Sarcomes méningés

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Sarcomes méningés
Introduction :

Les sarcomes primitifs du système nerveux central (SNC) sont des tumeurs rares qui ont fait l’objet de nombreuses controverses, tant en ce qui concerne leur origine que leur définition ou leur classification.

Il s’agit d’un groupe hétérogène de tumeurs mésenchymateuses agressives, développées très vraisemblablement à partir des cellules du tissu conjonctif de la dure-mère et de l’arachnoïde, du stroma des plexus choroïdes, ou des parois vasculaires.

Le diagnostic de sarcome primitif des méninges est un diagnostic d’exclusion et impose d’éliminer l’éventualité d’une métastase ou d’une extension par contiguïté d’un sarcome d’autre origine, de même que celle d’un méningiome malin, dont l’aspect morphologique peut être très proche de celui d’un sarcome à cellules fusiformes, et en particulier d’un fibrosarcome.

Les sarcomes représentent 1 à 2 %des tumeurs du SNC.

Ils surviennent avec prédilection chez l’enfant et l’adolescent, sans distinction de sexe, et dans des tranches d’âge habituellement différentes de celles du méningiome.

Ils peuvent néanmoins se rencontrer à tout âge. Leur mode d’expression est variable, soit sous forme de tumeurs solides uniques ou multiples, soit sous forme d’une infiltration méningée diffuse sans formation tumorale nettement individualisable.

Certains sarcomes méningés sont radio-induits et surviennent dans un délai de quelques années sur le site d’irradiation d’une tumeur d’autre origine (gliome, épendymome, médulloblastome).

Sarcomes « tumeurs solides » :

La symptomatologie n’a rien de spécifique si ce n’est la rapidité d’installation des signes aboutissant en quelques semaines à un tableau d’hypertension intracrânienne.

L’existence de crises convulsives, de déficits variés, d’atteinte des nerfs crâniens permet de pratiquer les examens complémentaires qui conduiront au diagnostic de lésion intracrânienne.

Le scanner montre toujours la (ou les) lésion(s) : le plus souvent en périphérie, bien circonscrites, arrondies ou polylobées, semblant attachées à la voûte, ressemblant à des méningiomes. Homogènes, isodenses avant contraste, elles se rehaussent souvent régulièrement après injection.

Elles sont rarement inhomogènes, présentant une partie d’allure nécrotique, ressemblant là encore à des méningiomes kystiques.

Elles sont ou non entourées d’oedème.

L’artériographie, encore pratiquée du fait de la ressemblance aux méningiomes, ne montre le plus souvent que la présence d’une masse avasculaire, parfois une vascularisation pathologique plus évocatrice, mais non spécifique, avec une prise de contraste très prolongée et de répartition hétérogène.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’a pas encore permis de préciser des images qui puissent paraître spécifiques aux sarcomes : elles ressemblent à celles des méningiomes, mais il n’y a pas de liséré d’hyposignal à la périphérie de la tumeur et elles se rehaussent massivement en T1 après injection de gadolinium-DTPA.

Les constatations opératoires révèlent des tumeurs bien limitées, le plus souvent superficielles, enchâssées dans le cortex, facilement clivables, de consistance ferme, de couleur grisâtre ou gris-rosé.

Elles peuvent être fermement adhérentes à la dure-mère, sur plusieurs centimètres carrés, ce qui semble être l’apanage de certaines formes histologiques comme le fibrosarcome.

Elles sont plus rarement totalement intraparenchymateuses, mais là encore parfaitement distinctes du parenchyme cérébral adjacent.

Elles sont le plus souvent homogènes à la coupe, plus rarement nécrotiques ou kystiques, exceptionnellement hémorragiques.

A – Sarcomes méningés primitifs :

Ils montrent un aspect histologique, immunohistochimique et ultrastructural strictement identique à celui des sarcomes de n’importe quel autre site de l’organisme.

Sur le plan histologique, Rubinstein subdivise les sarcomes du SNC, par degré croissant de malignité, en fibrosarcomes, sarcomes à cellules fusiformes et sarcomes à cellules pléomorphes.

La classification histologique de l’Organisation mondiale de la santé (1993) est calquée sur celle des tumeurs des tissus mous du reste de l’organisme, et repose sur les critères de différenciation cellulaire (musculaire lisse ou striée, cartilagineuse, vasculaire…) mis en évidence au niveau de la population tumorale.

B – Fibrosarcomes :

Ce sont des tumeurs très agressives, qui récidivent de manière quasi constante et s’accompagnent dans près de la moitié des cas d’une dissémination leptoméningée ou de métastases hors du SNC (poumon, os).

Ils surviennent occasionnellement dans le cadre d’une maladie de von Recklinghausen, ou en association avec un état d’immunosuppression.

En microscopie, ces tumeurs à cellules fusiformes, d’architecture fasciculée, montrent souvent des critères d’agressivité histologique (nécrose tumorale, atypies cellulaires, activité mitotique élevée).

C – Hémangiopéricytomes :

Ils représentent un groupe de tumeurs vasculaires d’histogenèse encore controversée, dérivant probablement des péricytes, cellules périvasculaires spécialisées.

Les hémangiopéricytomes, classés initialement dans leurs localisations méningées comme une variété particulière de méningiome (le soi-disant « méningiome hémangiopéricytique »), tendent actuellement à être considérés comme d’authentiques sarcomes primitifs des méninges, et en tant que tels sont exclus du cadre des méningiomes.

Les hémangiopéricytomes méningés sont des tumeurs charnues et lobulées, ayant tendance à saigner de manière profuse lors de l’intervention chirurgicale.

Ils ont en général une évolution clinique défavorable, avec un fort taux de récidive et une dissémination métastatique tardive.

Microscopiquement, ces tumeurs ont une riche charpente réticulinique et renferment un dense réseau de fentes vasculaires ramifiées.

Les cellules tumorales ont un profil immunohistochimique différent de celui des méningiomes, avec une négativité habituelle des marqueurs de différenciation épithéliale comme la cytokératine, l’antigène épithélial de membrane EMA, et une positivité occasionnelle de certains marqueurs musculaires lisses ou vasculaires.

D – Chondrosarcomes :

Ce sont des tumeurs de croissance lente, bien limitées, ayant souvent la particularité radiologique de contenir des calcifications ponctuées ou polycycliques qui peuvent parfois faire suggérer à tort un diagnostic préopératoire d’hématome sous-dural ancien.

Ils contiennent des secteurs avasculaires assez évocateurs du diagnostic au scanner, correspondant à des îlots de tissu cartilagineux mature.

Les chondrosarcomes parasellaires ou de l’angle cérébellopontique, localisations les plus fréquentes, dérivent probablement des synostoses cartilagineuses.

Les chondrosarcomes méningés de la faux du cerveau ou de la convexité sont en revanche beaucoup plus rares.

En peropératoire, il s’agit de tumeurs lobulées, luisantes, de consistance très dure.

En microscopie, pour certains auteurs, la présence occasionnelle d’îlots méningothéliomateux suggère qu’il pourrait exister des formes de transition entre méningiome et chondrosarcome.

E – Léiomyosarcomes :

Ils sont exceptionnellement observés dans le SNC et les méninges.

Ils dérivent probablement des cellules musculaires lisses des parois vasculaires.

Certains cas de léiomyosarcomes méningés surviennent dans un contexte d’immunosuppression acquise et sont associés au virus d’Epstein-Barr.

F – Rhabdomyosarcomes méningés :

Ce sont essentiellement des tumeurs de l’enfant et de l’adolescent, survenant dans une proportion équivalente de cas dans la fosse postérieure et l’étage supratentoriel, plus rarement en localisation spinale.

La présence de stries transversales dans les cytoplasmes tumoraux, l’expression de myoglobine en immunocytochimie et la mise en évidence de myofilaments primitifs, de myotubules, de stries Z et de glycogène en ultrastructure, évoquent une différenciation de type rhabdomyoblastique.

G – Autres sarcomes :

Parmi les autres sarcomes des méninges, on peut citer les ostéosarcomes, les histiocytomes fibreux malins, les liposarcomes, les angiosarcomes.

Sarcomatose leptoméningée primitive :

Contrairement aux formes précédentes, la sarcomatose leptoméningée primitive (SLP) est une forme sarcomateuse maligne qui provient et qui infiltre de façon diffuse les leptoméninges sans constituer de véritable masse tumorale.

Il s’agit d’une forme rare de manifestation sarcomateuse qui peut réaliser des syndromes cliniques très polymorphes simulant des infections chroniques, des métastases, une sarcoïdose, voire une tumeur primitive.

En dépit de moyens radiologiques performants, le diagnostic préopératoire, voire pre mortem reste exceptionnel : la tomodensitométrie montre la dilatation ventriculaire, l’IRM en T2 montre un hypersignal périventriculaire.

L’analyse du liquide cérébrospinal (LCS) montre une hyperalbuminorachie supérieure à 1g/L sans pléiocytose.

C’est au cours de la pose d’une dérivation du LCS ou de l’exploration des citernes optochiasmatiques que l’on va prélever une arachnoïde épaisse, blanc laiteux, qui permettra l’étude microscopique : on découvre un entrelacs de cellules denses fasciculées à noyau de taille moyenne, ovoïde ou allongé, hyperchromatique, à cytoplasme éosinophile.

Les mitoses sont nombreuses et les cellules néoplasiques sont emprisonnées dans un réseau de réticuline très dense.

La recherche de GFAP (protéine fibrillaire acide gliale) est négative.

Métastases :

Les formes les plus malignes de sarcomes, notamment les sarcomes à cellules polymorphes ou plus rarement les rhabdomyosarcomes peuvent donner des métastases :

– soit locorégionales, près du site tumoral primitif, réalisant alors une sarcomatose méningée tumorale diffuse ;

– soit à distance, dans le SNC, par diffusion avec le LCS, dans les espaces sous-arachnoïdiens intracrâniens ou intrarachidiens ;

– soit exceptionnellement hors du SNC.

La découverte de ces tumeurs sarcomateuses en dehors du SNC peut poser le problème de leur origine mais, dans les rares cas rapportés, la tumeur cérébrale était connue.

Sarcomes radio-induits :

Le développement de sarcomes méningés après irradiation cérébrale (pour tumeur gliale, adénome, leucémies, tumeurs du cuir chevelu) a été rapporté à plusieurs reprises.

Ils surviennent plusieurs années après l’irradiation, semblent favorisés par des doses élevées (> 50 Gy) ou par des fractionnements supérieurs à 2 Gy. Pour affirmer qu’il s’agit de sarcomes radio-induits, plusieurs critères doivent être exigés :

– la tumeur doit survenir dans le champ d’irradiation ;

– il n’y avait pas de sarcome préexistant dans l’aire irradiée ;

– il doit exister un « intervalle libre » de plusieurs années ;

– l’histologie sarcomateuse doit être prouvée.

L’examen histologique révèle qu’il s’agit le plus souvent de fibrosarcomes où les mitoses sont extrêmement nombreuses.

Diagnostic :

En ce qui concerne les formes tumorales solides, le diagnostic clinique préopératoire fait évoquer surtout les tumeurs malignes d’évolution rapide, souvent en moins de 3 mois : gliomes malins, métastases, médulloblastomes et tumeurs malignes de la protubérance chez l’enfant.

Le scanner et l’IRM permettent d’éliminer un certain nombre de ces étiologies mais n’apportent pas d’arguments positifs formels en faveur de l’origine sarcomateuse qui n’est vraiment prouvée qu’à l’examen histologique.

Ce dernier pose parfois le problème des limites de la définition, telles qu’on les a exprimées au début de ce chapitre.

Il peut également, dans certaines formes très rares, poser le problème d’une éventuelle métastase cérébrale d’un sarcome situé en un point quelconque de l’organisme.

La sarcomatose leptoméningée primitive fait discuter les très difficiles problèmes posés par toutes les infections chroniques : tuberculose, candidose, syphilis, des sarcoïdoses, des envahissements métastatiques diffus de la base, des carcinomes, lymphomes, leucoses.

Enfin, il est rare que des affections malignes du SNC (médulloblastomes, glioblastomes, épendymomes), qui peuvent, à un stade évolué de leur histoire, infiltrer et envahir les méningés, posent le problème d’un diagnostic initial d’affection chronique des méninges.

Traitement et pronostic :

Il est avant tout chirurgical et consiste, dans les formes solides, en une exérèse le plus souvent totale ou subtotale si l’on est en présence de tumeurs multiples ou de tumeurs radio-induites qui sont parfois moins bien limitées, voire invasives, notamment au niveau de la base (sinus caverneux).

Une radiothérapie complémentaire hyperfractionnée est habituellement associée, comportant également une irradiation de l’ensemble du SNC à cause de la possibilité de métastases disséminées par le LCS.

Cependant, certains auteurs préconisent la chirurgie seule de première intention, ne réservant la radiothérapie qu’aux récidives ou aux formes d’emblée disséminées ou infiltrantes (SLP).

La chimiothérapie n’a fait preuve d’aucune efficacité particulière quelles que soient ses modalités.

Le pronostic de ces tumeurs demeure sombre, les récidives ou la poursuite évolutive aboutissant à la mort en moins de 2 ans.

Quelques rares cas de survie à plus de 10 ans sont rapportés, notamment dans les cas de sarcomes très différenciés.

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