Sarcoïdose

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La sarcoïdose est une granulomatose multisystémique fréquente, d’étiologie inconnue, touchant l’adulte jeune dont les principales localisations sont les ganglions, en particulier médiastinaux, le parenchyme pulmonaire, la peau et les yeux.

Introduction :

SarcoïdoseLe granulome sarcoïdien peut être présent dans la quasi totalité des organes, provoquant des tableaux cliniques extrêmement polymorphes.

Certaines localisations rares méritent d’être connues car elles menacent le pronostic vital : neurologique, cardiaque, rénale.

Cette affection fréquente, 40 cas pour 100 000, s’observe dans les deux sexes, préférentiellement chez les sujets de race noire, entre 20 et 40 ans.

Son diagnostic repose sur plusieurs critères.

La lésion histologique caractéristique est un granulome tuberculoïde, composé de cellules gigantocellulaires et épithélioïdes, sans nécrose caséeuse et entouré d’une couronne lymphocytaire.

Circonstances de découverte :

Dans 42% des cas, la sarcoïdose est découverte lors d’un cliché du thorax systématique. Les autres manifestations souvent révélatrices sont :

– des signes respiratoires (19%) ;

– des signes généraux (15%) ;

– un syndrome de Lofgren (lymphome hilaire bilatéral et érythème noueux (9 %) ;

– des arthralgies (6 %) ;

– des signes cutanés (4 %) ;

– des troubles oculaires (4 %) ;

– une atteinte parotidienne (1 %).

Signes cliniques :

Le signes vont dépendre du ou des organes atteints (cités par ordre de fréquence décroissante).

La multiplicité des localisations impose un examen clinique complet. Des signes généraux sont fréquents, le plus souvent modérés, qu’il s’agisse d’une fièvre, d’un amaigrissement ou d’une asthénie.

L’intradermoréaction à la tuberculine est négative dans 75% des cas.

A – Atteinte médiastinopulmonaire :

Cette localisation est présente dans la très grande majorité des cas et peut engendrer une dyspnée, une toux, des douleurs thoraciques

Les stades I sont de meilleur pronostic que les stades II et III.

Le scanner met en évidence des anomalies parenchymateuses parfois mal visibles sur la radiographie pulmonaire : nodules périvasculaires ou situés dans les septa interlobulaires et les espaces sous-pleuraux ; épaississement des parois vasculaires ou bronchiques et des septa, images en verre dépoli.

Au stade de fibrose débutante, il existe des opacités linéaires irrégulières péribronchovasculaires des hiles vers la périphérie.

Les explorations fonctionnelles respiratoires avec mesure de la capacité de diffusion pulmonaire pour le monoxyde de carbone (DLCO) sont fondamentales pour suivre l’évolution.

Lorsqu’elles sont anormales, il existe en principe un syndrome restrictif (diminution des volumes, de la compliance, de la Pa O2, de la Pa CO2) associé à une baisse de la capacité de transfert dumonoxydede carbone.

La fibroscopie bronchique, avec biopsies systématiques couplées au lavage bronchioloalvéolaire, complète les investigations pneumologiques.

L’atteinte bronchique est quasi constante, le plus souvent asymptomatique, découverte lors des biopsies.

Le lavage confirme l’alvéolite quand il existe une hypercellularité avec hyperlymphocytose supérieure à 15 % et un rapport CD4/CD8 élevé.

Au stade de fibrose, la lymphocytose a disparu, remplacée par une élévation des polynucléaires neutrophiles.

B – Atteinte ganglionnaire :

Les adénopathies sont en règle asymptomatiques, fermes et indolores, non inflammatoires, de taille variable.

Elles peuvent siéger au niveau de toutes aires.

Des adénopathies profondes, en dehors des chaînes médiastinales, peuvent s’observer et être révélatrices, posant parfois de difficiles problèmes diagnostiques différentiels de celui d’un lymphome.

L’évolution est en règle favorable avec ou sans traitement.

C – Manifestations articulaires :

Les manifestations articulaires sont très fréquentes et très souvent inaugurales.

Les arthralgies et arthrites s’intègrent le plus souvent dans le cadre du syndrome de Lofgren, dont elles partagent l’évolution favorable.

Les arthralgies et les arthrites touchent surtout les grosses articulations (principalement chevilles, genoux, poignets), de façon symétrique, fugace, migratrice et de rythme inflammatoire.

Ce n’est qu’au stade rare d’arthrite chronique que les radiographies osseuses se modifient et que la biopsie synoviale permet de retrouver un granulome sarcoïdien.

D – Atteinte hépatosplénique :

L’hépatosplénomégalie est le plus souvent asymptomatique. Le scanner abdominal les confirme et révèle fréquemment des nodules hypodenses intrahépatiques et intraspléniques

E – Atteinte cutanée :

En dehors des lésions non spécifiques, tel que l’érythème noueux (présent dans 17% des cas), la sarcoïdose présente un polymorphisme cutané majeur.

Les lésions les plus fréquentes sont les sarcoïdes, qui prédominent au niveau du visage et sur la partie supérieure du thorax, le lupus pernio, l’angiolupoïde et les cicatrices chéloïdiennes.

Toutes ces lésions sont accessibles aux biopsies.

Les lésions cutanées spécifiques évoluent favorablement avec ou sans traitement ou deviennent chroniques.

F – Atteinte oculaire :

Une atteinte visuelle est observée dans plus de 25%des cas.

Toutes les structures oculaires peuvent être lésées, mais l’uvéite antérieure et/ou postérieure en sont l’expression la plus fréquente.

Cette atteinte est parfois asymptomatique, justifiant un examen ophtalmologique systématique.

L’uvéite peut s’intégrer dans le syndrome d’Heerfordt (uvéite antérieure, hypertrophie parotidienne bilatérale, paralysie faciale périphérique).

Le pronostic fonctionnel repose sur la présence de synéchies, mais surtout sur l’existence d’une uvéite postérieure qui, non traitée et localisée près de la macula, peut évoluer vers la cécité.

G – Atteinte osseuse :

Les localisations osseuses sont observées dans 5 à 15% des cas, le plus souvent latentes et indolores.

Elles siègent surtout au niveau des os tubulaires des extrémités (90% des cas).

Les tissus en regard sont, en principe, normaux.

Radiologiquement, il existe trois formes : forme lytique à grande bulle, forme kystique circonscrite cystoïde, forme diffuse microgéodique.

I – Atteinte neuromusculaire :

Les localisations neurologiques peuvent être multiples, diffuses et touchent, par fréquence décroissante, les méninges, le système nerveux central, les nerfs crâniens, le système nerveux périphérique et les muscles.

Cette atteinte met en jeu le pronostic fonctionnel et vital.

L’atteinte méningée est le plus souvent asymptomatique, caractérisée par une hypercellularité à prédominance lymphocytaire, une hyperprotéinorachie avec parfois une augmentation des gammaglobulines, une élévation de l’enzyme de conversion de l’angiotensine du liquide céphalorachidien (LCR).

L’atteinte du système nerveux central (SNC) peut siéger au niveau de l’encéphale, du tronc cérébral et du cervelet.

Les principales manifestations sont :

– une hydrocéphalie ;

– des crises comitiales ;

– des troubles psychiques ;

– des manifestations neuroendocriniennes (diabète insipide ++).

En fait, tous les signes neurologiques centraux peuvent être observés.

L’atteinte d’un ou de plusieurs nerfs crâniens est souvent associée à d’autres signes neurologiques (méningés, centraux, périphériques ou musculaires).

La paralysie du nerf facial, en règle périphérique, est la plus classique.

Les neuropathies périphériques sont le plus souvent sensitivomotrices symétriques, ou à type de multi-mononévrites, en particulier du cubital et du sciatique poplité externe.

Les myopathies sarcoïdosiques, avec enzymes musculaires normales, surviennent préférentiellement chez les femmes ménopausées.

Les formes pseudotumorales et nodulaires sont classiques mais rares.

L’électromyogramme (EMG), les potentiels évoqués visuels et auditifs, le scanner cérébral et l’imagerie à résonance magnétique (IRM), (prescrits en fonction des signes cliniques) confirment l’atteinte neurologique, apprécient sa gravité, tentent de préciser l’origine sarcoïdosique des lésions par la recherche d’une atteinte multifocale.

Dans certains cas, des biopsies musculaires, neuromusculaires, médullaires, méningées, voire cérébrales stéréotaxiques sont nécessaires pour confirmer le diagnostic de neurosarcoïdose.

L’évolution sous corticoïdes est variable. L’atteinte méningée et celle des nerfs crâniens sont de bon pronostic ; l’évolution de l’atteinte centrale est en règle favorable, associée aux traitements spécifiques.

L’évolution des neuropathies périphériques et surtout des atteintes musculaires de type myopathique est moins bonne.

J – Atteinte cardiaque :

La présence de signes cliniques et/ou électriques est le témoin constant d’une infiltration myocardique diffuse et sévère.

Il est donc primordial de rechercher cette localisation.

Les circonstances de découverte et les signes cliniques des sarcoïdoses cardiaques sont non spécifiques.

La mort subite, parfois révélatrice, est possible, par trouble du rythme ventriculaire grave, ou par bloc auriculoventriculaire du troisième degré.

Des signes d’insuffisance cardiaque congestive, le plus souvent chronique, sont observés dans plus d’un tiers des cas, des sarcoïdoses cardiaques.

L’atteinte péricardique est le plus souvent asymptomatique.

L’électrocardiogramme (ECG) est pathologique dans près de 50% des cas des sarcoïdoses.

Les troubles de la conduction sont les plus fréquents, ainsi que les troubles du rythme ventriculaire.

Leur présence peut conduire à la prescription d’un holter ECG sur 24 heures et d’une étude électrophysiologique du faisceau de His.

L’échocardiographie peut révéler une atteinte asymptomatique ou confirmer une suspicion lors de la découverte d’anomalies septales, d’un épaississement des parois ventriculaires avec diminution de la fraction d’éjection, d’une dilatation ventriculaire ou d’un trouble de la relaxation ventriculaire gauche.

La scintigraphie au thallium est pathologique dans 17 à 32% des sarcoïdoses et dans 75% des cas de sarcoïdoses cardiaques.

Elle révèle des hypofixations localisées ou une hétérogénéité diffuse qui régressent sous dipyridamole, ou lors de la redistribution et ne sont pas aggravées par l’effort.

Les risques majeurs sont la mort subite et l’insuffisance cardiaque résistante aux traitements.

La corticothérapie doit être instituée dès les premiers signes cliniques et/ou électriques.

Les thérapeutiques cardiologiques appropriées doivent toujours être prescrites.

K – Atteinte des glandes exocrines :

La parotidomégalie, souvent bilatérale, peut être très volumineuse, mais le plus souvent non douloureuse et recouverte d’une peau normale.

Elle peut, par compression, entraîner une paralysie faciale périphérique.

L’atteinte des glandes salivaires accessoires et lacrymales est fréquente et doit être recherchée par un test au sucre et un test de Schirmer Rose Bengale.

L – Atteinte rénale :

L’atteinte rénale spécifique, sans lien avec une éventuelle hypercalcémie, avec insuffisance rénale, est observée dans moins de 1% des cas.

Il s’agit d’une néphropathie interstitielle granulomateuse avec protéinurie absente ou modérée, insuffisance rénale corticosensible, leucocyturie aseptique, hématurie microscopique.

L’atteinte rénale est de bon pronostic et répond aux fortes doses de corticoïdes.

Les autres localisations sont tout à fait exceptionnelles.

Examens paracliniques :

A – Biologie :

Biologiquement, il est possible d’observer :

– des modifications non spécifiques : hypergammaglobulinémie, élévation des immunoglobulines sériques, syndrome inflammatoire, augmentation des phosphatases alcalines et des gamma GT, hyperuricémie ;

– des modifications non spécifiques mais plus évocatrices :élévation du lysozyme, surtout, élévation de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, hypercalciurie et hypercalcémie par hyperproduction de calcitriol (éventuellement dosable).

B – Examens morphologiques :

Les examens morphologiques, en dehors des explorations pulmonaires, doivent être discutés cas par cas, en fonction de la localisation.

La scintigraphie au Gallium s’individualise par le fait qu’elle peut mettre en évidence une diffusion du processus granulomateux.

Cet examen radioactif est cependant onéreux et de réalisation difficile.

C – Examens histologiques :

La recherche d’une preuve histologique doit être systématique.

En pratique courante seront proposées :

– des biopsies d’un élément facilement accessible (ganglion périphérique, lésion cutanée) ;

– des biopsies bronchiques ;

– une biopsie des glandes salivaires accessoires.

En cas de négativité, se discutent des gestes plus lourds, comme une ponction-biopsie-hépatique, une médiastinoscopie.

Évolution :

L’évolution de la sarcoïdose est fonction du stade à laquelle elle est découverte, des localisations, mais aussi de l’activité respective de ces dernières.

La sarcoïdose peut être découverte :

– alors qu’elle est inactive ou en voie de guérison spontanée, imposant alors une simple surveillance ;

– alors qu’elle est active et évolutive, conduisant alors à rechercher l’extension du processus granulomateux, à déterminer en fonction des localisations les risques fonctionnels ou vitaux et donc de décider éventuellement d’une thérapeutique ;

– alors qu’elle est chronique et stable, en particulier pour les atteintes pulmonaires, ganglionnaires et cutanées, justifiant aussi une simple surveillance.

La décision thérapeutique doit tenir compte de tous ces éléments, sans oublier le fait qu’il s’agit d’une maladie bénigne dont le pronostic spontané, en dehors de quelques localisations, est favorable dans 70%des cas.

Traitement :

A – Modalités thérapeutiques :

Anti-inflammatoires non stéroïdiens : Voltarènet, Indocidt.

Plaquenilt : 2 à 3 cp à la phase d’attaque.

Corticoïdes.

Par voie générale : prednisone.

La corticothérapie est toujours débutée par une dose d’attaque qui varie entre 0,5 et 1 mg/kg/j pendant 1 à 3 mois.

Si l’évolution est favorable, la posologie est ensuite diminuée très progressivement.

La durée du traitement est au minimum de 12 mois.

Dans les formes graves, des bolus de solumédrol peuvent être proposés.

Par voie locale : en cas d’atteinte oculaire, nasale, cutanée.

Autres immunosuppresseurs : en cas de corticorésistance.

B – Indications thérapeutiques :

1- Indications immédiates de la corticothérapie :

– Atteinte cardiaque.

– Atteinte neurologique.

– Atteinte rénale.

– Hypercalcémie.

– Uvéite.

2- Indications non systématiques de la corticothérapie :

– Signes généraux ou syndrome inflammatoire sévères, persistants, résistants aux antiinflammatoires non stéroïdiens.

– Atteinte cutanée inesthétique, résistante au Plaquenilt.

– Aggravation d’une atteinte pulmonaire au cours des bilans ou évolution vers une polynucléose lors du lavage broncho-alvéolaire (LBA).

C – Conseils nécessaires :

En dehors du régime sans sel, pauvre en sucre, lié à une corticothérapie, les patients doivent :

– éviter l’exposition solaire ;

– arrêter le tabac ;

– éviter les aliments riches en calcium, ou les traitements avec du calcium ou de la vitamine D;

– surseoir à une intervention chirurgicale (cicatrices chéloïdiennes) ;

– éviter les inhalations de polluants.

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