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Sciatique (L5 ou S1)

Étiologie :

En France, les lombosciatiques représentent chaque année 2,24 millions de consultations et 13,11 millions de journées d’arrêt de travail par an dont 8,66 millions sont indemnisées.

La prévalence de la sciatique est de 8 pour 1 000 soit 435 000 cas par an, elle est de 40 % sur une durée de vie.

Il existe une forte prédominance masculine (58 %), l’âge des patients au moment du diagnostic est compris une fois sur deux entre 36 et 55 ans.

Une lombosciatique intervient 4 fois sur 5 dans le cadre des activités professionnelles, sportives ou de loisirs.

L’obésité et la conduite automobile sont des facteurs de risque tant pour les lombalgies que pour les lombosciatiques.

En présence d’une sciatique, il faut distinguer plusieurs tableaux : sciatique commune d’origine discale la plus fréquente, sciatique commune d’origine non discale, sciatique symptomatique (infections, maladies inflammatoires, tumeurs primitives ou secondaires) rachidienne ou extrarachidienne.

Physiopathologie :

A – Notions anatomiques :

Il existe deux articulations intervertébrales (antérieure et postérieure).

1- Articulation antérieure :

L’articulation antérieure est constituée du disque intervertébral et du ligament commun vertébral postérieur :

Le disque intervertébral a un triple rôle vis-à-vis du rachis lombaire : stabilisation, mobilité, amortissement des charges. Avec l’âge et les contraintes répétitives, l’annulus va se fissurer et se déshydrater, ce qui va participer à la constitution de la pathologie discale et à la possible migration du nucleus pulposus ;

Il limite les mouvements et protège les disques.

2- Articulation postérieure :

L’articulation postérieure est représentée par les articulations interapophysaires postérieures, qui sont richement innervées.

Les apophyses articulaires se situent à la jonction entre lames et pédicules, elles portent deux surfaces articulaires (inférieure et supérieure) dont l’orientation peut être extrêmement variable selon les sujets.

Elles viennent renforcer le rôle d’amortisseur du disque en absorbant 10 à 20 % de la charge.

Leur usure vient en général après celle du disque, elle s’accentue du fait de l’hyperlordose induite par la faiblesse pariétale abdominale.

Cette usure peut être plus prématurée en cas de troubles statiques importants (hyperlordose) ou d’anomalie importante de l’orientation des surfaces articulaires.

3- Autres éléments :

Le pédicule se trouve entre le corps vertébral et les articulaires postérieures, les lames se trouvent entre les articulations postérieures et l’épineuse, le ligament jaune tapisse la partie intracanalaire du canal vertébral.

B – Notions biochimiques :

Le disque intervertébral est constitué de fibroblastes et de cellules qui comme les chondrocytes synthétisent des enzymes de dégradation de la matrice extracellulaire (stromélysine, collagénase) ainsi que leurs inhibiteurs spécifiques.

La synthèse des enzymes de dégradation par les cellules discales est stimulée par l’interleukine 1b.

Il existe également une très forte activité de la phospholipase A2 (enzyme pro-inflammatoire retrouvée au niveau des prélèvements discaux des patients opérés pour sciatique discale).

C – Formation d’une hernie discale :

Ce sont les fissurations de l’annulus au niveau de sa partie postérieure, la moins épaisse qui vont précipiter sa formation.

La hernie est, par opposition à la protrusion discale, une saillie discale franche à la partie postérieure du disque dans le canal vertébral.

La topographie de la hernie peut varier dans le plan horizontal, elle peut être médiane, postéro-latérale, foraminale ou extraforaminale (3,7 à 10,3 % des hernies).

En fonction de la position de la hernie par rapport au ligament intervertébral postérieur, il faut distinguer la hernie directe (ligament commun vertébral postérieur intact), la hernie migrée sous-ligamentaire (ligament commun vertébral postérieur intact), la hernie externe (ligament commun vertébral postérieur rompu et fragment discal rattaché au disque) et la hernie exclue (fragment migré et ligament commun vertébral postérieur rompu).

D – Rétrécissement non discal du canal vertébral :

Il est le plus souvent en rapport avec une arthrose vertébrale, processus terminal de la pathologie discale (discarthrose et arthrose articulaire postérieure).

Il peut également être lié à un spondylolisthésis par microtraumatismes chez le jeune ou par dégénérescence articulaire postérieure chez le moins jeune.

Il peut enfin être congénital avec entre autres une hypertrophie du ligament jaune.

Certains canaux lombaires rétrécis bien tolérés pendant longtemps peuvent se décompenser à cause d’une pathologie discale surajoutée (protrusion ou hernie).

Diagnostic :

A – Examen clinique :

En première intention, il repose toujours sur l’interrogatoire et l’examen clinique que nous allons envisager dans différents cas de figure.

1- Sciatique commune d’origine discale :

Il faut tout d’abord s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une sciatique symptomatique, puis reconnaître les éléments qui vont orienter vers une origine discale de la sciatique.

La notion de lombalgies ou de lomboradiculalgies, précessives, retrouvées très souvent et le type d’activités sportives ou professionnelles.

Il précise l’ancienneté et le mode de début des douleurs qui se fait souvent après un effort inhabituel ou répétitif type soulèvement de charge.

Les douleurs sont habituellement mécaniques, avec parfois initialement une note inflammatoire (réveils nocturnes).

L’impulsivité lors des efforts à glotte fermée (toux, défécation) est évocatrice d’un conflit disco-radiculaire.

Les douleurs ont initialement une origine lombaire et très rapidement une irradiation sciatique unilatérale et bien systématisée soit sur le trajet L5 (douleur fessière puis face postéro-externe de la cuisse et de la jambe et enfin malléole externe, dos du pied et gros orteil), soit sur le trajet S1 (douleur fessière puis face postérieure de la cuisse, du mollet, du tendon d’Achille, de la plante ou du bord externe du pied jusqu’au 5e orteil).

Parfois cette douleur est moins systématisée voire tronquée s’arrêtant au genou ou au contraire ne concernant que la face externe de la jambe.

Il faut rechercher des complications neurologiques telles qu’une gêne à la marche type steppage ou des troubles sphinctériens (difficulté à vider sa vessie, constipation) inhabituels et d’apparition récente.

– une cicatrice de chirurgie lombaire, une inflexion latérale, un trouble statique de la colonne (scoliose, cyphose) ou un trouble de la marche lors de l’inspection ;

– des signes radiculaires, et spécialement le signe de Lasègue (douleurs sciatiques reconnues par le patient lors de la mise en tension du nerf sciatique).

Le Lasègue est quantifié en degrés (angle existant entre le membre inférieur tendu et le plan du lit lorsque la douleur apparaît).

Si les douleurs ne sont que lombaires il s’agit d’un Lasègue lombaire.

Lorsque la douleur sciatique du patient est reproduite par l’élévation du membre inférieur controlatéral, il s’agit d’un Lasègue controlatéral ;

– des signes rachidiens en appréciant tous les secteurs de mobilité (flexion, extension, rotations, inflexions latérales) et en les rapportant sur le schéma en étoile de Maigne.

La flexion lombaire est quantifiée par l’indice de Schober (anormal entre 0 et + 4).

La mesure de la distance main-sol apprécie la souplesse du rachis lombaire, mais également la flexion des coxo-fémorales et la raideur des ischiojambiers.

La recherche de points douloureux à la palpation, de contractures musculaires paravertébrales et de cellulalgies par le pincé-roulé traduit la présence de signes rachidiens ;

– des signes déficitaires (déficit sensitif sous la forme d’une hypoesthésie dans le territoire concerné, déficit moteur du releveur du gros orteil pour L5 ou de la flexion plantaire pour S1, atteinte de la queue de cheval avec anesthésie en selle et (ou) troubles sphinctériens type rétention urinaire ou constipation). Une abolition de l’achilléen (S1) ou du rotulien (cruralgie L4).

Seuls un déficit moteur d’apparition récente ou une atteinte de la queue de cheval représentent un facteur de gravité et une indication opératoire urgente ;

– l’absence d’anomalies lors des touchers pelviens et à l’examen clinique général.

2- Sciatique commune d’origine non discale :

Elle associe des douleurs lombaires et des douleurs sciatiques uni- ou bilatérales.

Il faut rechercher une fatigabilité à la marche qui sera quantifiée par le périmètre de marche.

La démarche clinique est la même que pour la sciatique d’origine discale.

Il existe quelques particularités cliniques : la douleur a une topographie mixte voire incomplète, elle est souvent extrêmement intense, il peut exister une véritable claudication douloureuse à l’effort, le syndrome rachidien est moins net, la lombalgie aiguë inaugurale et l’attitude antalgique lombaire sont peu fréquentes.

3- Sciatiques symptomatiques :

La démarche clinique est identique à celle des sciatiques discales.

Les causes sont multiples, mais il existe quelques éléments qui permettent d’évoquer ce diagnostic : début progressif sans antécédents lombalgiques et sans véritable facteur déclenchant, atteinte de plusieurs territoires radiculaires, douleurs véritablement inflammatoires répondant mal aux thérapeutiques habituelles, absences de lombalgies associées, contexte ou altération de l’état général évocateurs, syndrome inflammatoire biologique.

B – Imagerie :

L’imagerie est un élément du diagnostic qui vient en deuxième intention.

En cette période où les économies de santé doivent être au premier plan des préoccupations des praticiens, il convient pour leur prescription de respecter les recommandations données dans les conférences de consensus.

1- Techniques d’imagerie :

Les autres clichés ne sont pas indispensables.

Le praticien doit rechercher des lésions de la charpente osseuse ou des parties molles pouvant faire évoquer le diagnostic de sciatique symptomatique, des anomalies de la hauteur discale ou des malformations congénitales ou acquises (malformation de charnière, scoliose, spondylolisthésis).

Ces clichés peuvent influencer le traitement immédiat ou secondaire et constituer un document de base servant de référence.

Cet examen ambulatoire n’est pas invasif, mais il délivre des radiations ionisantes et reste un examen statique réalisé uniquement en position couchée.

Il va fournir des coupes horizontales (fenêtres « partie molle » et « osseuse ») et des possibilités de reconstruction.

Elles permettent de voir les contours du disque et de faire la part des choses entre disque normal, protrusion discale et véritable hernie discale.

Le scanner ne peut pas apprécier la structure du disque ou le contenu du sac dural, ni affirmer la présence d’une hernie exclue.

L’analyse cytochimique et bactériologique du liquide céphalo-rachidien peut rendre de grands services dans certains cas (méningo-radiculites).

Elle peut être complétée par quelques coupes de scanner (myélo-scanner) centrées sur la zone conflictuelle et réalisées au décours immédiat de la myélographie.

Les coupes peuvent être horizontales et sagittales avec des séquences en T1 avec ou sans injection intraveineuse de gadolinium et en T2.

Elle donne une vue globale du sacrum et du rachis et permet d’analyser le disque et son contenu.

La bonne visualisation du liquide céphalo-rachidien permet d’identifier les hernies exclues et non exclues, enfin l’IRM est particulièrement intéressante pour différencier fibrose et récidive herniaire sur un rachis opéré.

– l’arthrographie articulaire postérieure pourra montrer un kyste articulaire postérieure à extension intracanalaire responsable d’une compression radiculaire.

Elle permettra dans le même temps de faire un geste thérapeutique en injectant une ampoule de corticoïdes dans l’articulation ;

– la scintigraphie osseuse au technétium 99 m recherchera une hyperfixation pathologique au niveau du rachis lombo-sacré ;

– la discographie et le disco-scanner sont plus invasifs, ils feront la preuve directe de la présence d’une hernie discale ;

– la discomanométrie, l’épidurographie et l’épiduro-scanner demandent à être validés et sont en cours d’évaluation.

2- Indications :

– les radiographies sont inutiles si la sciatique disparaît rapidement.

En cas de persistance ou d’aggravation des douleurs au-delà de 10 à 15 jours, il faudra effectuer des radiographies standard ;

– lorsque la sciatique est prédominante (radiculalgies plus intenses que les lombalgies) et rebelle (pas de réponse au traitement médical bien conduit après 4 à 6 semaines) il faut réaliser un examen tomodensitométrique ;

– un examen tomodensitométrique peut être effectué plus tôt si la sciatique est hyperalgique (ne répondant pas aux traitements les plus puissants) ou déficitaire ;

– la saccoradiculographie couplée ou non au scanner a sa place dans les canaux lombaires rétrécis car elle apporte un élément dynamique, elle est aussi indiquée lorsque l’IRM n’est pas accessible, en particulier si le scanner est normal ou à titre préopératoire en cas d’indication urgente ;

– l’IRM sera probablement l’examen de choix dans les années à venir, actuellement elle est précieuse en présence d’une sciatique postopératoire pour différencier fibrose et récidive herniaire.

Dans ce genre de situation, le scanner simple avec injection intraveineuse d’iode ou la discographie couplée au disco-scanner sont également très performants ;

– l’arthrographie articulaire postérieure trouve sa place en présence d’une sciatique aggravée en hyperlordose, sans véritable hernie discale, à la recherche d’un kyste articulaire postérieure en général chez des patients de plus de 60 ans.

Traitement :

A – Sciatique commune d’origine discale :

La fréquence des hernies tomodensitométriques et totalement asymptomatiques n’étant pas négligeable, le traitement est essentiellement fonction de la symptomatologie clinique.

Il doit tenir compte des antécédents ainsi que du contexte clinique, personnel et professionnel du patient.

1- Traitement médical :

Il est efficace dans 90 % des cas et comprend repos total de quelques jours en décubitus dorsal sur un plan dur, antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens et myorelaxants. Sa durée est fonction de l’évolution des symptômes.

Si le traitement ambulatoire est un échec, il faut alors hospitaliser le patient pour effectuer conjointement l’ensemble de ces traitements dans un contexte de repos absolu.

– les lombostats de contention lombaire qui sont soit baleinés en tissu, indiqués en relais d’une immobilisation au lit ou par corset rigide, pour la reprise d’une activité minimale ; soit rigides (plâtre, résine, et surtout actuellement matériaux thermoformés), prescrits pour une durée de 3 à 6 semaines, indiqués dans le cadre d’un tableau sévère ;

– la kinésithérapie ne se conçoit pas en phase aiguë, elle comprend plusieurs étapes qui seront utilisées en fonction du contexte clinique et de l’évolution.

Les conseils d’économie rachidienne et la poursuite d’exercices d’entretien (étirement et travail en bascule du bassin) sont des éléments permettant d’espérer un résultat durable dans le temps ;

– la prévention primaire (dès l’école), ou secondaire (chez des patients ayant présenté des lombalgies ou des lomboradiculalgies) doivent faire partie de la prise en charge médicale des sciatiques communes.

2- Traitements percutanés :

Elle consiste à réaliser une hydrolyse des protéoglycanes du disque en injectant entre 2 000 et 4 000 unités de papaïne dans le disque.

Le pourcentage de bons résultats est de l’ordre de 70 %.

Elle est en perte de vitesse (kit jetable coûtant environ 4 000 F et résultats inférieurs à ceux de la nucléolyse).

Le principe consiste à diminuer la pression du disque en aspirant une petite partie du nucleus pulposus (entre 1,5 et 5 g).

La durée d’inactivité post-thérapeutique est identique à celle de la nucléolyse.

3- Traitement chirurgical :

La discectomie à ciel ouvert (chirurgie conventionnelle, avec mini-abord ou microchirurgie) s’est beaucoup simplifiée du fait de la précision des renseignements fournis par le bilan préopératoire.

La durée de l’hospitalisation est comprise entre 3 et 5 jours, mais l’économie rachidienne dans les semaines qui suivent l’intervention est capitale.

La rééducation est débutée entre 4 et 6 semaines après le geste et la reprise d’activité s’effectue entre la 6e et la 12e semaine postopératoires selon le type d’activité professionnelle.

Les publications rapportent entre 80 et 98 % de bons résultats, qui se maintiennent dans le temps.

Le traitement, difficile, ne doit pratiquement jamais être chirurgical ; l’instabilité postopératoire (lombalgies mécaniques à distance de l’intervention) est souvent la conséquence d’un geste trop agressif ou d’une mauvaise rééducation.

Lorsque cette instabilité est trop invalidante, il se discute la réalisation d’une arthrodèse après un test d’immobilisation plâtrée positif (douleurs soulagées par le plâtre).

4- Indications :

En première intention, le traitement est toujours médical sauf si la sciatique est hyperalgique ou déficitaire (libération chirurgicale urgente après avoir authentifié le conflit disco-radiculaire).

Si le traitement médical est un échec (amélioration incomplète dans la vie de tous les jours ou dans la pratique sportive, rechute tous les 3 à 6 mois) et la radiculalgie au premier plan des plaintes avec une concordance radioclinique parfaite, il faut envisager soit une nucléolyse soit une intervention chirurgicale.

Ce choix sera guidé par les habitudes du praticien.

Cependant l’aspect et la localisation de la hernie peuvent faire opter pour la solution chirurgicale (hernie très volumineuse ou calcifiée, hernie très latérale voire exclue).

Si les lombalgies sont prédominantes et le conflit disco-radiculaire peu marqué, il faut poursuivre le traitement médical.

En cas de récidive de la radiculalgie à distance d’une intervention (la sciatique pouvant concerner le même étage voire les étages sus- ou sous-jacent), il faut privilégier au maximum le traitement médical.

B – Sciatique commune d’origine non discale :

Le traitement doit être médical sauf s’il existe une sténose serrée du canal lombaire avec des signes neurologiques déficitaires.

Le traitement médicamenteux est identique à celui des sciatiques discales, il doit être utilisé avec précaution lorsqu’il s’agit de patients âgés.

La rééducation et les immobilisations occupent une place de choix.

En présence d’un canal lombaire rétréci acquis ou congénital, si le traitement médical est un échec ou s’il existe un tableau déficiaire, il doit être discuté une solution chirurgicale [laminectomie et (ou) arthrectomie articulaire postérieure en fonction du type et de la localisation de la sténose].

Si ce geste est étendu sur plusieurs étages il faudra parfois réaliser un geste de stabilisation (arthrodèse).

Les gestes percutanés n’ont pratiquement pas de place dans cette pathologie.

C – Sciatiques symptomatiques :

Le traitement sera fonction du diagnostic étiologique.

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