Rougeole

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Étiologie et réponse immune :

Le virus rougeoleux appartient au groupe des paramyxovirus (comme le virus des oreillons ou le virus respiratoire syncytial).

RougeoleL’enveloppe lipido-protéique protège une capside à ARN.

L’homme est le seul réservoir de virus connu et la transmission se fait par voie aérienne.

L’incubation est en moyenne de 10 jours.

Il existe une phase transitoire de virémie peu après la contamination, suivie d’une réplication active dans les cellules du nasopharynx.

Une virémie secondaire survient ensuite vers le 7e jour suivant la contamination, avec une phase importante de réplication virale.

La contagiosité est maximale dans les 4 jours qui précèdent et les 3 jours qui suivent le début de l’éruption.

es anticorps sériques neutralisants confèrent une immunité définitive.

La montée des anticorps est assez rapide, en 5 à 7 jours.

Le vaccin vivant atténué permet d’éviter une rougeole chez un individu s’il est effectué dans les 72 h qui suivent la contagion.

L’immunité humorale est importante pour prévenir l’infection, mais l’immunité cellulaire est nécessaire pour limiter les effets de la maladie chez un individu : les enfants ayant un déficit de l’immunité cellulaire font une maladie plus grave que les agammaglobulinémiques.

C’est ce qui explique que la rougeole soit, dans le Tiers-Monde, si grave chez l’enfant malnutri où l’immunité cellulaire est dramatiquement réduite.

Épidémiologie :

L’instauration de la vaccination antirougeoleuse a entraîné une diminution de la maladie.

On est passé en France de 400 000 cas à la fin des années 1970 à 40 000 à 50 000 cas en 1995.

Aux États-Unis, l’incidence est passée de 315 cas pour 100 000 à 2 pour 100 000 depuis 1981.

La rougeole entraîne environ 1 500 hospitalisations par an, les deux tiers concernant des enfants de moins de 5 ans.

La couverture vaccinale stagne en France, autour de 80 %.

L’efficacité vaccinale étant de 95 %, le virus continue donc à circuler.

Cependant, l’augmentation de la couverture vaccinale entraîne un nouveau visage de la maladie.

La rougeole sévit en France sous forme endémique.

Mais chez des enfants vaccinés dans la 2e année de vie, une perte progressive de l’immunité post-vaccinale peut se voir. Ainsi, de petites épidémies frappant le grand enfant ou l’adolescent, du type de celles constatées aux États-Unis, sont possibles en France, justifiant l’introduction d’une deuxième dose vaccinale.

Le problème de la date de cette deuxième vaccination varie selon les pays.

En France, ce rappel était fixé à 10-11 ans, et il vient d’être ramené à 3 à 6 ans.

Enfin, la baisse de circulation du virus provoque aussi une transformation de la sémiologie.

La rougeole est une maladie où l’effet inoculum est net.

Dans les pays du Tiers-Monde, la mortalité est maximale à l’acmé de l’épidémie et la maladie est plus grave quand plusieurs membres de la famille sont atteints en même temps.

Quand la contamination se fait par une source unique et que l’inoculum viral est plus faible, les signes de la rougeole sont souvent moins nets.

Mais les rougeoles atypiques avec signes atténués se voient surtout chez les enfants antérieurement vaccinés ou les sujets ayant une immunité partielle.

Aspects cliniques :

Après une phase d’invasion inapparente de 10 jours, la maladie devient nette.

1- Phase d’invasion :

Elle dure 3 à 4 jours et se caractérise par une fièvre rapidement importante avec malaise général et céphalées ; une polyadénopathie discrète ; un catarrhe diffus des muqueuses, obligatoire pour porter le diagnostic de rougeole; ce catarrhe est oculaire avec une conjonctivite nette, nasal et trachéobronchique avec toux; les muqueuses digestives sont également atteintes : une diarrhée est fréquente, tandis que progressivement s’installe une atteinte de la muqueuse buccale ; l’énanthème apparaît 24 à 48 h après le début du catarrhe.

Sur une muqueuse érythémateuse, le signe de Koplick, uni- ou bilatéral, est pathognomonique de la rougeole (il dure 2 à 3 jours). Cet énanthème est douloureux et gêne considérablement l’alimentation.

2- Phase d’état :

L’éruption survient en moyenne 3 à 4 jours après le début du catarrhe.

L’exanthème est fait de maculopapules non prurigineuses, confluentes avec des intervalles de peau saine.

Il commence derrière les oreilles, puis gagne le visage et le tronc.

La fièvre disparaît avec la généralisation de l’éruption.

Celle-ci disparaît progressivement en quelques jours avec une desquamation inconstante.

3- Diagnostic :

Dans la forme habituelle décrite ci-dessus, le diagnostic de rougeole se porte sur l’association du catarrhe et du signe de Koplick au moment où apparaît l’exanthème.

En fait, les formes atténuées sont fréquentes avec un catarrhe discret et un exanthème peu net.

Il est classique de considérer que les rougeoles atypiques surviennent chez les sujets antérieurement vaccinés, mais des enquêtes systématiques montrent qu’elles ne sont pas rares dans la population générale, peut-être en rapport avec la moindre circulation du virus.

Par ailleurs, les autres fièvres éruptives peuvent prêter à confusion quand l’éruption est morbilliforme, ce qui n’est pas rare : rubéole (mais le catarrhe est absent), infections à entérovirus, et surtout à adénovirus, parfois mononucléose infectieuse. Au total le diagnostic clinique de la rougeole n’est pas toujours aisé.

Dans une série récente, la moitié seulement des enfants non vaccinés et ayant des anticorps anti-rougeoleux avaient eu une rougeole reconnue cliniquement par le médecin.

Pour cette raison, la confirmation par un diagnostic sérologique est souvent nécessaire.

La présence d’IgM antirougeoleuses dans la salive est intéressante et pourrait éviter un prélèvement sanguin.

Complications :

Les complications font toute la gravité de la rougeole.

Il faut distinguer les complications dues à l’atteinte directe du virus morbilleux et les surinfections bactériennes.

1- Atteintes virales :

  • Les atteintes respiratoires sont les plus fréquentes.

Le plus souvent il s’agit de bronchites (ou de bronchiolites chez le nourrisson) avec des râles ronflants ou sibillants, sans obligatoirement de surinfection bactérienne.

Les laryngites aiguës sont fréquentes au début de la phase éruptive.

Une pneumopathie virale est toujours présente, mais le plus souvent modérée.

Les atteintes pulmonaires graves d’emblée, en dehors de toute surinfection, sont plus fréquentes dans le Tiers-Monde que dans les pays occidentaux.

Il s’agit d’une pneumopathie sévère avec hypoxie de survenue généralement précoce nécessitant une réanimation respiratoire.

Elle se voit surtout chez les sujets malnutris (pneumonies interstitielles à cellules géantes avec présence du virus morbilleux).

Les enfants immunodéprimés sont des sujets à risque important d’atteinte pulmonaire sévère d’emblée par action directe du virus morbilleux.

C’est particulièrement le cas des enfants atteints de sida.

C’est pourquoi, bien que le vaccin antirougeoleux soit constitué par un virus vivant, la vaccination est obligatoire en cas d’immunodépression à moins que celle-ci ne soit en pleine phase évolutive avec une fonction lymphocytaire effondrée.

Les pneumonies interstitielles ne sont pas rares chez le jeune nourrisson, mais plus encore chez l’adolescent et l’adulte jeune, avec une atteinte souvent sévère.

C’est principalement à cause de l’atteinte pulmonaire que la rougeole est grave chez l’adulte.

  • Les complications virales neurologiques sont graves. L’encéphalite aiguë morbilleuse (0,1 % des cas de rougeole) survient quelques jours après le début de l’exanthème (entre le 3e et le 7e jour).

Elle détermine une leuco-encéphalite périveineuse avec démyélinisation progressive.

Les signes neurologiques sont variés et peu typiques et la mortalité est importante (15 à 25 % des cas).

Des séquelles se voient dans 30 à 40 % des cas. Une méningite virale sans atteinte encéphalitique est possible.

Enfin une encéphalite post-rougeoleuse retardée, survenant 2 à 6 mois après l’éruption, a été décrite chez des sujets immunodéprimés, l’issue est rapidement fatale.

  • La panencéphalite sclérosante aiguë (Van Bogaert) est une complication retardée survenant 2 à 10 ans après une rougeole apparemment banale.

Son installation est progressive, avec des mouvements anormaux, une détérioration importante et une issue toujours fatale en 1 à 2 ans. Les troubles du comportement précèdent l’apparition de mouvements anormaux (hypercinésie de la tête et des membres supérieurs).

Des myoclonies apparaissent ensuite, puis la dégradation intellectuelle devient évidente.

L’hypertonie généralisée conduit le malade à un état grabataire et l’issue est fatale en un ou deux ans.

L’électro-encéphalogramme est très caractéristique.

Le taux d’anticorps dans le sang et le liquide céphalo-rachidien est très élevé et il existe dans le liquide céphalorachidien un pic monoclonal d’IgG très net.

La panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) est observée dans 1 à 5 cas pour 100 000, mais sa fréquence a considérablement diminué avec la vaccination.

2- Surinfections bactériennes :

Elles sont fréquentes, surtout chez les enfants les plus jeunes.

Elles sont majorées par le fait que le virus rougeoleux entraîne rapidement une immunodépression cellulaire qui fait le lit des surinfections bactériennes, principalement au niveau des voies respiratoires.

Les otites sont fréquentes : elles sont la conséquence du catarrhe.

Théoriquement, il s’agit d’otites congestives mais les surinfections bactériennes sont habituelles et nécessitent un traitement antibiotique.

Les laryngites sont fréquemment surinfectées dans les pays du Tiers- Monde par des bactéries, mais aussi par des Candida.

Dans les pays industrialisés, il s’agit de laryngites virales simples.

L’importance de surinfections pulmonaires a considérablement diminué avec l’usage des antibiotiques, mais elles restent encore dans le Tiers-Monde une cause majeure de mortalité.

Prouver l’origine bactérienne d’une pneumopathie rougeoleuse est difficile car les prélèvements invasifs sont difficiles chez l’enfant.

Enfin les surinfections bactériennes de l’oeil sont fréquentes et graves et doivent être systématiquement prévenues par des soins oculaires pour éviter la kératite.

3- Complications nutritionnelles :

Elles sont au premier plan dans le Tiers-Monde.

L’énanthème est très douloureux et gêne l’alimentation et une diarrhée est fréquemment associée.

Les surinfections bactériennes aggravent encore le tableau, ce qui fait que la rougeole conduit fréquemment à la malnutrition.

Le résultat de l’extension de la vaccination antirougeoleuse dans les grandes villes d’Afrique a été de réduire considérablement le nombre de kwashiorkor et de marasmes dans les services de pédiatrie.

Traitement :

Comme pour la plupart des maladies virales, il n’y a pas de traitement spécifique.

Cependant la fréquence des surinfections, en particulier respiratoires, fait que beaucoup de médecins prescrivent des antibiotiques qui souvent ne sont que préventifs.

Par contre il est absolument indispensable de prescrire des soins oculaires avec lavage et collyres antiseptiques et souvent antibiotiques (ou mieux pommade ophtalmique) chez tous les enfants.

Dans le Tiers-Monde, les surinfections pulmonaires à entérobactéries ne sont pas rares et il faut en tenir compte pour le choix des antibiotiques.

Il n’y a pas d’antibiothérapie universelle et la bactériologie est fort utile.

Sinon l’antibiothérapie probabiliste repose sur l’amoxicilline ou l’association amoxicillineacide clavulanique.

1- Immunoglobulines et vaccinations :

  • Les indications de la sérothérapie sont rares (sujets immunodéprimés ou avec insuffisance cardiaque ou respiratoire lors de la contamination) mais elle interdit toute vaccination dans les 3 mois qui suivent avec un vaccin à virus vivant.

En fait, il faut vacciner les sujets contacts au cours d’une épidémie pour protéger l’individu et surtout pour interrompre la circulation du virus. Le vaccin est efficace dans les 3 à 4 premiers jours qui suivent le contage.

En cas d’épidémie dans une communauté d’enfants, il faut vacciner aussitôt les plus jeunes, faire un rappel à ceux qui n’ont reçu qu’une dose et s’assurer de l’immunité antirougeoleuse chez les adultes.

  • Le vaccin antirougeoleux utilisé en France est un vaccin vivant atténué, de souche Schwartz, combiné généralement aux vaccins anti-oreillons et rubéole.

Son efficacité est de 95 % et les complications sont rares, en dehors de pics fébriles et de rash vers le 10e jour.

Une anergie tuberculeuse d’un mois, comme après la rougeole, est habituelle.

La question des encéphalites induites par le vaccin rougeoleux est encore débattue : en fait, celles-ci correspondent (3 à 4 pour 10 millions de doses) aux encéphalites d’origine inconnue d’une population témoin.

  • Le problème de la vaccination des jeunes enfants n’est pas résolu. Les souches Schwartz et Moraten sont peu actives avant 9 mois et cela n’est pas seulement dû aux anticorps maternels transmis : la non-efficacité du vaccin à 6 mois n’est pas expliquée clairement.

Pourtant, en zone tropicale, les rougeoles surviennent tôt dans la vie : à Libreville, 51 % des rougeoles hospitalisées avaient moins de 1 an et 26 % moins de 9 mois.

La séroconversion à 6 mois est de 45 % environ.

Pour les enfants vivant en zone de forte endémie, il faut vacciner dès 6 mois (vaccin rougeoleux seul) et refaire un rappel avec le ROR à 12 mois.

Dans le Tiers-Monde, l’OMS recommande la vaccination à partir de 9 mois.

Pour les enfants vivant en France et entrant en crèche, il est recommandé de vacciner par le vaccin rougeoleux entre 6 et 9 mois, suivi d’un rappel ROR à 15 mois.

Enfin, la rougeole peut être grave en cas de sida, aussi, bien qu’il s’agisse d’un vaccin vivant, il est recommandé de vacciner les enfants séropositifs pour le VIH s’ils ne sont pas en plein déficit immunitaire (CD4 < 100).

2- Calendrier officiel des vaccinations de 1996 :

Il recommande la vaccination à partir de 1 an, et un rappel à 11-13 ans, ce qui est justifié pour les raisons exposées plus haut (couverture insuffisante et circulation faible mais réelle du virus).

Actuellement, la décision a été prise en France de ramener le rappel à la période 3 à 6 ans, pour augmenter la couverture vaccinale et réduire la circulation du virus.

En effet, les différentes enquêtes ont montré que le nombre annuel de cas rougeole était de 150 000 à 200 000, avec un déplacement vers les sujets les plus âgés.

Pour répondre aux objectifs de l’OMS qui envisage la disparition de la maladie en Europe en 2005, la Direction de la Santé conseille donc deux doses (avant 2 ans et à 3 à 6 ans), avec toujours un rattrapage à 11 ans pour les sujets non vaccinés, seul moyen d’étendre la couverture vaccinale et de réduire le taux d’incidence de la maladie.

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