Psychiatrie et dermatologie

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Introduction :

Le psychisme et la peau entretiennent à plusieurs titres des liens privilégiés.

Psychiatrie et dermatologieLa peau dérive comme le cerveau de l’ectoderme, la plus externe des couches cellulaires de l’embryon.

La peau est un organe sensoriel extrêmement diversifié comme le montre la complexité de son anatomie.

La peau est aussi une enveloppe protectrice contre les agressions du milieu, un régulateur thermique et métabolique.

Ces éléments contribuent à faire de la peau un organe privilégié de la vie de relation, y compris dans la composante amoureuse de celleci.

La peau parfumée, maquillée, adoucie, épilée, bronzée est destinée à être regardée, touchée, caressée, participant ainsi de la séduction.

La peau exprime, dévoile ou même trahit sentiments et émotions.

Sur la peau s’inscrivent les cicatrices indélébiles des blessures, les marques du temps qui passe et les transformations corporelles qui en découlent mais aussi les signes de l’identité du sujet, en particulier de son « identité sexuelle », par l’intermédiaire, par exemple, des poils et des cheveux et des habitudes esthétiques qui s’y rapportent en fonction des modes et des cultures.

Dans ces conditions, on conçoit aisément que la psychiatrie et la dermatologie puissent elles-mêmes entretenir des liens privilégiés.

Ces liens s’expriment dans de nombreux et variés champs de la clinique que nous allons explorer.

Nous individualiserons ainsi par souci d’intelligibilité trois domaines qui, dans la pratique, peuvent être plus ou moins intriqués : les répercussions psychologiques et les complications psychiatriques des dermatoses, l’expression dermatologique des troubles psychiatriques, le rôle des facteurs psychosociaux dans le déclenchement et/ou le pronostic des dermatoses.

Auparavant, nous insisterons sur l’importance, dans le tissage des liens entre psychisme et peau, des échanges tactiles précoces avec le personnage maternel.

Échanges tactiles entre la mère et l’enfant :

Les études éthologiques et psychanalytiques se sont attachées à montrer leur importance pour le développement somatopsychique harmonieux de tout individu.

Les études psychanalytiques, par exemple, ont montré le caractère fondamental de la relation mère/enfant médiatisée par la peau pour l’intériorisation par chaque individu d’une image de son corps cohérente, c’est-à-dire d’un modèle interne le représentant non fragmenté pourvu de limites assurant bien leur rôle de frontières entre le monde interne et le monde extérieur.

Cette image du corps est accompagnée d’un sentiment de sécurité interne physique et psychique et d’un sentiment d’estime de soi.

Ce sont ces différents éléments qui fondent le narcissisme de chaque individu.

Dès le début de la vie, la peau et les muqueuses reçoivent de nombreuses stimulations plus ou moins agréables, surtout par l’intermédiaire de la mère, lors du nourrissage, du portage, des soins corporels, de l’habillement.

Les manipulations maternelles sont alors à l’origine d’une excitation agréable pour le nourrisson et deviennent l’occasion d’une communication préverbale, témoignage de l’amour que la mère porte à son enfant et qu’elle arrive ainsi à lui faire ressentir. Selon un mot du psychanalyste français Anzieu : « le massage devient message ».

À côté des besoins du corps, le petit enfant présente donc des besoins psychiques qui sont satisfaits par une mère « suffisamment bonne » selon l’expression de Winnicott, pédiatre et psychanalyste anglais.

Bowlby, psychanalyste anglais, envisage l’hypothèse d’une pulsion d’attachement, pulsion primaire non sexuelle et indépendante d’une pulsion orale.

Cette pulsion d’attachement permettrait à l’enfant de maintenir la mère à une distance qui la laisse cependant accessible. Bien sûr, au fur à et mesure que l’enfant grandit, cet attachement se modifie mais la réaction de désarroi quand l’enfant pense avoir perdu sa mère reste la même.

Les travaux de Winnicott insistent beaucoup sur l’importance des expériences de portage et d’agrippement dans la maturation affective de l’enfant.

Ces expériences sont l’occasion pour ce dernier de se conforter entre chaque exploration de la réalité extérieure et lui permettent, lorsqu’elles ont été satisfaisantes, de se séparer lentement du support maternel et de s’autonomiser.

Selon Winnicott, en effet, la mère est pour le nourrisson, en raison de l’immaturité motrice et affective de ce dernier, l’auxiliaire indispensable qui médiatise ses échanges avec le monde extérieur.

C’est elle qui joue un rôle de discrimination, qui filtre les stimuli provenant de l’environnement à un moment où le nourrisson est incapable luimême d’assurer sa propre protection.

La mère joue donc un rôle de barrière « pare-excitation » qui préserve son enfant jusqu’à ce que ce dernier puisse en prendre le relais grâce à la maturation de ses fonctions corporelles.

Quand le rôle de pare-excitation est joué correctement par la mère, l’enfant investit ses limites corporelles, c’est-à-dire ses organes sensoriels et sa surface cutanée comme capables de lui assurer la protection dont il a besoin contre toute agression extérieure sans être sous la menace permanente d’une possible effraction.

Winnicott avance aussi l’idée que le précurseur du miroir, dans le développement émotionnel de l’individu, c’est le visage de la mère.

C’est ainsi qu’il écrit : « Quand le bébé tourne son regard vers le visage de sa mère, ce qu’il voit c’est lui-même.

En d’autres termes, la mère regarde le bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec ce qu’elle voit ».

C’est donc sur le visage de sa mère et dans le regard de celle-ci posé sur lui-même que l’enfant découvre qui il est, le bon qu’il renferme en lui, ce qu’il donne à l’autre et comment il peut ainsi le toucher et le transformer.

L’enfant se réfléchit sur le visage et dans le regard de sa mère et par là même les modifie.

Ainsi, se penser être, depuis le tout début de sa vie, l’objet de la pulsion scopique de sa mère permet au sujet d’acquérir le sentiment harmonieux de son unité et de sa beauté et de construire par là même son narcissisme.

Anzieu a beaucoup travaillé sur la peau en tant qu’enveloppe de protection contre les agressions, frontière entre le dedans et le dehors, zone privilégiée d’échange avec autrui.

Cet auteur insiste aussi sur la peau en tant qu’organe participant au développement affectif cognitif et social du petit homme.

Il soutient l’hypothèse d’un « Moi-peau », rappelant ainsi que le bébé acquiert la perception de sa peau comme surface à l’occasion des expériences de contact de son corps avec le corps de sa mère et dans le cadre d’une relation sécurisante d’attachement avec elle.

Par Moi-peau, cet auteur désigne une figuration dont l’enfant se servirait au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi à partir de son expérience de la surface du corps.

Ce Moi-peau serait étayé, principalement, par trois fonctions de la peau :

– celle de sac, de contenant rempli des expériences satisfaisantes que l’allaitement, les soins, les bains de parole y ont accumulées ;

– celle de zone d’échange et de communication avec autrui, d’établissement de relations signifiantes, de surface d’inscription de traces laissées par ces dernières ;

– celle de surface entre le dedans et le dehors, protégeant l’individu des agressions externes provenant des autres ou des choses.

Répercussions psychologiques et complications psychiatriques des dermatoses :

A – RETENTISSEMENT SOCIOPROFESSIONNEL ET PSYCHOAFFECTIF DES DERMATOSES :

Toute affection organique réalise chez le sujet malade une blessure narcissique plus ou moins importante.

La spécificité des affections cutanées est de faire appel au regard et d’altérer inévitablement aussi bien l’image de soi que le sujet a de lui-même que l’image qu’il offre à autrui. Selon les cas, une telle image altérée va être source de curiosité, de dégoût, de répulsion ou encore de gêne ou de honte.

Dans l’inconscient collectif, la maladie de peau reste encore synonyme de maladie contagieuse, de maladie vénérienne, de maladie honteuse.

La peau est cachée, camouflée, plus rarement exhibée.

Dans ces conditions, on peut comprendre, du moins en partie, pourquoi l’intensité du retentissement socioprofessionnel et psychoaffectif des dermatoses n’est souvent pas parallèle à la gravité clinique de la maladie.

De nombreuses études montrent l’importance du retentissement socioprofessionnel et psychoaffectif des affections cutanées.

Une étude, par exemple, portant sur 369 malades souffrant d’un psoriasis sévère, a montré que 60 % des 150 malades qui travaillaient avaient dû arrêter leur travail au moins 26 jours l’année précédant cette étude et que 34 % des malades qui ne travaillaient pas attribuaient cette inactivité professionnelle à leur psoriasis.

Une autre étude portant sur 104 malades souffrant d’un psoriasis a montré que 50 % d’entre eux pensaient que leur psoriasis avait inhibé leurs relations affectives et sexuelles et que 11 % ne désiraient pas d’enfant à cause du risque de transmission héréditaire de la maladie.

Des affects anxieux et dépressifs avec des idées suicidaires, ainsi qu’une grande atteinte de l’estime de soi (avec sentiments de honte et attitudes d’évitement de situations anxiogènes : piscine, relation affective et sexuelle…) sont fréquemment rapportés chez les sujets souffrant d’une dermatose.

Ces différents affects sont principalement constatés en cas d’alopécie, de psoriasis, d’eczéma et d’acné. Une étude a évalué le degré d’anxiété, d’irritabilité, de dépression et d’atteinte de l’estime de soi chez des sujets souffrant d’un mélanome malin et chez des sujets souffrant d’affections cutanées diverses dont une acné du visage, comparés à un groupe témoin sans atteinte cutanée.

Ce sont les sujets souffrant d’une acné du visage qui présentaient les plus mauvais scores.

Ces affects sont en effet d’autant plus intenses que la dermatose est étendue, chronique et visible.

On a ainsi constaté la fréquence des idées suicidaires et des tentatives de suicide en cas de dermatose particulièrement défigurante comme la maladie de Darier (cette maladie peut réaliser sur tout le corps et sur le visage de vastes placards constitués de papules kératosiques folliculaires ou extrafolliculaires donnant à la peau un aspect grisâtre et crasseux).

D’ailleurs, dans une étude très récente, on a constaté que les taux de prévalence de l’idéation suicidaire active parmi les malades atteints de psoriasis ou d’acné étaient plus élevés que les taux de prévalence de l’idéation suicidaire que l’on rencontre parmi les malades souffrant de maladies somatiques autres que dermatologiques.

Des états délirants prenant pour point de départ une acné du visage ont aussi été décrits.

Il faut noter la possibilité de survenue d’un trouble de l’identité sexuelle chez les femmes qui souffrent d’une alopécie androgénétique.

L’intensité du retentissement socioprofessionnel et psychoaffectif est augmentée quand la dermatose siège sur des parties visibles du corps et en particulier sur le visage.

L’intensité du retentissement socioprofessionnel et psychoaffectif est aussi augmentée par les expériences objectives de rejet socioprofessionnel et affectif subies par les sujets souffrant d’une affection cutanée.

Une étude a montré que 19 sujets sur 100 souffrant d’un psoriasis modéré ou sévère avaient subi de multiples rejets sociaux liés au psoriasis et, principalement, au travail, chez le coiffeur, à la piscine et dans les salles de gymnastique.

Ces expériences de rejet socioprofessionnel peuvent être associées à une augmentation de la consommation d’alcool.

Enfin, il semble que l’atteinte de l’image de soi est surtout importante quand la dermatose concerne un adolescent ou un jeune adulte.

Il est vrai que l’adolescence, ce passage de l’enfance à l’âge adulte, est une période délicate de maturation de la sexualité mais aussi de l’affectivité.

L’adolescent doit alors découvrir d’autres personnes à séduire que ses parents et des ressources différentes en lui-même et dans son corps de celles de son enfance pour atteindre ce but.

À l’adolescence, l’insécurité narcissique est donc extrême puisque la capacité de séduire est battue en brèche.

Cette insécurité narcissique peut être augmentée par la moindre imperfection du visage ou du corps et a fortiori par la survenue d’une dermatose.

Quant au retentissement psychoaffectif d’une dermatose chez l’enfant, il dépend évidemment de l’âge de sa survenue et par conséquent du stade libidinal.

Il est sûr, en particulier, que l’image que l’enfant a de son corps joue un rôle important dans le sentiment qu’il aura d’être ou non désirable pour le parent du sexe opposé pendant la période oedipienne.

Les conséquences de ce phénomène ne sont pas univoques et dépendent de l’histoire des relations affectives précoces et de la personnalité des parents.

Quant aux dermatoses congénitales, héréditaires ou non, leur retentissement psychoaffectif peut être intense au niveau de l’enfant et de son entourage familial.

Pensons, par exemple, aux anomalies vasculaires congénitales de la face (angiomes) qui vont contraindre enfant et parents à des suivis thérapeutiques longs avec des interventions (chirurgie classique et/ou laser) répétées et parfois douloureuses et des résultats pas toujours à la hauteur des espérances de l’enfant et de ses parents.

Enfin, il ne faut pas négliger le rôle des dermatoses elles-mêmes (comme le psoriasis par exemple) dans la constitution de la personnalité de sujets ayant des difficultés à reconnaître leurs émotions et à les exprimer verbalement.

Les dermatoses en effet, qui sont souvent des affections chroniques, ont pu remanier la personnalité de certains sujets par les contraintes thérapeutiques, sociales et affectives qu’elles ont comportées parfois depuis l’enfance.

Une étude chez des patients peladiques a par ailleurs montré que la prévalence des phobies sociales, des traits paranoïdes, des conduites à risque était d’autant plus élevée que la pelade avait commencé tôt dans la vie du sujet.

Cependant, le caractère particulièrement chronique et affichant d’une dermatose ne doit pas faire minimiser, dans l’intensité du retentissement socioprofessionnel et psychoaffectif de cette dermatose, le rôle de facteurs psychologiques préexistant à la survenue de la maladie.

B – QUALITÉ DE VIE EN DERMATOLOGIE :

Malgré l’abondance, depuis de nombreuses années, de la littérature concernant le retentissement socioprofessionnel et psychoaffectif des dermatoses, la mesure de la qualité de vie en dermatologie est très récente.

La construction d’index de qualité de vie en dermatologie a été surtout le fait de l’école de Cardiff et particulièrement de Finlay.

Les index de qualité de vie sont la plupart du temps utilisés au cours d’essais thérapeutiques.

De nombreux auteurs insistent sur l’importance des automesures subjectives, par les malades eux-mêmes, de leur qualité de vie et sa modification en fonction d’un traitement.

La mesure de la qualité de vie en dermatologie a surtout concerné l’hirsutisme, le psoriasis, l’eczéma, les alopécies de la femme, les dermatoses chez l’enfant, les ulcères de jambe, les onychomycoses, l’héliodermie, les infections du pied chez le diabétique.

Dans le psoriasis, par exemple, une étude tente de valider le psoriasis disability index (indice d’incapacité ou d’infirmité liée au psoriasis).

Cet index repose sur 15 items ayant trait à divers aspects de la vie : difficultés avec l’habillement, la toilette, les relations sexuelles, le travail ou la prise de médicaments ainsi qu’avec les coiffeurs, l’utilisation d’appareils communautaires, les relations sportives, la saleté induite dans la maison et enfin avec le fait de boire ou de fumer davantage.

La constitution d’échelles, permettant l’appréciation de la qualité de vie des malades souffrant d’affections cutanées et de leur famille, se développe.

De nombreuses recherches rigoureuses sont actuellement mises en place.

Les résultats de certaines de ces recherches sont souvent très intéressants en raison des perspectives qu’elles découvrent.

Par exemple, une étude récente, réalisée chez des malades souffrant d’un psoriasis, a montré l’importance du stress perçu induit par le psoriasis lui-même plus que des caractéristiques cliniques de la maladie dans la qualité de vie des malades souffrant d’un psoriasis, et encourage à proposer aux malades des techniques thérapeutiques appropriées (pour prendre en compte cette dimension).

Cette étude souligne également l’importance, quand survient une maladie cutanée, de la cohérence et de la stabilité de l’image de soi que le sujet a construite avant même d’être malade, ainsi que de la qualité des relations nouées avec les autres depuis la toute petite enfance.

Enfin il faut noter que, contrairement peut-être à certaines idées reçues, les maladies cutanées peuvent être aussi invalidantes que les autres maladies pouvant mettre le pronostic vital en jeu.

Ainsi les résultats d’une étude très récente ont montré que les malades atteints de psoriasis faisaient état d’une réduction de leur autonomie physique et d’une altération de leur fonctionnement psychologique comparables à ce que l’on rencontre dans les maladies cancéreuses, les maladies rhumatologiques, l’hypertension artérielle (HTA), les maladies cardiaques, le diabète et la dépression.

Le retentissement du psoriasis sur la qualité de vie semble donc comparable à celui des affections somatiques majeures.

Effets secondaires psychologiques et/ou psychiatriques des traitements dermatologiques :

Certains médicaments utilisés en dermatologie ont des effets secondaires sur le plan psychologique et/ou psychiatrique.

Ces effets secondaires apparaissent, soit de façon directe, soit de façon indirecte quand des traitements utilisés en dermatologie entraînent eux-mêmes des effets secondaires au niveau de la peau ou de la silhouette.

Nous allons évoquer les complications psychologiques et/ou psychiatriques des principaux traitements utilisés en dermatologie.

A – TRAITEMENTS LOCAUX (TOPIQUES) :

Ils occupent une place très importante en dermatologie.

Ils ont un réel pouvoir thérapeutique, ce que les malades ont parfois des difficultés à leur accorder.

Il n’est, en effet, pas toujours facile pour un malade d’imaginer, qu’à notre époque, on n’ait rien trouvé de mieux pour traiter sa dermatose qu’une pommade.

Une telle pensée peut entraver l’observance thérapeutique.

Les progrès faits à propos des topiques sur le plan cosmétologique ont été considérables au cours de ces dernières années.

Ces progrès permettent aux dermatologues de prescrire des topiques efficaces et bien tolérés psychologiquement.

Le caractère possiblement affichant ou indiscret des traitements locaux, par leur couleur ou leur odeur par exemple (les goudrons dans le psoriasis), peut accentuer l’altération de l’image de soi induite par la dermatose elle-même.

Mais de nos jours, de tels topiques sont plutôt utilisés lors des hospitalisations.

Cependant, les topiques antiacnéiques, employés quotidiennement et qui sont de loin les principaux traitements de l’acné, entraînent aussi des désagréments inesthétiques (sécheresse cutanée, érythème).

Le dermatologue doit donc penser à les prévenir pour une bonne observance du traitement par l’adolescent.

Celui-ci en effet, s’il veut guérir, doit appliquer chaque jour son traitement malgré les désagréments de ce dernier.

Or, il peut vite se décourager surtout s’il est encore partagé entre deux désirs contradictoires : celui d’avoir une peau prête à séduire et celui de rester encore, grâce à sa peau acnéique, en dehors des jeux de la séduction.

Les traitements locaux sont souvent longs et coûteux.

La plupart des topiques, et en particulier les émollients (qui luttent contre la sécheresse cutanée), ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale.

Or, ces émollients sont indispensables quotidiennement, aussi bien dans la dermatite atopique, y compris en dehors des poussées que, par exemple, dans les ichtyoses héréditaires (dermatoses génétiques et héréditaires parfois gravissimes se traduisant par un état permanent de desquamation de la peau).

Toutes les familles d’enfant atopique ou ichtyosique ne peuvent pas engager des sommes d’argent importantes dans ces émollients (et ce d’autant plus si plusieurs enfants de la même famille sont atopiques ou ichtyosiques).

Le traitement local peut aussi rendre très dépendant le malade, enfant ou adulte, d’une personne de son entourage à laquelle il demande, par exemple, chaque jour de le pommader.

Ceci ne facilite pas l’établissement de relations affectives matures.

B – TRAITEMENTS PAR VOIE GÉNÉRALE :

1- Corticoïdes :

Ils sont utilisés fréquemment et à fortes doses par les dermatologues.

Par exemple, en cas de pemphigus (dermatose bulleuse avec anticorps antisubstance intercellulaire responsable de la séparation des kératinocytes les uns des autres), les doses journalières peuvent atteindre et dépasser 1,5 mg/kg/j.

Nous ne faisons que mentionner les principales complications psychiatriques de la corticothérapie générale car elles sont bien connues des psychiatres.

Citons pour mémoire : la survenue d’un état dépressif, d’une hypomanie, d’un épisode délirant aigu.

Ces complications surviennent chez environ 5 % des malades traités par les corticoïdes par voie générale, lors le plus souvent des 10-11 premiers jours de traitement.

Quarante-trois pour cent des malades traités par des corticoïdes qui développent des complications psychiatriques les développent dans la première semaine de traitement, 93 % dans les 6 premières semaines.

Le sexe féminin, le lupus érythémateux aigu disséminé (LEAD) et des doses de prednisone supérieures à 40 mg/j sont des facteurs de risque.

Ces complications disparaissent dans 50 % des cas en 2 semaines et dans 90 % des cas en 6 semaines.

Les principales complications cutanées de la corticothérapie générale sont maintenant bien connues : acné, folliculite bactérienne et infections cutanées diverses, purpura et ecchymoses, pseudocicatrices spontanées stellaires, telangiectasies, atrophie épidermique, dermique ou hypodermique, vergetures, troubles de la pilosité, de la pigmentation, retard de la cicatrisation.

Ces complications, tout comme le syndrome de Cushing, ne doivent pas être négligées et doivent être combattues.

Elles augmentent en effet l’atteinte de l’image de soi d’un malade souffrant déjà d’une maladie affichante. Le dommage esthétique éprouvé alors par le malade peut pousser celui-ci à l’inobservance.

2- Thalidomide (N-phtalimidoglutarimide) :

Il a d’abord été commercialisé comme tranquillisant avant d’être retiré du marché en 1962 après l’épidémie de phocomélie.

Puis les léprologues et les dermatologues ont constaté son action spectaculaire sur les réactions lépreuses (complications immunologiques de la lèpre) et sur un certain nombre de dermatoses (le lupus érythémateux chronique ; le prurigo actinique : éruption papuleuse et prurigineuse liée au soleil ; les aphtoses bipolaires sévères).

À la différence de la tératogénicité et des neuropathies sensitives, les complications psychiatriques du thalidomide posent peu de problèmes en pratique courante.

Elles sont résolutives à la diminution des doses ou à l’arrêt du traitement.

Il a été surtout rapporté : une somnolence, des cauchemars, des hallucinations, une irritabilité, des vertiges, des céphalées, une diminution de la libido.

3- Roaccutane (isotrétinoïne per os) :

Il constitue un progrès considérable, en particulier pour le traitement des acnés nodulokystiques graves ou résistantes aux traitements classiques.

Mais le Roaccutane n’est pas dénué d’effets secondaires importants : effets tératogènes, effets ostéotendineux, aggravation de l’acné.

De plus, l’apparition d’une dépression grave accompagnée d’idées suicidaires qui ont abouti parfois à un suicide a été rapportée chez des adolescents et/ou adultes jeunes traités par Roaccutanet pour acné.

Ces dépressions graves sont parfois survenues dans un contexte psychologique particulier (personnalité très vulnérable sur le plan narcissique) après l’arrêt du traitement alors même que l’acné avait disparu.

Dans d’autres cas, la dépression est apparue en l’absence de tout antécédent psychiatrique personnel ou familial, pendant le traitement de l’acné et a disparu en 2 à 7 jours après l’arrêt du Roaccutanet.

La présence de céphalées, de vertiges a été notée dans plusieurs cas.

Mais un oedème papillaire n’a jamais été trouvé quand un fond d’oeil a pu être pratiqué.

Certains auteurs lient la survenue d’une dépression grave sous Roaccutanet au développement d’un syndrome proche de celui-ci décrit lors de l’hypervitaminose.

Quoi qu’il en soit, les praticiens, qu’ils soient dermatologues ou psychiatres, doivent donc être attentifs à l’état psychologique de leurs jeunes patients acnéiques traités par Roaccutanet.

Expressions dermatologiques des troubles psychiatriques :

Elles sont nombreuses et

variées, peut-être parce que la peau, organe privilégié de la vie de relation depuis la naissance, est visible et facilement accessible aux manipulations du sujet.

Il faut rappeler qu’en dehors de toute situation pathologique, la peau est le lieu privilégié de l’expression des émotions.

Celles-ci se traduisent par exemple par une pâleur brutale ou un rougissement intempestif, par une érection des follicules pilosébacés (« chair de poule »), par une sudation excessive.

Dans une grande majorité des cas, les malades souffrant de lésions cutanées liées à un trouble psychiatrique consultent en première intention un dermatologue.

Aussi, c’est bien souvent à ce dernier qu’incombe le long et délicat travail qui consiste à faire prendre conscience à un malade de l’origine psychologique de ses lésions cutanées.

A – TROUBLES DES CONDUITES :

1- Troubles des conduites prenant directement la peau pour cible :

Ils sont très nombreux, on peut citer : la pathomimie, la trichotillomanie, les excoriations dites névrotiques et en particulier l’acné excoriée ainsi que l’onychotillomanie, l’onychophagie, le mordillement des lèvres.

Ces troubles des conduites peuvent entraîner de graves complications cutanées : infections à germes divers à répétition, cicatrices disgracieuses, amputations, actes chirurgicaux itératifs.

Nous insisterons plus particulièrement sur la pathomimie cutanée, la trichotillomanie, les excoriations névrotiques.

* Pathomimie cutanée :

C’est une maladie factice entièrement provoquée dans un état de conscience claire, par le malade lui-même, au niveau de son revêtement cutanéomuqueux et/ou de ses phanères.

Cependant, la responsabilité du malade dans l’apparition de ses lésions cutanées est dissimulée par ce dernier aux soignants successivement interpellés.

On ne retrouve pas de motif rationnel précis pouvant expliquer une telle conduite.

Deux caractéristiques de la pathomimie cutanée sont particulièrement importantes à considérer afin de bien repérer la place de cette affection au sein des dermatoses autoprovoquées.

L’absence de motif rationnel précis à l’origine d’une pathomimie cutanée exclut radicalement la simulation de ce cadre nosologique.

La deuxième caractéristique essentielle des pathomimies cutanées concerne le secret que garde le malade à propos de sa propre responsabilité dans la survenue de sa dermatose.

L’absence d’un tel secret permet d’exclure, par définition, du cadre des pathomimies cutanées, les dermatoses autoprovoquées suivantes :

– les automutilations qui se rencontrent chez des patients psychiatriques avérés ;

– les excoriations dites « névrotiques » ;

– la trichotillomanie.

La pathomimie cutanée est la plus fréquente des pathomimies et elle survient dans l’immense majorité des cas chez les femmes.

+ Diagnostic :

Le diagnostic de pathomimie cutanée est difficile à poser à cause de la multiplicité des aspects cliniques dermatologiques.

Cette multiplicité est liée à la grande variabilité des moyens utilisés par les malades pour créer leur dermatose et dans ce domaine, l’ingéniosité de ces derniers est extrême.

On peut rapprocher des pathomimies cutanées les dermatoses autoaggravées de diagnostic souvent méconnu mais qui seraient de pronostic plus favorable que les pathomimies cutanées vraies.

Elles consistent principalement en des retards de cicatrisation autoprovoqués (ulcères de jambe ou plaies chirurgicales) ou en des reproductions par le malade de sa maladie dermatologique primitive : eczéma de contact par réexposition au produit allergisant par exemple.

Quant au syndrome des ecchymoses douloureuses, il siège surtout sur les cuisses et il se traduit par la survenue spontanée, après une phase inflammatoire douloureuse, d’ecchymoses en « nappe ».

La possibilité de reproduction des lésions par des intradermoréactions avec les hématies du sujet est à l’origine de l’autre dénomination : « syndrome d’autosensibilisation aux hématies ».

Bien que de nombreux cas aient été rapportés, la pathogénie de ce syndrome n’a jamais pu être clairement précisée.

Toutes les tentatives pour définir des critères diagnostiques différenciant le purpura psychogénique ou pathomimique du syndrome d’autosensibilisation aux hématies sont restées infructueuses.

Pour cette raison, il nous semble souhaitable de les regrouper au sein du syndrome des ecchymoses douloureuses.

Quel que soit le cas, qu’il s’agisse d’une pathomimie cutanée ou d’une conversion hystérique, il est possible que les lésions soient aggravées par une hypersensibilité au sang extravasé.

Mais si le diagnostic de pathomimie cutanée est si difficile à poser, c’est surtout parce qu’il n’est pas évident pour un dermatologue d’imaginer que sa malade a provoqué elle-même ses lésions.

Envisager le diagnostic de pathomimie, c’est accepter courageusement de mettre en péril la relation que l’on entretient avec une malade et c’est risquer de se sentir désormais manipulé par elle et de lui en vouloir définitivement.

En fait, le diagnostic de pathomimie cutanée repose sur la confrontation d’arguments somatiques dermatologiques et d’arguments psychologiques en faveur d’une pathomimie cutanée.

Une telle confrontation nécessite une collaboration étroite et cohérente de tous les soignants concernés par cette pathologie.

+ Arguments psychologiques en faveur d’une pathomimie cutanée :

Ils sont de trois ordres :

– les caractéristiques de la personnalité ; – l’existence d’un état dépressif ;

– le flagrant délit ou l’aveu forcé.

– Personnalité.

Une pathomimie cutanée ne signe pas une organisation particulière de la personnalité mais le type de personnalité, névrotique, psychotique ou limite est un des facteurs pronostiques, tout comme l’âge de début de la pathomimie.

À l’adolescence, ce symptôme serait un appel au secours plus facilement réversible.

La qualité du lien psychothérapique a été aussi reconnue comme étant un facteur de bon pronostic.

Chez les rares hommes souffrant d’une pathomimie cutanée, on a le plus souvent affaire à des personnalités de type paranoïaque.

Chez les femmes, si la problématique peut prendre l’allure d’une problématique hystérique, on a le plus souvent affaire à des personnalités organisées sur un mode limite.

De toutes les façons, les pathomimes ont en commun :

– un masochisme ;

– une pauvreté des investissements relationnels ou sociaux ;

– une dépendance affective intense.

Cette dépendance affective explique la sensibilité des pathomimes aux pertes d’objet d’amour, que cette perte soit réelle (deuil) ou fantasmatique (perte de l’estime d’un proche très investi affectivement).

Une telle perte est souvent retrouvée à l’origine d’une pathomimie ;

– une carence affective intense est fréquemment trouvée dans l’histoire infantile des pathomimes : abandon, longue séparation, hospitalisations prolongées.

Cette carence a pu être accompagnée de violences infligées à l’enfant par un membre de son entourage ;

– parallèlement à ce climat carentiel, il n’est pas rare qu’une relation affective très investie avec un médecin ait existé.

– État dépressif.

Il est très souvent présent chez le pathomime et surtout primitif, précédant le trouble de la conduite.

La dépendance affective du pathomime explique sa grande sensibilité aux séparations, aux deuils et aux déceptions affectives, qui ravivent très souvent un abandon ancien.

Insistons sur le fait que la recherche d’un état dépressif et son objectivation permettent au médecin d’aborder la vie psychique et émotionnelle du pathomime et de s’appuyer sur la découverte de cet état pour demander l’aide du psychiatre psychothérapeute ou du psychologue.

– Flagrant délit et aveu forcé.

Ils représenteraient les seuls arguments diagnostiques irréfutables.

Tous les auteurs s’accordent pour souligner leur caractère extrêmement nocif pour le malade.

En effet, ils concrétiseraient dans la réalité la terreur fantasmatique de ces malades d’être pénétrés et atteints dans leur intégrité.

C’est ainsi que peuvent survenir la surenchère au niveau des lésions, la rupture avec l’équipe soignante et la fuite, la décompensation délirante ou même le suicide.

En fait, de telles attitudes, tout comme l’affichage d’un triomphalisme une fois le diagnostic de pathomimie posé, peuvent être interprétées comme des manifestations d’agressivité de la part du médecin envers le patient : il s’agirait pour le médecin de montrer au patient qu’il n’est pas dupe et qu’il a découvert la supercherie, mais ainsi il s’écarterait de sa vocation thérapeutique.

+ Traitement :

Il représente probablement l’un des problèmes thérapeutiques les plus complexes de la psychiatrie et de la dermatologie.

Le principal objectif thérapeutique est psychologique.

Il concerne :

– le réaménagement de la personnalité des pathomimes grâce à des psychothérapies analytiques adaptées aux personnalités de ces malades.

Ces psychothérapies sont fréquemment et pendant longtemps incapables de faire cesser le trouble de la conduite.

Tous les soignants, y compris le médecin et le psychothérapeute, doivent tolérer cette déception.

Sinon, celle-ci risquerait de faire surgir des sentiments et des comportements agressifs à l’égard du malade et du collègue ;

– le traitement chimique de la dépression.

Le traitement médical dermatologique ne doit pas passer au second plan.

Il doit être articulé au traitement psychologique.

C’est grâce à un suivi médical qui demande tact et persévérance qu’un traitement antidépresseur et que l’aide d’un psychiatre psychothérapeute peuvent être proposés.

C’est même parce que le pathomime s’aperçoit que le somaticien ne néglige pas les soins corporels qu’il peut faire confiance à ce dernier et envisager le bien-fondé d’un abord d’ordre psychologique. Par la suite, pendant longtemps, le médecin doit soigner la peau de son patient en tolérant les échecs et les récidives et en évitant tout geste inutile et agressif vers lequel il est souvent poussé par le patient qui répète la mise en acte d’anciennes violences subies. Une chirurgie plastique et réparatrice ne peut être envisagée qu’en collaboration avec le psychiatre psychothérapeute.

Enfin, pour tout soignant, l’attitude le plus souvent adoptée pour aménager la relation thérapeutique avec un pathomime est une attitude de connivence, de complicité où il s’agit de « montrer » au patient que l’on sait sans lui dire que l’on sait.

Il faut cependant remarquer, à ce propos, que l’évocation par le pathomime de ses actes sur sa peau, au cours de sa psychothérapie, est le signe d’un véritable engagement du patient dans sa psychothérapie et de l’importance que représente pour lui le lien psychothérapique.

* Trichotillomanie :

Ce trouble des conduites consiste en l’arrachage par le sujet de ses propres cheveux et/ou poils du corps.

L’arrachage des cheveux peut être isolé ou associé à l’arrachage des autres poils du corps (cils, sourcils, barbe, poils pubiens, poils des aisselles).

Chez l’enfant, l’arrachage des cheveux et celui des poils artificiels des poupées et/ou des animaux en peluche peuvent coexister.

De plus, l’enfant, le plus souvent, peut jouer avec ses cheveux arrachés et peut finir par les manger : c’est la trichophagie.

Cette trichophagie entraîne parfois un trichobézoard, c’est-à-dire un amas de poils non digérés dans l’estomac.

Cet amas de poils risque de provoquer une distension de l’abdomen et des troubles de l’absorption digestive.

La trichotillomanie prédomine nettement dans le sexe féminin.

L’âge de début est variable, de 18 mois à l’âge adulte.

Ce dernier cas semble rare, mais selon certains auteurs, un début tardif indiquerait une plus grande gravité psychopathologique. Le plus souvent, la trichotillomanie débute dans l’enfance, dans la période de la préadolescence.

Les aînés des fratries seraient plus fréquemment concernés, peut-être parce qu’ils sont soumis, en tant qu’aînés, à de plus grandes exigences parentales que leurs cadets.

Dans les antécédents des malades souffrant d’une trichotillomanie, de nombreux auteurs notent la fréquence de traumatismes au niveau du cuir chevelu (y compris une coupe de cheveux intempestive et imposée par les parents).

Enfin, dans les semaines qui ont précédé le début de la symptomatologie, des événements vitaux tels que des séparations (en particulier perte réelle ou redoutée de la mère) ont été souvent repérés.

Le diagnostic de trichotillomanie est en général facile à poser par le dermatologue. De plus, l’acte d’arrachage est rapidement reconnu par le malade lui-même ou par ses parents quand il s’agit d’un petit enfant.

Il suffit pour cela qu’une relation médecin-malade confiante, détendue, dénuée de tout a priori et de tout jugement puisse s’établir entre le médecin et le malade.

En effet, ce dernier se sent très souvent coupable et même honteux d’une telle conduite.

C’est ce vécu qui empêche le patient de s’exprimer avec confiance.

La trichotillomanie ne signe pas une organisation particulière de la personnalité mais le type de personnalité est un des facteurs pronostiques.

Tantôt l’on a affaire à une personnalité névrotique organisée sur un mode obsessionnel compulsif.

L’arrachage des cheveux et/ou des poils peut alors être assimilé à un rituel compulsif.

La trichotillomanie tient, en effet, des compulsions obsessionnelles, en tant que comportement élémentaire reconnu comme anormal par le patient et difficilement coercible, si ce n’est au prix d’une lutte anxieuse.

Elle tient aussi des tics, en tant que geste quasi automatique et souvent involontaire, même s’il survient sur une conscience claire.

Tantôt l’on a affaire à une personnalité psychotique.

Entre ces deux extrêmes, on rencontre des patients organisés sur un mode que l’on appelle, par convention, « limite ».

De nombreuses études insistent aussi sur la fréquence et l’importance des troubles de l’humeur.

Dans un travail portant sur 60 sujets trichotillomanes, 67 % des sujets avaient des troubles de l’humeur, 57 % un trouble anxieux et pour seulement 15 % des sujets la trichotillomanie correspondait à un trouble obsessionnel et compulsif.

Mais la trichotillomanie peut aussi survenir en cas de retard mental et enfin, il arrive que la trichotillomanie apparaisse chez une personnalité non ou peu pathologique (en particulier chez le petit enfant).

D’un point de vue psychopathologique, le matériel clinique recueilli lors de psychothérapies analytiques de cas de trichotillomanie met l’accent sur plusieurs déterminismes.

Par exemple, l’adolescente trichotillomane peut symboliquement montrer à sa mère qu’elle fait le sacrifice de sa féminité à travers celui de sa chevelure et qu’ainsi elle abandonne son désir de rivaliser avec sa mère auprès de son père.

Beaucoup d’auteurs insistent aussi sur les composantes sadiques et masochiques du symptôme trichotillomanie.

Ce dernier est alors l’expression d’une agressivité dirigée d’abord vers le parent maltraitant ou ambivalent puis redirigée contre soi sur la chevelure.

À ce propos, l’ambivalence affective de la mère d’une jeune trichotillomane est souvent notée.

La mère est alors décrite comme une mère rigide, anxieuse, ne tolérant pas l’expression de l’agressivité, rejetante mais aussi hyperprotectrice et exigeante.

En revanche, le père paraît souvent absent et passif. Il en résulte une relation mère/enfant faite de rejet et de fusion, entravant la résolution des conflits et l’autonomisation de l’enfant.

Ainsi, l’agressivité contenue dans une chevelure en partie arrachée, exhibée ou plus ou moins bien masquée par des coiffures savantes ou par une perruque, paraît évidente.

La trichotillomanie peut aussi rappeler les activités dites autoérotiques (comme le suçage du pouce) de la petite enfance.

Ces activités autoérotiques ont une fonction de rassurement pour lutter contre la séparation d’avec le personnage maternel.

Dans ce cadre, la chevelure peut être considérée comme un objet transitionnel au sens établi par Winnicott. Les possibilités thérapeutiques d’ordre psychologique sont variées et nombreuses et elles peuvent être associées entre elles.

Le choix de tel ou tel traitement dépend de la place et de la gravité du symptôme trichotillomanie chez le malade ainsi que du type de personnalité de ce dernier.

On insiste sur le rôle des antidépresseurs sérotoninergiques qui agissent plus spécialement sur les symptômes obsessionnels compulsifs (comme la clomipramine ou la fluoxétine).

Les neuroleptiques sont réservés aux personnalités psychotiques.

Mais les psychotropes doivent être associés à des psychothérapies, qu’elles soient, principalement, systémiques traitant le groupe familial dans son ensemble, comportementales ou analytiques. Dans tous les cas et sans jamais négliger, du moins au début, l’approche strictement dermatologique, le rôle psychothérapique du dermatologue est primordial et parfois même suffisant.

Des conseils simples et un rassurement donnés par le praticien permettent parfois la guérison d’une trichotillomanie isolée du jeune enfant en favorisant l’établissement de contacts physiques entre la mère et l’enfant et en ramenant sur l’enfant une attention parentale parfois distraite sur d’autres objets.

* Excoriations dites « névrotiques » et acné excoriée :

Les excoriations dites « névrotiques », plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, sont des excoriations cutanées réalisées par les sujets eux-mêmes qui ont pris l’habitude d’enlever la plus petite imperfection ou la plus petite irrégularité de leur peau.

Cette habitude commence souvent à l’adolescence, au moment, par exemple, de l’apparition d’une acné modérée du visage et/ou du thorax, chez des jeunes filles anxieuses craignant l’exposition à des situations socioprofessionnelles ou psychoaffectives pour lesquelles elles ne se sentent pas en confiance.

Cette conduite devient parfois compulsive chez des femmes dont la personnalité névrotique est organisée sur un mode obsessionnel.

Ainsi, un certain nombre d’auteurs considèrent les excoriations dites « névrotiques » avant tout comme de véritables troubles obsessionnels compulsifs.

Pour d’autres, les excoriations dites « névrotiques » sont surtout des équivalents dépressifs.

2- Troubles des conduites entraînant indirectement des modifications cutanées :

Ces modifications cutanées incitent souvent les malades à consulter en première intention des dermatologues.

Elles sont aussi, parfois, les premiers signes d’alerte d’une conduite pathologique ou d’une rechute de cette conduite (alimentaire par exemple) nécessitant une prise en charge psychiatrique et psychothérapique.

* Troubles obsessionnels compulsifs :

En dehors des cas de trichotillomanie correspondant à un trouble obsessionnel compulsif, de nombreuses modifications cutanées peuvent être entraînées par des troubles obsessionnels et compulsifs, en particulier quant ils sont centrés sur des rituels de lavage et/ou de désinfection.

L’immersion prolongée dans l’eau, l’utilisation abusive de diverses substances chimiques plus ou moins détergentes, caustiques ou allergisantes, le brossage avec ces substances provoquent, par exemple, xérose, prurit, prurigo nodulaire, dermite d’irritation, eczéma (des mains en particulier).

Une étude a porté sur une population de malades ayant consulté en dermatologie pour l’une des dermatoses prurigineuses suivantes : dermite d’irritation, eczéma, psoriasis, prurigo nodulaire, xérose, lichénification.

Elle a montré que 14 % de ces malades souffraient d’un trouble obsessionnel compulsif.

Ce pourcentage est significativement plus élevé que celui que l’on retrouve dans la population générale (2 à 3 %).

* Troubles des conduites alimentaires :

L’anorexie et la boulimie entraînent des modifications cutanées liées à différents facteurs.

+ Malnutrition :

Elle entraîne : un lanugo, la disparition de la graisse sous-cutanée, un oedème prétibial et des pieds, une xérose cutanée, une brillance des ongles et des cheveux, une hypercaroténémie, un purpura et des pétéchies.

+ Vomissements provoqués répétés :

Ils favorisent l’apparition de callosités ou au contraire de dermabrasions du dos des doigts, une érosion de l’émail dentaire, des gingivites, un purpura facial transitoire, un oedème bilatéral indolore des parotides, des hématomes en relation avec une déficience en vitamine K.

+ Prise de laxatifs, diurétiques ou émétiques :

Elle peut entraîner l’apparition de manifestations cutanées pathologiques liées à certains effets secondaires de ces produits.

Par exemple, une toxidermie à type d’érythème pigmenté fixe après la prise de phénolphtaléine ou bien une photosensibilisation après la prise d’un diurétique thiazidique. Dans tous les cas, le prurit est très souvent présent.

Sa pathogénie est complexe mais la xérose y joue certainement un rôle important.

* Intoxication alcoolique et/ou intoxication tabagique :

L’intoxication alcoolique entraîne l’apparition de lésions cutanées qui viennent dévoiler et stigmatiser aux yeux d’autrui une conduite parfois tenue secrète, en particulier chez la femme.

En outre, les différentes approches cosmétologiques (fond de teint couvrant, électrocoagulation) ne parviennent pas toujours à faire disparaître ou même seulement à masquer ces lésions cutanées.

Celles-ci siègent souvent sur le visage et consistent principalement en une érythrose accompagnée de télangiectasies avec parfois des lésions acnéiformes.

La survenue de flushs à l’ingestion d’alcool est aussi fréquente.

On peut observer un érythème palmaire, une leuconychie, des angiomes stellaires thoraciques en cas d’atteinte hépatique.

Ont été aussi décrites une hyperhidrose et des ecchymoses spontanées, plus rarement une porphyrie cutanée tardive et de façon exceptionnelle une pellagre ou un scorbut.

Enfin, il faut savoir que certaines dermatoses, et en particulier l’acné rosacée, peuvent entraîner au niveau du visage des lésions cutanées affichantes à type d’érythrose, de couperose et de lésions acnéiformes, qui peuvent être prises à tort par l’entourage socioprofessionnel, affectif et médical pour des stigmates d’une intoxication alcoolique cachée et niée.

Quant au tabagisme, il est aux côtés d’autres facteurs tels que l’exposition prolongée et répétée au soleil, la consommation excessive d’alcool et la fatigue, un des facteurs qui induisent un vieillissement cutané prématuré.

Ce vieillissement cutané est surtout caractérisé par l’apparition de profondes rides périorales et aux angles externes des yeux et un aspect atrophique et grisâtre de la peau.

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