Psoriasis : diagnostic et étiopathogénie

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Introduction :

Le psoriasis est une des dermatoses les plus fréquentes : il atteint 2 à 3 % de l’ensemble de la population, soit plus de 1 million de Français.

Psoriasis : diagnostic et étiopathogénieL’affection serait connue depuis l’Antiquité mais était mal individualisée et décrite sous diverses appellations : lèpre (Bible), impétigo (Celse).

C’est Galien qui le premier aurait utilisé le terme de « psoriasis » (du grec « psora », prurit) pour une éruption prurigineuse du scrotum.

Par la suite, Hippocrate a classé le psoriasis dans les éruptions squameuses.

Mais il fallut attendre Willan en 1805 et Hebra en 1841 pour une description exacte de la maladie dont les divers aspects cliniques et histologiques seront ensuite progressivement précisés.

C’est en 1963 que Van Scott et Ekel démontrèrent l’état hyperprolifératif des kératinocytes dans la lésion. Les innombrables travaux biologiques qui ont fait suite à cette découverte ont apporté de nombreuses notions physiopathologiques mais n’ont pas permis jusqu’à présent de déterminer l’origine exacte de la prolifération, même si le rôle des lymphocytes est actuellement privilégié.

On peut définir le psoriasis comme une dermatose érythématosquameuse d’évolution chronique survenant sur un terrain génétique particulier.

Clinique :

A – FORME CLASSIQUE DU PSORIASIS VULGAIRE :

Généralement, le psoriasis est peu ou pas prurigineux.

Un prurit sévère est cependant rencontré dans 30 % des cas et peut traduire un terrain psychologique dépressif ou être provoqué par les thérapeutiques externes.

1- Lésion élémentaire :

Il s’agit d’une tache érythématosquameuse arrondie ou ovalaire dont l’aspect permet à lui seul de porter le diagnostic.

* ouche squameuse superficielle :

Elle est particulièrement évidente sur les éléments n’ayant subi aucun traitement local : le plus souvent de couleur blanchâtre et terne, elle est parfois nacrée ou micacée.

Sa surface peut être lisse ou rugueuse, légèrement en relief par rapport à la peau saine voisine. Les squames sont sèches, de dimensions et d’épaisseur inégales, petites et fines, de type pityriasique, ou larges et épaisses prenant au maximum un aspect ostréacé.

Elles peuvent masquer la totalité de la tache érythémateuse ou ne la recouvrir qu’en partie, la laissant apparaître en périphérie.

Le grattage méthodique des squames à la curette permet de constater :

– d’abord le signe de la « tache de bougie », blanchiment très net de la lésion dès que l’on enlève les couches superficielles friables ;

– ensuite, le signe de la « rosée sanglante » (signe d’Auspitz) lorsque l’on enlève la pellicule inférieure, dite décollable, dont la consistance et l’adhérence au plan profond sont nettement plus grandes ; cette rosée sanglante apparaît comme une ponctuation de fines gouttelettes hémorragiques traduisant la mise à nu des papilles dermiques.

* Tache érythémateuse :

Située sous la couche squameuse, elle peut être spontanément visible à la périphérie des squames ou par transparence.

Mais il faut parfois la rechercher en enlevant la couche squameuse.

Cette tache bien limitée, lisse, sèche, disparaît à la vitropression.

Sa couleur rosée est souvent caractéristique mais, dans certains cas, il peut s’agir d’un rouge plus soutenu, congestif, surtout à la suite de diverses thérapeutiques locales plus ou moins agressives.

Elle est parfois entourée d’un halo clair (anneau de Wornoff) qui serait dû à la présence d’inhibiteurs de l’inflammation.

La lésion peut prendre un caractère nettement papuleux dans certaines formes particulières de psoriasis en gouttes ou à la périphérie des psoriasis circinés.

2- Groupement et topographie des lésions :

+ Nombre :

Le nombre est très variable : il est rare que la lésion élémentaire soit isolée (psoriasis en plaque isolée) ; le plus souvent, les éléments sont multiples, parfois diffus.

+ Dimension :

La dimension permet de séparer les psoriasis :

– en points (« punctata ») ou en gouttes (« guttata ») de quelques millimètres de diamètre ; il s’agit là souvent de psoriasis éruptifs de l’enfant ou de l’adolescent, parfois précédés d’un épisode rhinopharyngé ;

– nummulaires (du latin : nummulus, pièce de monnaie) à éléments de quelques centimètres de diamètre, à centre souvent plus clair et à périphérie active ;

– en plaques, de contour plus ou moins géométrique ou circiné et pouvant occuper de larges surfaces.

Au maximum, le psoriasis atteint tout le tégument ; c’est le psoriasis généralisé ou « universalis » qui prend l’aspect d’une érythrodermie et qui sera étudié au chapitre des psoriasis graves.

+ Topographie :

La topographie des lésions a un grand intérêt pour le diagnostic.

Le psoriasis siège souvent de façon symétrique sur les surfaces exposées aux contacts extérieurs : coude et bord cubital de l’avantbras ; genou et régions prétibiales ; région lombosacrée ; cuir chevelu. Les localisations plus particulières de la maladie seront étudiées avec les formes topographiques.

3- Évolution habituelle de la maladie :

Le psoriasis peut débuter à tout âge, mais l’âge du début suit une courbe bimodale avec un pic dans l’adolescence (psoriasis de type I, souvent familial et associé à Cw6) et un pic moins important (un tiers des cas environ) vers l’âge de 50 ans (psoriasis de type II, rarement familial et non associé à Cw6).

C’est une maladie chronique qui évolue par poussées, dont la durée varie de plusieurs semaines à plusieurs mois et dont la survenue est imprévisible.

La fréquence des poussées est également très variable.

Certains sujets n’ont, au cours de leur existence, que des manifestations très espacées, alors que d’autres ont des poussées subintrantes donnant à la dermatose un aspect pratiquement continu.

À chaque poussée, on peut noter la réapparition ou l’extension de plaques anciennes alors que de nouveaux éléments peuvent apparaître.

Lors des rémissions, la tache pâlit et peut disparaître complètement.

Cependant, le plus souvent persistent des éléments discrets des coudes et des genoux qui permettent d’authentifier la maladie.

Des séquelles achromiques ou pigmentées peuvent se rencontrer, surtout à la suite de diverses thérapeutiques (réducteurs, ultraviolets, antimitotiques).

Les rémissions sont plus fréquentes en saison estivale en raison de l’effet bénéfique des rayons ultraviolets.

Cependant, il existe des psoriasis photosensibles (environ 5 % des cas), aggravés par l’exposition solaire et rencontrés essentiellement chez des sujets de phototype clair et d’âge avancé.

La plupart des études modernes utilisent un index de sévérité (psoriasis area severity index [PASI]) dont le score tient compte de l’érythème, de l’importance des squames, de l’épaisseur et de l’étendue des lésions.

Cet index n’a qu’une valeur relative car il ne tient pas compte du retentissement fonctionnel, social et psychologique de la maladie, pas plus que de son évolutivité.

À cet égard, il convient de distinguer :

– les psoriasis aigus évolutifs caractérisés par l’extension périphérique des plaques ou l’apparition de nouvelles lésions punctiformes ;

– les psoriasis chroniques stables à lésions érythématosquameuses identiques à elles-mêmes pendant plusieurs semaines ou mois ;

– les psoriasis en rémission dont les lésions ont partiellement ou totalement disparu.

B – FORMES CLINIQUES PLUS PARTICULIÈRES :

1- Formes symptomatiques :

Elles sont nombreuses :

– selon la taille et le nombre des lésions ;

– selon la morphologie : psoriasis circiné, psoriasis folliculaire avec kératose pilaire difficile à distinguer du pityriasis rubra pilaire ;

– selon l’intensité de l’hyperkératose : psoriasis ostréacé, rochers psoriasiques du cuir chevelu (blocs cornés aisément palpables).

2- Formes topographiques :

* Psoriasis des plis :

Au lieu d’apparaître sur les faces d’extension et sur les points particulièrement exposés aux contacts extérieurs, le psoriasis peut se développer sur les faces de flexion, d’où le nom de « psoriasis inversé ».

Cette forme topographique doit être évoquée devant tout intertrigo de durée prolongée.

Les lésions siègent dans le pli interfessier, les plis inguinaux et la région génitale, les zones sous-mammaires, l’ombilic et, plus rarement, dans les creux poplités ou les creux axillaires, et même dans les espaces interdigitaux plantaires.

L’éruption est souvent formée d’une plaque continue, d’un rouge vif, brillante et lisse, peu ou pas squameuse et à bordure très bien dessinée.

Parfois existe un suintement lié à la macération ou des fissures particulièrement douloureuses.

Le psoriasis ombilical est très fréquent et peut prendre l’aspect d’une omphalite à laquelle s’associent des lésions de la marge de l’ombilic recouvertes de squames jaunâtres d’allure séborrhéique.

Le psoriasis interorteils est souvent hyperkératosique, d’aspect cireux.

Le diagnostic de ces psoriasis inversés est facile lorsque existent, à distance, des éléments psoriasiques caractéristiques.

Il est, en revanche, bien plus difficile lorsque l’atteinte des plis constitue, à elle seule, la totalité de la maladie.

Cependant, la chronicité des lésions ou leur caractère récidivant doivent attirer l’attention.

* Psoriasis du cuir chevelu et du visage :

Le psoriasis du cuir chevelu est une des formes les plus communes de la maladie. Souvent associé à des lésions diffuses, il est parfois isolé.

Il réalise soit des plaques circonscrites de taille variable, soit une véritable carapace recouvrant la totalité du cuir chevelu.

Les éléments sont de forme régulière, arrondis, bien limités, couverts de larges squames sèches qui n’engluent pas les cheveux qui les traversent ; ceci, en théorie, permet de différencier le psoriasis de la dermatite séborrhéique.

Cependant, les lésions sont souvent humides, prurigineuses, irritées, bordées à la lisière du cuir chevelu par une bande érythémateuse couverte de squames grasses (psoriasis séborrhéique).

En l’absence d’autres localisations, le diagnostic est alors impossible à porter avec certitude.

En principe, le psoriasis du cuir chevelu n’est pas alopéciant, bien que les alopécies circonscrites puissent se rencontrer dans les formes très kératosiques.

Le psoriasis du visage est rare, généralement discret et peu caractéristique, sauf chez l’enfant chez qui les lésions en gouttes ou nummulaires sont souvent florides.

Il peut prendre l’aspect d’eczématides séborrhéiques.

Le psoriasis de l’oreille est classique : atteinte de la conque et du conduit auditif externe, lésions sus- et rétroauriculaires pouvant être provoquées par le traumatisme des branches de lunettes.

* Psoriasis palmoplantaire :

Là aussi, le diagnostic est fort délicat lorsque les lésions sont isolées.

Elles sont souvent bilatérales.

+ Type habituel :

Il forme des taches, de contour arrondi, parfois polycycliques, nettement limitées, recouvertes de squames jaunâtres, sèches et dures.

Aux mains, elles débordent souvent sur les poignets où l’aspect psoriasique est plus caractéristique.

+ Cors (ou clous) psoriasiques :

Ce sont des élevures, de teinte grisâtre, de consistance dure, dont le centre peut s’exfolier et laisser une légère dépression discoïde.

Ces clous psoriasiques, qui peuvent être entourés d’une aréole érythémateuse, sont essentiellement localisés sur les éminences thénar et hypothénar.

+ Kératodermie psoriasique diffuse :

Elle recouvre les paumes et les plantes d’une carapace kératosique qui peut être dure et épaisse.

La nette limitation des lésions dont le contour est circiné, la présence d’une base rosée, peuvent suggérer l’étiologie psoriasique de cette kératodermie.

Elle est généralement compliquée de fissures profondes, douloureuses, qui empêchent les mouvements de la main ou gênent la marche.

Les lésions peuvent être localisées à la circonférence des talons, réalisant l’« hyperkératose talonnière fissurée ».

+ Pulpites sèches palmaires ou plantaires :

Elles ont fréquemment une étiologie psoriasique.

La peau est inconstamment érythémateuse, recouverte de très fines squames et sillonnée de discrètes crevasses.

La consistance, à la palpation, rappelle celle du celluloïd.

* Psoriasis des ongles :

Il est très fréquent (de 30 à 50 % des cas) et s’associe le plus souvent à un psoriasis cutané. Parfois, cependant, il peut être isolé et de diagnostic plus difficile justifiant, dans des cas exceptionnels, une biopsie unguéale.

Toutes les structures de l’appareil unguéal peuvent être intéressées, ce qui explique le polymorphisme de la symptomatologie.

+ Dépressions ponctuées cupuliformes :

Elles constituent les manifestations les plus caractéristiques.

Lorsqu’elles sont diffuses, elles réalisent l’aspect d’ongle en « dé à coudre ».

Elles peuvent être disposées en lignes transversales, réalisant des sillons généralement multiples.

+ Rugosité (trachyonychie) :

Avec perte de la transparence de l’ongle et leuconychie, elle peut être localisée à un appareil unguéal ou atteindre la totalité des ongles.

Elle s’accompagne généralement d’une grande friabilité avec effritement de la tablette.

Les deux aspects précédents sont liés à l’atteinte matricielle qui, lorsqu’elle est totale, peut être responsable de la disparition complète de l’ongle.

+ Onycholyse psoriasique :

Elle s’accompagne d’une zone proximale jaune cuivré qui tranche avec l’aspect grisâtre de la partie distale décollée.

Elle peut s’associer à une hyperkératose sous-unguéale et traduit l’atteinte du lit de l’ongle.

La « tache d’huile » (tache ovalaire rougeâtre), les hématomes filiformes (hémorragies des papilles dermiques) traduisent une atteinte de même localisation.

+ Paronychie :

Érythémateuse et parfois squameuse, elle témoigne de l’atteinte de la face profonde du repli sus-unguéal et peut accompagner les lésions précédentes.

Les pustules sous- et périunguéales sont fréquentes dans les psoriasis pustuleux.

Une surinfection bactérienne, candidosique ou dermatophytique, peut modifier la symptomatologie du psoriasis unguéal.

* Psoriasis des muqueuses :

C’est une localisation rare dans le psoriasis vulgaire, plus fréquente dans le psoriasis pustuleux.

On peut rencontrer :

– sur le gland, des taches peu infiltrées, bien limitées, roses, peu ou pas squameuses, d’évolution chronique et posant des problèmes de diagnostic avec les autres balanites chroniques ;

– sur les muqueuses jugale et gingivale, des lésions leucoplasiques ou lichénoïdes, en taches ou en traînées grises, jaunâtres ou rouges ;

– sur la langue, des aspects d’annulus migrans (ou « langue géographique » ou « glossite marginale exfoliée »), classiques dans les psoriasis pustuleux généralisés, bien que non spécifiques puisque rencontrés de façon isolée, ou parfois familiale, sans contexte de psoriasis (psoriasis limité à la langue ?) ; l’histologie des lésions linguales est la même que celle du psoriasis pustuleux (pustule spongiforme multiloculaire) ; une langue plicaturée ou scrotale peut être associée ou non à la langue géographique ;

– sur l’appareil oculaire, exceptionnellement des lésions de conjonctivite, kératite ou blépharite ; une iridocyclite peut être associée au psoriasis arthropathique.

3- Formes compliquées. Associations :

Nous parlerons plus loin des érythrodermies, des psoriasis pustuleux et des psoriasis arthropathiques qui peuvent être considérés comme des psoriasis compliqués.

* Surinfection :

La surinfection bactérienne est essentiellement due au staphylocoque, responsable de pustules, de folliculites superficielles ou de furoncles.

Elle est grave dans les érythrodermies psoriasiques.

La surinfection candidosique est elle aussi fréquente, en particulier dans les plis.

Les surinfections à dermatophytes sont rares, ceux-ci semblant ne pas pouvoir assimiler facilement la couche cornée parakératosique.

Les surinfections bactériennes ou candidosiques sont favorisées par la corticothérapie locale.

Elles peuvent jouer un rôle dans l’apparition ou l’entretien de lésions par phénomène de Köbner.

* Eczématisation :

Elle est souvent le fait de médications locales mal tolérées.

Elle est caractérisée par l’association aux squames de véritables croûtes traduisant le suintement.

Ces squames-croûtes sont peu adhérentes et tombent facilement, dévoilant une couleur rouge vif de la lésion sous-jacente.

* Lichénification :

Liée au grattage, elle est caractérisée par un épaississement cutané.

L’érythème et les squames sont discrets et de fines excoriations sont généralement visibles.

* Associations du psoriasis à d’autres maladies :

Elles font souvent l’objet de publications contradictoires.

La pemphigoïde bulleuse serait plus fréquemment rencontrée, parfois provoquée par la photothérapie ; l’association au lupus érythémateux, qui semble relever davantage d’une coïncidence, se verrait surtout dans les psoriasis photosensibles et pose de délicats problèmes thérapeutiques.

L’association à un vitiligo a également été décrite.

Les lésions psoriasiques peuvent survenir sur les taches vitiligineuses ou sur la peau normalement pigmentée.

À l’opposé, atopie et urticaire seraient moins fréquemment rencontrés chez le psoriasique que dans la population normale.

Pour ce qui est des associations non dermatologiques, on relève la plus grande fréquence de l’obésité, du diabète, de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires obstructives.

Enfin, le psoriasis est quatre fois plus fréquent dans la maladie de Crohn (de 8 à 9 % des malades) dont le gène est situé sur le chromosome 16q.

La fréquence de cancers cutanés ne paraît pas plus élevée chez le psoriasique dont les lésions, malgré l’état prolifératif des kératinocytes, ne dégénèrent pas.

En revanche, l’augmentation des cancers cutanés a été décrite chez les malades ayant reçu diverses thérapeutiques : arsenic, photothérapie.

3- Psoriasis et infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) :

La présence du psoriasis ne semble pas plus élevée chez les sujets séropositifs pour le VIH.

Cependant, certains aspects cliniques sont plus fréquemment rencontrés : sébopsoriasis avec atteinte du cuir chevelu, kératodermie palmoplantaire, localisations axillaires et inguinales, rhumatisme psoriasique.

L’aggravation d’un psoriasis préexistant et son évolution vers des formes sévères ont été rapportées.

Enfin, le psoriasis associé à l’infection par le VIH est souvent réfractaire aux thérapeutiques classiques dont certaines sont contre-indiquées du fait de l’immunosuppression.

4- Psoriasis provoqués :

Le phénomène de Köbner est caractérisé par l’efflorescence de lésions psoriasiques sur un traumatisme cutané.

L’éruption est strictement limitée à la partie irritée ou traumatisée, souvent de forme géométrique ; ainsi les psoriasis sur stries de grattage, sur cicatrices chirurgicales ou post-traumatiques, sur vaccination, sur tatouage.

Ces formes n’ont pas qu’un intérêt anecdotique, mais posent le problème du rôle des microtraumatismes dans le déterminisme des localisations habituelles du psoriasis.

On peut placer dans ce cadre les psoriasis professionnels, surtout localisés aux mains et qui seraient aggravés par les irritations.

Certains médicaments peuvent induire (rarement) ou aggraver (plus fréquemment) un psoriasis préexistant, ou encore être responsables du développement d’une résistance au traitement.

Il faut distinguer :

– ceux pour lesquels la relation avec la maladie est parfaitement établie : sels de lithium, (traitement de la psychose maniacodépressive) et bêtabloquants ; ces deux produits peuvent induire ou aggraver un psoriasis en quelques mois et agiraient en inhibant l’adénylate-cyclase ; l’interféron-alpha, d’utilisation de plus en plus fréquente (hépatites C, lymphomes…) a les mêmes effets ;

– ceux pour lesquels la relation est probable mais moins bien établie : antipaludéens de synthèse (toutefois non contre-indiqués pour les psoriasiques voyageant dans les zones d’endémie du paludisme), anti-inflammatoires non stéroïdiens qui agiraient en bloquant la voie de la cyclo-oxygénase et en déviant le métabolisme de l’acide arachidonique vers la voie des lipo-oxygénases avec production accrue de leucotriènes ; là encore, il n’y a pas de contre-indication formelle et ils sont souvent prescrits dans les psoriasis arthropathiques, sans modification des lésions cutanées ; dans ce groupe, on peut ajouter la terbinafine, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et les tétracyclines ;

– ceux pour lesquels des cas isolés d’aggravation de la maladie ont été décrits : digoxine, clonidine, iodure de potassium, trazodone, sels d’or, progestérone, antagonistes calciques et « granulocyte colony stimulating factor ». Enfin, rappelons les phénomènes de rebond pouvant survenir lors de sevrage cortisonique.

C – PSORIASIS GRAVES :

1- Psoriasis pustuleux :

Il s’agit d’une pustulose amicrobienne qui doit être distinguée du psoriasis suppuré, surinfection microbienne d’un psoriasis vulgaire.

C’est donc une forme très particulière de psoriasis, relativement rare, et qui peut réaliser des tableaux cliniques variés, l’éruption pouvant être localisée ou généralisée.

Mais l’unicité du psoriasis pustuleux est essentiellement histologique ; dans tous les cas est retrouvée la pustule spongiforme de Kogöj-Lapierre.

Cette pustule siège dans les couches superficielles du corps muqueux.

Elle est arrondie, ovalaire ou parfois triangulaire à base supérieure et contient des polynucléaires altérés.

C’est une pustule spongiforme multiloculaire, c’est-à-dire cloisonnée par le reliquat des membranes de cellules épidermiques qui circonscrivent ainsi de nombreuses logettes, surtout visibles à la périphérie de la pustule.

L’aspect trabéculaire peut être difficile à percevoir dans les pustules anciennes qui apparaissent comme de larges pustules uniloculaires.

Les limites latérales sont parfois imprécises et l’épiderme voisin peut présenter ou non les signes histologiques classiques du psoriasis : parakératose, disparition de la granuleuse, papillomatose, exocytose à polynucléaires.

Le contenu des pustules est stérile. Les circonstances d’apparition du psoriasis pustuleux sont variables : il peut se développer chez un psoriasique connu et apparaître alors comme une complication, mais il peut également, de façon plus exceptionnelle, inaugurer la maladie psoriasique.

Des facteurs favorisants sont parfois retrouvés, essentiellement médicamenteux.

Il faut y ajouter le rôle possible de la corticothérapie générale.

Le plus souvent, c’est à l’arrêt du traitement cortisonique qu’apparaissent les pustules, parfois pendant le traitement lui-même.

La corticothérapie locale prolongée peut également favoriser la transformation d’un psoriasis vulgaire en psoriasis pustuleux.

L’apparition du psoriasis pustuleux pendant la grossesse et après vaccination a été également décrite.

Les diverses formes de psoriasis pustuleux sont regroupées en deux grands chapitres : les formes localisées et les formes généralisées.

* Psoriasis pustuleux localisés :

+ Psoriasis pustuleux palmoplantaire de Barber :

C’en est la forme la plus fréquente qui pourrait être favorisée par l’intoxication tabagique.

L’affection intéresse la paume des mains (fréquemment l’éminence thénar) ou la plante des pieds (surtout la partie interne de la voûte plantaire et, plus rarement, le talon) et devient rapidement bilatérale et symétrique.

Les pustules de couleur blanc jaunâtre, légèrement saillantes, peuvent être séparées les unes des autres ou se rejoindre pour former une véritable nappe érythématopustuleuse enchâssée dans l’épiderme.

Elles se dessèchent ensuite et se couvrent de squames adhérentes, cornées, pour constituer des placards érythématosquameux, d’allure trichophytoïde.

L’aspect est alors moins évocateur. L’évolution se fait par poussées pustuleuses successives pouvant s’accompagner de prurit.

Progressivement, le placard peut s’étendre et intéresser la face palmaire et les bords latéraux des doigts et des orteils.

Dans les phases de rémission partielle, il est souvent difficile de retrouver quelques pustules sous la couche de squames cornées.

La biopsie permet de mettre en évidence la pustule spongiforme fréquemment associée à l’aspect classique du psoriasis vulgaire.

Le psoriasis pustuleux palmoplantaire n’entraîne pas d’altération de l’état général, mais le handicap fonctionnel est souvent important : difficultés du travail manuel et de la marche.

+ Psoriasis pustuleux acral (acrodermatite de Hallopeau) :

Ce n’est sans doute qu’une variante de la forme précédente.

Il s’en différencie uniquement par sa topographie : début à l’extrémité d’un doigt, souvent en zone périunguéale, parfois à la suite d’un traumatisme.

L’extension est progressive et peut atteindre plusieurs doigts successivement, mais les paumes et les plantes sont respectées.

Les pustules apparaissent sur une nappe érythémateuse et, en se desséchant, forment des squames jaunâtres plus ou moins décollées sur leurs bords, comme des écailles.

Des lésions identiques peuvent être observées sur les orteils.

Le rhumatisme psoriasique est souvent associé, de même que l’atteinte de la muqueuse buccale.

Les ongles sont habituellement très altérés : épaissis, jaunâtres, ils tombent rapidement pour être remplacés par une hyperkératose du lit unguéal.

L’évolution est chronique, avec des poussées plus ou moins prolongées au cours desquelles le processus pustuleux peut s’étendre à distance sur les membres supérieurs ou même se généraliser.

À la longue, une résorption osseuse peut être observée.

Entre les poussées persiste souvent une dermite érythématosquameuse d’aspect plus ou moins atrophique.

Il est rare que le revêtement cutané redevienne entièrement normal.

+ Psoriasis pustuleux annulaire :

* Psoriasis pustuleux généralisés :

+ Psoriasis pustuleux généralisé grave de Zumbusch :

C’est la première forme de psoriasis pustuleux à avoir été individualisée.

Ceci sans doute à cause de son aspect clinique très caractéristique.

Le début est brutal avec altération de l’état général, fièvre à 40 °C et apparition de placards érythémateux de grande taille.

Ces placards apparaissent d’emblée sur peau saine ou sur des plaques psoriasiques anciennes.

Ils sont de couleur rouge vif, tendus, légèrement oedémateux, peu ou pas squameux.

Les lésions peuvent s’étendre à tout le tégument et donner un aspect érythrodermique ; cependant les paumes, les plantes et le visage sont généralement respectés.

Les pustules de petite taille apparaissent rapidement, le plus souvent groupées en semis serrés, recouvertes d’une très fine membrane et ne faisant qu’une légère saillie à la surface du tégument.

Ces pustules, de couleur blanc jaunâtre, peuvent confluer en larges nappes d’allure toujours très superficielle.

Plusieurs poussées pustuleuses peuvent se succéder sur le même territoire ou sur des territoires voisins.

Après quelques jours survient la phase desquamative annoncée par la défervescence thermique.

Les pustules se sèchent et laissent place à une desquamation en larges éléments lamelleux et fins.

Ainsi peut être réalisé un aspect d’érythrodermie érythématosquameuse.

Lorsque les extrémités sont atteintes, la desquamation peut être scarlatiniforme, en « doigts de gant ».

Les trois stades évolutifs (érythémateux, pustuleux, squameux) sont souvent intriqués chez le même malade, à cause du caractère subintrant des poussées.

Pendant toute l’éruption, le prurit peut être important avec sensation de cuisson de la peau.

Les muqueuses génitales et buccales sont souvent atteintes.

Les examens biologiques mettent en évidence un syndrome inflammatoire net et l’histologie confirme l’aspect spongiforme de la pustulation qui reste aseptique.

L’évolution immédiate peut être mortelle et l’état général est toujours fortement altéré.

Cependant, le pronostic a été nettement amélioré par l’introduction des rétinoïdes dans la thérapeutique.

+ Autres formes de psoriasis pustuleux généralisé :

À côté de la forme grave de Zumbusch, ont été décrits d’autres aspects de psoriasis pustuleux généralisés dont la fréquence et l’intérêt sont moindres.

– Psoriasis pustuleux annulaire de Bloch-Lapierre.

Il peut donner des lésions localisées ou généralisées et ne s’accompagne pas d’atteinte de l’état général.

Il débute généralement de façon aiguë ou subaiguë, formant des cercles complets ou incomplets de quelques centimètres de diamètre.

Ces anneaux sont érythémateux, couverts de squames sur leur partie interne et parsemés de pustules sur leur partie externe.

Ces éléments évoluent de façon excentrique comme un érythème annulaire centrifuge.

Ils peuvent s’atténuer en quelques semaines pour récidiver sur un mode localisé ou disséminé.

Cette forme de psoriasis pustuleux annulaire est une entité clinique bien individualisée.

Elle est à différencier des lésions pustuleuses que l’on peut rencontrer à la périphérie des plaques psoriasiques et qui, souvent, sont provoquées par les thérapeutiques locales (crèmes cortisonées sous pansement occlusif).

– Psoriasis pustuleux exanthématique.

Il est généralisé, de début soudain et de durée très brève.

Il succède fréquemment à une infection des voies respiratoires supérieures traitée par diverses thérapeutiques et ne récidive qu’exceptionnellement.

En fait, ces formes correspondent probablement à des cas de pustulose exanthématique aiguë disséminée.

– Psoriasis pustuleux généralisé bénin de Milian et Katchoura.

D’individualisation discutable, il n’est sans doute qu’une forme clinique des entités précédentes.

2- Érythrodermie psoriasique :

L’érythrodermie complique en général un psoriasis déjà installé, l’aggravation étant due à divers facteurs, parfois médicamenteux.

Elle est plus rarement inaugurale de la maladie.

Elle peut survenir à tout âge, mais atteint essentiellement l’adulte et le vieillard.

Elle est souvent associée avec arthropathie, atteinte unguéale et chute des cheveux.

Classiquement, deux aspects peuvent être distingués.

* Forme sèche :

C’est un psoriasis généralisé dont les lésions, non infiltrées, sont diffuses mais laissent d’ordinaire quelques espaces de peau saine, réservés au sein de l’érythème.

Les squames, beaucoup moins adhérentes que dans un psoriasis banal, se détachent facilement et tombent en abondance.

L’affection, le plus souvent, n’est pas prurigineuse et son image histologique est caractéristique du psoriasis.

Le pronostic est bon : l’état général est conservé, les complications viscérales rares et la régression, hâtée par le traitement, s’observe en quelques semaines.

* Forme humide et oedémateuse :

Cette forme est plus sévère, bien qu’étant en principe plus souvent due à des facteurs surajoutés : infection, traitements locaux par ultraviolets, réducteurs, corticoïdes, traitements généraux parmi lesquels le rôle majeur est dévolu à la corticothérapie.

L’érythème s’étend à la totalité du corps, sans réserver d’espace de peau saine.

L’oedème infiltre la peau qui est tendue et luisante. Le suintement agglomère les squames.

Des fissures vite infectées apparaissent dans les grands plis.

Le prurit est souvent important.

Les signes caractéristiques du psoriasis sont rarement retrouvés, tant au grattage méthodique qu’à l’examen histologique.

L’état général est altéré : fièvre, troubles digestifs, oligurie et amaigrissement masqué par l’oedème.

Les complications sont fréquentes : surinfection, septicémie, troubles de la thermorégulation, défaillance cardiovasculaire (surtout chez le sujet âgé), détresse respiratoire aiguë (décrite aussi dans le psoriasis pustuleux), anémie (souvent hypochrome, hyposidérémique), modifications hydroélectrolytiques et hypoprotidémie.

La mort peut survenir à la suite de l’une de ces complications ou après une longue évolution cachectisante.

En fait, la distinction de ces deux types d’érythrodermie psoriasique est discutable, puisqu’il existe de nombreux faits de passage entre les deux formes.

Il faut retenir que l’érythrodermie n’a pas toujours les caractères cliniques et histologiques du psoriasis et qu’ainsi sa nature est souvent difficile à reconnaître si elle n’a pas été précédée d’un psoriasis vulgaire.

Dans tous les cas, une étroite surveillance clinique et biologique s’impose en milieu hospitalier.

Enfin, il faut toujours rechercher l’existence de facteurs favorisants, essentiellement médicamenteux.

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