Physiologie et méthodes d’exploration du système rénine-angiotensine-aldostérone

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Introduction :

Le système rénine-angiotensine-aldostérone gouverne l’homéostasie hydrosodée dans l’organisme.

Physiologie et méthodes d’exploration du système rénine-angiotensine-aldostéroneIl s’agit d’une cascade enzymatique dont le seul précurseur connu est l’angiotensinogène et qui aboutit à la synthèse d’un octapeptide vasoactif, l’angiotensine II.

Les dix acides aminés aminoterminaux (angiotensine I) de l’angiotensinogène sont clivés par la rénine.

Puis l’enzyme de conversion de l’angiotensine I (ECA) convertit l’angiotensine I (Ang I) en angiotensine II (Ang II).

L’Ang II se lie ensuite à ses récepteurs spécifiques au niveau de ses tissus cibles pour exercer ses effets biologiques.

L’Ang II peut être dégradée par de nombreuses angiotensinases et de nombreux métabolites de l’Ang II sont ensuite libérés dans la circulation (angiotensine III sous l’action de l’aminopeptidase A, angiotensine IV, angiotensine 1-7, etc).

L’étude approfondie de ce système a conduit au développement de thérapeutiques antihypertensives couramment utilisées pour le traitement de l’hypertension artérielle (HTA) : les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I et les antagonistes des récepteurs AT1.

Les différentes étapes de ce système et les méthodes d’exploration sont décrites dans ce chapitre.

Physiologie du système rénine-angiotensine-aldostérone :

Cette cascade enzymatique nécessite deux étapes pour produire le produit actif.

L’étape principale et limitante du système est l’étape d’hydrolyse de l’angiotensinogène par la rénine.

C’est la réaction la plus lente du système (le kcat est de l’ordre de 1 s–1 et le Km de l’ordre de 1 µM) et la seule à être régulée. Une fois le complexe rénine-angiotensinogène formé, la libération de l’Ang I se fait en moyenne en 1,7 seconde.

L’essentiel de cette régulation porte sur la concentration circulante de rénine qui peut varier très rapidement lorsque le système est stimulé.

Cependant, la concentration d’angiotensinogène, autour d’un micromolaire, est du même ordre que le Km de la réaction d’hydrolyse par la rénine et la quantité d’Ang II formée dépend aussi de la quantité de substrat disponible pour la rénine.

Le clivage du dipeptide C-terminal His-Leu de l’Ang I par l’ECA pour libérer l’octapeptide actif angiotensine II est une réaction beaucoup plus rapide : le kcat est de 40 s–1 et le Km de 15 µM.

La concentration plasmatique d’ECA est stable et non limitante pour la production d’Ang II.

La quantité d’Ang II formée dépend de la quantité d’Ang I libérée lors de la première étape.

A – PREMIÈRE ÉTAPE : HYDROLYSE DE L’ANGIOTENSINOGÈNE PAR LA RÉNINE

1- La protéine angiotensinogène et sa régulation :

L’angiotensinogène est le substrat unique et spécifique de la rénine.

Il s’agit d’une glycoprotéine de 60 kDa constituée de 452 acides aminés dont les dix acides aminés de l’Ang I comportant le site d’hydrolyse par la rénine (entre la leucine en position 10 et la valine en position 11 chez l’homme) à l’extrémité N-terminale, et les 442 acides aminés du des-angiotensine I-angiotensinogène porteur d’un site de clivage C-terminal.

L’angiotensinogène est sécrétée par les hépatocytes de façon constitutive et n’est donc pas, contrairement à la rénine, stockée dans des granules de sécrétion. Une hépatectomie totale entraîne une chute du taux d’angiotensinogène plasmatique.

Les sujets porteurs d’une cirrhose hépatique ou d’une anastomose portocave ont un taux d’angiotensinogène plasmatique bas et une pression artérielle diminuée.

La sécrétion hépatique de l’angiotensinogène est finement régulée de façon transcriptionnelle et/ou posttranscriptionnelle par les hormones stéroïdes, l’Ang II et les cytokines.

La concentration d’angiotensinogène plasmatique est élevée dans les hypercorticismes, durant la grossesse, sous contraception orale oestrogénique et lors de l’inflammation alors qu’elle est abaissée lors d’une surrénalectomie, d’une thyroïdectomie et d’un traitement par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

L’utilisation d’une contraception contenant des oestrogènes stimule la production d’angiotensinogène d’un facteur 3 à 5, mais cet effet n’est pas observé lorsque les oestrogènes sont administrés par la voie percutanée qui évite le premier passage hépatique.

Durant la grossesse, l’angiotensinogène plasmatique augmente d’un facteur 4 à 6 parallèlement à l’élévation croissante du taux d’oestrogènes et une forme particulière d’angiotensinogène dite de « haut poids moléculaire » est sécrétée.

Il s’agit d’un complexe hétérodimérique associant trois protéines : l’angiotensinogène, la proforme de la protéine majeure basique des granules éosinophiles et la fraction C3dg du complément.

Elle représente la forme majoritaire de l’angiotensinogène présent dans le liquide amniotique et 15 à 30 % de l’angiotensinogène plasmatique total.

L’hydrolyse de ce complexe par la rénine est sept fois plus lente que l’hydrolyse de l’angiotensinogène monomérique.

2- Génétique de l’angiotensinogène :

L’acide désoxyribonucléique complémentaire (ADNc) de l’angiotensinogène humain a été cloné à partir d’une banque d’ADNc de foie par homologie avec une sonde ADNc de l’angiotensinogène de rat.

Le clonage du gène a montré que la séquence codante (1455 nucléotides) comprend cinq exons séparés par quatre introns et s’étend sur 13 kpb.

Le gène appartient à la superfamille des inhibiteurs des sérines protéases.

Une seule copie du gène existe dans le génome, localisée par hybridation in situ sur le bras long du chromosome 1 en position 1q42-q43, proche du locus de la rénine mais à une distance génétique estimée à un taux de recombinaison de l’ordre de 30 %.

Des études de liaison génétique et d’association menées sur le gène de l’angiotensinogène humain comme gène de susceptibilité à l’hypertension artérielle ont apporté le plus souvent des résultats concordants.

Le polymorphisme M235T est associé à l’hypertension artérielle essentielle et gravidique ainsi qu’à une élévation de 10 à 30 % du taux d’angiotensinogène plasmatique.

Le polymorphisme G-6A de la région promotrice du gène, qui est en complet déséquilibre de liaison avec M235T, pourrait expliquer l’augmentation du taux d’angiotensinogène plasmatique.

Des mutations rares ont été rapportées dont la mutation L10F siégeant sur le site de clivage de la rénine entraînant une activation du système rénine-angiotensine et la mutation Y248C entraînant une baisse du taux plasmatique d’angiotensinogène.

L’obtention de lignées de cellules souches embryonnaires de souris et l’avènement des techniques de recombinaison homologue ont permis de générer des lignées de souris dont le gène de l’angiotensinogène est porteur d’une mutation nulle (souris « knockout ») ou ayant une à plusieurs copies du gène de l’angiotensinogène.

Les souris hétérozygotes (Agt +/-) obtenues ont un taux d’angiotensinogène de 35 % de la concentration plasmatique normale des souris sauvages (Agt +/+), une concentration de rénine de 250 % de la valeur normale et un taux d’Ang I augmenté de 60 %.

Les souris homozygotes (Agt -/-) ont un taux d’angiotensinogène, d’Ang I et d’Ang II indétectable et une rénine up-régulée.

Les souris homozygotes (Agt -/-) ont un poids corporel significativement augmenté, présentent un retard de croissance après la naissance, sont fertiles mais peu viables.

Elles sont toutes significativement hypotendues (pression artérielle systolique = 66,9 ± 4,1 mmHg versus 100,4 ± 4,4 mmHg pour les souris sauvages).

Le phénotype rénal des souris (Agt -/-) est anormal.

Elles présentent des lésions du cortex identiques à celles observées lors de la néphrosclérose hypertensive associées à une atrophie papillaire.

Supprimer le substrat du système rénine-angiotensine revient à supprimer le système rénine-angiotensine in toto et l’hypotension sévère des Agt -/- confirme que l’équilibre tensionnel est contrôlé par le système rénine-angiotensine.

Pour déterminer si de modestes variations (augmentation ou diminution) du taux d’angiotensinogène plasmatique, comme il a été décrit dans les études familiales humaines, peuvent faire varier la pression artérielle, l’équipe de Smithies étudia l’effet d’une augmentation progressive du nombre de copies du gène de l’angiotensinogène humain par duplication du gène en entier à son site chromosomique normal.

L’augmentation du taux d’angiotensinogène plasmatique entraîne une augmentation proportionnelle significative des chiffres de pression artérielle (» 8 mmHg par copie du gène).

En conclusion, la caractérisation des modèles animaux présentés ci-dessus montre le rôle crucial du système rénine-angiotensine dans le contrôle de la pression artérielle et corrobore l’hypothèse qu’une faible augmentation de l’angiotensinogène peut induire une élévation de la pression artérielle.

3- Rénine : propriétés biochimiques et régulation

La rénine est une aspartyl protéase (EC 3.4.23.15) sécrétée par les cellules myoépithéliales de l’appareil juxtaglomérulaire.

Il s’agit d’une glycoprotéine dont le poids moléculaire est de 40 kDa environ et qui comprend deux sous-unités de 20 et 25 kDa.

L’étude cristallographique a montré deux domaines similaires N et C-terminaux séparés par une crevasse contenant le site actif avec deux résidus aspartiques (Asp38 et Asp226) cruciaux pour l’activité de l’enzyme, situés de part et d’autre du site de liaison au substrat.

La rénine est principalement sécrétée par les cellules musculaires lisses de la paroi de l’artériole efférente au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire rénal, sous forme de prorénine inactive (90 %) et peu sous forme de rénine active (10 %).

L’enzyme de maturation n’est pas encore clairement connue bien que plusieurs candidats soient discutés dans la littérature. L’activation se fait dans les granules de sécrétion et la rénine est libérée dans la circulation après stimulation.

Le facteur de régulation essentiel du fonctionnement du système rénine-angiotensine reste la régulation du taux de rénine circulante, la régulation du taux d’angiotensinogène étant un mécanisme beaucoup plus lent (de l’ordre de l’heure ou de la journée).

La concentration physiologique de rénine est de l’ordre de la picomole, mais peut varier de 10 à 1000 fois, et est régulée de façon fine et rapide.

Ainsi, une augmentation du taux d’Ang II va entraîner la stimulation d’une boucle de rétrocontrôle négatif entraînant rapidement (de l’ordre de la seconde ou de la minute) la diminution de la sécrétion de rénine par les cellules juxtaglomérulaires.

Les principaux stimulateurs de la sécrétion de rénine sont : la baisse de perfusion dans l’artériole afférente, la stimulation du système nerveux sympathique (récepteurs b-adrénergiques), l’augmentation de la concentration urinaire de sodium au niveau de la macula densa et la baisse de la concentration plasmatique en Ang II (rétrocontrôle négatif).

4- Gène de la rénine :

La souris présente trois gènes de la rénine.

La souche CBA/Ca contient le gène ancestral Ren-1c et la souche 129/Sv contient les gènes Ren-1d et Ren-2.

C’est par homologie avec l’ADNc de la rénine sous-maxillaire de souris qu’a été cloné l’ADNc puis le gène de la rénine humaine.

Le gène humain est unique, s’étend sur 12 kpb, est localisé en 1q32.

Le produit du gène est la préprorénine, protéine de 400 acides aminés qui précède la prorénine d’un peptide signal de 23 acides aminés.

L’équipe de Mullins a inactivé chez la souris successivement le gène Ren-2 et le gène Ren-1d.

L’inactivation du gène Ren-2 n’entraîne aucune modification du phénotype cardiovasculaire.

L’inactivation du gène Ren-1d ou Ren-1c entraîne des anomalies morphologiques de la macula densa avec absence de grains de sécrétion dans les cellules juxtaglomérulaires suggérant que l’expression de Ren-2 chez ces souris peut partiellement compenser la perte de Ren-1 pour le maintien de la pression artérielle.

Ces deux gènes se trouvant sur le même chromosome, le double knock-out se heurte à des problèmes techniques et n’a pas encore été publié.

B – DEUXIÈME ÉTAPE : LIBÉRATION DE L’ANGIOTENSINE II APRÈS CLIVAGE DE L’ANGIOTENSINE I PAR L’ENZYME DE CONVERSION DE L’ANGIOTENSINE

1- Enzyme de conversion : propriétés biochimiques

L’enzyme de conversion de l’angiotensine I (kininase II, dipeptidyl carboxypeptidase I, EC 3.4.15.1) est une métalloprotéase à zinc qui possède deux domaines amino- et carboxyterminaux possédant chacun un site actif.

Elle possède de multiples substrats. En dehors de l’Ang I, elle est capable de dégrader la bradykinine, peptide vasodilatateur, en clivant son dipeptide C-terminal Phe-Arg mais aussi le tétrapeptide N-acétyl-séryl-aspartyl-lysyl-proline impliqué dans le contrôle de la prolifération des cellules souches hématopoïétiques.

L’enzyme de conversion est une ectoenzyme membranaire de 170 kDa environ qui est exprimée à la face luminale des cellules endothéliales vasculaires mais aussi sous forme soluble dans le plasma.

2- Gène de l’enzyme de conversion de l’angiotensine :

Le clonage du gène a montré qu’il est constitué de deux domaines homologues.

Il s’étend sur 21 kpb et est localisé sur le chromosome 17.

Il existe deux transcrits issus de deux promoteurs différents.

La région 5’ de l’exon 1 contient le promoteur de la forme endothéliale (transcrit de 4.3 kb) et l’intron 12 contient le promoteur de la forme testiculaire exprimée dans les cellules germinales (transcrit testiculaire de 3 kb).

Le gène présente un polymorphisme appelé ID pour la présence (insertion) ou l’absence (délétion) d’un fragment intronique de 287 pb au niveau de l’exon 6.

Ce polymorphisme est associé de façon codominante à la concentration d’ECA plasmatique.

Il semble impliqué, non pas dans la prédisposition génétique à l’hypertension artérielle, mais dans le risque de développer un infarctus du myocarde.

L’équipe de Smithies fut la première à inactiver la forme somatique et testiculaire du gène de l’ECA par recombinaison homologue. Les souris homozygotes (ACE -/-) sont hypotendues (-34 mmHg) et présentent des anomalies rénales à type d’atrophie papillaire et d’épaississement des artères rénales.

Ces anomalies rénales sont proches de celles décrites pour les souris (Agt -/-) et suggèrent que l’absence d’Ang II est responsable de ce phénotype.

De façon intéressante, les souris mâles (ACE -/+) et (ACE -/-) sont stériles alors que les souris femelles sont normalement fertiles.

Ce phénotype fut confirmé par l’équipe de Bernstein qui observa les mêmes anomalies après avoir établi une seconde lignée.

Cette anomalie de la fonction de reproduction est secondaire à l’inactivation de l’isoforme testiculaire de l’enzyme puisque les souris mâles délétées spécifiquement de l’isoforme somatique ou les souris (ACE -/-) porteuses d’un transgène ACE testiculaire sous le contrôle d’un promoteur spécifique du sperme sont normalement fertiles.

Ces résultats suggèrent l’existence d’un autre substrat de l’ECA, qui reste à découvrir, et qui pourrait être impliqué dans la maturation du sperme.

C – EFFETS BIOLOGIQUES :

1- Effets biologiques de l’angiotensine II :

Les principaux effets biologiques de l’Ang II sont au niveau :

– vasculaire : une action vasopressive et trophique sur les cellules musculaires lisses des parois du système cardiovasculaire ;

– surrénalien : la stimulation de la production d’aldostérone par les cellules de la zone glomérulée du cortex surrénalien (l’aldostérone stimule la réabsorption de sodium par le tube contourné distal en échange de potassium et d’ions H+) ;

– rénal : la régulation du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire par une action vasoconstrictive des artérioles efférentes et afférentes de l’appareil juxtaglomérulaire, la réabsorption tubulaire de sodium par la baisse de pression hydrostatique péritubulaire, la régulation de la sécrétion de rénine ;

– cérébral : la stimulation de la soif en activant la sécrétion de vasopressine, l’appétence au sel, la régulation centrale de la pression artérielle ;

– du système nerveux sympathique : la stimulation de la libération de noradrénaline ;

– tissulaire : une action trophique et hyperplasique.

L’Ang II exerce un feed-back négatif rapide sur la sécrétion de rénine et un feed-back positif sur la synthèse hépatique d’angiotensinogène.

2- Récepteurs de l’angiotensine II :

Les effets de l’Ang II sont médiés par des récepteurs membranaires faisant partie de la famille des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés aux protéines G.

Deux gènes codant pour deux récepteurs à l’Ang II dont la pharmacologie est différente ont été clonés chez l’homme.

Le type AT1 localisé en 3q22, dont il existe deux sous-types AT1A et AT1B chez les rongeurs, et le type AT2 localisé sur le chromosome X.

Le récepteur AT1 est une chaîne polypeptidique de 359 acides aminés contenant sept segments hydrophobes intramembranaires connectés par trois boucles intra- et extracellulaires.

Le récepteur AT2 est une protéine de 363 acides aminés à sept domaines transmembranaires qui présente seulement 34 % d’homologie avec le récepteur AT1.

Le récepteur AT1 est exprimé dans les vaisseaux (cellules musculaires lisses), les reins, les surrénales, le coeur, le cerveau et l’hypophyse.

Le récepteur AT2 est fortement exprimé durant le développement foetal dans les tissus mésenchymateux.

Chez l’adulte, son expression a été retrouvée uniquement dans le cerveau, l’ovaire et l’utérus.

Le récepteur AT1 médie les actions de l’Ang II (régulation de la pression artérielle et de l’équilibre homéostasique, croissance cellulaire) alors que le rôle physiologique de l’AT2 dans le développement et chez l’adulte est méconnu.

Plusieurs voies de transduction du récepteur AT1 ont été élucidées, comme des voies classiques de couplage aux protéines G qui médient les actions rénales et vasculaires et des voies d’activation des tyrosines kinases (MAPkinases, JAK/STAT…) médiant les actions prolifératives de l’Ang II.

Les gènes murins des récepteurs AT1A, AT1B et AT2 de l’Ang II ont été successivement inactivés.

L’inactivation (ou le knock-out) du récepteur AT1A entraîne une hypotension (-20 mmHg) et une hypertrophie des cellules juxtaglomérulaires rénales avec hyperréninémie sans anomalie du développement ou de la viabilité associée.

La délétion du récepteur AT1B n’entraîne aucune anomalie phénotypique significative. Pour supprimer l’effet compensatoire du second récepteur après le simple knock-out, le double knock-out AT1A/AT1B a été effectué.

Le phénotype des souris obtenues est similaire au phénotype sévère (hypotension, anomalies rénales, létalité) des souris knock-out pour le gène de l’angiotensinogène.

L’inactivation du récepteur AT2 n’entraîne pas d’anomalie phénotypique sévère mais des anomalies du comportement et des paramètres neurophysiologiques (algésie, température corporelle) ainsi qu’une hypersensibilité à l’action pressive de l’Ang II.

3- Aldostérone :

L’aldostérone est la principale hormone minéralocorticoïde sécrétée par la zone glomérulée du cortex surrénalien.

Sa principale action est la régulation du transport transépithélial de sodium (réabsorption de sodium, excrétion de potassium) dans le tubule rénal distal.

L’Ang II est le principal facteur régulant la biosynthèse et la régulation de l’aldostérone.

Physiologiquement, les concentrations d’aldostérone et de rénine sont étroitement corrélées.

La kaliémie (l’hyperkaliémie stimule la sécrétion d’aldostérone et l’hypokaliémie l’inhibe) et l’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) (la sécrétion d’aldostérone plasmatique suit un rythme circadien parallèle à celui du cortisol) stimulent également la sécrétion d’aldostérone.

L’aldostérone agit par l’intermédiaire de sa fixation sur le récepteur minéralocorticoïde qui va induire une modification conformationnelle du récepteur et la translocation du complexe hormone-récepteur dans le noyau.

Le récepteur minéralocorticoïde ainsi activé va pouvoir moduler la transcription des gènes cibles que sont la Na+ /K+-ATPase et le canal épithélial sodium amiloridesensible (ENaC).

L’aldostérone a un rôle central dans la régulation de la volémie et son implication est importante dans certaines formes d’hypertension artérielle et d’insuffisance cardiaque.

Méthodes d’exploration :

L’analyse physiopathologique des différents éléments du système rénine-angiotensine est fondamentale pour l’exploration des patients présentant une hypertension artérielle et/ou une perturbation du bilan hydroélectrolytique.

La détermination de la concentration d’angiotensinogène, de rénine, de l’activité de l’enzyme de conversion et de la concentration d’aldostérone peut, à l’heure actuelle, être réalisée par des méthodes de dosage radioimmunologique spécifiques et sensibles.

Cependant, seuls les dosages de la rénine et de l’aldostérone plasmatiques sont utiles dans la pratique clinique.

Les conditions de leur réalisation et de leur interprétation dans différentes conditions pathologiques sont exposées plus loin.

A – MÉTHODES DE DOSAGE DE L’ANGIOTENSINOGÈNE :

1- Méthode de référence : dosage enzymatique indirect

Le principe de cette méthode repose sur l’évaluation de la quantité d’Ang I produite au plateau de sa production après clivage exhaustif de toutes les molécules d’angiotensinogène.

La quantité d’Ang I générée est mesurée par dosage radio-immunologique à l’aide d’un anticorps dirigé contre l’angiotensine I.

Ce dosage nécessite une saturation de la réaction enzyme-substrat par l’addition exogène d’un excès de rénine et une incubation prolongée de l’angiotensinogène avec la rénine.

La quantité d’Ang I produite est directement proportionnelle au taux d’angiotensinogène présent au départ car la réaction est équimolaire (1 molécule d’angiotensinogène donne 1 molécule d’Ang I) et la dégradation de l’Ang I est prévenue par l’inhibition des angiotensinases dans le milieu d’incubation par l’éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA).

Cette méthode est considérée comme la méthode de référence de dosage de l’angiotensinogène car spécifique de l’angiotensine I, elle ne mesure pas la quantité de des-angiotensine I-angiotensinogène libérée dans le milieu d’incubation.

Cependant, la validation de ce dosage repose sur la détermination de la concentration saturante de rénine, qui elle-même est strictement dépendante de la vitesse maximale de la réaction d’hydrolyse et de la concentration de substrat.

2- Dosage radio-immunologique direct :

L’obtention d’un angiotensinogène purifié a permis de développer des anticorps polyclonaux dirigés contre l’angiotensinogène et de les utiliser pour un dosage radio-immunologique direct.

Les taux d’angiotensinogène mesurés par ce dosage sont significativement corrélés à ceux donnés par la méthode enzymatique.

Cependant, ils surestiment légèrement la concentration d’angiotensinogène, mesurée par la méthode enzymatique, car les anticorps reconnaissent l’angiotensinogène mais aussi le des-angiotensine I-angiotensinogène circulant.

La différence entre le dosage direct et indirect représente le taux de des-angiotensine I-angiotensinogène qui est lui-même corrélé avec le niveau de rénine plasmatique.

3- Dosages immunoenzymométriques et immunoradiométriques :

Le développement et la caractérisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre l’angiotensinogène ont été suivis par la mise au point de plusieurs dosages utilisant un anticorps monoclonal spécifique de l’angiotensinogène fixé et un sérum polyclonal en tant que deuxième anticorps.

Le premier dosage immunoradiométrique a été mis au point par les laboratoires de Sanofi-recherche.

Le principe repose sur l’utilisation d’un couple d’anticorps monoclonaux, dont le premier est immobilisé sur phase solide et dont le second, utilisé comme traceur, est marqué (I125 ou phosphatase alcaline).

Cette méthode est un dosage direct rapide sans étape enzymatique préalable.

Cependant, comme pour le dosage radio-immunologique direct elle mesure l’angiotensinogène et le des-angiotensine I-angiotensinogène.

Ce dosage peut être utilisé pour la détermination directe par immunoanalyse du génotype 235T ou 235M de l’angiotensinogène plasmatique.

B – MÉTHODES DE DOSAGE DE LA RÉNINE :

Le dosage de la rénine est fondamental dans l’exploration du fonctionnement du système rénine-angiotensine.

La mesure de l’activité rénine plasmatique est actuellement supplantée par le dosage immunoradiométrique direct de la rénine active.

1- Activité rénine plasmatique (ARP) :

Historiquement, la mesure de l’ARP est la première méthode de dosage de rénine mise au point qui consiste à mesurer la fraction physiologiquement active de la rénine.

Elle détermine de façon indirecte in vitro la production d’Ang I en deux étapes : production d’Ang I en incubant le plasma à 37 °C à pH 5,7 (pH optimal de la rénine) en présence d’inhibiteurs des angiotensinases puis mesure de l’Ang I générée in vitro par dosage radio-immunologique à l’aide d’anticorps polyclonaux.

L’activité rénine plasmatique correspond à la quantité d’Ang I libérée en une heure par action de la rénine sur l’angiotensinogène.

Elle est exprimée en ng d’Ang I par mL et par h (ng Ang I/mL/h).

L’inconvénient majeur de ce dosage est qu’il ne tient pas compte des variations du taux de l’angiotensinogène plasmatique.

Il peut donc donner de faux résultats lors des variations physiopathologiques du taux d’angiotensinogène plasmatique (pilule oestroprogestative, glucocorticoïdes, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, cirrhose hépatique, défaillance cardiaque, etc).

2- Dosage immunoradiométrique direct de la rénine active :

Ce dosage par sandwich permet de mesurer la rénine directement en une étape en s’affranchissant de l’étape enzymatique in vitro préalable du dosage de l’ARP.

Il utilise deux anticorps monoclonaux qui reconnaissent spécifiquement la rénine humaine et pas la prorénine.

Cette méthode est rapide, permettant d’avoir le résultat le jour du prélèvement, et ne dépend pas de la concentration d’angiotensinogène.

Les résultats sont exprimés en pg de rénine active par mL.

3- Dosage de la prorénine :

La prorénine peut aussi être mesurée après activation protéolytique in vitro.

Le profragment de la prorénine (rénine inactive) peut être clivé en présence de trypsine et la rénine active libérée est ensuite dosée par mesure immunoradiométrique directe.

Le dosage de la prorénine est important dans les rares cas de tumeurs rénales ou ectopiques à rénine où il représente plus de 95 % de la rénine totale (somme de la rénine active et de la prorénine).

C – MÉTHODES DE DOSAGE DE L’ENZYME DE CONVERSION :

Seule une fraction mineure de l’enzyme de conversion est circulante et dosable dans le plasma puisque la majeure partie est membranaire et fixée sur les épithéliums vasculaires.

L’activité enzymatique de l’enzyme peut être déterminée en utilisant des substrats synthétiques comme les tripeptides N-acétylés Hip-His-Leu (méthode de Cushman) et Hip-Gly-Gly (méthode de Ryan) marqués au tritium ou avec un fluorophore.

Les résultats sont exprimés en mUnités/mL.

Un dosage radio-immunologique a également été développé.

Mais comme le taux d’enzyme de conversion n’est pas limitant pour le fonctionnement du système rénine-angiotensine, il n’a pas sa place dans l’exploration biologique de l’hypertension artérielle.

D – MESURE DE L’ANGIOTENSINE II :

Le dosage de l’Ang II n’est toujours pas une technique de routine mais reste réservé aux laboratoires de recherche spécialisés.

En effet, la mise au point de ce dosage est limitée par plusieurs facteurs : le faible taux d’Ang II circulant (de l’ordre du fM/mL), sa très courte demi-vie, la présence dans le plasma de différentes angiotensines et d’angiotensinases susceptibles de dégrader très rapidement l’Ang II.

E – MESURE DE L’ALDOSTÉRONE :

L’aldostérone peut être mesurée dans le plasma ou dans les urines.

Le dosage radio-immunologique de l’aldostérone plasmatique est important pour l’exploration de l’axe rénine-angiotensinealdostérone.

La mesure de l’aldostérone urinaire ne représente qu’une petite partie de l’aldostérone excrétée.

Elle mesure la somme de l’aldostérone excrétée sous forme libre (1 % de l’aldostérone plasmatique totale) et de la fraction libérée après hydrolyse à pH acide (pH 1) des métabolites glucuroconjugués de l’aldostérone (10 % environ de la sécrétion).

Cependant, son élévation est quasi constante en cas d’hyperaldostéronisme.

F – MODALITÉS D’EXPLORATION DU SYSTÈME RÉNINE-ANGIOTENSINE :

1- Paramètres influençant les dosages :

L’activité du système rénine-angiotensine est affectée par l’âge, le sexe, le rythme circadien, le statut hormonal, les apports sodés et les médicaments.

Les niveaux de rénine et d’aldostérone sont significativement plus élevés chez les enfants que chez les adultes et ils diminuent chez l’adulte normal entre la troisième et la septième décade.

La rénine et l’aldostérone s’élèvent rapidement en position orthostatique.

En pratique, la mesure de la rénine et de l’aldostérone est réalisée en première intention en position demi-assise après 1 heure de décubitus et contrôlée par un test postural, si le résultat des premiers dosages étaient anormaux, le matin à 8 heures après une nuit de décubitus et après stimulation par 1 heure de déambulation.

Ces deux mesures doivent varier du simple au double.

La déplétion sodée est un puissant stimulus de la sécrétion de rénine tandis qu’un régime riche en sodium l’inhibe.

La mesure simultanée de la natriurèse des 24 heures donne une bonne information sur l’apport sodé du patient.

La plupart des médicaments antihypertenseurs influent sur le fonctionnement du système rénine-angiotensine.

Les diurétiques (thiazidiques, de l’anse, amiloride, triamtérène et spironolactone) en diminuant la volémie augmentent les taux de rénine et d’aldostérone.

Les bêtabloquants et les agonistes a2 centraux (clonidine) diminuent la sécrétion de rénine par leur fixation sur les récepteurs adrénergiques de la macula densa.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes du récepteur AT1 de l’Ang II activent la sécrétion de rénine par suppression du feedback négatif exercé par l’Ang II.

Cette propriété a été utilisée pour mettre au point le test au captopril qui est un test de stimulation aigu basé sur la rapidité d’action de la molécule administrée à la dose de 1 mg/kg.

Les vasodilatateurs induisent une stimulation du système nerveux central et une stimulation de la sécrétion de rénine.

En règle générale, on préconise une interruption de 6 semaines des antialdostérones comme la spironolactone, de 15 jours des autres diurétiques, des bêtabloquants, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des antagonistes du récepteur de l’Ang II.

Il est conseillé dans la mesure du possible de sevrer complètement le patient de son traitement antihypertenseur pendant les 15 jours précédant le dosage ou de remplacer son traitement habituel par un traitement neutre pour le fonctionnement du système rénineangiotensine comprenant un inhibiteur calcique à libération prolongée, éventuellement associé à un alpha-bloquant ou à un antihypertenseur central.

2- Exploration du système rénine-angiotensine dans la pratique clinique :

Les principales indications d’une exploration du système rénineangiotensine chez le patient hypertendu sont :

– l’HTA accélérée, sévère ou résistante ;

– l’HTA associée à une kaliémie inférieure à 3,9 mmol/L ;

– l’HTA associée à une tumeur surrénalienne ;

– l’HTA associée à un souffle latéro-ombilical ou à un athérome symptomatique ou à une sténose des artères rénales.

Deux grands cadres nosologiques d’hypertension artérielle secondaire que sont l’hyperaldostéronisme primaire et l’hypertension artérielle rénovasculaire vont être particulièrement discutés.

* Hyperaldostéronisme primaire :

L’hyperaldostéronisme primaire associe une hypertension artérielle avec une élévation de l’aldostérone plasmatique et urinaire et une inhibition de la sécrétion de rénine plasmatique.

Les étapes du diagnostic sont le dépistage des patients susceptibles d’être atteints, la mise en évidence d’une dissociation rénine-aldostérone et la discrimination entre un adénome de Conn à traiter chirurgicalement et une hyperplasie bilatérale des surrénales curable médicalement.

La mesure de la kaliémie est le meilleur test de dépistage de l’hyperaldostéronisme.

Une hypokaliémie spontanée ou démasquée par un traitement diurétique chez un patient hypertendu doit conduire à une mesure de la rénine et de l’aldostérone.

Nous avons montré qu’une valeur de kaliémie de 3,9 mmol/L était la valeur seuil pour rechercher une dissociation rénine-aldostérone.

Les critères diagnostiques d’hyperaldostéronisme primaire sont un hyperaldostéronisme plasmatique et/ou urinaire associé à un rapport rénine active/aldostérone inférieur ou égal à 23.

Le diagnostic entre adénome de Conn et hyperplasie bilatérale des surrénales n’est pas toujours facile.

La présence d’un adénome surrénalien de plus de 1 cm, hypodense, ne prenant pas le contraste au scanner centré sur les glandes surrénales, est très en faveur du diagnostic d’adénome de Conn.

Mais souvent, la glande controlatérale est anormale ou l’on ne discerne pas d’adénome sur l’imagerie surrénalienne.

Les tests de stimulation du système rénineangiotensine dont l’interprétation est basée sur une relative indépendance de la sécrétion d’aldostérone par l’adénome aux brusques variations du taux d’Ang II et sur une sensibilité de l’hyperplasie à ces mêmes variations n’ont pas fait leur preuve.

Dans cette circonstance, on peut être amené à faire réaliser un cathétérisme veineux surrénalien (KT surrénalien) par un radiologue expérimenté pour rechercher une asymétrie de sécrétion d’aldostérone entre la veine surrénalienne droite et gauche.

Une augmentation d’un facteur 5 du rapport aldostérone/cortisol entre les deux veines surrénaliennes est une indication opératoire.

* Hypertension artérielle rénovasculaire :

Une sténose d’une artère rénale doit être recherchée devant toute hypertension sévère, résistante d’emblée ou secondairement au traitement.

L’exploration du système rénine-angiotensine met typiquement en évidence un hyperaldostéronisme secondaire.

Le diagnostic positif repose sur l’opacification artérielle des artères rénales.

Le diagnostic d’imputabilité repose en partie sur le cathétérisme sélectif des veines rénales à la recherche d’une latéralisation de la sécrétion de rénine.

Si le rapport entre la sécrétion de rénine active du côté sténosé et celle du côté normal est supérieur à 1,5, la sténose est considérée comme étant responsable de l’hypertension artérielle et doit bénéficier d’une angioplastie, voire d’un traitement chirurgical.

La scintigraphie rénale sous captopril est moins invasive et plus spécifique que le cathétérisme des veines rénales pour le diagnostic d’imputabilité d’une sténose artérielle unilatérale.

À l’heure actuelle, nous réservons le cathétérisme veineux rénal aux diagnostics complexes comme des sténoses des branches ou des sténoses associées à des infarcissements rénaux.

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