Manifestations rhumatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

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Introduction : nouvelles données du problème

L’histoire de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a été profondément modifiée depuis 1995 par l’introduction de nouveaux antirétroviraux.

Manifestations rhumatologiques de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaineCes traitements ont indiscutablement fait reculer la morbidité et la mortalité de cette affection.

Néanmoins, le combat n’est pas fini pour différentes raisons :

– les traitements antirétroviraux même combinés ne permettent pas une éradication, laissant persister la possibilité de transmettre le virus pendant de nombreuses années ;

– la transmission de l’infection se poursuit, même en France, bien que nous assistions à un ralentissement de la progression.

En 1998, en France, le nombre de cas de syndromes de l’immunodéficience acquise (sida) recensés était de 50 000, et il existe probablement trois fois plus de séropositifs.

Ces chiffres seront bientôt plus précis, car le décret n° 99-363 du 6 mars 1999 inclut la séropositivité, quel que soit le stade clinique, dans la liste des maladies à déclaration obligatoire ;

– dans les pays sous-développés, en particulier d’Afrique subsaharienne, le problème est préoccupant, car 20 à 30 % de la population adulte est infectée.

À ce jour, 70 % des nouvelles infections surviennent dans ces pays, où les campagnes de prévention sont inefficaces et les traitements antirétroviraux trop coûteux pour être utilisés à grande échelle.

Aujourd’hui, dans le monde, près de 40 millions de patients sont infectés par le VIH, et près de 3 millions de patients en sont déjà décédés.

Ces chiffres permettent de comprendre la gravité de la situation et justifient de ne pas se laisser rassurer par les résultats pourtant méritants des nouvelles stratégies thérapeutiques.

Dans ce contexte, le rhumatologue doit rester attentif, car les signes rhumatologiques, souvent polymorphes, peuvent révéler ou surtout émailler l’évolution d’une infection par le VIH.

En pratique quotidienne, ces complications rhumatologiques ne sont pas considérées comme un problème majeur pour le rhumatologue.

Cependant, l’évolution actuelle semble avoir modifié les données du problème pour les raisons suivantes :

– les sujets infectés par le VIH ont actuellement une survie nettement plus longue, ce qui suggère qu’ils puissent consulter un rhumatologue pour une symptomatologie avec ou sans rapport avec leur infection.

Un simple calcul montre que la population infectée par le VIH (près de 110 000 patients en France) est arithmétiquement presque comparable à celle atteinte de polyarthrite rhumatoïde.

La prise en charge de ces patients devra nécessairement faire appel au rhumatologue.

Le praticien a donc besoin d’une formation suffisante lui permettant de connaître les principales complications de la maladie et de son traitement ;

– certaines manifestations rhumatologiques, en particulier les infections opportunistes, sont de plus en plus rares en raison de l’efficacité des traitements antirétroviraux et des prophylaxies antiinfectieuses, mais nous assistons à l’apparition d’autres manifestations particulièrement polymorphes et trompeuses qu’il faut connaître ;

– l’utilisation de plus en plus fréquente et de plus en plus prolongée de molécules antivirales justifie une bonne connaissance de leurs effets iatrogènes rhumatologiques et de leurs interactions avec les molécules utilisées par les rhumatologues.

Manifestations rhumatologiques et systémiques :

A – DESCRIPTION DES MANIFESTATIONS CLINIQUES :

Ces manifestations regroupent des atteintes localisées et/ou systémiques touchant tous les éléments de l’appareil locomoteur : articulations, os, muscles, système nerveux périphérique.

Souvent, le mode de révélation est la douleur, quelle que soit l’étiologie, ce qui justifie l’intervention du rhumatologue.

Ces complications ont donné lieu à de nombreuses études et revues de synthèse.

Schématiquement, on distingue différents types de manifestations, dont les prévalences respectives sont décrites dans le paragraphe « Données épidémiologiques » :

– les manifestations articulaires qui comprennent des arthralgies des primo-infections, des arthrites de causes diverses, en particulier infectieuses, et certaines formes de spondylarthropathies ;

– les manifestations osseuses infectieuses, tumorales mais aussi métaboliques (ostéonécroses, ostéopathies fragilisantes) ;

– les manifestations systémiques peuvent être très caractéristiques, comme le syndrome d’infiltration lymphocytaire diffus, ou moins spécifiques comme les vascularites ;

– les manifestations musculaires sont liées aux antirétroviraux, directement au virus ou plus rarement à une infection (pyomyosite) ou à d’autres causes ;

– les manifestations neurologiques périphériques sont assez fréquentes, et parfois responsables de tableaux douloureux atypiques.

B – MÉCANISMES GÉNÉRAUX :

Pour comprendre le mécanisme de ces complications, il faut décrire brièvement l’évolution naturelle des interactions hôte/virus permettant de comprendre la dernière classification des Centers for Disease Control (CDC) (1993).

L’infection par le VIH évolue progressivement en touchant principalement les lymphocytes CD4 (en particulier la population CD4 naïve) et les cellules monocytes-macrophages exprimant aussi l’antigène CD4.

À la phase initiale caractérisée par une forte réplication virale, le système immunitaire de l’hôte agit en réprimant l’infection, mais il va se constituer des « sanctuaires viraux » dans les organes lymphoïdes, expliquant les longues phases de latence.

Pendant cette phase de latence caractérisée par une intense réaction immunitaire cellulaire (expansion lymphocytaire CD8 et natural killer [NK]) et humorale (intense synthèse d’anticorps polyclonaux), apparaissent de nouvelles formes virales résultant de diverses mutations.

Chez la plupart des individus, l’évolution se fait vers une détérioration plus ou moins rapide de la réponse immunitaire dépendante des lymphocytes CD4.

La gravité et la rapidité de cette détérioration sont liées à des mécanismes encore partiellement inconnus.

Ainsi, on peut distinguer cinq catégories de manifestations rhumatismales au cours de l’infection par le VIH :

– les manifestations précoces contemporaines de la primo-infection se traduisent parfois par des arthralgies et/ou des myalgies au cours d’un syndrome grippal ;

– certaines manifestations sont la conséquence de l’intense activité du système immunitaire stimulé par les antigènes viraux au cours de la phase de latence.

Ces manifestations sont des arthrites, des vascularites, ou d’autres manifestations systémiques assez proches de celles observées au cours des maladies auto-immunes ;

– certaines manifestations sont la conséquence directe du déficit immunitaire en lymphocytes T CD4.

Il s’agit essentiellement de complications infectieuses à germes banals ou opportunistes, et certaines tumeurs (lymphomes non hodgkiniens) qui apparaissent surtout lorsque le déficit immunitaire est profond ;

– les manifestations iatrogènes liées aux traitements antirétroviraux et à la prophylaxie anti-infectieuse sont de plus en plus fréquentes ;

– en marge de ces manifestations liées à l’infection ou à son traitement, les patients peuvent aussi consulter pour des motifs indépendants.

À titre d’exemple, nous avons montré que, parmi 52 patients infectés par le VIH vus par un rhumatologue de 1994 à 1996 (consultation hospitalière), 23 ont consulté pour un motif indépendant de l’infection virale, et 29 pour des manifestations liées à cette infection (11 atteintes musculaires, six atteintes articulaires, une ostéonécrose, deux lymphoproliférations et neuf atteintes systémiques).

Données épidémiologiques :

À la suite de quelques observations isolées de manifestations rhumatologiques associées à l’infection par le VIH, trois études transversales prospectives ont permis d’apprécier la prévalence de manifestations rhumatologiques.

Certaines ont été consacrées plus spécifiquement à des affections telles que les spondylarthropathies.

Une étude longitudinale prospective française a aussi été menée de façon à déterminer leur incidence.

A – ÉTUDES TRANSVERSALES :

Ces études, essentiellement menées en milieu hospitalier dans des pays industrialisés, ont montré que la prévalence des manifestations rhumatologiques semble assez élevée.

Néanmoins, il faut noter que ces travaux portent sur des populations de patients suivis en milieu hospitalier, qui sont habituellement symptomatiques au moment de leur inclusion.

Les arthralgies apparaissent comme la plus fréquente manifestation rhumatologique, loin devant les arthrites, les manifestations osseuses et les affections musculaires.

Les arthralgies sont les premières manifestations rhumatologiques mentionnées au cours de l’infection par le VIH.

Elles ont été considérées comme les plus fréquente d’entre elles depuis l’étude de Berman et al.

En fait, leur prévalence chez les patients séropositifs est diversement estimée, selon le terrain et selon les critères diagnostiques utilisés.

En définissant les arthralgies comme des douleurs de topographie uniquement articulaire, sans déformation, sans augmentation de volume, sans augmentation de chaleur locale et sans altération radiologique, il est possible d’en observer chez 7 % des patientes séropositives hospitalisées au Rwanda.

Les arthrites observées au cours des infections par le VIH sont le plus souvent liées à des spondylarthropathies ou des arthrites « spécifiques » de l’infection par le VIH. Les autres étiologies, essentiellement infectieuses, sont plus anecdotiques, mais importantes à connaître compte tenu de leur mauvais pronostic et des implications thérapeutiques.

Le caractère transversal des principales études a conduit à discuter la réalité d’une prévalence élevée des manifestations articulaires.

Néanmoins, la forte séroprévalence de l’infection par le VIH chez les patients hospitalisés en Afrique pour une spondylarthropathie ou pour une arthrite septique semble confirmer que l’infection par le VIH est un facteur de risque indiscutable de ce type de manifestations articulaires, tout au moins en Afrique.

B – ÉTUDES LONGITUDINALES :

Calabrese et al ont mené une étude longitudinale rétrospective puis prospective aux États-Unis.

Ils ont suivi plus de 100 patients séropositifs pendant 24,6 mois (0,5 à 85 mois), ce qui a permis d’observer un syndrome de Reiter, un rhumatisme psoriasique et une mono-, oligo- ou polyarthrite possiblement liée à l’infection VIH chez respectivement 1,7 %, 1,7 % et 11,1 % des patients, mais aucun cas d’arthrite septique.

Ainsi, l’infection par le VIH semble associée à une augmentation du risque de manifestation articulaire, mais la fréquence de ces manifestations semble varier selon l’ancienneté de ces études et le type de populations étudiées.

Manifestations articulaires et périarticulaires :

A – ARTHRALGIES :

1- Description :

Les arthralgies des patients infectés par le VIH peuvent être séparées en deux catégories distinctes :

– les arthralgies contemporaines de la primo-infection, souvent décrites comme des « arthralgies-myalgies », surviennent dans environ 60 % des primo-infections symptomatiques, parfois dans un contexte de syndrome fébrile aigu mononucléosique.

La symptomatologie comporte, outre les arthralgies, une fièvre, une pharyngite et des signes généraux.

L’examen objective des adénopathies, un rash érythémateux, et parfois une hépatosplénomégalie ou des signes neurologiques aigus.

Biologiquement, il existe un syndrome mononucléosique et parfois une thrombopénie.

Les anticorps anti-VIH sont absents à ce stade, mais l’antigène P24 ou de l’acide ribonucléique (ARN) viral circulant peuvent être mis en évidence précocement ;

– les arthralgies survenant chez des patients séropositifs ont été initialement décrites par Berman et al, qui séparaient les « arthralgies d’intensité modérée » des « arthralgies de forte intensité ».

Dans notre expérience, il existe une continuité entre ces formes extrêmes et les formes de moindre intensité.

Il s’agit le plus souvent d’oligoou de polyarthralgies symétriques (90 %) d’horaire inflammatoire ou mixte (75 %). La majorité de ces patients ont souvent un déficit immunitaire important.

2- Mécanismes :

Le mécanisme des arthralgies reste mal connu, mais différentes hypothèses peuvent être proposées :

– le rôle direct du VIH peut être discuté par analogie avec les arthrites rétrovirales observées chez l’animal (chèvre) et dans des modèles murins utilisant le human T-cell lymphoma virus (HTLV)-1.

Chez l’homme, il est possible de détecter des antigènes viraux (P24) ou des particules virales dans la synoviale d’arthrite, sans que cela démontre le rôle arthritogène direct du virus ;

– le VIH pourrait agir indirectement par des mécanismes divers qui ne s’excluent pas :

– l’infection par le VIH peut favoriser une infection par un germe arthritogène tel que mycoplasme, mais cela n’est pas démontré ;

– le rôle arthritogène de certaines perturbations du système immunitaire (cryoglobulinémie, complexes immuns, prolifération lymphoïde CD8 cytotoxique…) est possible mais non démontré ;

– le VIH pourrait aussi agir via une atteinte vasculaire endothéliale, comme le suggèrent certaines lésions synoviales chez des patients infectés.

Ces hypothèses peuvent s’appliquer aussi aux arthrites appelées par certains « spécifiques ».

3- Traitement :

Un traitement anti-inflammatoire permet de soulager plus de 80 % des patients en quelques jours, le plus souvent sans rechute.

Les antalgiques sont moins efficaces dans notre expérience, mais peuvent constituer un traitement d’appoint.

B – ARTHRITES « SPÉCIFIQUES » :

Certaines arthrites apparemment inclassables suggèrent qu’il existe peut-être des arthrites « spécifiques » comparables à des arthrites virales.

Il s’agit d’oligoarthrites aiguës des grosses articulations des membres inférieurs (genoux, chevilles), de début brutal et d’évolution bénigne sous anti-inflammatoires et/ou infiltration de corticoïdes.

La prévalence et l’évolution de ces arthrites ne sont pas connues, mais l’impression actuelle est celle d’une diminution de leur fréquence parallèlement à l’utilisation des antirétroviraux.

Les mécanismes de ces arthrites sont mal connus.

Il s’agit peut-être d’arthrites liées à des mécanismes identiques à ceux discutés précédemment dans les arthralgies, mais l’hypothèse qu’il s’agisse de spondylarthropathies indifférenciées n’est pas exclue.

C – SPONDYLARTHROPATHIES :

1- Description :

Les spondylarthropathies sont vraisemblablement la présentation la plus fréquente des manifestations rhumatismales chez les patients infectés par le VIH.

Ces spondylarthropathies sont le plus souvent des rhumatismes psoriasiques (RP) et surtout des spondylarthropathies indifférenciées.

En revanche, les syndromes de Fiessinger-Leroy-Reiter (FLR) sont très rares, du moins les formes complètes.

Chez ces patients, les arthrites réactionnelles sont volontiers plus sévères, avec des signes articulaires, des enthésopathies et des lésions cutanées et unguéales souvent importantes, mais les formes complètes (urétro-synovio-conjonctivales) de type FLR sont assez rares.

L’évolution peut être continue, ou entrecoupée de rémissions.

Des signes radiographiques sont observés, surtout dans les formes chroniques.

Les arthrites touchent surtout les chevilles et les pieds, et sont volontiers associées à des enthésopathies achiléennes et/ou plantaires et des ténosynovites tibiales.

Les atteintes des mains et poignets sont aussi fréquentes. Les atteintes axiales sacro-iliaques et rachidiennes sont en revanche rares, l’évolution ne se faisant qu’exceptionnellement vers une authentique spondylarthrite ankylosante (SPA).

Des lésions cutanées analogues à celles du FLR classique peuvent être observées (éruption pustuleuse et papulosquameuse palmoplantaire, balanite, onychodystrophie).

En revanche, les conjonctivites et les uvéites semblent peu associées à ces spondylarthropathies.

Le RP, tout comme le psoriasis, est plus fréquent chez les patients séropositifs pour le VIH.

La présentation rhumatologique ne semble pas différente, mais le psoriasis est souvent plus floride et parfois assez proche des lésions psoriasiques observées dans le FLR.

Ces spondylarthropathies, en particulier les FLR, semblent associées à l’allèle human leukocyte antigen (HLA) B27.

2- Mécanismes :

Ces spondylarthropathies pourraient être liées à la conjonction de différents facteurs :

– la fréquence des infections génitales sexuellement transmissibles suggère la possibilité d’infections plus fréquentes à Mycoplasma et/ou Chlamydia trachomatis ;

– le déficit cellulaire LT CD4 peut faciliter la persistance d’une infection chronique arthritogène survenant après des infections urogénitales ou digestives ;

– la dérégulation immunitaire peut faciliter le développement d’une synovite.

La prédominance d’une réponse lymphocytaire CD4 Th2 (au détriment de la réponse Th1), observée dans l’infection par le VIH, est une anomalie qui pourrait favoriser l’apparition d’une spondylarthropathie, comme cela a été démontré dans les formes non liées au VIH.

Le rôle des LT CD8 synoviaux, controversé dans les spondylarthropathies, pourrait être plus important dans les formes liées au VIH.

3- Traitement :

Le traitement de ces spondylarthropathies repose essentiellement sur les anti-inflammatoires et les traitements locaux. Les injections de corticoïdes locaux ont une place dans l’arsenal thérapeutique, à condition de respecter des règles d’asepsie strictes et d’avoir formellement éliminé une arthrite septique.

Malgré une publication rapportant une bonne tolérance du méthotrexate, ce traitement de fond ne doit être mis en place qu’avec précaution chez ces patients immunodéprimés, en raison des risques d’infections opportunistes, de Kaposi et de lymphomes.

Des traitements par sels d’or, Salazopyrinet ou étrétinate ont pu être efficaces et bien tolérés dans quelques rares observations.

La place des antibiotiques dans le traitement des arthrites réactionnelles n’est pas établie de façon claire, mais il paraît licite de les proposer de façon prolongée (3 mois) lorsqu’un germe a pu être identifié dans un site extra-articulaire, en particulier génito-urinaire.

D – AUTRES ARTHRITES ASEPTIQUES :

Elles sont exceptionnelles, mais on peut citer les arthrites microcristallines, notamment les arthrites goutteuses observées dans quelques séries, et les rhumatismes poststreptococciques.

La prévalence exacte et la relation avec l’infection par le VIH ne sont pas toujours établies.

Certaines complications systémiques associées aux VIH peuvent aussi se manifester par des arthrites (vascularite, dermatoses neutrophiliques…).

E – ARTHRITES SEPTIQUES :

Plusieurs mises au point portant spécifiquement sur les arthrites septiques au cours de l’infection par le VIH ont démontré une augmentation du risque d’infection synoviale.

Ce risque semble assez faible, mais la fréquence réelle des arthrites septiques est difficile à établir.

Globalement, les complications septiques du système musculosquelettique sont observées dans 0,3 à 3,6 % des cas.

Au cours de l’infection par le VIH, les germes responsables des arthrites septiques sont essentiellement les bactéries pyogènes.

Les arthrites non gonococciques constituent la première cause d’arthrite septique au cours de l’infection par le VIH. Le mode d’inoculation est hématogène.

Le tableau clinique est évocateur (fièvre, arthrite aiguë, liquide articulaire purulent) et l’évolution est favorable sous antibiothérapie.

Staphylococcus aureus est le pyogène le plus souvent isolé.

La majorité des cas sont observés chez des toxicomanes, particulièrement victimes de septicémies à Staphylococcus aureus, même en l’absence de déficit immunitaire profond.

La fréquence des septicémies staphylococciques dans les pays industrialisés est surtout expliquée par les portes d’entrées veineuses, même en dehors de la toxicomanie.

Streptococcus pneumoniae est le second germe isolé par ordre de fréquence, en particulier chez des hémophiles et chez des Africains infectés par le VIH.

La fréquence des arthrites pneumococciques est parallèle à celle des pneumopathies et septicémies observées chez les patients séropositifs, mais les localisations articulaires au cours de ces septicémies ne semblent pas plus fréquentes que dans la population générale.

Six observations d’arthrites streptococciques (Streptococcus pneumoniae exclu) ont été rapportées.

Ces observations sont corrélées à la relative fréquence des septicémies à streptocoques chez les patients séropositifs dans les pays industrialisés.

D’assez nombreuses observations d’arthrites gonococciques ont été rapportées.

Il s’agit toujours d’adultes jeunes séropositifs rarement au stade de sida.

Les atteintes sont oligo- ou polyarticulaires et d’évolution favorable sous antibiothérapie.

Le rôle de l’immunodépression paraît moins grand que celui du « vagabondage sexuel », puisque aucun patient ne présente de déficit immunitaire sévère.

En fait, il n’est pas certain que ces arthrites gonococciques soient plus fréquentes que chez des homosexuels ou hétérosexuels à « partenaires multiples » non infectés par le VIH.

D’autres pyogènes ont été identifiés plus rarement, mais on note qu’ils sont exceptionnellement à l’origine d’arthrites septiques chez les patients non immunodéprimés : Staphylococcus epidermidis, Campylobacter fetus, Haemophilus influenzae, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas et Treponema pallidum.

Des salmonelles sont responsables de nombreuses arthrites septiques, confirmant le rôle de l’immunosuppression dans la survenue de complications hématogènes.

Seules quelques dizaines de cas d’arthrites mycobactériennes ont été rapportés au cours de l’infection par le VIH, le plus souvent quand il existe un déficit immunitaire important.

Les arthrites tuberculeuses à Mycobacterium tuberculosis sont rares au cours du sida.

Seules quelques observations d’arthrites à Mycobacterium avium ont été publiées au cours du sida, alors que l’identification de Mycobacterium avium est possible en post mortem dans différents types de tissus chez près de 50 % des sidéens aux États-Unis.

Des observations anecdotiques d’arthrites à Mycobacterium haemophilum et Mycobacterium kansasii ont aussi été signalées.

Une évolution rapidement mortelle est notée dans presque toutes ces observations d’infections à mycobactéries atypiques.

Parmi les observations d’arthrites fongiques qui ont pu être colligées, les plus fréquentes sont les arthrites à Candida albicans.

Elles ont été diagnostiquées principalement chez des toxicomanes, avec une forte prépondérance des atteintes costo-sternoclaviculaires.

La rareté des septicémies à Candida albicans laisse présumer un rôle prépondérant des portes d’entrées veineuses (toxicomanie) et non du déficit immunitaire.

On peut citer enfin quelques rares observations d’arthrites cryptococciques, de sporotrichose articulaire, d’arthrite à Histoplasma capsulatum et à Cunninghamella bertholletiae.

Ces arthrites fongiques non candidosiques surviennent chez des patients ayant un déficit immunitaire profond.

Une évolution défavorable est spécifiée dans les cinq observations où l’évolution est connue.

Le type d’agents infectieux diffère selon le terrain :

– chez les toxicomanes, on note une grande fréquence des arthrites à Staphylococcus aureus et Candida albicans, avec une localisation préférentielle aux articulations costo-sterno-claviculaires et sacroiliaques, ce qui est le cas en l’absence d’infection par le VIH ;

– chez les hémophiles, toutes les observations rapportées sont, sauf une, dues à un pyogène non gonococcique.

Les étiologies staphylococciques et pneumococciques sont les plus fréquentes.

Habituellement, les arthrites septiques sont rares chez l’hémophile non infecté par le VIH.

Néanmoins, la confirmation formelle d’un risque plus élevé chez l’hémophile infecté par le VIH n’est pas établie, mais suggérée par la fréquence des observations décrites.

Chez les patients séropositifs, il est important de ne pas confondre ces arthrites septiques avec une hémarthrose ;

– dans les pays en voie de développement, la transmission hétérosexuelle peut expliquer la fréquence élevée des arthrites gonococciques.

Dans ces pays, l’environnement (promiscuité, hygiène insuffisante) et la gravité des déficits immunitaires observés, expliquent la fréquence des arthrites à Streptococcus pneumoniae et Salmonella non typhi.

F – SPONDYLODISCITES :

Les spondylodiscites sont une localisation septique assez rare, mais elles sont signalées dans plusieurs revues sur les complications infectieuses. Les germes en cause sont aussi les germes pyogènes classiques, mais il y a quelques observations à mycobactéries.

G – MANIFESTATIONS PÉRIARTICULAIRES :

1- Bursites infectieuses :

Quelques observations d’hygroma du coude en particulier ont été rapportées, sans que l’on puisse véritablement établir un lien spécifique avec le VIH.

Une infection locale est toujours à craindre et impose la ponction et l’étude microbiologique du liquide.

Dans certaines bursites à staphylocoque doré, l’évolution n’est pas toujours favorable sous traitement antibiotique.

2- Ténosynovites :

Des ténosynovites infectieuses (mycobactérie atypique, tuberculose) parfois associées à un syndrome du canal carpien ont pu révéler une infection par le VIH ou émailler son évolution.

3- Ostéoarthropathies :

De curieux tableaux d’ostéoarthropathie avec hippocratisme digital ont été décrits, soit au début de l’infection par le VIH, soit en association à une pneumopathie à Pneumocystis carinii typique ou granulomateuse.

Cet hippocratisme digital peut être réversible.

Manifestations osseuses liées à l’infection par le VIH :

A – OSTÉOMYÉLITES :

Les ostéomyélites semblent de moins en moins fréquentes, mais une centaine d’observations ont été décrites dans la littérature.

Le tableau clinique n’a pas de spécificité.

Il s’agit d’ostéomyélites aiguës ou chroniques, touchant des patients avec un déficit immunitaire souvent plus profond que pour les arthrites septiques.

Néanmoins, quelques particularités méritent d’être soulignées :

– ces infections sont surtout favorisées par des facteurs comme la toxicomanie intraveineuse, l’hémophilie ou les traumatismes directs.

Les ostéites infectieuses survenant après une fracture ouverte ou la pose de matériel d’ostéosynthèse semblent être plus fréquentes chez le sujet infecté par le VIH ;

– la diversité des localisations décrites peut être soulignée.

Les vertèbres et les os longs sont le plus souvent touchés, mais de nombreux sites inhabituels (os hyoïde, os temporal, mandibule, gril costal…) ont été décrits.

Parfois, il existe des localisations multiples, surtout à mycobactéries.

Certaines formes sont associées à une arthrite de contiguïté ;

– les germes les plus fréquents sont des germes pyogènes classiques (Staphylococcus aureus, streptocoque et parfois gonocoque), mais de nombreuses observations à germes opportunistes ont été rapportées, en particulier à mycobactéries atypiques (Mycobacterium avium, Mycobacterium haemophilum, Mycobacterium kansasii) mais aussi à Salmonella typhimurium, Nocardia asteroides ou Treponema pallidum.

Plus rarement, il s’agit de mycoses ou de parasitoses (Candida albicans, Torulopsis glabrata, Histoplasma capsulatum, Pneumocystis carinii…).

Un cas particulier est celui des lésions osseuses de l’angiomatose bacillaire liée à Bartonella quintana et henselae.

Cette affection, comparable à l’angiomatose bacillaire ou la maladie des griffes du chat, est rare chez le sujet sain.

Chez le sujet immunodéprimé, le tableau associe des signes généraux (fièvre), des nodules cutanés angiomateux et des atteintes ostéolytiques dans près de 30 % des cas.

Ces ostéolyses siègent généralement sur les os longs en regard des lésions cutanées ;

– les ostéomyélites et les ostéites sont un facteur de mauvais pronostic chez le patient infecté par le VIH. La mortalité est estimée à 20%.

Le diagnostic microbiologique de ces infections osseuses est parfois difficile.

Une biopsie osseuse, éventuellement radioguidée, s’avère souvent indispensable.

Cependant, lorsque le déficit immunitaire est profond, ces prélèvements peuvent mettre en évidence plusieurs germes opportunistes ou saprophytes, ce qui complique la prise en charge thérapeutique.

Cette dernière est fondée sur l’utilisation prolongée d’une antibiothérapie adaptée.

Dans certaines formes, une antibiothérapie continue prophylactique peut être discutée.

Dans les infections de matériel étranger, l’ablation de ce matériel est justifiée.

B – OSTÉONÉCROSES ASEPTIQUES :

Près d’une centaine d’ostéonécroses ont été décrites au cours d’une infection par le VIH.

Il s’agit le plus souvent de formes classiques touchant les têtes fémorales et humérales, mais rarement de formes multifocales.

Le rôle de complications liées à l’infection par le VIH a été discuté, en particulier les coagulopathies (anticorps antiphospholipides, déficit en protéine S) et les vascularites, mais leur responsabilité formelle n’a pas été confirmée.

La plupart de ces ostéonécroses semblent associées à des facteurs de risque classiques, en particulier la corticothérapie et l’éthylisme chronique.

Depuis l’utilisation plus fréquente et prolongée des antiviraux, il semble qu’un nombre croissant d’ostéonécroses ait été déclaré à la pharmacovigilance.

Le rôle des nouveaux antirétroviraux a été évoqué, en raison des modifications lipidiques sériques et tissulaires qu’ils provoquent mais pour l’instant, aucun argument ne permet formellement de les incriminer.

Il est possible que cette augmentation apparente de la prévalence soit essentiellement liée à une durée de vie prolongée, entraînant une exposition plus fréquente aux facteurs de risque classiques (corticoïdes, alcool…).

Néanmoins, une surveillance attentive et de véritables études prospectives cas-témoins devraient permettre de mieux identifier d’éventuels facteurs de risque spécifiques, en particulier les dyslipidémies (hypertriglycéridémie) liées aux antirétroviraux.

C – OSTÉOPATHIES FRAGILISANTES :

Jusqu’à présent, les ostéopathies fragilisantes ne constituaient pas un réel problème au cours de l’infection par le VIH, mais avec la prolongation de la survie, la question pourrait se poser. Récemment, quelques observations d’ostéopathies fracturaires ont été rapportées.

Les premiers éléments semblent démontrer que l’évolutivité de l’infection virale, qui associe une réduction de l’activité physique, des modifications nutritionnelles et la libération de différentes cytokines déminéralisantes (tumor necrosis factor [TNF] a, interleukine [IL]6) pourrait être le facteur étiologique principal de cette déminéralisation.

Ainsi, il a été démontré que les traitements antirétroviraux pouvaient freiner la résorption et favoriser l’ostéoformation.

Cependant, l’observation récente d’ostéopénie et d’ostéoporose chez des patients sous antiviraux (antiprotéase) a semé le doute, mais pour l’instant, il ne s’agit que d’études transversales qui ne permettent pas de conclure.

Des études prospectives longitudinales tenant compte de tous les facteurs de risque physiques et métaboliques sont nécessaires pour répondre à cette question.

D – LÉSIONS TUMORALES OSSEUSES :

Nous disposons d’assez peu de données chiffrées évaluant la prévalence exacte de ces lésions, car ces lésions tumorales surviennent habituellement au cours des syndromes lymphoprolifératifs pris en charge par des services spécialisés.

Cependant, contrairement aux manifestations infectieuses, la prévalence de ces manifestations semble s’accroître.

En 1996, 152 lymphomes associés à une infection par le VIH, colligés par le Gela (groupe d’étude des lymphomes agressifs) ont été analysés.

Parmi eux, 15 (9,5 %) avaient une atteinte osseuse macroscopique qui a été révélatrice chez trois d’entre eux.

Il s’agissait de dix lymphomes de type Burkitt (formes observées précocement au cours de l’infection par le VIH) et cinq lymphomes non hodgkiniens immunoblastiques ou lymphoplasmocytaires (formes observées lorsque le déficit immunitaire est profond).

Les complications de ces lymphomes (hypercalcémie, compression médullaire ou radiculaire) sont comparables à celles des lymphomes de la population générale, même s’il semble que l’atteinte osseuse soit plus diffuse.

Par ailleurs, une des autres particularités est l’existence, chez des sujets souvent jeunes, d’authentiques proliférations plasmocytaires de type myélome ou plasmocytome.

Ces proliférations sont vraisemblablement liées à la conjonction d’une stimulation antigénique virale chronique et de la synthèse excessive de facteur de croissance plasmocytaire comme l’IL6.

Néanmoins, il s’agit d’une complication assez rare dont la prévalence exacte est mal connue.

D’autres lésions osseuses malignes ont été observées, mais elles semblent très rares.

Le cas particulier du sarcome de Kaposi mérite d’être cité, car quelques localisations osseuses ont été signalées, mais depuis quelques années, la prévalence de cette affection a fortement diminué.

Manifestations systémiques :

A – INTERACTION ENTRE LE VIH ET LE SYSTÈME IMMUNITAIRE DE L’HÔTE :

Dès la primo-infection, surtout pendant la phase de latence, l’interaction du VIH avec le système immunitaire de l’hôte a de nombreuses conséquences immunologiques.

Ces interactions vont favoriser l’apparition de manifestations systémiques ressemblant à celles observées au cours des maladies auto-immunes.

Les principales modifications immunitaires liées à la stimulation virale chronique sont :

– une expansion des lymphocytes CD8 et des cellules NK dont certains clones ont une activité anti-VIH ;

– une hyperactivité polyclonale B touchant principalement les lymphocytes B CD5+ qui peuvent synthétiser des autoanticorps ;

– une activation macrophagique avec la libération de cytokines proinflammatoires, telles que le TNF-a et les IL1 et 6 ;

– une déplétion en lymphocytes CD4 avec un déficit de synthèse des cytokines régulatrices, comme l’interféron gamma, l’IL2 ou l’IL12.

Il est intéressant d’observer que certaines modifications immunologiques, souvent associées à une progression de l’infection, sont plus fréquentes chez les sujets ayant un haplotype HLA A1 B8 DR3 ou HLA B35.

Cet haplotype est aussi celui que l’on observe plus fréquemment dans les maladies auto-immunes.

Ces différentes constatations et la découverte d’autoanticorps antilymphocytes CD4 ont fait évoquer la théorie un peu provocatrice d’une « boucle » auto-immune amplifiant le déficit immunitaire cellulaire du sida.

Ainsi, l’ensemble de ces perturbations dysimmunitaires peut favoriser l’apparition de manifestations systémiques.

B – MANIFESTATIONS CLINIQUES SYSTÉMIQUES :

Contrairement à ce que l’on a cru initialement, ces manifestations ne sont pas strictement comparables à celles des maladies autoimmunes classiques, mais il s’agit parfois d’un piège diagnostique à éviter.

Globalement, leur prévalence est faible, mais elles ont été très étudiées car elles sont un modèle important en immunopathologie clinique.

1- Syndrome d’infiltration lymphocytaire diffuse (SILD) (« diffuse infiltration lymphocyte syndrome » ou DILS) :

Dans les études les plus récentes, la prévalence de ce syndrome est évaluée à 3-8 % selon les populations.

Il se caractérise par une hypertrophie parotidienne (90 % des cas), souvent compliquée d’une xérostomie et d’une xérophtalmie (80 % des cas).

Ce syndrome se distingue du syndrome de Gougerot-Sjögren primaire par différents éléments :

– la fréquence (> 50 % des cas) de manifestations extraglandulaires qui sont habituellement des pneumopathies interstitielles, des atteintes digestives, rénales, neurologiques et musculaires liées à l’infiltrat lymphocytaire ;

– l’analyse de l’infiltrat lymphocytaire, en particulier glandulaire, montre qu’il s’agit de lymphocytes T CD8, contrairement au syndrome de Gougerot-Sjögren primaire, où l’on observe des lymphocytes T CD4.

Ces lymphocytes T CD8, qui ont un phénotype mémoire, utilisent un récepteur à l’antigène spécifique (T-cell receptor) suggérant qu’ils soient dirigés contre un antigène spécifique du VIH ;

– les autoanticorps sont habituellement absents, mais chez 8 % des patients qui semblent prédisposés génétiquement (présence d’HLA DR3), il est possible d’observer des anticorps anti-Ro/SS-A – La/SSB ;

– la prédisposition génétique au SILD est liée à l’allèle HLA DR5 (DRB1 1102) et DR6 (DRB1 1301), surtout chez les sujets de race noire.

Une biopsie des glandes salivaires accessoires peut être utile pour confirmer le diagnostic.

Mais il faut éviter la biopsie de la parotide, en raison du risque de lésion du nerf facial, sauf en cas d’hypertrophie tumorale suspecte.

Ce syndrome très particulier s’associe à une évolution plus lente de l’infection virale, vraisemblablement en raison du rôle antirétroviral de cet infiltrat LT CD8.

Le traitement antirétroviral est habituellement efficace, ce qui explique que la prévalence de ce syndrome ait tendance à diminuer.

Dans certains cas, un traitement symptomatique du syndrome sec, et parfois une corticothérapie faible dose, en cas de manifestations systémiques, peuvent être proposés.

Dans la mesure du possible, dans les formes symptomatiques, il faut renforcer le traitement antirétroviral et éviter le recours aux immunosuppresseurs.

2- Vascularites :

La prévalence des vascularites est faible, de l’ordre de 0,4 à 1 %. Le rôle direct du VIH est difficile à démontrer, même s’il a été isolé (ARN viral, antigène P24) dans l’infiltrat mononucléé périvasculaire et dans les cellules endothéliales.

L’inventaire des différentes formes de vascularites démontre une grande diversité histologique et clinique, ce qui traduit certainement leur caractère multifactoriel.

La forme la plus fréquente est la vascularite d’hypersensibilité des petits vaisseaux, révélée par un simple purpura vasculaire, mais des vascularites nécrosantes de type périartérite noueuse (PAN) ou des formes granulomateuses sont possibles, parfois révélées par des atteintes viscérales sévères (rénales, neurologiques, pulmonaires…).

Le tableau clinique est souvent peu spécifique, parfois confondu avec une autre complication, en particulier une co-infection par un virus vasculotrope comme le cytomégalovirus (CMV) ou les virus des hépatites B et C.

Dans les vascularites leucocytoclasiques des petits vaisseaux, il faut de principe évoquer la possibilité d’une réaction d’hypersensibilité à un sulfamide (Bactrimt, Fansidart) ou à d’autres médicaments.

Des pseudovascularites liées à une lymphoprolifération angiocentrique (lymphomes malins) sont possibles.

La prise en charge associe généralement un traitement antirétroviral, le traitement d’une éventuelle infection ou d’une co-infection opportuniste (CMV) et parfois, en cas d’atteintes viscérales, l’utilisation transitoire d’un immunosuppresseur.

3- Autres manifestations systémiques :

D’autres manifestations systémiques liées à l’hyperactivité du système lymphocytaire sont possibles (myosites, arthrites…).

Elles sont discutées dans les paragraphes spécifiques liés à ces complications.

C – MANIFESTATIONS BIOLOGIQUES AUTO-IMMUNES AU COURS DE L’INFECTION PAR LE VIH :

Un des phénomènes les plus insolites est la synthèse d’autoanticorps, qui s’explique par les perturbations immunologiques induites par cette infection virale chronique.

Différents éléments distinguent cette synthèse d’autoanticorps de celle des grandes maladies auto-immunes classiques :

– les autoanticorps les plus spécifiques comme les antiacide désoxyribonucléique (ADN) natifs, les anti-Sm ne sont pas détectables chez les patients infectés par le VIH, sauf dans de rares études utilisant des techniques de détection très sensibles.

La seule exception est probablement la présence d’anti-Ro-La au cours du SILD chez les sujets prédisposés génétiquement ;

– un des phénomènes les plus fréquents est la forte prévalence des anticorps anticardiolipides, détectables parfois à titre élevé chez 20- 70 % des sujets infectés par le VIH.

Il a été démontré récemment que ces antiphospholipides sont différents de ceux du lupus, car ils ne nécessitent pas la présence de la bêta-2 glycoprotéine 1 (cofacteur plasmatique) pour réagir avec leur antigène (cardiolipide).

Ainsi, dans la grande majorité des cas, ces autoanticorps ne s’associent pas à un risque accru de thrombose ;

– les anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA : antineutrophil cytoplasmic antibodies) ont aussi été décrits, mais habituellement, ils ne sont pas dirigés contre des cibles spécifiques comme la protéinase 3 ou la myéloperoxydase.

Ce type d’ANCA est assez comparable à ceux que l’on observe au cours d’autres infections chroniques, comme les endocardites bactériennes.

Ils ne s’associent généralement à aucune complication vasculaire inflammatoire.

Néanmoins, comme nous l’avons démontré récemment, la prévalence de la plupart des autoanticorps est comparable à celle de témoins sains, mais dans certaines circonstances, en particulier quand il existe une importante hyperactivité polyclonale B, on peut observer des titres élevés d’anticorps anticardiolipide (sans activité anti-bêta-2 GP1), des anticorps antimuscle lisse, des antiplaquettes, des anticorps anticytoplasme polynucléaires mais généralement sans complication clinique.

Il s’agit vraisemblablement d’une synthèse excessive d’autoanticorps naturelle, sans signification pathologique.

D’autres phénomènes biologiques comme la présence d’une cryoglobuline, d’une hypergammaglobulinémie polyclonale, de complexes immuns viro-induits et d’une hypocomplémentémie sont possibles.

Ces anomalies traduisent également les modifications immunologiques induites par le VIH.

Ces manifestations n’ont habituellement aucune traduction clinique, même s’il faut se méfier d’une cryoglobulinémie symptomatique.

Il faut aussi signaler que l’hypergammaglobulinémie peut interférer de façon non spécifique avec certains dosages, en particulier immunoenzymatiques.

D – INFLUENCE DE L’INFECTION PAR LE VIH SUR L’ÉVOLUTION DES AFFECTIONS RHUMATISMALES PRÉEXISTANTES :

L’étude de l’impact des modifications immunitaires induites par le VIH sur une maladie rhumatismale classique peut être une source de renseignements importante, en particulier pour comprendre le rôle des lymphocytes T CD4.

En fait, la complexité des phénomènes immunologiques et infectieux liés au VIH doit inciter à des conclusions prudentes, cela d’autant que les observations bien décrites sont rares.

Globalement, il semble que l’infection par le VIH aggrave des spondylarthropathies, en particulier les arthrites réactionnelles et psoriasiques.

En revanche, la polyarthrite rhumatoïde et le lupus sont améliorés, mais il existe un certain nombre de contre-exemples.

Des observations de polyarthrites distales érosives, dont le pannus est caractérisé par un infiltrat composé surtout de fibroblastes et de cellules mononucléées sans lymphocyte T, ont été décrites.

Ces exemples sont intéressants, car ils suggèrent que les phénomènes érosifs puissent se développer indépendamment de la présence de cellules T.

Ces constatations pourront avoir, dans l’avenir, des implications thérapeutiques dans les affections rhumatismales chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde.

Manifestations musculaires :

La prévalence réelle de l’ensemble des manifestations musculaires est difficile à évaluer (2 à 10 %) mais il s’agit d’un motif de consultation assez fréquent actuellement.

La principale difficulté est diagnostique en raison de la diversité des diagnostics différentiels.

A – MYOSITES LIÉES AU VIH :

Des myosites spécifiquement liées au VIH ont été décrites, mais il s’agit d’une complication assez rare (moins de 1 % des patients).

Ces patients ont le plus souvent une atteinte musculaire proximale à début insidieux, parfois douloureuse et déficitaire.

Dans 50 % des cas, cette polymyosite est révélatrice de l’infection et souvent associée à une hyperlymphocytose T CD8.

Plus rarement, ces signes musculaires peuvent s’associer à des signes généraux et à des lésions cutanées de type dermatomyosite. Les anomalies biologiques (enzymes musculaires) et électriques ne sont pas spécifiques.

Le diagnostic repose sur la biopsie musculaire qui peut être faite à l’aiguille (usage unique).

L’histologie associe des signes peu spécifiques (atrophie des fibres de type II, aspect vacuolaire, nécrose), mais surtout un infiltrat périvasculaire et interstitiel mononucléé fait de macrophages et de lymphocytes T CD8.

Des particules virales sont détectables dans les macrophages, mais pas dans les fibres musculaires, ni les myotubules en culture.

Ces constatations confirment que cette myosite est la conséquence d’une agression lymphocytaire de la fibre musculaire, et non une infection virale myotrope.

Dans certaines formes, on observe une co-infection par HTLV-1, qui est un autre rétrovirus humain également capable de déclencher une myosite par des mécanismes assez proches de ceux du VIH.

Le traitement repose sur l’utilisation des antirétroviraux, et exceptionnellement sur l’utilisation des immunosuppresseurs.

B – MANIFESTATIONS MUSCULAIRES INFECTIEUSES :

1- Pyomyosites :

L’infection par le VIH a modifié l’épidémiologie de la pyomyosite qui était une affection presque exclusivement « tropicale », liée à de nombreux facteurs, dont la dénutrition.

Avec l’épidémie d’infection par le VIH, la fréquence s’est accrue dans les pays défavorisés, en particulier l’Afrique, mais est aussi apparue dans les pays occidentaux.

Cette infection musculaire survient généralement chez des sujets au stade de sida.

Il existe des formes aiguës caractérisées par des douleurs musculaires localisées extrêmement violentes, mais dans la plupart des cas, il s’agit de formes chroniques évoluant insidieusement.

L’atteinte est plus localisée, touchant surtout la cuisse (parfois de façon bilatérale), le mollet ou la fesse, mais d’autres localisations sont possibles (psoas, grand dorsal, pectoraux).

Le diagnostic est évoqué par l’échographie ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM), mais c’est la ponction qui affirme le diagnostic.

Cette ponction permet de retirer un liquide purulent qui contient, dans plus de la moitié des observations, un staphylocoque doré mais plus rarement d’autres germes, notamment des streptocoques des groupes B, C et G. Des salmonelles et Citrobacter freundii, Escherichia coli, Mycobacterium tuberculosis et avium ont été isolés.

Le traitement repose sur une antibiothérapie souvent associée à un drainage chirurgical.

2- Autres infections musculaires :

Il existe très exceptionnellement d’autres infections musculaires virales ou mycosiques, mais surtout parasitaires (toxoplasmose, microsporidiose).

C – MYOPATHIES ENDOCRINOMÉTABOLIQUES :

Ces complications musculaires ne sont pas spécifiques mais doivent être évoquées.

Des douleurs musculaires liées à des troubles ioniques (hypokaliémie, hypophosphorémie), conséquences de troubles digestifs ou urinaires, sont possibles.

Une hypothyroïdie ou d’autres étiologies endocriniennes plus rares peuvent également être responsables de manifestations musculaires.

Ces étiologies non spécifiques sont habituellement et facilement curables.

D – COMPLICATIONS MUSCULAIRES IATROGÈNES :

Ces complications sont traitées dans un paragraphe spécifique consacré aux antirétroviraux.

E – AUTRES COMPLICATIONS MUSCULAIRES :

Des myalgies inflammatoires dans le cadre d’une vascularite, ou d’exceptionnelles localisations musculaires de lymphomes ou de maladie de Kaposi peuvent être observées.

F – FIBROMYALGIE :

Plusieurs publications, surtout anglo-saxones (États-Unis), soulignent l’existence de tableau fibromyalgique chez des patients infectés par le VIH.

Il faut être extrêmement prudent avant de retenir ce diagnostic, qui nécessite que l’on élimine formellement toute autre affection musculaire chronique.

Néanmoins, la reconnaissance de ce tableau clinique, non spécifique, évoluant souvent dans un contexte psychologique « difficile », peut être utile pour éviter des escalades thérapeutiques inutiles.

Manifestations neurologiques :

A – NEUROPATHIES PÉRIPHÉRIQUES :

Les neuropathies périphériques sont la complication neurologique la plus fréquente au cours de l’infection par le VIH1 et au cours du sida.

Avant les combinaisons d’antirétroviraux les plus actives, les atteintes neurologiques périphériques et centrales étaient une manifestation inaugurale de l’infection chez 7 à 20% des malades.

De même, au cours de l’évolution, 40 à 70 % des sujets infectés ont une atteinte neurologique.

Parallèlement à la baisse des infections opportunistes du système nerveux central, il est désormais établi que la prévalence et l’incidence des atteintes neurologiques périphériques et centrales diminuent depuis l’emploi de combinaisons d’antirétroviraux.

Sept tableaux cliniques différents peuvent être isolés.

Ces diagnostics sont souvent méconnus ou, à l’inverse, évoqués abusivement.

Le rhumatologue peut donc être confronté à des formes inaugurales.

1- Polyneuropathie symétrique distale (PSD) :

C’est la forme la plus fréquente.

Elle est multifactorielle, ce qui doit faire rechercher d’autres causes toxiques (antirétroviraux, alcool).

Ni la clinique, ni les examens électrophysiologiques ne permettent de distinguer les formes étiologiques.

Elle peut être présente dès les premiers stades de l’infection, mais survient surtout chez des patients à un stade évolué d’immunosuppression.

Des anticorps antimyéline sont retrouvés dans le sérum de certains malades.

Elle peut aussi être due à l’effet neurotoxique de certains antirétroviraux (10 % pour la stavudine – d4T ; 1 à 2% pour la didanosine – ddI ; 10 % pour la zalcitabine) et d’antibiotiques comme l’isoniazide.

Ainsi, si la prévalence des PSD a diminué avec l’emploi des antirétroviraux, la prévalence des formes iatrogènes aurait augmenté.

Le tableau clinique comporte des douleurs, un engourdissement, voire des dysesthésies distales habituellement aux pieds.

Le traitement de cette forme douloureuse est symptomatique (tricycliques, anticomitiaux à dose analgésique), mais des traitements à visée pathogénique comme le nerve growth factor (NGF) ou l’acétyl-L carnitine sont en cours d’évaluation.

La réduction de posologie, voire l’arrêt des médications neurotoxiques, doit systématiquement être évoquée et proposée.

2- Polyneuropathie démyélinisante inflammatoire :

Elle peut se présenter sous deux formes, l’une aiguë et l’autre chronique.

La forme aiguë peut survenir lors de la phase invasive ou de séroconversion.

Elle s’accompagne d’une réaction méningée lymphocytaire entre 10 et 50 éléments/mm3.

Le traitement fait appel aux médicaments immunomodulateurs combinés aux antirétroviraux.

3- Polyneuropathie progressive :

Elle survient principalement à un stade avancé de la maladie, et est habituellement causée par une infection à CMV.

Elle se traduit cliniquement par une paraparésie flasque rapidement progressive, avec paresthésies douloureuses, aréflexie et troubles vésicosphinctériens.

Le diagnostic doit être rapidement suspecté, car seul un traitement anti-CMV institué précocement permet de réduire le risque de lésions neurologiques définitives dues à une nécrose des fibres nerveuses.

4- Mononévrites multiples :

Elles sont observées à la phase précoce de l’infection par le VIH et sont caractérisées par un déficit moteur et sensitif limité à quelques territoires tronculaires.

Elles doivent faire rechercher une vascularite nécrosante associée au VIH, mais aussi aux virus de l’hépatite B ou C.

À l’inverse, quand l’infection est évoluée, l’atteinte névritique peut toucher plusieurs membres, voire les nerfs crâniens.

Le traitement fait appel aux anti-CMV et aux immunomodulateurs.

5- Atteinte du système nerveux autonome :

Elle peut répondre à des lésions périphériques ou centrales.

Évaluée par divers tests non invasifs, elle est corrélée à l’évolution de l’infection et peut conduire à des arrêts cardiorespiratoires.

Elle peut être handicapante. Le traitement n’est que palliatif, avec la correction des causes toxiques ou métaboliques.

6- Syndrome d’infiltration diffuse lymphocytaire :

Il peut comporter des signes neurologiques.

Le SILD est sensible aux traitements antirétroviraux, et peut parfois justifier de glucocorticoïdes, comme cela a été détaillé précédemment.

7- Formes motrices pures :

Elles sont beaucoup plus rares et n’ont pas de spécificité.

B – ATTEINTES MÉNINGORADICULAIRES ET MÉDULLAIRES :

Des compressions radiculaires et/ou médullaires tumorales (surtout lymphomateuses) ou plus rarement infectieuses sont possibles.

Certaines méningoradiculites inflammatoires sont responsables parfois de « pseudosciatique », qui peuvent être trompeuses.

Complications iatrogènes :

Depuis 1995, le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques a modifié profondément le pronostic de cette affection.

Cette stratégie implique deux types d’intervention : – le traitement antirétroviral combinant des analogues ou inhibiteurs nucléosidiques (IN) et des inhibiteurs non nucléosidiques (INN), éventuellement associés à un inhibiteur des protéases (IP), est assez bien codifié. Actuellement, les combinaisons recommandées sont 2 IN + 1 INN ou 2 IN + 1 IP, mais rarement l’association des trois classes thérapeutiques.

C’est non seulement le taux de lymphocytes CD4, mais surtout la charge virale plasmatique qui sert de marqueur d’efficacité (nombre de copies d’ARN viral par millilitre).

Actuellement, les molécules disponibles sont nombreuses et différentes nouvelles voies thérapeutiques se développent, en particulier l’immunothérapie ;

– la prophylaxie anti-infectieuse primaire et parfois secondaire est également un progrès important, qui a permis une nette réduction d’un certain nombre d’infections opportunistes.

Aujourd’hui, l’utilisation de plus en plus prolongée de ces traitements pose de nouveaux problèmes iatrogènes, en particulier des problèmes rhumatologiques.

Le rhumatologue peut être confronté à la prise en charge de ces complications iatrogènes, mais également à la gestion des interactions médicamenteuses avec les différentes thérapeutiques rhumatologiques.

A – EFFETS INDÉSIRABLES RHUMATOLOGIQUES DES ANTIRÉTROVIRAUX :

1- Complications musculaires :

La toxicité musculaire est la complication iatrogène la plus connue observée initialement avec l’azidothymidine (AZT) (zidovudine).

Cette myopathie à l’AZT, décrite chez 1à 16 % des patients traités, se traduit par des myalgies, un déficit musculaire surtout proximal et des anomalies biologiques et électriques myogènes non spécifiques.

En revanche, la détection d’un rapport lactate/pyruvate sanguin élevé, et la mise en évidence d’anomalies histologiques musculaires caractéristiques (ragged red fibers ou « fibres rouges déchiquetées ») sont assez spécifiques de cette myopathie, qui est liée à une toxicité mitochondriale.

En effet, la zidovudine inhibe la gamma ADN polymérase qui est une enzyme de la réplication d’ADN mitochondrial.

Néanmoins, en pratique, la réalisation de ce dosage n’est pas aisée et l’élévation des lactates s’observe avec d’autres antirétroviraux qui ont aussi une toxicité mitochondriale.

Des anomalies mitochondriales spécifiques peuvent être observées en microscopie électronique mais cet examen, sauf exception, n’est pas nécessaire pour le diagnostic en pratique quotidienne.

Dans les formes symptomatiques, l’arrêt de l’AZT permet habituellement la disparition des myalgies et une normalisation des enzymes musculaires en 1 à 2 semaines.

En cas de nécessité, l’AZT peut être réintroduit progressivement à petites doses.

À un degré moindre, les autres IN peuvent aussi être responsables de toxicité musculaire par mitochondriopathie.

Il faut citer le cas particulier de l’abacavir (Ziagent) qui, dans près de 3 % des cas, peut être responsable de réaction d’hypersensibilité sévère, avec parfois une véritable rhabdomyolyse.

Ce syndrome contre-indique définitivement l’utilisation de cet IN. Les inhibiteurs des protéases sont aussi potentiellement des agents toxiques pour le muscle, par un mécanisme probablement aussi mitochondrial.

2- Capsulites rétractiles :

Récemment, des capsulites rétractiles de l’épaule ont été observées sous IP.

Au total, 18 observations dont huit bilatérales, ont été décrites, 2 à 36 mois après le début d’un traitement par différentes combinaisons d’antirétroviraux comprenant de l’indinavir (Crixivant).

L’imputabilité des antirétroviraux est difficile à démontrer, mais il faut signaler que les IP diffusent bien dans le site articulaire, comme cela a pu être démontré par l’analyse du liquide articulaire chez un patient.

Si ces IP ont bien un rôle inducteur, il est peut-être lié à une inhibition compétitive du complexe cytochrome P450 (isoenzyme CYP 3A) comme pour le phénobarbital et l’isoniazide, qui sont aussi des inducteurs potentiels de capsulite rétractile.

L’évolution est favorable en 7 mois en moyenne, malgré la poursuite de l’indinavir dans la plupart des cas (16/18).

3- Ostéonécroses et ostéopathies fragilisantes :

Dans le paragraphe consacré aux manifestations osseuses, le rôle étiologique des antirétroviraux, en particulier des IP, a été suggéré sans être formellement démontré.

4- Canaux carpiens :

Plusieurs observations de canaux carpiens ont été décrites, mais leur origine est probablement multifactorielle.

Récemment, le rôle des IP a été également évoqué, en raison de leur effet sur la répartition des graisses tissulaires.

5- Neuropathies périphériques :

Les neuropathies périphériques ont été observées avec plusieurs IN, en particulier la didanosine (ddI-Vidext), la zalcitabine (ddC : Hividt), la stavudine (d4T) et exceptionnellement avec la lamivudine (3TC : Epivirt).

Néanmoins, il faut signaler que souvent, ces polyneuropathies sont multifactorielles.

6- Autres manifestations iatrogènes :

En marge des problèmes rhumatologiques classiques, deux des problèmes iatrogènes les plus préoccupants sont la lipodystrophie et la lipoatrophie, qui sont observées chez plus de 50 % des patients traités par antirétroviraux.

Ce phénomène se caractérise par une répartition anormale des graisses, avec une accumulation des graisses abdominales et cervicales.

Les mécanismes sont mal connus, mais il existe des anomalies du métabolisme glucidique et lipidique probablement liées à des anomalies mitochondriales.

Initialement, seuls les IP ont été incriminés, mais ce phénomène a été observé avec tous les antirétroviraux (IN et INN).

Une manifestation originale, qui semble exceptionnelle, est l’apparition de signes systémiques lors de l’introduction des antirétroviraux.

B – EFFETS INDÉSIRABLES RHUMATOLOGIQUES DES PROPHYLAXIES ANTI-INFECTIEUSES :

Ces effets sont beaucoup plus rares et moins spécifiques que ceux liés aux antirétroviraux, mais il faut signaler des arthralgies sous rifabutine, et parfois des manifestations d’intolérance sévère à la pyriméthamine.

C – AUTRES COMPLICATIONS IATROGÈNES :

Les autres traitements, notamment antitumoraux, peuvent entraîner des conséquences iatrogènes qui n’ont rien de spécifique. Seules quelques observations d’acrosyndromes sévères, avec nécroses digitales induites par la bléomycine, méritent d’être signalées.

Ce traitement est actuellement beaucoup moins prescrit, car il était principalement utilisé dans la maladie de Kaposi, dont la prévalence a beaucoup baissé.

Thérapeutiques rhumatologiques et infections par le VIH :

En pratique, ce problème va se poser de plus en plus fréquemment, en raison du nombre croissant et de la survie prolongée des patients sous antirétroviraux au long cours.

A – INTERACTIONS DES MÉDICAMENTS ANTIRÉTROVIRAUX AVEC LES THÉRAPEUTIQUES RHUMATOLOGIQUES :

Ces interactions sont assez nombreuses et ne peuvent pas être détaillées précisément.

Schématiquement, les INN et les IP qui interfèrent le complexe cytochrome P450, modifient les concentrations plasmatiques de nombreux médicaments.

En revanche, les IN qui n’interfèrent pas avec ce complexe cytochrome ont des interactions liées à d’autres mécanismes, en particulier avec la morphine, la codéine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les benzodiazépines.

Au total, il est recommandé une attention toute particulière chez tous les patients sous antirétroviraux.

Dans l’avenir, il sera nécessaire d’évaluer plus précisément les interactions de ces antirétroviraux avec les nouvelles molécules rhumatologiques (anti-COX 2 spécifique, bisphosphonates, Serm…), car il est vraisemblable que le problème de leur coprescription va se poser de plus en plus fréquemment.

B – ACTION DES TRAITEMENTS RHUMATOLOGIQUES SUR L’INFECTION PAR LE VIH :

Certaines molécules utilisées dans les maladies rhumatismales peuvent avoir un effet antirétroviral, ce qui suggère qu’en cas de manifestations rhumatologiques, leur coprescription puisse avoir un effet favorable, au moins théorique.

L’indométacine inhibe la réplication du VIH aux doses thérapeutiques, ce qui est un effet original qui n’a pas été observé avec l’aspirine ou d’autres AINS.

L’hydroxychloroquine (Plaquenilt) est aussi capable d’inhiber la réplication virale et de ralentir la libération membranaire de virions infectants.

La sulfasalazine (Salazopyrinet) possède aussi, au moins potentiellement, un effet antirétroviral qui pourrait inciter à son utilisation dans les spondylarthropathies liées au VIH.

En revanche, les immunosuppresseurs, en particulier les corticoïdes à fortes doses et le méthotrexate, aggravent le déficit immunitaire, ce qui incite à ne pas les utiliser, du moins de façon prolongée.

Le problème des faibles doses de corticoïdes administrées de façon plus prolongée n’est pas résolu, faute d’évaluation.

En raison du risque, au moins théorique, d’infections et d’anomalies métaboliques, leur utilisation doit être évitée.

Conclusion :

Le rhumatologue doit être attentif aux complications rhumatologiques de l’infection par le VIH, car ces manifestations sont souvent polymorphes et trompeuses.

Grâce aux nouvelles stratégies thérapeutiques, le pronostic de cette infection a été modifié, expliquant que bon nombre de patients infectés par le VIH sont susceptibles de consulter un rhumatologue pour un motif directement lié ou non à son infection virale et/ou son traitement.

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