Rhinorrhée cérébrospinale

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Introduction :

Les rhinorrhées cérébrospinales sont des pathologies dont la prise en charge est de plus en plus souvent confiée à l’otorhinolaryngologiste.

Rhinorrhée cérébrospinaleD’origine spontanée, traumatique ou chirurgicale, la rhinorrhée doit être précisément identifiée et localisée.

Les localisations les plus fréquentes siègent à l’étage antérieur et moyen de la base du crâne mais certaines rhinorrhées peuvent traduire une brèche de l’étage moyen latéral (rocher).

Les techniques d’imagerie, notamment scanner et imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent presque toujours la localisation de la brèche, l’analyse du mécanisme en cause et le choix du traitement.

Pour les brèches d’origine rhinosinusienne, le traitement chirurgical est à présent fréquemment réalisé par voie endonasale avec un pourcentage de succès très important.

Cet article fait le point sur les méthodes diagnostiques et thérapeutiques de cette pathologie.

Rappel anatomique et physiopathologique :

L’étage antérieur de la base du crâne correspond médialement à la région de la lame criblée (fovea ethmoidalis), latéralement au toit ethmoïdofrontal et, en arrière, à la paroi supérieure du sphénoïde.

La zone la plus fine se situe à la jonction entre l’attache supérieure de la lame des cornets et le septum nasal.

Cette jonction ethmoïdofrontale présente de fréquentes différences de hauteur en raison de la structure de la lame des cornets.

Ces variations ont été confirmées par les études tomodensitométriques, et peuvent atteindre 5 à 7mm chez un même individu d’un côté à l’autre.

Les brèches rhinosinusiennes à l’origine d’une rhinorrhée peuvent survenir de la partie supérieure du sinus frontal à la paroi postérieure du sinus sphénoïdal.

Les brèches d’origine otologique siègent pour la plupart dans la pyramide pétreuse (tegmen tympani, tegmen antri, etc).

Toutefois, le siège de la brèche varie en fonction du mécanisme en cause.

A – BRÈCHE D’ORIGINE CHIRURGICALE :

Lors de la chirurgie endonasale, l’ethmoïde antérieur et la placode olfactive sont les zones où les brèches sont les plus fréquentes alors que le sphénoïde est plus souvent en cause lors d’une voie externe.

Les brèches chirurgicales sont en rapport avec une lésion muqueuse et/ou osseuse de la base du crâne, le plus souvent identifiée lors du geste opératoire.

Lors de la chirurgie otologique ou oto-neuro-chirurgicale, la brèche siège dans le massif pétreux avec une localisation variable selon l’intervention réalisée : mastoïde, méat auditif interne, labyrinthe.

B – BRÈCHES SPONTANÉES :

Elles correspondent aux brèches observées en l’absence de traumatisme ou d’actes chirurgicaux récent ou ancien.

Néanmoins, le terme de brèche spontanée est inapproprié car souvent une cause favorisante est signalée dans les observations rapportées dans la littérature.

Le sinus sphénoïdal et la placode olfactive sont les localisations les plus souvent citées.

Il est classique de distinguer les rhinorrhées normopressives ou hypertensives ; ces dernières représentent 45 % des cas.

Les formes normotensives peuvent être associées à une malformation congénitale comme la persistance du canal embryonnaire craniopharyngien ou d’une communication entre la fosse cérébrale moyenne et le sphénoïde.

Des tumeurs de la base (clivus, selle turcique), par l’érosion osseuse qu’elles entraînent, peuvent également déclencher la rhinorrhée.

À l’inverse, une tumeur bloquant les voies de circulation du liquide céphalorachidien (LCR) ou une sténose de l’aqueduc de Sylvius est à l’origine de formes hypertensives.

Un syndrome de la selle turcique vide peut être associé à ces formes hypertensives ; il peut également être isolé, véritable méningoencéphalocèle avec une lyse du plancher sellaire d’origine primitive en apparence.

Pour les rhinorrhées d’origine otologique, des malformations, tel le syndrome de Mondini, sont à rechercher, de même que des malformations de l’aqueduc cochléaire ou vestibulaire.

C – BRÈCHE D’ORIGINE TRAUMATIQUE :

Toutes les localisations sont possibles, souvent en rapport avec l’intensité du traumatisme.

Elles traduisent une déchirure de la méninge corticale ou un arrachage de l’enveloppe méningée des nerfs crâniens lors de leur passage au travers de la base du crâne.

Elles se dévoilent d’emblée ou parfois des mois, voire des années plus tard.

Une cicatrisation spontanée avec disparition de la rhinorrhée est observée dans près de 75 % des cas dans les semaines suivant le traumatisme.

La qualité de la cicatrisation est variable et parfois imparfaite, rendant possible, du fait de l’hyperpression du LCR à son contact, la réapparition secondaire d’une rhinorrhée.

Pour l’étage moyen, correspondant latéralement essentiellement au rocher, une brèche, en particulier lorsque la perméabilité tubaire est grande, peut se traduire par une rhinorrhée postérieure ou antéropostérieure et peut être parfois de diagnostic délicat.

Les localisations sont multiples : antre, attique, cellules mastoïdiennes.

Cette diversité souligne l’importance d’une exploration minutieuse de toute la base du crâne.

Diagnostic :

En cas de rhinorrhée active, il comprend deux étapes : affirmer l’écoulement de LCR, le localiser et en rechercher le mécanisme.

Quel qu’en soit le mécanisme, les rhinorrhées cérébrospinales traduisent une solution de continuité entre les espaces sousarachnoïdiens et les cavités nasosinusiennes ou otologiques.

A – AFFIRMER L’ÉCOULEMENT DE LIQUIDE CÉRÉBROSPINAL :

La rhinorrhée cérébrospinale dans la forme typique se traduit par un écoulement nasal aqueux intarissable, pratiquement toujours unilatéral ; les formes bilatérales sont plus rares, voire exceptionnelles, dans les formes spontanées.

Parfois, le diagnostic est plus délicat lorsqu’une épistaxis est associée.

La poursuite de l’écoulement, malgré un méchage, et l’éclaircissement de l’épistaxis doivent alerter et faire rechercher l’écoulement de LCR.

Parfois, la symptomatologie est trompeuse si l’écoulement est minime et intermittent.

Enfin, parfois il se traduit par une sensation de rhinorrhée postérieure, en particulier lorsque l’origine est otologique.

Parfois, l’écoulement est passé inaperçu et une complication infectieuse (méningite) vient révéler la brèche.

Enfin, le patient doit être informé qu’un écoulement peut survenir plusieurs jours après une intervention chirurgicale ORL ou neurochirurgicale ou un traumatisme crânien.

La rhinorrhée identifiée, une analyse biochimique du liquide recueilli en l’absence de contamination sanguine, la présence de glucose dans cet écoulement à l’aide d’une bandelette urinaire (Labstickt) est confirmée et renforce la suspicion diagnostique.

Toutefois, les faux positifs sont nombreux (20 à 30 %) et, pour certains, cela justifie le recours à un test spécifique avec la recherche de bêta-2 transferrine.

Cette demande trouve tout son intérêt dans les formes douteuses ou lors de fuites minimes intermittentes.

Cette recherche peut être couplée à un examen IRM avec cisternographie.

La bêta-2 tranferrine est une protéine du LCR qui, après suppression de ses radicaux acides par une neuraminidase, est réduite en une forme isoformique.

Une immunoélectrophorèse sur le liquide recueilli est indispensable pour donner au test toute sa spécificité.

Pratiquement, l’écoulement est recueilli sur une cotonnette ou une mèche absorbante.

La centrifugation à haute vitesse permet d’extraire le liquide qui est ensuite analysé.

La précision de cette analyse ne justifie plus un test sanguin sur sérum témoin.

La spécificité de ce test est excellente mais il ne peut être réalisé que dans certains centres, ce qui exclut son utilisation lors des rhinorrhées découvertes en peropératoire.

Dans ce cas, le repérage par l’opérateur est seul capable d’évoquer le diagnostic.

Pour les rhinorrhées d’origine otologique, la rhinorrhée se traduit par un écoulement postérieur dont l’identification peut être facilitée par l’endoscopie du rhinopharynx et des orifices tubotympaniques.

B – LOCALISER LA RHINORRHÉE ET RECHERCHER LE MÉCANISME EN CAUSE :

La localisation du côté de l’écoulement est facilitée par l’endoscopie nasale qui souvent précise son origine (méat moyen, supérieur, récessus ethmoïdosphénoïdal).

À l’inverse, l’écoulement peut être minime nécessitant des manoeuvres pour sa mise en évidence tel un examen du patient, assis tête penchée en avant, avec une compression cervicale des jugulaires pour dévoiler ou renforcer la rhinorrhée.

Pour les rhinorrhées d’origine nasale, si les étiologies traumatique et opératoire sont les plus fréquentes, des formes spontanées ne sont toutefois pas exceptionnelles.

Pour les rhinorrhées d’origine otologique, les circonstances de survenue sont similaires, traumatiques, chirurgicales ou plus rarement spontanées.

Le mécanisme en cause est évident après un traumatisme ou une intervention chirurgicale, où une effraction parfois minime est en cause.

Lors des fuites spontanées (absence d’une cause malformative, infectieuse, traumatique ou tumorale), le mécanisme incriminé est une hyperpression progressive du LCR (accentuée éventuellement par le surpoids et le port de vêtements serrés) qui entraîne une érosion osseuse.

L’action des granulomes arachnoïdiens présents sur la base du crâne peut également éroder l’os à leur contact.

Néanmoins, trop peu de cas ont été publiés pour en décrire plus précisément les caractéristiques phénotypiques.

La recherche d’une cause d’hyperpression par une imagerie (IRM) à la recherche d’une tumeur ou d’une malformation est toutefois toujours indispensable.

C – EXAMEN CLINIQUE :

1- À la consultation :

Il est minutieux, centré sur l’examen des cavités nasales et du rhinopharynx.

Lorsque l’écoulement est abondant, la rhinorrhée est aisément confirmée, visible dès la rhinoscopie antérieure.

Néanmoins, quel que soit le mode de révélation, l’endoscopie nasale est indispensable. Une technique rigoureuse est nécessaire.

L’emploi de fines optiques (2,7 mm) facilite l’identification du lieu d’origine de l’écoulement.

Les méats moyen et supérieur, la fente olfactive et le récessus sphénoethmoïdal sont les régions à inspecter, au besoin sur un patient assis tête penchée en avant ou en décubitus ventral.

Dans certains cas, la rhinorrhée n’est pas visible, le patient ne décrit qu’une simple sensation d’humidité dans la cavité nasale, avec parfois une sensation de goût sucré dans l’arrière-gorge.

Pour les brèches d’origine otologique, le diagnostic est plus difficile en l’absence d’un contexte évocateur (chirurgie, traumatisme).

L’examen otoscopique est presque toujours normal, mais parfois un épanchement intratympanique est visible, et l’endoscopie nasale peut souvent identifier l’écoulement faisant issue de l’orifice tubaire.

Le recueil du liquide permet une analyse chimique confirmant la présence de glucose dans l’écoulement.

Le dépôt de cet écoulement sur une bandelette pour analyse urinaire (Labstickt) est une alternative qui, dès la consultation, donne une réponse rapide semiquantitative sur la présence de glucose.

Sa positivité prend toute sa valeur diagnostique en cas d’histoire clinique évocatrice car des faux positifs sont possibles dus à la possible présence de glucose dans les sécrétions nasales.

Lorsque la rhinorrhée est minime, l’analyse des sécrétions nasales, recueillies sur un fin papier absorbant, permet la recherche de la bêta-2 transferrine spécifique du LCR.

2- Lors d’une intervention :

L’écoulement est parfois aisé à diagnostiquer.

Il se traduit par un écoulement clair.

D’abord abondant, il se réduit après quelques minutes à un mince filet clair mêlé à du sang, sans tendance à la coagulation spontanée.

Le diagnostic est parfois plus difficile, en raison d’un champ opératoire hémorragique, d’une inflammation muqueuse importante ou d’une plaie craniocérébrale associée.

L’examen minutieux des cavités opératoires à la fin de toute intervention au contact de la base du crâne est indispensable pour vérifier l’absence de brèche dans cette région.

D – EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

1- Techniques d’imagerie :

Pour les brèches d’origine rhinosinusienne, après une endoscopie soigneuse, la tomodensitométrie (scanner) est nécessaire et demeure un excellent examen pour localiser la brèche.

Les coupes doivent être millimétriques, centrées sur la région suspecte ou l’ensemble de la base du crâne : du sommet du sinus frontal à la paroi postérieure du sinus sphénoïdal.

Les incidences multiples sont indispensables : frontale, transversale et sagittales.

Les fenêtres osseuses permettent une analyse précise des structures osseuses les plus fines.

Les fenêtres parenchymateuses peuvent révéler des anomalies méningoencéphaliques.

Si la fuite a été localisée, l’imagerie va permettre de préciser son mécanisme, la présence et la taille d’un ou plusieurs defects osseux, l’existence d’une méningocèle et d’éventuelles fractures, en particulier lors de traumatismes.

Une tumeur, une malformation sont également aisément mises en évidence.

Plus rarement, aucune brèche osseuse n’est visible et un complément d’examen est requis.

L’imagerie par résonance magnétique est un examen complémentaire plein d’intérêt qui peut dans certains cas faire découvrir après injection un écoulement de LCR sans anomalie osseuse sur le scanner.

Elle aide également à identifier la présence d’une tumeur, d’une anomalie des cavités ventriculaires, ou un décollement encéphalique.

Parmi les séquences d’exploration utilisées, la séquence T2 est la plus performante, car le LCR se traduit par un hypersignal.

Enfin, la demande d’une séquence de flux a pour avantage d’augmenter la probabilité d’identifier une brèche active.

L’IRM peut être couplée à la cisternographie, ce qui permet de différencier les signaux des espaces sousarachnoïdiens et des cellules aériques.

La cisternographie isotopique est plus invasive car elle nécessite l’injection intrathécale d’un produit radioactif (technétium 99m).

Cet examen complexe ne se justifie pas en routine.

Il demeure quelques auteurs pour la recommander dans les cas difficiles, mais d’autres examens la remplacent avantageusement, même si la présence du traceur dans les sécrétions nasales signe sans aucun doute la présence d’une brèche.

Lors des rhinorrhées d’origine otologique, la recherche d’une solution de continuité en regard des structures pétreuses est facilitée par la tomodensitométrie avec des coupes millimétriques éventuellement chevauchées.

2- Méthodes de coloration du liquide céphalorachidien :

L’injection intrathécale de fluorescéine est actuellement la principale technique utilisée.

Largement employée par certaines équipes à l’étranger, elle n’est que rarement employée en France en raison du risque potentiel d’une réaction adverse.

Ces données contradictoires la font réserver pour certains cas difficiles ou en peropératoires, après échec des manoeuvres de compression veineuse ou de mise en position déclive du patient.

Les principes de la technique doivent être rigoureusement respectés.

La méthode la plus utilisée semble être celle de l’équipe de Graz qui a publié plusieurs centaines de cas.

Elle comporte, après la mise en place d’un cathéter lombaire, le prélèvement de 10 mL de LCR auquel est mélangée 0,2 à 0,5 mL d’une solution de fluorescéine à 5 %.

La solution est ensuite lentement réinjectée par le cathéter et le champ opératoire est ensuite examiné, en mettant éventuellement le patient en position de Trendelenburg.

La coloration apparaît en principe nettement, mais certains utilisateurs ont recours à une lumière ultraviolette pour l’examen endonasal, ce qui augmenterait la localisation de l’origine de l’écoulement.

Néanmoins, l’analyse des quelques travaux français publiés sur le sujet est moins enthousiaste que certaines publications qui recommandent son emploi et affirment son innocuité.

Aussi, en pratique, une exploration tomodensitométrique de qualité et une dissection fine des zones suspectes, au besoin après ablation de la muqueuse qui les recouvre, permet souvent de localiser le point d’écoulement.

Traitement :

La prise en charge d’une rhinorrhée cérébrospinale dépend des circonstances de survenue et de découverte.

L’objectif est la fermeture de la brèche avec étanchéité pour éviter une contamination des espaces sous-arachnoïdiens par la flore des cavités nasales ou tympaniques.

En fonction du contexte de survenue de la brèche, un traitement médical peut être discuté avant et après la réparation de la brèche, pour réduire la pression du LCR et prévenir le risque infectieux.

Ces mesures médicales sont détaillées en fonction de chaque situation et décrites avec les procédés chirurgicaux car elles ne sont pas à mettre en route systématiquement.

L’analyse porte également sur la prescription d’une antibiothérapie en présence d’une fuite de LCR.

A – TECHNIQUES CHIRURGICALES :

Pour les rhinorrhées d’origine rhinosinusienne, plusieurs techniques ont été décrites utilisant la voie endonasale, neurochirurgicale ou combinée.

Le choix dépend de la localisation de la fuite, mais aussi des habitudes et de l’expérience des opérateurs.

Pour les rhinorrhées d’origine tympanique, une voie d’abord otologique ou oto-neuro-chirurgicale est employée.

B – BRÈCHE ET VOIE D’ABORD CHIRURGICALE :

Pour la voie endonasale, l’utilisation des endoscopes permet l’abord de presque toutes les régions concernées.

Seule la partie supérieure de la paroi postérieure du sinus frontal constitue une limite technique même si un fraisage du plancher augmente son accessibilité.

L’utilisation du microscope est une alternative préférée par certains, car il facilite la manipulation instrumentale bimanuelle dans le champ opératoire.

Toutefois, la vision directe qu’il procure réduit son champ d’extension lorsqu’une vision latérale est souhaitable.

La voie externe, sous-frontale ou latérale, est plutôt utile lors des traumatismes complexes de la base du crâne ou lorsqu’une voie endonasale ne peut être envisagée.

Dans tous les cas, le patient ou son entourage doivent être prévenus de ces possibilités et en particulier de la nécessité, en cas de difficulté, de compléter une voie endonasale par une voie externe.

Pour simplifier la lecture du chapitre, schématiquement quelques circonstances classiques sont décrites et discutées.

C – ÉCOULEMENT DE LIQUIDE CÉPHALORACHIDIEN LORS D’UNE CHIRURGIE ENDONASALE :

Certaines régions sont plus fréquemment identifiées comme des zones à risque en raison des structures osseuses qui les constituent et l’instrumentation qu’il faut utiliser pour les atteindre.

Ce sont la jonction entre la paroi postérieure du sinus frontal et le toit horizontal ethmoïdofrontal, le canal de l’artère ethmoïdale antérieure, la zone antérieure d’attache supérieure de la lame des cornets.

Dans ces cas, le diagnostic est fait lors de l’intervention.

L’inspection de la région suspecte permet de vérifier la présence d’une brèche osseuse et/ou d’une plaie cérébroméningée.

La technique de réparation est guidée par le résultat de cette inspection.

En cas de rhinorrhée simple, sans defect osseux, la mise en place d’une pièce de muqueuse nasale ou sinusienne est souvent suffisante pour tarir la fuite.

Aucune étude comparative n’étant disponible, le recours à la colle biologique pour maintenir le fragment mis en place ne semble pas indispensable.

Un méchage bloquant le montage est maintenu plusieurs jours (4 à 8 jours) ; il est largement utilisé dans les séries publiées.

Le drainage lombaire, en dehors d’une hyperpression de LCR, n’est pas nécessaire.

La prescription d’une antibiothérapie, encore sujette à discussion, est guidée par les récentes recommandations de la Société française d’ORL.

En l’absence d’une contamination macroscopique du champ opératoire (sécrétions purulentes endonasales), l’antibiothérapie n’est pas justifiée.

À l’inverse, si une antibiothérapie est décidée, elle est adaptée aux germes les plus couramment identifiés lors de méningites ou d’abcès cérébraux d’origine ORL et éventuellement modifiée après analyse des résultats des prélèvements faits sur le site opératoire lors de l’intervention.

Si une brèche osseuse est associée, la mise en place d’un greffon osseux ou cartilagineux pris aux dépens du cornet moyen ou du septum nasal est utile pour assurer une bonne étanchéité.

Idéalement, le greffon est glissé au-dessus de la brèche osseuse après avoir décollé prudemment la dure-mère adjacente, l’étanchéité étant assurée par la pression exercée par les structures avoisinantes.

Lorsque ce décollement n’est pas réalisable, le greffon est simplement posé sur la brèche osseuse.

Certains ont proposé la mise en place de graisse abdominale, en particulier lorsqu’un important espace de décollement existe au-dessus de la brèche ou pour certaines localisations, tel le sphénoïde.

La contention de cet amas graisseux est assurée à l’aide d’une lame de Silastict bloquée par un méchage compressif de la cavité nasale, laissé en place 4 à 6 jours.

D – RHINORRHÉE POSTOPÉRATOIRE APRÈS CHIRURGIE ENDONASALE :

La rhinorrhée est diagnostiquée à distance de l’acte opératoire.

L’analyse par le chirurgien du déroulement de l’intervention permet parfois de suspecter le mécanisme en cause.

Si elle est possible, l’endoscopie nasale après ablation des mèches ou tamponnement en place peut révéler l’origine de la fuite et guider son traitement.

Une imagerie par scanner, si l’état du patient le permet, aide, en cas de doute, à localiser la brèche et révèle éventuellement des modifications méningoencéphaliques (contusion, hématome, abcès).

Le traitement dépend de l’état du patient, de la taille de la brèche et des lésions associées. L’arrêt spontané de la fuite est rarement observé mais est possible, même en cas d’importantes lésions méningoencéphaliques associées.

Cette amélioration ne dispense pas d’un contrôle tomodensitométrique qui peut révéler parfois des defects osseux importants, justifiant une réparation.

Le plus souvent, l’écoulement se poursuit et une intervention de fermeture doit être proposée, d’autant plus qu’il existe une brèche osseuse visible sur le scanner ou si l’examen endonasal confirme la présence de la rhinorrhée.

La reprise par voie endonasale en dehors de destruction massive des structures osseuses est à réaliser en premier lieu, en adaptant le mode de réparation à la taille et à la localisation de la brèche (greffon muqueux, osseux, cartilagineux).

L’objectif à atteindre est la fermeture étanche de la brèche.

La chirurgie hypophysaire est un cas particulier car, parfois, des anomalies pressionnelles sont associées à la pathologie traitée (kyste arachnoïdien, syndrome de la selle turcique vide).

Dans ces cas, le comblement par de la graisse abdominale ou du tissu musculaire avec la mise en place de greffon osseux est parfois nécessaire ; du tissu musculaire ou aponévrotique a été également employé avec succès.

La prescription d’une antibiothérapie suit les recommandations récentes de la Société française d’ORL.

Les soins postopératoires dépendent des habitudes des opérateurs qui, en général, proposent une suppression des moyens de contention endonasale entre le troisième et le huitième jour.

E – EN CAS DE RHINORRHÉE APRÈS CHIRURGIE PAR VOIE EXTERNE :

Elle peut s’observer après la résection d’une tumeur par voie sousfrontale et traduit un défaut dans la reconstruction de la base du crâne.

Cette rhinorrhée, en particulier si elle est précoce, peut se tarir très rapidement et ne justifier qu’une simple surveillance clinique avec un contrôle endonasal endoscopique minutieux de la cavité opératoire, et notamment de la reconstruction basicrânienne.

À l’inverse, si la rhinorrhée est abondante, une reprise, soit par voie endonasale soit, comme initialement, par voie externe, est rapidement nécessaire après un contrôle endoscopique pour localiser l’origine de la fuite.

F – EN CAS DE RHINORRHÉE ASSOCIÉE À UNE MÉNINGOCÈLE OU D’ORIGINE INCONNUE :

La technique est identique et la méningocèle est traitée dans le même temps, soit par réintégration lorsqu’elle est de petite taille ou après section de la poche méningocélique lorsque cela est possible.

G – EN CAS DE RHINORRHÉE POST-TRAUMATIQUE :

L’attitude est plus controversée sur la conduite à tenir en l’absence de consensus sur la nécessité d’opérer et la prescription d’antibiotiques.

L’analyse de la littérature ne permet pas une réponse indiscutable à ces deux interrogations.

Les études publiées traduisent plus souvent des habitudes d’écoles que le résultat d’études méthodologiquement irréprochables.

Dans tous les cas, une exploration radiologique est indispensable pour localiser l’origine de la fuite, qui est parfois multiple.

En cas de gros délabrements de l’étage antérieur et/ou moyen, la réduction chirurgicale est décidée en utilisant la voie d’abord la plus appropriée à la réparation des disjonctions osseuses.

La voie endonasale conserve des indications, en particulier pour les brèches postérieures sphénoïdales.

À l’inverse, une vaste perte de substance du sinus frontal ou un traumatisme complexe orbitoethmoïdal fait privilégier un abord externe. Parfois, une combinaison de ces deux abords peut également être utilisée.

En revanche, pour certains, en cas de pertes de substance millimétriques, une simple surveillance est suffisante avec une observation du patient pendant 10 jours au maximum sans aucun acte chirurgical.

Au-delà, le risque de méningite augmente et un acte opératoire d’exploration et de fermeture doit être réalisé.

Pour d’autres, le comblement de l’origine de la rhinorrhée est systématique quelle qu’en soit la taille, pour éviter un risque infectieux ultérieur.

Aucune étude ne permet objectivement de donner la préférence à l’une de ces deux attitudes.

Actuellement, l’attitude la plus acceptable est de discuter chaque indication multidisciplinairement (ORL, neurochirurgien et infectiologue).

La nécessité d’une antibiothérapie est difficile à préciser, en particulier après les méta-analyses de Brodie et Moralee qui concluent à l’absence d’intérêt de l’antibiothérapie tout en signalant qu’aucune étude actuellement disponible n’est assez puissante statistiquement pour fournir une réponse définitive.

De plus, ces conclusions doivent être nuancées car il s’agit d’une analyse de publications diverses et souvent mal renseignées sur les traitement choisis.

En France, les recommandations émanent de groupes d’experts qui ne conseillent pas d’antibioprophylaxies lors de fracture de la base du crâne avec rhinorrhée.

Quelle que soit l’attitude retenue, le patient doit être informé des risques infectieux à long terme d’une brèche post-traumatique, même traitée chirurgicalement.

H – ÉVOLUTION ET SUIVI À LONG TERME :

Une fois la rhinorrhée traitée, le patient est revu après un délai minimal de 1 année car des récidives sont possibles et le patient doit en être prévenu ainsi que le médecin traitant.

Lors de la consultation, l’endoscopie nasale permet de vérifier la qualité de la fermeture et l’absence de récidive.

Si un contrôle radiologique est réalisé, il est fréquent d’observer la résorption des greffons osseux et/ou cartilagineux mis en place, voire leur complète disparition dans les années suivant leur mise en place.

En cas de récidive, l’analyse de son mécanisme est indispensable pour guider la stratégie du traitement.

Soit la récidive est précoce et un défaut d’étanchéité de la réparation est souvent en cause.

Dans cette situation, où parfois l’écoulement peut se tarir après un délai de quelques jours, la reprise chirurgicale est décidée si le montage n’est pas considéré suffisant.

Seule une analyse objective de la première intervention permet de préciser la nécessité et/ou la date de la réintervention.

Si l’écoulement réapparaît plusieurs semaines ou plusieurs mois après l’intervention, l’exploration de la récidive suit les mêmes règles que celles décrites dans le chapitre précédent.

Le choix de la technique de fermeture dépend du mécanisme en cause et de l’expérience de l’opérateur.

Un premier échec après une voie endonasale n’exclut nullement une reprise par cette même voie ; néanmoins, le recours à la voie externe doit être discuté selon l’expérience des opérateurs.

I – VOIES EXTERNES :

1- Rhinorrhée d’origine nasosinusienne :

L’abord sous-frontal est le plus fréquemment utilisé pour la réparation des brèches frontales, ethmoïdales ou sphénoïdales.

L’incision cutanée bicoronale permet le décollement du revêtement cutané en regard de toute la région frontale.

La trépanation osseuse est effectuée au-dessus de la projection des sinus frontaux, sauf en cas de pneumatisation importante où elle peut traverser la cavité sinusienne.

Le décollement méningé est réalisé jusqu’à la région où siège la brèche.

La surface osseuse est exposée en fonction du résultat d’une exploration radiologique complète de la base du crâne.

Pour une brèche isolée du sinus frontal, on peut se limiter à la seule exposition de sa paroi postérieure ; pour la région ethmoïdale, l’exploration est prolongée unilatéralement, associée fréquemment à la section des filets olfactifs homolatéraux.

Parfois, un décollement bilatéral est nécessaire pour des brèches médiales et postérieures avec section bilatérale des filets olfactifs, à l’origine d’une anosmie définitive.

Enfin, pour les brèches sphénoïdales, l’abord nécessite de décoller largement la dure-mère en arrière, en particulier si la dissection doit être poursuivie jusqu’à la face postérieure du sphénoïde.

La réparation associe une plastie durale à la mise en place d’un greffon osseux pour assurer l’étanchéité à long terme.

La taille de la brèche osseuse et des lésions associées guide le choix du mode de reconstruction, d’autant plus complexe qu’il existe une vaste disjonction craniofaciale.

Si le sinus frontal est ouvert, une crânialisation minutieuse avec obturation du canal nasofrontal sur le plancher s’impose pour assurer une parfaite cicatrisation.

Des voies d’abord rhinologiques sont également disponibles, soit sus-ethmoïdale, soit transfrontale.

L’accès obtenu sur la paroi postérieure du sinus frontal après avoir ôté le volet osseux taillé aux dépens d’un ou des deux sinus frontaux permet de réaliser une large ouverture sur la paroi postérieure du sinus frontal.

L’étage antérieur est abordé avec un décollement plus ou moins large de la bandelette olfactive, au ras de la lame criblée.

La brèche est identifiée et la réparation est réalisée par la mise en place d’un greffon osseux avec un lambeau de périoste frontal.

Si besoin, on peut utiliser en complément du tissu graisseux ou musculoaponévrotique.

La muqueuse du sinus frontal est soigneusement retirée avant la remise en place du volet de la paroi frontale antérieure.

2- Rhinorrhées d’origine tympanique :

Pour les rhinorrhées traumatiques, l’attitude est semblable à celle proposée pour les fractures de la base du crâne.

L’exploration chirurgicale, lorsque la brèche est accessible, est proposée préférentiellement par voie oto-neuro-chirurgicale.

Une mastoïdectomie associée à une exploration de la caisse permet de vérifier les zones fréquemment en cause (tegmen antri, tegmen tympani, fosse ovale).

La partie supérieure du rocher est vérifiée, si nécessaire, par une voie sus-pétreuse.

Ces différents abords permettent de réduire significativement le recours à une voie neurochirurgicale sous-temporale.

Pour les brèches lors d’une chirurgie de l’oreille moyenne, la réparation est réalisée d’emblée si la brèche a été identifiée lors de l’acte opératoire.

En cas de découverte postopératoire ou lors d’une complication infectieuse, l’exploration radiologique par tomodensitométrie précède et guide l’acte opératoire de fermeture.

En cas de rhinorrhée lors d’une chirurgie oto-neuro-chirurgicale, découverte ou se révélant dans les suites de l’intervention, une analyse du mécanisme en cause guide la stratégie du traitement.

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