La physiopathologie de l’atteinte intestinale de la sclérodermie systémique reste obscure mais serait également liée à la microangiopathie primitive entraînant une atrophie musculaire et une fibrose digestive.

2- Atteinte respiratoire :

L’atteinte pulmonaire touche environ 75 % des sujets ayant une sclérodermie systémique.

Les deux manifestations pulmonaires les plus fréquentes sont la pneumopathie interstitielle fibrosante chronique et l’hypertension artérielle pulmonaire.

D’autres manifestations comme les néoplasies pulmonaires, l’insuffisance respiratoire par altération de la musculature respiratoire et les vascularites pulmonaires sont décrites mais plus rares.

L’association silicose et sclérodermie systémique a été rapportée pour la première fois en 1957 sous le terme de syndrome d’Erasmus.

* Pneumopathie interstitielle fibrosante chronique :

Elle est présente dans 50 à 80 % des sclérodermies systémiques et serait une des causes les plus fréquentes du décès des patients.

Elle se manifeste d’abord par une dyspnée et par une désaturation, initialement à l’effort puis au repos, associées à une toux sèche persistante.

L’évolution du test de désaturation à l’effort, facilement réalisable, permet le suivi de l’atteinte pulmonaire. Les explorations fonctionnelles respiratoires sont l’examen le plus sensible en cas de fibrose débutante.

Du fait de leur caractère non invasif et de leur reproductibilité, elles permettent également le suivi de l’atteinte respiratoire.

Elles montrent initialement une diminution de la capacité de diffusion de l’oxyde de carbone (DLCO) puis un syndrome restrictif.

Une réduction de la DLCO de plus de 40 % serait un facteur péjoratif de l’évolution.

La tomodensitométrie (TDM) haute résolution est considérée par certains auteurs comme l’examen complémentaire de choix pour le dépistage précoce de la fibrose pulmonaire.

Les images réticulaires intralobulaires ou les images en « rayons de miel » sont évocatrices de fibrose pulmonaire évoluée, tandis que les images en « verre dépoli » traduisent plutôt une alvéolite ou une fibrose débutante.

La visualisation de micronodules pulmonaires est également possible.

Ces anomalies sont principalement localisées au niveau des lobes inférieurs ou dans les régions périphériques ou postérieures.

Certains auteurs ont proposé des scores scanographiques permettant de coter et de suivre l’évolution de l’atteinte pulmonaire.

À un stade plus avancé, les anomalies sont visibles à la radiographie pulmonaire : syndrome interstitiel de type réticulonodulaire bilatéral initialement localisé aux bases puis s’étendant aux apex, puis images en « rayons de miel » dans les formes évoluées.

* Hypertension artérielle pulmonaire :

Elle est définie par une tension artérielle pulmonaire supérieure à 25 mmHg au repos et à 30 mmHg à l’effort.

Il s’agit d’une complication grave et potentiellement mortelle de la maladie.

Le décès est, en général, consécutif à l’insuffisance respiratoire chronique, à l’insuffisance cardiaque droite ou à des troubles du rythme.

Elle peut être primitive, liée à une altération des artérioles pulmonaires, ou secondaire à la pneumopathie interstitielle fibrosante chronique ou à une cardiopathie.

La forme primitive est due à la répétition de vasospasmes au niveau des artérioles et des capillaires pulmonaires provoquant une oblitération puis une destruction du réseau vasculaire pulmonaire (syndrome de Raynaud pulmonaire).

Les signes cliniques de l’hypertension artérielle pulmonaire sont non spécifiques (dyspnée d’effort puis de repos), expliquant ainsi son diagnostic souvent tardif.

Au stade évolué, il existe toujours des signes cliniques d’insuffisance cardiaque droite associés.

Les examens complémentaires utiles au diagnostic d’hypertension artérielle pulmonaire sont l’échographie-doppler cardiaque, le cathétérisme des cavités droites, les explorations fonctionnelles respiratoires, la radiographie pulmonaire et l’électrocardiogramme.

L’échodoppler cardiaque est l’examen de choix pour le diagnostic précoce d’une hypertension artérielle pulmonaire, à condition que le patient ne soit pas porteur d’une insuffisance tricuspide physiologique.

Il permet d’évaluer la pression artérielle pulmonaire de façon simple et reproductible et précise le retentissement sur les cavités cardiaques droites.

Sa sensibilité permet également d’éviter la réalisation systématique d’un cathétérisme des cavités cardiaques droites.

Les explorations fonctionnelles respiratoires sont évocatrices d’une hypertension artérielle pulmonaire lorsque les valeurs de la DLCO sont inférieures à 40 % sans modification des volumes pulmonaires.

En cas d’hypertension artérielle pulmonaire évoluée, la radiographie pulmonaire peut montrer une augmentation du diamètre des artères pulmonaires et/ou une cardiomégalie et l’électrocardiogramme retrouve un bloc de branche droit ou une hypertrophie de l’oreillette droite ou du ventricule droit correspondant au retentissement cardiaque.

3- Atteinte cardiaque :

À un stade évolué de sclérodermie systémique, le patient peut présenter une insuffisance cardiaque secondaire à l’hypertension artérielle pulmonaire, à la fibrose pulmonaire ou à l’hypertension artérielle d’origine rénale.

Cependant, l’atteinte cardiaque spécifique de la sclérodermie est possible.

Il s’agit principalement d’une atteinte du myocarde responsable de troubles du rythme, en particulier ventriculaires, pouvant être fatals au patient.

Le péricarde peut également être atteint, mais cette atteinte est souvent de découverte fortuite car asymptomatique.

Enfin, l’endocarde est exceptionnellement touché et quelques cas d’insuffisances mitrale et aortique ont été décrits.

Ces différentes atteintes cardiaques sont principalement dépistées par l’électrocardiogramme, l’échographie cardiaque bidimensionnelle et l’enregistrement électrocardiographique des 24 heures.

4- Atteinte rénale :

Rarement symptomatique, elle se manifeste initialement par une protéinurie isolée.

Environ 8 % des patients porteurs d’une atteinte rénale développent une hypertension artérielle maligne avec détérioration rapide de la fonction rénale, anémie hémolytique de type microangiopathique, troubles de la vue, nausées et céphalées menaçant rapidement le pronostic vital.

Dans la majeure partie des cas, l’atteinte rénale est seulement modérée et se traduit par une protéinurie, un syndrome néphrotique, une hypertension artérielle ou une insuffisance rénale débutante.

L’introduction précoce d’un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion permet d’améliorer significativement le pronostic des patients ayant une atteinte rénale débutante.

5- Atteinte musculaire :

Les patients atteints de sclérodermie systémique peuvent présenter une atteinte musculaire inflammatoire identique à celle de la dermatopolymyosite avec myolyse biologique et anomalie de l’électromyogramme.

6- Atteinte articulaire :

Des arthralgies inflammatoires atteignant les petites et grosses articulations sont des symptômes fréquents de la sclérodermie systémique.

L’association sclérodermie systémique et polyarthrite rhumatoïde est non fortuite et doit être recherchée en cas de tableau clinique évocateur.

7- Atteinte du système nerveux :

Elle toucherait environ 10 % des sujets atteints de sclérodermie systémique.

Elle se manifeste tantôt par un tableau de neuropathie périphérique (polynévrite), tantôt par une atteinte des paires crâniennes, en particulier du nerf trijumeau (névralgie faciale), plus rarement du nerf glossopharyngien ou de l’hypoglosse.

Un syndrome du canal carpien ou des érythromélalgies sont également possibles.

8- Atteinte oculaire :

Des anomalies ophtalmologiques sont possibles dans la sclérodermie systémique et peuvent toucher tous les segments de l’oeil : atteinte conjonctivale, cornéenne, troubles oculomoteurs, anomalies vasculaires rétiniennes, uvéite, anomalies de la pigmentation des paupières, glaucome et anisocorie.

Ces manifestations ophtalmologiques sont souvent aggravées par l’association à un syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire.

C – DIAGNOSTIC POSITIF ET ÉVOLUTION :

Le diagnostic de sclérodermie systémique est essentiellement clinique, le médecin pouvant s’appuyer sur les critères majeurs et mineurs de sclérodermie systémique établis par l’American Rheumatology Association.

1- Signes biologiques :

* Anomalies immunologiques :

Les anticorps antinucléaires sont positifs, selon les séries, dans 70 à 90 % des sclérodermies systémiques, de fluorescence mouchetée, homogène ou nucléolaire.

Les anticorps anticentromères, dirigés contre les antigènes protéiques liés à l’ADN du centromère sont retrouvés dans 90 % des CREST syndromes et dans 3 à 20% des sclérodermies systémiques (25 % des acroscléroses).

Les sclérodermies systémiques avec anticorps anticentromères positifs seraient d’évolution plus lente et moins sévère.

Les anticorps anti-Scl 70, dirigés contre une topoisomérase I, sont positifs dans 70 à 90 % des sclérodermies systémiques diffuses et dans 40 % des acroscléroses.

Ils seraient de mauvais pronostic car associés à des formes cliniques souvent diffuses et à une atteinte pulmonaire fréquente.

Leur positivité est considérée comme un marqueur spécifique des sclérodermies systémiques.

Il est également possible de retrouver des anticorps anti-RNP (évocateurs de syndrome de Sharp) ou des anticorps anti-SSA ou SSB à des titres significatifs.

Enfin, la positivité des facteurs rhumatoïdes et des anticorps antimitochondries est possible en cas de polyarthrite rhumatoïde ou de cirrhose biliaire primitive associées à la sclérodermie systémique.

La recherche d’agglutinine froide est positive dans 25 % des cas.

Des autoanticorps anticoagulants circulants doivent être recherchés car ils représentent un facteur de risque de thrombose chez les sujets atteints de sclérodermie systémique.

Les anticardiolipines sont positifs dans 25 à 35 % des cas, principalement dans les sclérodermies systémiques sévères.

Les anticorps antiphospholipides sont plus fréquemment positifs chez les sujets atteints d’une hypertension artérielle pulmonaire et leur positivité doit faire rechercher cette complication.

* Syndrome inflammatoire :

La présence d’un syndrome inflammatoire dans un contexte de sclérodermie systémique est fréquente et non spécifique.

* Examens spécialisés :

Il existe une corrélation positive entre l’élévation du taux sanguin d’acide hyaluronique et la sévérité de la maladie.

Son dosage, s’il était réalisable en technique de routine, pourrait ainsi être utile dans le suivi de la maladie et de l’efficacité thérapeutique.

Les taux sériques d’anticorps anticellule endothéliale de type immunoglobuline (Ig) G (AECA) et de propeptide aminoterminal du collagène de type III (aminopeptide libéré lors du métabolisme du collagène) donnent un reflet du processus fibrosant et sont également corrélés à la sévérité de la sclérodermie systémique, en particulier à la présence de nécrose pulpaire et d’une hypertension artérielle pulmonaire.

Plusieurs marqueurs biologiques spécialisés et qui restent toujours du domaine de la recherche sont en cours d’évaluation afin de dépister précocement l’atteinte pulmonaire liée à la sclérodermie.

Ainsi, certains auteurs proposent le dosage sanguin de surfactants A et D, de KL 6 (glycoprotéine synthétisée par les pneumocytes de type II) comme marqueurs biologiques de la sévérité de l’atteinte pulmonaire.

Un taux sanguin élevé de connectivite tissue growth factor (CTGF) ou de TNFa serait corrélé à la présence et à la sévérité de la pneumopathie interstitielle fibrosante chronique.

Enfin, le dosage de l’endothéline 1 (peptide ayant des propriétés vasoactives et intervenant dans le turnover des cellules et des composants de la matrice extracellulaire) pourrait être utile pour dépister précocement une hypertension artérielle pulmonaire.

La diminution du taux du monoxyde d’azote expiratoire est également un reflet de la sévérité de l’hypertension artérielle pulmonaire.

2- Capillaroscopie unguéale :

Cet examen non invasif et reproductible permet de suspecter le diagnostic de sclérodermie systémique au stade de syndrome de Raynaud en révélant des anomalies spécifiques de la pathologie.

Le paysage capillaroscopique caractéristique de la sclérodermie systémique est composé de capillaires géants ou mégacapillaires (diamètre supérieur à 50 µm) avec une diminution hétérogène de la densité capillaire et une désorganisation de l’arrangement des boucles de capillaires aboutissant au stade tardif à un désert capillaroscopique.

L’aspect n’est cependant pas toujours aussi spécifique et peut uniquement montrer la présence de capillaires dysmorphiques avec exsudats et microhémorragies.

3- Biopsie cutanée :

L’analyse histologique d’un prélèvement cutané est un examen non indispensable au diagnostic d’une sclérodermie.

Elle apporte cependant des arguments positifs à ce diagnostic. Au stade initial de la maladie, les anomalies histologiques sont localisées au niveau du derme profond et de l’hypoderme.

Il s’agit d’un infiltrat inflammatoire de cellules mononucléées de localisation périvasculaire et périnerveuse, associé à une augmentation du nombre et de l’épaisseur des fibres de collagène.

Au stade de fibrose, les anomalies histologiques s’étendent au derme superficiel et à l’épiderme qui s’atrophie.

Les faisceaux de collagène épaissis envahissent l’ensemble du derme et l’infiltrat inflammatoire disparaît.

Les annexes pilosébacées se raréfient puis disparaissent et il existe des altérations vasculaires : diminution du nombre de vaisseaux, épaississement de leur paroi et rétrécissement de leur lumière.

Ces anomalies histologiques sont identiques pour tous les types de sclérodermies systémiques ou localisées.

4- Autres examens complémentaires :

La recherche d’anomalies rénales, digestives, cardiaques ou pulmonaires doit être systématique en cas de sclérodermie systémique.

5- Techniques d’évaluation de la peau sclérodermiforme :

L’étude des techniques d’évaluation de l’atteinte cutanée dans la sclérodermie systémique est importante car la peau constitue l’atteinte principale de la maladie et qu’il n’existe pas actuellement de bon critère d’évaluation clinique dans cette maladie.

* Étude clinique de la peau :

Plusieurs méthodes sont utilisées dans l’évaluation clinique de la peau dans la sclérodermie systémique :

– méthode des photographies comparatives, de moins en moins utilisée car peu précise ;

– mesure de l’ouverture buccale (distance interlabiale maximale), de l’angle de flexion maximale des doigts (distance médium-face palmaire de la main), de l’angle de flexion et d’extension maximales du poignet et du coude.

Ces mesures sont reproductibles et donnent un reflet de l’évolution locale de la sclérose ;

– méthode du score cutané : différents auteurs ont proposé de coter l’induration cutanée de 0 à 3 sur différentes régions du corps.

La somme des différentes cotations mesurées permet ensuite d’établir un score cutané pouvant être utilisé dans le suivi des patients et pour l’évaluation thérapeutique.

* Étude des propriétés mécaniques de la peau sclérodermiforme :

– Le twistomètre et le test de succion permettent d’étudier l’extensibilité mécanique de la peau.

Le twistomètre est un appareil qui étudie la capacité de la peau à se déformer par torsion et à revenir à sa position initiale.

Le test de succion étudie les mêmes paramètres suite à une déformation verticale.

L’extensibilité cutanée mesurée par ces deux appareils est diminuée en peau sclérodermiforme.

– Le slip-test est une méthode de mesure du glissement de la peau sur un plan osseux sous-jacent.

Le clinicien mesure ainsi le glissement cutané maximal par rapport à un point fixe, grâce à un pied à coulisse, sur 33 régions anatomiques différentes.

Cette technique est non invasive et peu coûteuse.

Cependant, elle nécessite un opérateur entraîné afin d’être reproductible.

* Évaluation par technique échographique :

– L’échographie cutanée en mode A donne des renseignements sur l’amplitude des échos et sur leur profondeur.

Plus les faisceaux de collagène sont denses, plus ils sont échogènes.

– L’échographie cutanée en mode B permet d’obtenir une image en intensité de brillance et renseigne sur la structure du derme et du tissu conjonctif.

Dans la sclérodermie, l’épaisseur cutanée mesurée par l’échographie cutanée en mode A est augmentée en zone scléreuse et l’échographie en mode B met en évidence une augmentation des échos au niveau du derme profond reflétant la présence de faisceaux denses de collagène.

Ces deux techniques échographiques sont non invasives et leur reproductibilité, si l’opérateur est formé et entraîné, en fait un instrument utile dans le suivi des patients.

* Évaluation par technique histologique :

La réalisation de biopsies cutanées permet d’évaluer la sclérose cutanée grâce à l’aspect histologique du fragment.

Cependant, cette analyse histologique, pour être complète, doit être associée à des immunomarquages (qui permettent de quantifier les différents types de collagène) et à des techniques d’hybridation moléculaire, non réalisables en routine.

De plus, ces biopsies doivent être effectuées sur des zones scléreuses pour être informatives et exposent donc à des troubles de la cicatrisation préjudiciables au patient.

D – TRAITEMENT :

Aucun traitement ne peut actuellement guérir la sclérodermie systémique.

De plus, il n’existe pas de consensus bien établi et plusieurs thérapeutiques restent à l’étude.

Le choix d’un traitement dans un contexte de sclérodermie systémique est donc toujours difficile. Plusieurs thérapeutiques sont à la disposition du clinicien, des traitements dits classiques tels la D-pénicillamine, aux corticostéroïdes, et aux immunosuppresseurs ; cependant, aucun traitement n’a démontré une supériorité sur les autres ou une réelle efficacité sur l’évolution de la pathologie.

Des voies de recherche sont à l’étude avec quelques succès rapportés de façon anecdotique et dans des cas de sclérodermies particulièrement sévères avec des transplantations pulmonaires, des transplantations de moelle hématopoïétique, des perfusions de Relaxinet.

Des études, en particulier versus placebo et en double aveugle, sont encore nécessaires afin de préciser les modalités d’utilisation de ces produits et d’en déterminer l’efficacité.

Les résultats parfois discordants des études sont également liés à la difficulté de former des cohortes de patients homogènes, de taille suffisante, et à l’absence de technique d’évaluation clinique ou biologique fiable.

1- Traitements disponibles :

* Corticothérapie générale :

Traditionnellement utilisée dans la sclérodermie systémique pour ses propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices, sous forme orale ou par bolus, la corticothérapie générale est utile pour limiter l’extension cutanée de la maladie et efficace sur les manifestations articulaires ou musculaires.

L’étude de Sharada, randomisée versus placebo, rapporte l’efficacité de bolus mensuels de 100 mg de dexaméthasone sur 6 mois avec amélioration du score cutané.

Certains auteurs rapportent également une amélioration de la fonction pulmonaire après corticothérapie.

Le rôle inducteur de la corticothérapie générale, en particulier lors de l’utilisation de fortes doses, dans l’induction de la crise rénale aiguë, reste toujours discuté mais n’est pas formellement prouvé.

* Médicaments immunosuppresseurs :

Les médicaments immunosuppresseurs sont employés dans le traitement de la sclérodermie systémique en cas d’atteinte viscérale majeure.

Dans cette indication, l’azathioprine, le cyclophosphamide, le méthotrexate et la ciclosporine semblent les plus efficaces.

Cependant, les modalités d’utilisation de ces molécules sont toujours à l’étude.

Le cyclophosphamide serait particulièrement indiqué en cas d’atteinte pulmonaire et permettrait d’améliorer la fonction pulmonaire et l’espérance de vie des sujets atteints.

Il semble efficace en traitement par bolus mensuels (750 mg/m2/mois) ou par voie orale (2 à 2,5 mg/kg/j).

Son association à de la prednisolone renforcerait son efficacité. Une étude publiée en 1996 évaluant l’efficacité d’un traitement par méthotrexate 15 mg par semaine en injections intramusculaires versus placebo, en double aveugle, retrouvait une amélioration des paramètres étudiés chez les sujets traités (score cutané, DLCO et qualité de vie).

Cependant, cette efficacité n’a pas été confirmée par une seconde étude publiée en 2001 réalisée sur 12 mois et qui comparait le méthotrexate au placebo, en double aveugle, dans la même indication.

La ciclosporine est un agent immunosuppresseur dont l’action immunomodulatrice sur les fonctions lymphocytaires T et sur la production de cytokines semblait intéressante dans le traitement de la sclérodermie systémique.

Son utilisation dans cette maladie est néanmoins limitée par sa néphrotoxicité et nécessite une sélection stricte des patients qui doivent être atteints d’une sclérodermie systémique sévère et qui doivent pouvoir bénéficier d’un suivi rénal rapproché.

La ciclosporine à des doses d’environ 3 à 5 mg/kg/j semble efficace sur les lésions cutanées avec amélioration du score cutané chez les sujets traités.

Cependant, d’autres études sont nécessaires, en particulier afin d’étudier son efficacité sur les lésions viscérales.

* Médicaments vasodilatateurs :

Le buflomédil (Fonzylane) a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les manifestations cliniques du syndrome de Raynaud à raison de deux comprimés par jour.

Les antagonistes calciques sont également efficaces dans le syndrome de Raynaud.

La nifédipine (Adalate) est le seul inhibiteur calcique à avoir une AMM dans cette indication, à faibles doses : 10 mg matin, midi et soir.

Elle permet de diminuer la fréquence et la sévérité des vasospasmes au prix parfois d’effets secondaires tels que des céphalées, des oedèmes des extrémités, etc.

La nifédipine est également efficace sur l’hypertension artérielle pulmonaire à des posologies variant entre 20 et 40 mg/j.

Elle diminue les signes fonctionnels respiratoires et améliore certains paramètres hémodynamiques.

La prazosine (Minipress) a également une AMM dans le traitement symptomatique des phénomènes de Raynaud primitifs ou secondaires.

Il s’agit d’un vasodilatateur périphérique alphabloquant qui s’utilise dans cette indication à la posologie de 1 à 4 mg/j.

La trinitrine percutanée (pommade à 2 %) a également été utilisée dans le traitement des manifestations liées au syndrome de Raynaud et s’utilise en application sur les pulpes digitales deux à trois fois par jour.

Ces classes médicamenteuses sont utilisées dans les syndromes de Raynaud sévères en association avec les mesures de protection au froid.

* Analogues des prostacyclines :

L’époprosténol ou prostacycline est une substance synthétisée par l’endothélium vasculaire, vasodilatatrice, et qui possède un effet inhibiteur sur l’agrégation plaquettaire et sur l’adhésion leucocytaire à l’endothélium.

L’ilomédine (Iloprost) est un analogue de synthèse de la prostacycline ayant les mêmes propriétés.

Ces produits sont prescrits dans la sclérodermie systémique afin d’améliorer les symptômes en rapport avec le vasospasme.

Ainsi, l’ilomédine est utilisée dans les phénomènes de Raynaud sévères avec troubles trophiques en évolution.

Sa prescription, qui bénéficie d’une AMM dans cette indication, s’effectue par voie parentérale, à la posologie de 1,5 à 2 ng/kg/min avec une durée de perfusion de 6 heures, 5 jours consécutifs.

Une adaptation des posologies sur 3 jours est recommandée pour limiter les effets secondaires et améliorer la tolérance du traitement.

Ces cures doivent être répétées à intervalle de 6 à 12 semaines en fonction de la réponse clinique.

Ses effets secondaires à type d’hypertension artérielle, de céphalées, de douleurs abdominales, diarrhées ou vomissements, rendent son utilisation délicate et nécessitent une surveillance médicale hospitalière.

L’ilomédine absorbée par voie orale est, en revanche, non efficace car inactivée par le pH acide gastrique.

La prescription de prostacyclines en perfusions intraveineuses continues pourrait également avoir un intérêt dans l’hypertension artérielle pulmonaire liée à la sclérodermie en limitant les vasospasmes pulmonaires.

* D-pénicillamine : Trolovolt

La D-pénicillamine est un dérivé thiol qui inhibe la néoformation des fibres de collagène, a une action immunomodulatrice et des propriétés anti-inflammatoires. Son utilisation permettrait d’améliorer le pronostic de la maladie, en particulier en cas d’atteinte pulmonaire.

Néanmoins, ce traitement nécessite une surveillance médicale rapprochée en raison des effets secondaires potentiels à type de manifestations cutanéomuqueuses, hématologiques, rénales et dysimmunitaires.

Des études récentes ont montré une efficacité identique de la D-pénicillamine employée à faibles doses (125 mg/j) versus fortes doses (750-1 000 mg/j) sur 2 ans, mais aucune étude n’a précisé son efficacité versus placebo.

Ce traitement doit être proposé, pour être efficace, dès le début de la maladie et prolongé d’au moins 1 an.

* Calcitriol : Rocaltrol

Ce dérivé oral de la vitamine D (Rocaltrol) est proposé dans le traitement de la sclérodermie systémique en raison de ses propriétés antifibrosantes par inhibition de la prolifération fibroblastique, de la synthèse de collagène et par ses propriétés immunomodulatrices.

Certaines études ont retrouvé une efficacité du calcitriol utilisé à fortes doses, avec notamment une amélioration du score cutané dans le cas de la sclérodermie systémique.

Cependant, une étude menée récemment et contre placebo n’a pas permis de conclure formellement sur l’efficacité de cette molécule dans cette indication.

* Photothérapie :

L’UVAthérapie (UVA1), la PUVAthérapie et la balnéoPUVAthérapie sont surtout efficaces sur les atteintes cutanées de la sclérodermie systémique, en particulier dans les acroscléroses.

Elles n’ont en revanche aucune efficacité sur les atteintes viscérales de la maladie.

Ces traitements permettent d’améliorer le préjudice fonctionnel en augmentant les amplitudes articulaires au niveau des doigts.

La photothérapie agit par un phénomène d’apoptose cellulaire, en particulier au niveau des lymphocytes T impliqués dans la pathogénie de la sclérodermie systémique (effet immunomodulateur) et permet également de stimuler l’activité collagénase grâce à un effet oxydatif avec production d’oxygène singulet.

La photochimiothérapie extracorporelle peut être également utilisée dans le traitement de la sclérodermie systémique.

Son activité dans cette pathologie serait également due à ses effets immunomodulateurs, en particulier sur les lymphocytes T.

Cependant, elle ne constitue pas un traitement de première ligne de la sclérodermie, principalement en raison de son coût élevé et de l’infrastructure nécessaire.

Elle peut permettre une amélioration du score cutané mais reste surtout un traitement adjuvant aux autres traitements lorsque la maladie est évolutive et mal contrôlée.

La durée optimale de traitement serait au minimum de 18 mois, à raison de deux séances consécutives mensuelles.

* Octréotide :

L’octréotide (Sandostatine) est un analogue de la somatostatine.

Elle stimule la motilité intestinale, réduit la pullulation microbienne et améliore les signes fonctionnels intestinaux chez les patients atteints de sclérodermie systémique.

Son efficacité est prouvée pour une utilisation à court et long terme.

Son action sur les signes extradigestifs de la maladie n’a pas encore été étudiée mais elle pourrait également améliorer la symptomatologie extradigestive.

Ce produit est utilisé en injection sous-cutanée à des doses variant de 50 à 100 µg/j.

* Traitements en cours d’évaluation :

Divers traitements comme le tacrolimus, la minocycline (50 mg/j durant 1 mois puis 100 mg/j) ont ponctuellement montré un effet sur les manifestations cutanées de la maladie mais leur efficacité reste à démontrer sur de plus grandes cohortes et contre placebo.

L’intérêt de l’utilisation de l’interféron dans la sclérodermie systémique est un sujet controversé. L’interféron gamma a, in vitro, un effet inhibiteur direct sur la synthèse de collagène.

Des patients atteints de sclérodermie systémique ont obtenu une stabilisation, voire une amélioration, du score cutané avec stabilisation des lésions viscérales après traitement par interféron gamma.

L’interféron alpha semble lui inefficace dans cette pathologie.

L’utilisation de relaxine humaine recombinante de synthèse est également une perspective thérapeutique future de la sclérodermie systémique.

La relaxine est une hormone polypeptidique produite lors de la grossesse, ayant des propriétés antifibrosantes par inhibition de la synthèse de collagène.

Une étude réalisée en double aveugle versus placebo retrouve une amélioration de la souplesse cutanée et articulaire ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie chez les sujets traités par de la relaxine en injections sous-cutanées de 25 µg/kg/j durant 24 semaines avec peu d’effets secondaires (anémie, ménométrorragies).

Une équipe a effectué une transplantation pulmonaire chez neuf patients atteints de fibrose interstitielle pulmonaire ou d’hypertension artérielle pulmonaire sévère liées à la sclérodermie systémique.

Leurs patients transplantés, qui n’avaient pas d’autre atteinte viscérale de la sclérodermie, en particulier rénale, ont la même survie à 4 ans que les sujets transplantés pulmonaires pour fibrose idiopathique.

La transplantation pulmonaire pourrait ainsi être indiquée chez les patients porteurs d’une hypertension artérielle pulmonaire primitive, sévère, sans retentissement cardiaque, et non améliorée par les traitements médicamenteux.

Des tentatives de traitement par transplantation de cellules souches hématopoïétiques autologues ont été effectuées pour des sclérodermies systémiques avec atteinte pluriviscérale d’évolution récente et en impasse thérapeutique.

L’étude rapporte une amélioration des symptômes cutanés et une stabilisation de l’atteinte pulmonaire au prix cependant d’une mortalité non négligeable liée à la technique (17 % de la cohorte).

Des études réalisées sur un modèle animal de sclérodermie systémique ont montré l’intérêt de l’utilisation d’anticorps anti-TGFb pour la prévention du développement de la fibrose cutanée et pulmonaire.

Ce traitement n’est cependant pas encore à l’étude chez l’homme, mais il représente probablement une perspective thérapeutique dans les années futures.

Enfin, l’hypothèse du microchimérisme comme facteur déclenchant de la sclérodermie systémique, si elle se confirme, devrait ouvrir la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques.

2- Règles hygiénodiététiques :

Les règles hygiénodiététiques occupent une place à part entière dans le traitement de la sclérodermie systémique, en association avec le traitement médicamenteux.

Ainsi, la prise en charge d’un syndrome de Raynaud doit toujours comprendre :

– l’éviction du froid, y compris dans le milieu professionnel ;

– l’arrêt total d’une éventuelle intoxication tabagique ;

– la protection vestimentaire ;

– la prévention des microtraumatismes.

En cas d’acrosclérose, il est conseillé de prescrire au patient des séances de kinésithérapie non agressive afin de préserver les amplitudes articulaires.

Le port d’orthèses la nuit est également parfois nécessaire.

Il est important d’expliquer au patient l’intérêt d’éviter l’inhalation d’air froid par le port d’une écharpe en période hivernale afin de lutter contre le syndrome de Raynaud pulmonaire susceptible d’aggraver la fibrose interstitielle.

L’oxygénothérapie de déambulation peut également être intéressante en cas d’atteinte pulmonaire car elle permet d’améliorer les signes fonctionnels respiratoires, en particulier la tolérance à l’effort, et limite l’hypoxie.

La prise en charge des manifestations digestives de la maladie peut nécessiter l’introduction de traitements antireflux comme les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole : Mopral) ou des traitements activateurs de la motilité intestinale (cisapride : Prépulsid).

Les antibiotiques de la classe des cyclines sont utiles en cure mensuelle (10 jours par mois) dans le traitement des pullulations microbiennes intestinales fréquentes dans ce contexte.

En cas de malabsorption, le régime alimentaire doit être adapté.

Certains auteurs conseillent un apport calorique minimal de 30 kcal/kg/j avec un apport protidique de 1 g/kg/j.

Une supplémentation en vitamines et fer peut également être proposée.

Dans les cas de dénutrition extrême, une alimentation parentérale peut se révéler nécessaire et bénéfique.

La prévention de l’atteinte rénale repose sur un contrôle tensionnel strict avec, si besoin, introduction précoce d’un traitement antihypertenseur de la classe des inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

Enfin, comme dans toutes les maladies chroniques, un soutien psychologique peut être proposé aux patients.

E – FORMES PARTICULIÈRES DE SCLÉRODERMIE :

1- Sclérodermie et grossesse :

Il n’existe pas, a priori, d’augmentation du risque de complications obstétricales chez les patientes ayant une sclérodermie stable.

Cependant, la grossesse au cours d’une sclérodermie systémique doit être considérée comme étant à risque compte tenu des cas de fausse couche spontanée, de prématurité, d’hypotrophie foetale et de mortalité périnatale plus fréquents en cas de sclérodermie diffuse évolutive ou d’atteinte pluriviscérale.

De plus, la grossesse doit être contre-indiquée chez la femme atteinte d’une sclérodermie systémique avec atteinte rénale sévère compte tenu du risque d’hypertension artérielle maligne potentiellement mortelle.

Dans les autres cas, la grossesse n’est pas contre-indiquée mais doit se dérouler sous surveillance médicale étroite afin de dépister les éventuelles complications, en particulier rénales.

2- Sclérodermie de l’enfant :

Trois pour cent des cas de sclérodermie sont des cas pédiatriques et 1,5 % atteignent des enfants de moins de 10 ans.

La majorité des enfants atteints ont une sclérodermie localisée et principalement de type monomélique.

La sclérodermie localisée de l’enfant est fréquemment responsable d’impotence fonctionnelle importante.

La sclérodermie systémique est possible mais exceptionnelle avant l’âge de 5 ans.

Son tableau clinique est identique à celui de l’adulte.

Le syndrome de Raynaud est moins fréquent que chez l’adulte mais les atteintes viscérales, en particulier articulaires, digestives, rénales et pulmonaires, peuvent se rencontrer.

L’atteinte cardiaque est de mauvais pronostic.

Le traitement de la sclérodermie de l’enfant repose sur les mêmes classes médicamenteuses que chez l’adulte.

3- Sclérodermie et professions :

Plusieurs cas de sclérodermie ont été rapportés suite à l’exposition professionnelle à certaines substances.

* Silice :

Erasmus rapporte pour la première fois en 1957 la survenue de cas de sclérodermie systémique chez des ouvriers exposés à la silice (mines d’or).

Le risque de développer une sclérodermie systémique chez un sujet exposé à la silice serait multiplié par 50 par rapport à un sujet non exposé.

Le temps moyen d’exposition nécessaire à l’apparition de la maladie varie de 14 à 28 ans.

Les signes cliniques et biologiques sont superposables à ceux de la sclérodermie systémique idiopathique.

* Produits industriels :

L’exposition prolongée à des solvants chlorés (dérivés de l’éthylène), à des hydrocarbures aromatiques, à du chlorure de vinyle (utilisé dans l’industrie des matières plastiques), aux pesticides et à des résines époxy (industries des colles, vernis et peintures) est un facteur favorisant le développement de sclérodermie systémique.

4- Sclérodermies iatrogènes :

* Plasties mammaires :

Plusieurs observations rapportent la survenue de cas de sclérodermies systémiques après plasties mammaires d’augmentation par paraffine ou silicone apparaissant en moyenne dans les 12 ans après la chirurgie.

L’hypothèse pathogénique est la transformation du silicone inerte utilisé dans la prothèse en silice, après phagocytose par les macrophages.

La silice, composé hautement antigénique, serait le facteur déclenchant de la réaction auto-immune.

Cependant, les études épidémiologiques récentes ne retrouvent pas de lien significatif entre la survenue de cas de sclérodermie et les plasties mammaires d’augmentation.

Néanmoins, en France, depuis 1992, il est recommandé de ne plus utiliser de prothèses mammaires en silicone et de les remplacer par des prothèses en sérum physiologique.

Syndromes sclérodermiformes :

A – SYNDROME DES HUILES TOXIQUES :

Il s’agit d’un syndrome multisystémique décrit pour la première fois en 1981 en Espagne, lié à la consommation d’huile frelatée (huile dénaturée par de l’aniline à 2 % puis retraitée).

Le tableau clinique se déroule en deux phases.

La première phase associe un oedème pulmonaire, des myalgies, de la fièvre, des lésions cutanées à type d’exanthème polymorphe non spécifique à une hyperéosinophilie sanguine.

La deuxième phase est une phase chronique apparaissant vers le troisième mois, caractérisée par l’association inconstante d’une neuropathie périphérique à une hépatopathie, à des lésions sclérodermiformes à type de morphée ou de sclérodermie diffuse et à une hypertension artérielle pulmonaire.

La recherche d’autoanticorps est classiquement négative.

B – SYNDROME ÉOSINOPHILIE-MYALGIE ET L-TRYPTOPHANE :

Ce syndrome décrit à la fin des années 1980 est dû à l’absorption de composés contenant du L-tryptophane.

Cet acide aminé essentiel était utilisé dans la fabrication de produits préconisés comme somnifères, antidépresseurs, anorexigènes ou utilisés comme complément alimentaire par les adeptes de culture physique.

Les manifestations cliniques sont brutales.

Les myalgies sont responsables d’une impotence fonctionnelle majeure et peuvent être généralisées ou localisées à la racine des membres.

Des arthralgies sont présentes dans 70 % des cas. L’atteinte cutanée se caractérise par une induration profonde avec un aspect de « peau d’orange » proche du tableau cutané de la fasciite de Shulman.

Le tableau clinique peut ensuite se compléter par une atteinte pulmonaire, cardiaque ou digestive.

L’hyperéosinophilie sanguine est permanente, mais les anomalies immunologiques sont inconstantes et non spécifiques.

C – SYNDROME DE SHARP :

Cette connectivite mixte est une maladie associant des signes cliniques de la sclérodermie systémique, du lupus érythémateux systémique, de la polyarthrite rhumatoïde et de la dermatomyosite avec, biologiquement, des taux élevés d’anticorps anti-RNP.

D – SCLÉROMYXOEDÈME D’ARNDT-GOTTRON :

Encore appelé mucinose papuleuse, il se caractérise par des plaques formées de papules blanchâtres, érythémateuses ou couleur chair, associées à une infiltration cutanée sclérodermiforme initialement localisée aux mains et aux avant-bras, puis se généralisant ensuite.

Des atteintes viscérales, en particulier musculaires, articulaires, digestives ou neurologiques, sont possibles.

Dans la majorité des cas, il existe une immunoglobulinémie monoclonale IgG lambda associée à ce syndrome.

Le diagnostic est confirmé par l’histologie qui met en évidence des dépôts mucineux dans le derme papillaire.

E – SCLÉRÈME DE BUSCHKE :

Il se présente cliniquement comme une infiltration sclérodermiforme de la peau, débutant au cou puis s’étendant au cuir chevelu, épaules, tronc et visage.

Il peut également parfois s’associer à une gammapathie monoclonale IgG.

F – SCLÉRÈME DES DIABÉTIQUES :

D’aspect clinique identique au sclérème de Buschke, il atteint 2,5 % des diabétiques, principalement les sujets diabétiques obèses et insulinorequérents.

G – ACRODERMATITE CHRONIQUE ATROPHIANTE OU MALADIE DE PICK-HERXHEIMER :

Elle fait partie des manifestations cutanées tardives de la borréliose et s’observe principalement en zone d’endémie (Europe centrale et Est de la France).

Cliniquement, elle se traduit initialement comme une érythrocyanose avec apparition secondaire d’une atrophie dermoépidermique avec bandes scléreuses.

Le diagnostic repose sur l’anamnèse, sur une sérologie borrélienne très positive, et sur la mise en évidence de Borrelia par technique polymerase chain reaction (PCR) ou par culture à partir d’un fragment cutané.

Le traitement est l’antibiothérapie prolongée de la classe des pénicillines ou des cyclines.

H – AUTRES SYNDROMES SCLÉRODERMIFORMES :

D’autres maladies peuvent comporter des manifestations cutanées à type de sclérose dans leur description clinique :

– la MGCH, dans sa forme chronique sclérodermiforme, associe des plaques cutanées scléreuses à un aspect poïkilodermique de la peau ;

– l’amylose systémique peut comporter une atteinte sclérodermiforme des mains, du visage ou des extrémités ;

– le syndrome carcinoïde peut parfois s’associer à une sclérose cutanée ;

– la sclérose de la peau fait partie des modifications cutanées décrites dans le cadre d’un POEMS syndrome (polyneuropathie, organomégalie, endocrinopathie, gammapathie monoclonale et modifications cutanées : skin changes) ;

– certaines maladies métaboliques : phénylcétonurie, porphyrie cutanée tardive, hypothyroïdie ;

– certaines connectivites : sclérodactylie de la polyarthrite rhumatoïde ;

– les maladies génétiques : syndrome de Werner, syndrome de Cockayne, syndrome de Rothmund-Thomson ;

– certaines maladies infectieuses comme la lèpre ;

– les anomalies vasculaires comme l’hypodermite scléreuse des sujets atteints d’insuffisance veineuse sévère.

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