Scintigraphie de l’appareil locomoteur (Suite)

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Première partie

6- Ostéoarthropathie hypertrophiante (OAH) :

Scintigraphie de l’appareil locomoteur (Suite)Décrite en 1890 par Pierre Marie, l’OAH s’observe dans les pneumopathies chroniques de causes diverses et notamment les tumeurs bronchopulmonaires primitives ou secondaires, ainsi que dans les cardiopathies cyanogènes.

* Sémiologie scintigraphique :

+ Forme typique

Le tableau scintigraphique caricatural associe trois signes :

– une hyperfixation linéaire soulignant la corticale des os longs ; cette hyperfixation est plus fréquemment observée dans la zone métadiaphysaire distale que proximale ; l’épiphyse est respectée ; lorsque l’hyperfixation est intense et étendue, elle dessine une image en « rails de chemin de fer » ;

– une hyperfixation périarticulaire due à la synovite associée ;

– l’hippocratisme digital se traduisant par une hyperfixation du corps des métacarpiens, des phalanges proximales et moyennes ; c’est dire la nécessité de compléter le balayage corps entier par un cliché statique des mains à l’aide d’un collimateur très haute résolution.

+ Variantes scintigraphiques :

Une atteinte asymétrique et irrégulière des extrémités se rencontre chez approximativement 15 % des patients.

L’atteinte peut intéresser le crâne (notamment les maxillaires et la mandibule), les clavicules, les omoplates, les rotules, les calcanéus, le gril costal, la symphyse pubienne et les ailes iliaques.

L’atteinte thoracique pariétale peut prendre le pas sur l’atteinte du squelette appendiculaire.

Le rachis semble néanmoins constamment épargné par l’affection.

* Indications :

+ Sévérité :

La sévérité de l’OAH est évaluée en combinant les termes d’extension physaire (diaphyse, métaphyse, épiphyse), d’épaisseur (nombre de couches, régularité ou irrégularité) de l’hypertrophie périostée et du nombre d’os atteints (moins de 10, de 10 à 20, plus de 20).

Ces éléments tirés de l’imagerie radioscintigraphique permettent de classer l’OAH en trois stades : limité, modéré et sévère.

+ Pronostic :

Dans une étude rétrospective portant sur une cohorte de 164 patients ayant subi une scintigraphie osseuse de routine pour le bilan d’extension d’un cancer bronchique, Morgan et al identifièrent 17 % d’OAH.

Il n’y avait pas de différence de survie significative entre les deux groupes OAH positif et OAH négatif.

Le groupe OAH positif comportait une incidence supérieure de tumeurs périphériques.

+ Suivi :

Les hyperfixations reflétant l’OAH secondaire régressent au cours du premier mois si l’action thérapeutique de l’affection causale s’est avérée efficace alors que les anomalies observées sur les radiographies standards apparaissent inchangées.

7- Ostéopathies métaboliques :

S’il est vrai que le diagnostic positif se fonde sur des arguments biochimiques et des radiographies standards, la scintigraphie osseuse est indiquée :

– lorsque le diagnostic d’ostéopathie métabolique (ostéomalacie, hyperparathyroïdie) n’est évidemment pas encore connu et que le patient se plaint de douleurs ostéoarticulaires mal systématisées, pseudo-inflammatoires, en règle lombopelviennes, d’installation progressive, contrastant avec des radiographies d’aspect banal ;

– lorsque les radiographies standards révèlent des images déroutantes : fracture pathologique ou aspect pseudotumoral ;

– lorsque le diagnostic a été porté mais la scintigraphie intervient alors pour le bilan du retentissement osseux dans les formes sévères ;

– classiquement systématique dans les rares cas de suspicion d’ostéomalacie oncogénique « vraie » ;

– en cas d’association morbide avec une affection à expression osseuse (exemple : association cancer de la prostate et ostéomalacie) ;

– au cas par cas : suivi des complications ostéoarticulaires sous traitement étiologique et/ou symptomatique.

La « trop belle image » scintigraphique ou super bone scan est un aspect qui est commun à la grande majorité des ostéopathies métaboliques.

La sémiologie en est la suivante :

– hyperfixation diffuse des os longs ;

– hyperfixation diffuse du squelette axial ;

– hyperfixation périarticulaire ;

– hyperfixation de la voûte crânienne ou du maxillaire inférieur ;

– hyperfixation en « chapelet » des jonctions chondrocostales ;

– sternum en « cravate » ;

– images rénales atténuées ou quasi absentes, faible activité du contenu vésical et des tissus mous.

Fait important, l’aspect des anomalies est régulier et leur répartition symétrique.

Cela permet le diagnostic différentiel avec les lésions métastatiques ostéomédullaires diffuses. Parmi les causes le plus fréquemment retrouvées, on peut citer l’hyperparathyroïdie et l’ostéomalacie.

En revanche, l’ostéoporose s’accompagne en règle d’une hypofixation squelettique généralisée sur laquelle apparaissent les hyperfixations liées aux complications comme les tassements vertébraux.

C – PROTHÈSES :

L’aspect scintigraphique des prothèses doit être bien connu, compte tenu du nombre croissant de patients porteurs de prothèse, que l’examen soit prescrit en raison d’une pathologie générale ou locale intéressant le reste du squelette ou, a fortiori, qu’il soit prescrit pour une douleur attribuée à la prothèse.

1- Prothèse de hanche :

* Aspect normal :

Le premier signe qui permet de reconnaître la prothèse lorsqu’elle n’a pas été signalée est l’absence de toute fixation sur la région du col et de la tête fémorale, ainsi que sur la zone correspondant à la tige d’insertion diaphysaire.

Lorsque la pose de la prothèse est récente, une hyperfixation est volontiers observée, principalement dans la région cotyloïdienne, sur le grand trochanter et à l’extrémité inférieure de la tige fémorale.

La durée de cette hyperfixation est variable, rarement inférieure à 6 mois, elle peut se prolonger jusqu’à 12 mois, voire plus rarement pendant 2 ans.

Ces fixations sont plus prolongées lorsqu’il s’agit de prothèses sans ciment qui provoquent une réaction osseuse plus marquée.

Cet aspect d’hyperfixation rend difficile l’appréciation d’une éventuelle pathologie associée pendant les 2 premières années qui suivent l’intervention.

* Complications :

L’apparition d’une douleur chez un patient porteur d’une prothèse fait suspecter une complication qui, si elle n’est pas élucidée par les radiographies, peut conduire à la réalisation d’une scintigraphie.

Ces complications peuvent être un descellement, une infection, une fracture de fatigue, des ossifications périarticulaires, une algodystrophie.

Le problème le plus fréquemment posé est celui d’un descellement et/ou d’une infection.

Pour étudier les complications des prothèses de hanche, une scintigraphie osseuse en trois phases est nécessaire.

La scintigraphie est généralement positive en cas de descellement ou d’infection et les anomalies consistent en une hyperfixation diffuse ou localisée autour de la prothèse au temps osseux sur les images tardives.

L’hyperfixation est volontiers plus importante en cas d’infection.

Sur les clichés précoces, au temps angiographique et à la phase tissulaire, un descellement ne donne en général pas de signe alors qu’une infection se révèle par une hyperfixation dans plus de 80 % des cas.

La sensibilité de cette exploration ne doit pas masquer cependant une faible spécificité : en particulier, dans la première année qui suit la chirurgie, une hyperfixation est habituelle.

De plus, l’existence d’une infection reste très difficile à affirmer sur la scintigraphie osseuse simple.

C’est la raison pour laquelle, lorsque la question se pose, il est plus utile de réaliser la scintigraphie en utilisant des radiopharmaceutiques spécifiques de l’inflammation ou de l’infection.

Dans cette indication, le gallium 67 montre théoriquement, en cas d’infection, des foyers d’hyperfixation plus intenses et/ou plus étendus comparativement au radiopharmaceutique ostéotrope.

Aujourd’hui, lorsqu’il existe une suspicion d’infection, on utilise plus volontiers la scintigraphie aux polynucléaires marqués in vitro au 99mTc-hexa-méthyl-propyl-amine-oxime (HMPAO).

L’accumulation des polynucléaires dans le foyer infectieux doit être différenciée de la présence normale des leucocytes dans les zones de moelle osseuse active.

Pour reconnaître ces zones médullaires actives, notamment sur les os remaniés par l’intervention chirurgicale, on dispose d’un agent qui permet de visualiser la moelle osseuse : les colloïdes marqués au 99mTc.

La comparaison entre les zones de fixation des colloïdes et des leucocytes marqués permet de déterminer celles qui correspondent à la moelle osseuse, fixant les deux radiopharmaceutiques, des foyers infectieux qui fixent uniquement ou très préférentiellement les leucocytes.

C’est le moyen qui apparaît aujourd’hui le plus approprié dans les cas difficiles de recherche d’infection sur prothèse.

2- Prothèse de genou :

Les remarques ci-dessus qui concernent les prothèses de hanche restent valables pour la prothèse de genou mais, dans ce cas, il faut savoir que l’hyperfixation postopératoire est plus intense et plus prolongée que dans le cas de la hanche.

Cet aspect est en outre plus marqué pour le composant tibial que pour le composant fémoral.

L’interprétation des anomalies scintigraphiques n’en est que plus difficile, en particulier dans les 2 premières années qui suivent la chirurgie.

La recherche d’infection dans des cas particuliers avec les radiopharmaceutiques spécifiques dont on dispose (polynucléaires marqués, colloïdes) reste cependant utile.

D – OSSIFICATIONS HÉTÉROTOPIQUES :

La phase de maturation des ostéomes périarticulaires, qui dure en général de 6 mois à 1 an, peut s’étendre jusqu’à 5 ans.

La scintigraphie montre une fixation élevée du radiopharmaceutique sur l’os en formation.

Le risque de récidive après résection chirurgicale de ces ostéomes est très réduit si l’intervention est réalisée après la phase de maturation.

La scintigraphie semiquantitative est donc parfois utilisée pour apprécier l’activité ostéoblastique de l’ostéome.

E – INFECTIONS :

1- Généralités :

En dehors des infections sur prothèse et du problème de l’ostéomyélite de l’enfant, la recherche d’infection ostéoarticulaire par les techniques scintigraphiques est devenue plus rare de nos jours en raison de la place prise par le scanner et l’IRM.

La scintigraphie osseuse est très sensible pour détecter les foyers d’infection osseuse mais son manque de spécificité conduit souvent à compléter l’exploration scintigraphique par d’autres radiopharmaceutiques comme le gallium ou les polynucléaires marqués au 99mTc-HMPAO.

C’est par la confrontation entre la scintigraphie osseuse et la scintigraphie au gallium dans certains cas ou de la scintigraphie aux polynucléaires et aux colloïdes dans d’autres cas, que la spécificité peut être améliorée.

Les scintigraphies qui sont prescrites pour la recherche de foyers infectieux sont rarement demandées afin d’établir un diagnostic positif en cas de suspicion, mais plutôt pour orienter les recherches dans le cas où la localisation n’est pas connue ou pour compléter les investigations en recherchant d’autres localisations lorsqu’un premier foyer a été diagnostiqué.

Les infections sont aujourd’hui plus volontiers explorées par l’IRM et par le scanner qui sert en outre de repérage pour ponctionner le foyer infectieux.

En cas d’atteintes pouvant intéresser plusieurs étages, la scintigraphie garde son intérêt pour orienter les investigations si elle met en évidence d’autres foyers hyperfixants.

2- Sacro-iliaques :

La recherche de sacro-iliite infectieuse est une bonne indication de la scintigraphie osseuse, car les signes radiologiques initiaux manquent souvent et la suspicion clinique peut alors être confortée par la scintigraphie.

En effet, l’atteinte étant le plus souvent unilatérale, l’asymétrie de fixation des sacro-iliaques est facile à apprécier.

L’hyperfixation de l’articulation atteinte est en général également visible sur l’incidence antérieure.

3- Ostéomyélite chronique :

De diagnostic difficile, l’ostéomyélite chronique nécessite souvent de recourir à des explorations complémentaires autres que la radiographie.

Comme pour les autres diagnostics d’infection osseuse, la scintigraphie est très sensible et très peu spécifique.

Les foyers d’ostéomyélite chronique donnent une hyperfixation du radiopharmaceutique liée à l’activité métabolique du tissu osseux autour de l’infection chronique.

Cette hyperfixation peut persister plusieurs mois après traitement efficace de l’ostéomyélite.

La scintigraphie osseuse est donc intéressante pour sa valeur prédictive négative qui permet, en cas de fixation normale, d’écarter le diagnostic.

Elle ne peut cependant, en cas d’hyperfixation, être utilisée pour apprécier l’évolutivité des lésions.

Le recours à d’autres radiopharmaceutiques tels que le gallium permettrait, pour certains auteurs, de préciser si l’ostéomyélite est active.

Le cas particulier du pied diabétique appelle les mêmes remarques : une absence d’hyperfixation permet en pratique d’éliminer une atteinte osseuse, mais une scintigraphie positive ne permet pas de faire la différence entre l’atteinte osseuse de la neuroarthropathie et une atteinte infectieuse.

F – TUMEURS BÉNIGNES :

1- Ostéome ostéoïde :

Certaines tumeurs primitives des os situées sur les os du carpe, du tarse, sur le fémur proximal ou les vertèbres peuvent être difficiles à identifier sur les radiographies.

La scintigraphie osseuse est extrêmement utile, aussi bien pour l’ostéome ostéoïde que pour l’ostéoblastome, en montrant, avec une sensibilité proche de 100 %, un foyer localisé d’hyperfixation très intense.

Du fait de l’hypervascularisation de la tumeur, l’hyperfixation est déjà visible aux temps angiographique et tissulaire.

Ces caractéristiques scintigraphiques sont couramment exploitées pour contrôler en peropératoire la localisation de la lésion à l’aide d’une sonde de détection, puis pour s’assurer que toute la zone hyperfixante est bien comprise dans le tissu qui a été réséqué.

2- Dysplasie fibreuse :

La dysplasie fibreuse peut intéresser un seul os (de 70 à 80 % des cas), plusieurs os ou la totalité du squelette.

Les radiographies permettent en règle d’évoquer fortement le diagnostic en montrant le tissu fibreux sous forme d’une lésion radiotransparente et les trabéculations d’os néoformé de densité variable.

Dans ce tableau, la scintigraphie osseuse peut être concernée à deux titres :

– elle peut mettre en évidence de façon fortuite une dysplasie fibreuse, qui apparaît sous la forme d’une hyperfixation due à l’activité ostéoblastique ; le diagnostic différentiel dépend de l’étendue et de la localisation et inclut notamment la maladie de Paget ;

– elle peut être utilisée pour préciser quelles sont les atteintes et montrer par exemple une forme polyostotique quand une seule localisation est initialement connue ; cependant, il faut savoir qu’un certain nombre de lésions radiologiquement évidentes d’aspect kystique ne montrent pas d’hyperfixation.

Pathologie maligne :

A – TUMEURS MALIGNES PRIMITIVES DE L’OS :

1- Ostéosarcome :

L’ostéosarcome est la plus fréquente des tumeurs malignes primitives de l’os (30 %) et touche, dans plus de 75 % des cas, l’enfant et l’adolescent.

Le diagnostic est évoqué sur la clinique et la radiographie, puis confirmé par la biopsie.

La place de la scintigraphie dans cette affection est donc limitée et se justifie essentiellement dans le cadre du bilan d’extension.

Elle est utile pour dépister une dissémination métastatique sur le squelette : ces métastases osseuses sont rares au moment du diagnostic initial mais peuvent apparaître au cours de l’évolution et sont alors démontrées très précocement par la scintigraphie.

Les métastases pulmonaires sont plus fréquentes et sont visibles sur la scintigraphie osseuse (balayage corps entier complété par une TEMP thoracique) dans un certain nombre de cas en raison de la production de tissu osseux par les foyers métastatiques.

2- Sarcome d’Ewing :

Comme pour l’ostéosarcome, l’intérêt de la scintigraphie osseuse consiste essentiellement à dépister les localisations métastatiques sur le reste du squelette.

B – MÉTASTASES OSSEUSES :

Le squelette est le troisième site le plus fréquemment atteint par les métastases, dépassé seulement par le poumon et le foie.

À court ou moyen terme, cet événement expose aux risques de douleur osseuse, de fracture pathologique, de compression médullaire et d’hypercalcémie.

1- Métastases multiples :

Le tableau scintigraphique typique est donné par la présence de lésions multiples, distribuées de façon aléatoire, concentrées de manière prédominante, sinon parfois exclusive, au squelette axial.

Sur le squelette appendiculaire, les métastases osseuses s’implantent avec prédilection à la métaphyse proximale des humérus et des fémurs.

L’atteinte des os longs distaux est nettement plus rare.

L’atteinte des petits os des extrémités (mains, pieds) est exceptionnelle.

L’aspect typique est celui de multiples foyers hyperfixants mais, dans un certain nombre de cas, les localisations osseuses sont hypofixantes et les deux formes hyper- et hypofixantes peuvent coexister chez le même patient.

2- Métastase solitaire :

Approximativement 15 % des patients comptant un antécédent de cancer présentent une anomalie de fixation isolée à la scintigraphie osseuse.

Les arguments orientant vers une origine métastatique de l’anomalie sont de plusieurs ordres.

Chez l’adulte, l’anomalie de fixation métastatique siège préférentiellement aux dépens du squelette axial, riche en moelle hématopoïétique.

Le rachis dorsolombaire est majoritairement affecté, approximativement dans 50 % des métastases isolées, suivent ensuite, par fréquence décroissante, le gril costal (20 %), la ceinture pelvienne (15 %) et le sternum (10 %).

La localisation intraosseuse est également un critère à retenir : les localisations métastatiques du rachis intéressent préférentiellement le corps vertébral (mur postérieur) et le pédicule.

Les métastases des os longs sont métaphysodiaphysaires.

Le type de l’anomalie scintigraphique observée peut être déterminant pour son identification : une hyperfixation simple en foyer ne peut être considérée comme suspecte que lorsqu’elle est localisée en pleine pièce osseuse, à distance de toute articulation (exemple : diaphyse fémorale) ; une hypofixation osseuse à l’emporte-pièce fait redouter une métastase lytique agressive (pas de réaction d’ostéocondensation périlésionnelle) ; enfin une image mixte, comme l’aspect en « cocarde » défini par une lacune de fixation cernée par un liseré hyperfixant ou, a fortiori, réalisant un aspect plus complexe, est hautement suspecte.

La scintigraphie osseuse est plus sensible que les radiographies standards dans la détection des métastases osseuses.

Mais, en raison d’une spécificité moindre, toute hyperfixation de signification litigieuse impose d’être radiographiée.

Si les radiographies s’avèrent à leur tour négatives ou non concluantes, une tomodensitométrie (TDM) ou une IRM doit être entreprise.

Si ces dernières explorations se révèlent non concluantes, une biopsie à l’aiguille peut être légitime.

Le cas particulier de l’hyperfixation solitaire représente probablement l’aspect de la plus faible spécificité.

Tumeh indique que 90 % des hyperfixations du gril costal sont bénignes chez les patients suivis pour un cancer.

Selon la même équipe, chez les patientes aux antécédents de cancer du sein, une hyperfixation isolée du sternum revêt une probabilité de malignité supérieure à 80 %.

Cette prévalence élevée est la conséquence d’un envahissement du cancer du sein par voie lymphatique.

3- Oligométastases régionales :

L’extension de la tumeur à l’os peut se produire de manière prédominante ou exclusive en une région du squelette.

Ce type d’extension peut être aussi bien la conséquence de métastases provenant d’une tumeur primitive à distance que l’invasion directe d’une tumeur primitive siégeant dans des tissus mous adjacents à la région osseuse métastatique.

L’extension de la tumeur à une seule région du squelette se rencontre avec plusieurs tumeurs primitives.

Une telle expression de l’atteinte métastatique peut précéder de plus de 5 ans l’identification de métastases éloignées.

Un envahissement régional du gril costal par un cancer primitif des bronches provient souvent d’une invasion directe de l’os à partir de la tumeur primitive voisine.

Le syndrome de Pancoast et Tobias constitue un cadre clinique particulier où les trois premières côtes et les vertèbres correspondantes peuvent être attaquées par une infiltration néoplasique.

Le premier primitif en cause en est le cancer bronchique non à petites cellules.

La scintigraphie osseuse montre alors en règle une hypofixation de la côte lysée, équivalent scintigraphique de la « côte fantôme » radiologique.

Parfois, c’est une image mixte, hypofixation bordée d’une hyperfixation, qui est individualisée.

Certaines tumeurs primitives localisées dans la cavité pelvienne envahissent l’os par extension directe ; c’est le cas des tumeurs du sigmoïde et du rectum.

La détection d’un envahissement osseux par un sarcome des tissus mous assombrit le pronostic et modifie l’approche thérapeutique.

4- Pièges :

Lorsque la maladie métastatique implique l’os sous la forme d’hyperfixations multifocales, son identification est aisée.

Cependant, plusieurs aspects scintigraphiques sont trompeurs et méritent d’être soulignés.

Le premier d’entre eux est l’hypofixation isolée, difficile à repérer, surtout lorsque la fixation globale sur le squelette n’est pas très importante.

Le second est représenté par l’hyperfixation diffuse ou super bone scan et le troisième est l’aspect post-thérapeutique d’aggravation des lésions ou flare phenomenon.

* « Super bone scan » :

Lorsque les métastases deviennent confluentes, elles peuvent être plus difficiles à reconnaître sur la scintigraphie osseuse.

Ce cas de figure se traduit par le tableau scintigraphique dit de super bone scan ou « trop belle image ».

La scintigraphie osseuse montre une hyperfixation diffuse intéressant le squelette axial, c’est-à-dire la cage thoracique, le rachis cervico-dorso-lombaire, la ceinture pelvienne.

La métaphyse supérieure des humérus et des fémurs est également impliquée.

A contrario, le squelette appendiculaire (humérus, radius, mains, genoux, tibias, péronés, pieds et fréquemment le crâne) apparaît relativement hypofixant (sink effect).

Le super bone scan est également caractérisé par des anomalies extraosseuses : la fixation par les tissus mous est abolie, et les reins et la vessie sont peu ou non visibles.

L’image d’allure globalement symétrique obtenue sur les clichés de balayage corps entier ne doit pas en imposer pour une scintigraphie normale.

Ces erreurs par omission sont à l’origine des observations cliniques publiées de faux négatifs.

C’est pourquoi l’analyse qualitative des clichés de balayage du corps entier doit être doublée d’une analyse semi-quantitative rudimentaire ; les taux de comptage total obtenu en face antérieure et en face postérieure (affichés sur les clichés) sont de l’ordre de 1,5 à 2 fois la normale.

En cas de doute, et pour faire la différence avec une ostéopathie métabolique qui donne des signes voisins, il faut rechercher une hétérogénéité ou une asymétrie de la fixation des métaphyses proximales des humérus et des fémurs, du gril costal et du sacrum ; ce dernier peut se révéler anormalement riche en détails anatomiques (trous sacrés), normalement non ou peu reconnaissables.

* « Flare phenomenon » :

Dans les mois qui suivent la mise en route d’un traitement antinéoplasique, alors que l’on constate une amélioration clinique, la scintigraphie osseuse peut montrer une aggravation des signes sous la forme d’une augmentation de la fixation des métastases connues et même de l’apparition de nouveaux foyers de fixation.

Cette symptomatologie peut être une des manifestations de l’embrasement thérapeutique (flare phenomenon), syndrome classiquement pourvoyeur de « faux positifs » scintigraphiques.

Le mécanisme incriminé du flare scintigraphique est l’augmentation de l’activité ostéoblastique des zones d’ostéolyse tumorale dont la colonisation métastatique a été éradiquée par le traitement.

À l’aide de la scintigraphie osseuse dynamique, Sundkvist a démontré que cet accroissement d’activité ostéoblastique était logiquement accompagné d’une probable augmentation du débit sanguin osseux local.

La visualisation des foyers d’hyperfixation apparemment supplémentaires correspond en réalité à des lésions préexistantes passées inaperçues en raison de l’absence de réaction ostéoblastique.

Le flare a été décrit pour des métastases osseuses provenant de tumeurs malignes très diverses (prostate, sein, poumon, ostéosarcome, lymphome), en réaction à diverses options thérapeutiques, notamment la chimiothérapie et l’hormonothérapie.

Cette accentuation des hyperfixations concernerait entre 15 et 30 % des patients. Les patients dont la scintigraphie osseuse montre un flare ont un pronostic analogue à ceux dont la scintigraphie objective une amélioration sans flare.

Le risque d’assimiler le flare à une progression métastatique est de modifier le traitement de façon intempestive.

Programmer la scintigraphie osseuse de contrôle au sixième mois permet d’éviter ces difficultés d’interprétation car, au-delà de ce délai, une accentuation des foyers préexistants ou une apparition de nouveaux foyers sur la scintigraphie osseuse signe une progression métastatique.

Cependant, une scintigraphie osseuse précoce (avant 6 mois) peut s’avérer nécessaire.

En ce cas, la distinction entre flare et progression métastatique repose sur un faisceau d’arguments : l’état clinique (amélioration ou détérioration de l’état général), l’aspect des radiographies standards (recalcification ou aggravation de l’ostéolyse), l’évolution des taux circulants des marqueurs tumoraux (prostate specific antigen [PSA], antigène carcinoembryonnaire, CA 15-3) et la cinétique comparative des paramètres d’ostéoformation (phosphatases alcalines osseuses) et d’ostéorésorption (pyridinoline, déoxypyridinoline, télopeptides C- et N-terminal du collagène de type I).

Il est parfois nécessaire de recourir à l’IRM qui montre une disparition de l’infiltration métastatique ostéomédullaire en cas de flare.

C – INDICATIONS DE LA SCINTIGRAPHIE OSSEUSE EN ONCOLOGIE :

1- Si le cancer est connu :

La scintigraphie contribue à déterminer l’extension de la maladie, que ce soit à la phase initiale ou lors du suivi.

* Bilan d’extension initial :

La scintigraphie est proposée tout d’abord dans le bilan d’extension initial de la maladie pour tous les cancers susceptibles de donner des métastases osseuses : les cancers de la prostate et du sein en représentent les indications les plus fréquentes.

Pour le cancer de la prostate, une majorité d’études rétrospectives et prospectives suggèrent qu’une scintigraphie osseuse est superflue dans le bilan initial d’un cancer nouvellement diagnostiqué si le taux sanguin circulant de PSA se situe en dessous d’une valeur-seuil.

Cette valeur-seuil est comprise entre 10 et 20 ng/mL.

Cette stratégie d’indication de la scintigraphie osseuse de référence conditionnée par le taux sérique d’un marqueur tumoral est toutefois contestée sur divers arguments.

Le désaccord porte sur la valeur prédictive négative, estimée insuffisamment élevée, pour un seuil choisi à 20 ng/mL.

La nécessité d’obtenir une scintigraphie osseuse de référence est défendue par certaines équipes dans cette population de patients, en règle âgés, atteints fréquemment d’arthropathies dégénératives axiales ou périphériques et, moins fréquemment, de maladie de Paget.

Certains adénocarcinomes se propagent ou récidivent selon un mode essentiellement locorégional.

Les mécanismes font intervenir les voies sanguine et lymphatique ; plus rarement, il s’agit d’un envahissement direct par la tumeur primitive.

Obéissent à cette règle les tumeurs de la sphère oto-rhino-laryngologique (propagation au massif facial), les cancers colorectaux (propagation au plan sacrococcygien), les tumeurs bronchiques primitives périphériques (propagation aux éléments de la paroi thoracique : côtes, omoplate, rachis dorsal).

Le recours à la scintigraphie osseuse est d’autant plus précieux que les localisations métastatiques aux os plats (côtes, sternum, omoplates) de la cage thoracique sont notoirement méconnues par les radiographies standards.

* Au cours de l’évolution :

On a de nouveau recours à la scintigraphie osseuse si apparaissent des signes faisant évoquer des localisations secondaires osseuses chez un patient qui en était préalablement indemne, par exemple :

– apparition de douleurs osseuses ; une méta-analyse a conclu à l’intérêt de la TEMP rachidienne dans l’exploration de douleurs dorsales apparaissant dans le sous-groupe des patients comptant un antécédent néoplasique ;

– évaluation d’une ascension inexpliquée d’un marqueur tumoral ; à l’opposé, chez un(e) patient(e) asymptomatique, un taux circulant se maintenant de manière stable au-dessous du seuil de coupure est hautement prédictif d’une scintigraphie osseuse négative pour les cancers de la prostate et du sein, et la scintigraphie n’est pas utile dans ce cas.

* Guide pour la biopsie ou l’exérèse :

L’indication d’une biopsie, orientée par la scintigraphie, se pose dans deux situations bien différentes.

– Une scintigraphie osseuse est réclamée pour une surveillance d’un cancer traité ou encore pour un motif non carcinologique (suspicion de fracture de fatigue par insuffisance osseuse) chez un patient comptant comme antécédent un cancer considéré comme « guéri ».

L’examen découvre un foyer hyperfixant franc en pleine pièce osseuse.

L’anomalie est isolée et les radiographies standards sont normales.

Il est alors primordial de s’assurer qu’il ne s’agit ni d’un artefact, ni d’une variante normale de la scintigraphie osseuse et qu’il n’existe aucun antécédent traumatique.

Si le cancer est réputé ostéophile à risque de récidive tardive (exemples : sein, rein, thyroïde), l’indication d’une biopsie peut être posée afin de connaître la nature métastatique ou non de la lésion.

– Une scintigraphie osseuse est réclamée dans le cadre du bilan d’extension de métastases, viscérales ou osseuses, d’un primitif de siège indéterminé.

Le but de la scintigraphie osseuse est de localiser des lésions atteignant des sites osseux accessibles et commodes pour effectuer un geste biopsique (exemples : sternum, rachis, sacroiliaque, crête iliaque) afin d’obtenir une orientation anatomopathologique.

* Évaluation pronostique :

Pour contribuer à évaluer le pronostic, certains proposent de quantifier l’extension des lésions métastatiques.

L’importance de la masse tumorale osseuse peut être ainsi évaluée de façon semiquantitative au moyen de scores popularisés par Soloway dans le cancer de la prostate et par Citrin dans le cancer du sein.

L’évolutivité (ou activité) métabolique des sites métastatiques du cancer de la prostate a été étudiée par Drelichman et al.

La topographie des atteintes revêtirait également un intérêt pronostique indépendant de la masse tumorale osseuse : la présence de métastases osseuses périphériques contribue à diminuer significativement la durée de vie des patients porteurs d’un cancer de la prostate et la présence de métastases osseuses en aval de la charnière lombosacrée expose les patientes atteintes d’un cancer du sein au risque de métastases viscérales significativement plus qu’en amont de la charnière.

Par ailleurs, la localisation des foyers permet d’attirer l’attention sur le risque de complications liées à la présence des métastases comme les fractures pathologiques ou les compressions médullaires, et de prendre les mesures appropriées pour les prévenir.

2- Si le cancer n’est pas connu :

La scintigraphie est indiquée lorsqu’on suspecte des métastases osseuses et les principaux tableaux sont les suivants :

– patients âgés présentant des symptômes ostéoarticulaires inexpliqués d’apparition récente ;

– découverte d’une image radiographique suspecte de malignité ;

– ascension d’un marqueur tumoral demandé en dépistage ; l’exemple-type est la découverte d’un taux de PSA supérieur à 10 ng/mL lorsque le dosage a été demandé à titre systématique chez un homme âgé de plus de 50 ans strictement asymptomatique.

3- Conclusion :

La scintigraphie osseuse conserve un rôle prépondérant dans les stratégies diagnostique et thérapeutique des cancers ostéophiles.

L’optimisation des rapports coût/efficacité et coût/bénéfice a conduit à la codification de telles stratégies.

L’insertion de la scintigraphie osseuse dans un arbre de décision où figurent les marqueurs tumoraux sériques et les explorations radiologiques (IRM) lui a fait perdre le caractère systématique de sa prescription.

L’amélioration de la sensibilité et de la spécificité de la technique implique un large recours aux incidences « anatomiques » et à la TEMP.

D – MYÉLOME :

Les signes scintigraphiques sont variables et l’image scintigraphique peut en particulier être normale.

Il n’en demeure pas moins que cette hypothèse est parfois soulevée à la scintigraphie.

Ils peuvent prendre l’aspect d’une hyperfixation focale solitaire ou d’hyperfixations multiples (gril costal, rachis), mais d’autres aspects sont possibles :

– une hypofixation focale solitaire (cernée par un liseré hyperfixant, plus rarement pure, à l’« emporte-pièce », d’aspect « soufflé ») ;

– une hétérogénéité de fixation d’une pièce osseuse ;

– des hyperfixations et hypofixations associées multifocales (aspect « pseudométastatique ») ;

– une hyperfixation squelettique diffuse (aspect de super bone scan pur ou dégradé) ;

– une hyperfixation extraosseuse.

Il faut souligner que, si une scintigraphie osseuse en trois phases de la région douloureuse a été effectuée, elle révèle en règle une hyperhémie, quelle que soit l’anomalie observée sur les images tardives (hypofixation, hyperfixation, fixation hétérogène).

Pédiatrie :

Les applications de la scintigraphie osseuse en pédiatrie méritent un développement particulier, d’une part parce que les explorations doivent y être conduites de façon adaptée et, d’autre part, parce que la pathologie étudiée est propre à cet âge et que les images normales diffèrent de celles des adultes.

A – ASPECTS TECHNIQUES :

Dans le but de minimiser l’irradiation des jeunes patients, les doses administrées sont adaptées en fonction du poids des sujets (10 MBq/kg).

La scintigraphie en deux (plutôt que trois) phases peut être pratiquée chez l’enfant.

L’une des principales difficultés à surmonter est d’obtenir une sédation suffisante des enfants pour que les images obtenues soient de bonne qualité.

Un personnel entraîné, une présence rassurante à proximité et divers petits moyens permettent en général d’obtenir le résultat escompté sans avoir recours à des traitements complémentaires.

Chez le très jeune enfant, il est parfois utile de disposer d’une perfusion pour faciliter la voie d’abord lors de l’injection et d’administrer une prémédication.

Chaque vue est acquise en un temps assez court (quelques minutes) mais suffisant pour obtenir une image interprétable.

La durée d’acquisition est cependant beaucoup plus longue si l’on souhaite effectuer une tomographie (single photon emission computed tomography).

L’enregistrement des images corps entier est plus rapide du fait de la petite taille de l’enfant.

L’exigence de la résolution est ici maximale et l’on est souvent amené à compléter les images obtenues avec le collimateur habituel à haute résolution par des images agrandies, montrant plus finement les détails, qui sont obtenues avec les collimateurs pin-hole.

La principale différence entre la scintigraphie osseuse de l’adulte et celle de l’enfant est l’existence chez ce dernier d’une hyperfixation des cartilages de conjugaison, qui apparaissent dans la région métaphysaire des os longs sous forme de bandes d’hyperfixation linéaires lorsque l’incidence est bien perpendiculaire à cette région.

Cette hyperfixation diminue progressivement avec l’âge mais peut rester visible, notamment pour le fémur distal et le tibia proximal, jusqu’à la vingtième année.

L’aspect scintigraphique ne peut être utilisé pour évaluer l’âge osseux ; la scintigraphie peut montrer la persistance d’une activité des cartilages de conjugaison après leur disparition radiologique.

B – INDICATIONS :

1- Traumatismes :

Il est rare que l’on ait recours à la scintigraphie osseuse chez l’enfant pour les cas habituels de fractures : les anomalies scintigraphiques des foyers de fracture sont quasi constantes à partir de la 24e heure.

Cette exploration peut donc être utile dans les cas où le diagnostic radioclinique est incertain.

C’est le cas des fractures occultes du jeune enfant d’âge préscolaire qui se manifestent par des troubles de la marche et qui peuvent intéresser le tibia ou les os du tarse (calcanéus, cuboïde).

Ces fractures sont difficiles à voir sur les radiographies : l’hyperfixation de la scintigraphie permet de les mettre en évidence et les images obtenues au pin-hole précisent la localisation sur les os du tarse.

C’est le cas également de fractures de fatigue qui peuvent survenir chez les adolescents ou préadolescents.

Si les radiographies sont le plus souvent éloquentes dans les grades 3 et 4, elles sont le plus souvent négatives dans les grades 1 (96 %) et 2 (75 %).

2- Syndrome des enfants battus :

Dans cette pathologie, le dépistage et le bilan des fractures sont essentiels et de nombreuses études démontrent l’intérêt d’associer la scintigraphie osseuse pour établir un bilan précis.

Les enfants qui sont l’objet de ces violences ont le plus souvent moins de 3 ans et sont soumis à des traumatismes particuliers.

Les lésions qui en résultent, apparaissant sous forme de foyers d’hyperfixation à la scintigraphie, ont des caractéristiques propres : les atteintes multiples des côtes, foyers superposés verticalement, sont souvent symétriques et siègent dans la région pararachidienne ou le long des jonctions chondrocostales, ainsi que dans la région axillaire.

Sur les membres, les localisations diaphysaires multiples des lésions périostées sont très évocatrices sinon pathognomoniques de ce syndrome : le seul diagnostic différentiel qui est évoqué dans la littérature est l’ostéogenèse imparfaite.

Afin de bien préciser d’éventuelles lésions des régions métaphysaires, des agrandissements au pin-hole peuvent être nécessaires.

Les études comparant les résultats obtenus en radiologie et en scintigraphie montrent que cette dernière est plus sensible et dépiste de 25 % à 50 % de lésions supplémentaires.

Les rares faux négatifs de la scintigraphie concernent surtout les lésions du crâne.

Une scintigraphie négative rend donc très peu probable le diagnostic et, au contraire, les éventuelles lésions sont dépistées avec le maximum de sensibilité.

3- Maladie de Legg-Calvé-Perthes :

Alors que les signes radiologiques n’apparaissent qu’après 4 à 6 semaines d’évolution de la nécrose avasculaire de l’épiphyse fémorale, la scintigraphie est précocement positive.

Le signe le plus précoce est une hypofixation de tout ou partie de la tête fémorale témoignant de sa dévascularisation ; il apparaît plusieurs semaines avant les signes radiologiques.

La sensibilité de la scintigraphie rapportée dans la plupart des études est voisine de 95 %, de même que la spécificité.

Au cours de l’évolution, dans les mois qui suivent, la scintigraphie montre les signes de la revascularisation de la tête fémorale qui ont été bien étudiés par Conway : une « recanalisation » se manifeste par une colonne latérale de fixation du traceur à la partie externe de la tête fémorale.

Dans les cas moins favorables, la revascularisation est plus tardive et les modifications radiologiques sont plus marquées : une néovascularisation se forme à partir de la région du cartilage de conjugaison, qui prend ultérieurement sur la scintigraphie un aspect en dôme (en champignon).

L’évolution peut alors s’étendre sur plusieurs années.

Le diagnostic différentiel est celui qui peut se poser avec d’autres causes de douleur de hanche chez l’enfant, et notamment la synovite transitoire dans laquelle la scintigraphie est normale ou peut montrer une discrète fixation périarticulaire.

L’arthrite septique survient dans un contexte différent.

La dysplasie de Meyer fait aussi partie des diagnostics différentiels, mais l’atteinte est dans ce cas le plus souvent bilatérale.

La scintigraphie osseuse est donc un examen très sensible et spécifique dans cette pathologie, mais sa place par rapport à l’IRM, qui est de plus en plus utilisée dans cette indication, reste à définir : les sensibilités seraient voisines ; l’étude anatomique précise des lésions est plus fine avec l’IRM ; la revascularisation est mieux appréciée par la scintigraphie.

4- Ostéomyélite :

L’ostéomyélite aiguë touche dans 75 % des cas la métaphyse.

Elle peut être uni- ou multifocale.

Le diagnostic et le traitement précoces sont essentiels pour prévenir les séquelles.

En cas de suspicion d’ostéomyélite, lorsque les radiographies sont négatives, la scintigraphie osseuse en deux ou trois phases est une exploration très sensible (de 87 à 95 % suivant les études), quel que soit le site de l’infection.

Pour atteindre une telle sensibilité, la technique doit cependant être rigoureuse et les images à haute résolution doivent être systématiquement complétées par des vues agrandies, enregistrées au pin-hole, des zones suspectes de façon à bien distinguer les modifications de fixation parfois discrètes qui siègent au voisinage des cartilages de conjugaison, eux-mêmes naturellement hyperfixants.

Les signes scintigraphiques sont présents dès la 24e heure après le début des symptômes et se manifestent par une hyperfixation de la région atteinte sur les clichés précoces, reflétant l’hyperhémie, et tardifs, reflétant l’atteinte osseuse ; la comparaison de ces clichés permet de faire la part entre l’inflammation des tissus mous et l’atteinte osseuse proprement dite.

Une hyperfixation s’étendant à la région sous-jacente (par exemple au tibia pour une atteinte fémorale) peut se voir, en raison d’une hyperhémie réactionnelle, et ne doit pas être considérée comme une atteinte infectieuse bifocale.

Beaucoup plus rarement, des zones hypofixantes, froides, sur les clichés tardifs ont été notées dans des cas d’ostéomyélite aiguë, interprétées comme d’origine ischémique.

Modifications iatrogènes des images de scintigraphie osseuse :

A – BIOPSIE OSSEUSE :

Si les ponctions du sternum et de la crête iliaque n’induisent généralement pas d’anomalie à la scintigraphie osseuse, la biopsie osseuse au trocart de l’aile iliaque entraîne une anomalie scintigraphique qui peut persister plusieurs mois.

B – RADIOTHÉRAPIE :

Les antécédents de radiothérapie doivent être connus avant d’interpréter une image scintigraphique.

En effet, celle-ci entraîne une diminution de la fixation osseuse du radiopharmaceutique sur les os concernés.

L’aspect peut être trompeur, par exemple, en cas de radiothérapie thoracique : les vertèbres dorsales hypofixantes contrastent avec une fixation normale du rachis lombaire, qu’il ne faut pas confondre avec une hyperfixation diffuse pathognomonique.

C – CHIMIOTHÉRAPIE ET IMMUNOTHÉRAPIE :

L’interleukine 2 provoque parfois des arthralgies.

La scintigraphie osseuse révèle en ce cas une hyperfixation bilatérale des articulations douloureuses (scapulohumérales, genoux, chevilles).

La chimiothérapie et l’hormonothérapie induisent une recalcification des métastases osseuses lytiques du cancer de sein.

La guérison de l’os peut se traduire par une augmentation de la fixation des métastases sur la scintigraphie osseuse (flare up phenomenon) qui contraste avec l’amélioration clinique et radiologique observée : cet aspect doit être connu pour ne pas être interprété à tort comme une aggravation des lésions et, en pratique, il est préférable de respecter un délai de 6 mois après la fin de la chimiothérapie avant de procéder à une éventuelle scintigraphie de contrôle.

On ignore actuellement si les biphosphonates, qui peuvent aussi induire une recalcification des métastases osseuses, sont susceptibles d’induire un tel aspect.

D – BIPHOSPHONATES :

Les biphosphonates, qui sont utilisés comme radiopharmaceutiques pour la scintigraphie osseuse, sont aussi de plus en plus prescrits en thérapeutique.

L’augmentation constante des composés de la famille des biphosphonates, l’élargissement des autorisations de mise sur le marché en oncologie (métastases osseuses lytiques, hypercalcémie maligne), rhumatologie et orthopédie (prévention secondaire des fractures par insuffisance osseuse, maladie de Paget) et la forte croissance de prescription soulèvent des difficultés et des interrogations concernant les interférences avec la scintigraphie osseuse.

Plusieurs équipes ont démontré que lorsque la scintigraphie osseuse est réalisée chez des patients atteints de cancer traités par étidronate, par voie orale ou intraveineuse, la fixation osseuse du 99mTc-MDP ou du 99mTc-HMDP s’en trouve effondrée avec élévation de l’activité extraosseuse, aboutissant à une visualisation dégradée du squelette, voire à l’absence de visualisation de métastases osseuses.

E – FACTEURS DE CROISSANCE HÉMATOPOÏÉTIQUE :

Abu-Judeh et Kaplan rapportent la distribution particulière de la fixation squelettique chez des patients recevant de fortes doses de granulocyte-colony stimulating factor (G-CSF).

La scintigraphie révèle en règle une hyperfixation diffuse du 99mTc-MDP sur le squelette axial (rachis, gril costal, sternum, ceinture pelvienne) associée à une hyperfixation de la tête humérale, de l’extrémité inférieure du fémur et supérieure du tibia de façon bilatérale et symétrique, l’ensemble donnant une image très contrastée du squelette, proche du super bone scan.

Cet aspect a fait évoquer le rôle mobilisateur du G-CSF vis-à-vis des cellules souches hématopoïétiques, à l’origine de la « périphéralisation » de l’activité médullaire hématopoïétique.

Conclusion :

La scintigraphie osseuse est, depuis une trentaine d’années, entrée dans les explorations courantes en pathologie ostéoarticulaire.

L’émergence du scanner X puis de l’IRM a certes modifié certaines indications.

Sa place reste néanmoins essentielle aujourd’hui par sa capacité unique à donner une image fonctionnelle du squelette sur laquelle, à chaque endroit, ce qui est présenté reflète directement l’ampleur de l’activité ostéoblastique.

La TEMP permet depuis quelques années de préciser de façon plus fine les diagnostics.

Avant qu’une atteinte osseuse ne donne des signes radiologiques, lorsqu’on cherche l’existence d’une anomalie sans avoir d’orientation sur sa localisation ou lorsqu’on veut faire un bilan de l’extension des lésions, la scintigraphie osseuse reste irremplaçable.

Au terme de cet exposé sur la scintigraphie osseuse, quelques points supplémentaires méritent d’être abordés.

Traitements des métastases osseuses douloureuses : on utilise aujourd’hui plusieurs isotopes pour le traitement par radiothérapie métabolique.

Ces applications sont une conséquence directe des travaux qui ont été faits sur la scintigraphie osseuse.

Ainsi, le strontium, l’un des premiers radioéléments à avoir été utilisé pour la scintigraphie en raison de son affinité pour l’os, a été abandonné dans cette indication, mais son isotope 89Sr, émetteur bêta pur, est utilisé pour la radiothérapie métabolique (palliative) des métastases osseuses douloureuses du cancer de la prostate.

Les biphosphonates, dont l’affinité pour l’os est à l’origine des produits utilisés actuellement en scintigraphie osseuse, sont aussi utilisés comme vecteurs d’isotopes émetteurs bêta destinés à irradier in situ les métastases osseuses, tel l’EDTMP marqué au samarium 153.

Avant d’effectuer ces traitements, la fixation de ces biphosphonates sur les métastases est vérifiée par la scintigraphie osseuse.

En outre, le samarium comme le rhénium émettent, en plus des rayons bêta utiles au traitement, des rayonnements c qui permettent d’obtenir une image scintigraphique en cours de traitement.

Autres radiopharmaceutiques : on a évoqué au cours de l’exposé un certain nombre de radiopharmaceutiques qui, sans être spécifiques de l’os, étaient parfois utilisés en pathologie osseuse, tels que le gallium 67 ou les leucocytes marqués au technétium pour la recherche d’infection osseuse.

On utilise également des colloïdes marqués au technétium pour étudier la moelle osseuse.

Un autre radiopharmaceutique mérite d’être mentionné : il s’agit de l’iode 131 qui est utilisé pour le suivi des cancers thyroïdiens et qui permet d’en dépister les métastases viscérales et osseuses.

Lorsque des métastases sont fixantes, de fortes activités (> 3,7 GBq) d’iode 131 peuvent êtres administrées à des fins thérapeutiques.

Enfin, il faut signaler une évolution possible de la scintigraphie osseuse, conséquence des développements que connaît aujourd’hui la tomographie par émission de positon.

Celle-ci se développe du fait de l’existence d’un radiopharmaceutique, le fluorodésoxyglucose marqué au fluor 18 (18FDG), qui est d’un grand intérêt en oncologie par son aptitude à se concentrer dans les tissus en hypermétabolisme comme les tumeurs.

Pour utiliser ce radiopharmaceutique dans les meilleures conditions, des caméras spécialement adaptées ont été conçues car le fluor émet des positons.

De même, les cyclotrons destinés à produire le fluor 18 pour produire le FDG sont de plus en plus répandus.

Le FDG est en principe apte à se fixer sur les tumeurs osseuses comme les métastases, de même que sur tout type de tumeur : cependant, les résultats obtenus pour les lésions ostéocondensantes paraissent moins probants qu’avec la scintigraphie osseuse conventionnelle.

En revanche, on se rappelle que dès le début des années 1960, le fluor 18, sous la forme de fluorure de sodium, avait montré tout son intérêt en scintigraphie osseuse.

Les limitations techniques qui l’avaient alors fait écarter sont aujourd’hui en passe d’être effacées et il est probable que le fluor 18, excellent imageur du squelette, soit de nouveau utilisé dans l’avenir.

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