Psoriasis : diagnostic et étiopathogénie (Suite)

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Première partie

2- Psoriasis arthropathique :

Psoriasis : diagnostic et étiopathogénie (Suite)L’arthropathie psoriasique peut être définie comme un rhumatisme inflammatoire habituellement chronique.

Son individualité par rapport aux autres arthropathies de ce groupe est souvent difficile à affirmer.

Le rhumatisme psoriasique ne constitue pas toujours une forme grave de psoriasis puisqu’il peut se limiter à des arthralgies ou à des monoarthrites peu évolutives.

Sa fréquence est diversement appréciée mais peut être située autour de 20 %.

La prépondérance masculine est nette, contrairement à d’autres rhumatismes inflammatoires, et l’âge de début se situe habituellement entre 35 et 40 ans.

Le plus souvent, le rhumatisme apparaît chez un psoriasique connu, plus rarement (10 % des cas environ) l’atteinte articulaire précède la dermatose.

Enfin, les atteintes cutanées et articulaires peuvent apparaître simultanément (15 % des cas).

Les poussées rhumatismales coïncident souvent avec les poussées psoriasiques, mais sont parfois indépendantes d’elles. Nous séparerons, par souci de clarté, les formes périphériques et centrales, bien qu’elles soient regroupées par certains auteurs dans le cadre des « spondyarthropathies inflammatoires ».

* Rhumatisme psoriasique périphérique :

+ Arthralgies :

Les douleurs articulaires sont fréquentes chez les psoriasiques et peuvent rester isolées (forme arthralgique pure).

La spécificité de ces arthralgies est souvent difficile à affirmer, surtout lorsqu’elles apparaissent chez les psoriasiques âgés, candidats à l’arthrose.

D’autre part, la mobilisation articulaire est souvent douloureuse chez un psoriasique si le revêtement cutané sus-jacent est atteint et fortement congestif.

Il ne faut donc pas attribuer à l’arthropathie psoriasique toute arthralgie apparaissant chez ces malades.

+ Oligo- et monoarthrites :

Elles peuvent atteindre n’importe quelle articulation ; par ordre de fréquence : doigts et orteils, poignets, genoux, chevilles, coudes et épaules.

Le tableau réalisé est celui d’une arthropathie inflammatoire avec importantes douleurs à la mobilisation et, parfois, épanchement synovial.

La vitesse de sédimentation est modérément accélérée.

Ces mono- et oligoarthrites peuvent guérir, récidiver ou passer à la chronicité.

Dans certains cas, elles évoluent vers une polyarthrite psoriasique.

+ Polyarthrite psoriasique :

C’est la forme la plus fréquente.

Le début est généralement aigu ou subaigu, plus rarement progressif et insidieux.

À ce stade, il s’agit d’une oligoarthrite.

L’évolution vers la phase d’état se fait souvent au cours de poussées successives de plus en plus étendues et durables.

L’aspect clinique est voisin de celui de la polyarthrite rhumatoïde, mais s’en distingue classiquement par les éléments suivants :

– atteinte moins symétrique ;

– déformation des doigts et des orteils non systématisée (aspect de doigt ou orteil en « saucisse ») ;

– atteinte des interphalangiennes distales ;

– association fréquente à une sacro-iléite (30 % des cas) ;

– absence de nodules sous-cutanés ;

– signes généraux moins importants ;

– fréquence de la calcanéite.

Sur le plan biologique, il existe un syndrome inflammatoire mais la recherche de facteurs rhumatoïdes par les réactions classiques (Waaler-Rose et latex qui ne détectent que des immunoglobulines [Ig] M) est le plus souvent négative.

On sait toutefois que la recherche de ces facteurs par immunofluorescence (qui détecte aussi les IgG) s’avère positive chez 50 % des psoriasiques, qu’ils soient ou non atteints d’arthropathie.

La polyarthrite psoriasique est associée aux mêmes antigènes d’histocompatibilité que le psoriasis non arthropathique (Cw6, B13, B17) ainsi qu’à B38, alors qu’il n’existe pas d’association avec l’antigène B27.

Les signes radiologiques peuvent être voisins de ceux de la polyarthrite rhumatoïde mais s’en différencient par quelques nuances : arthrite érosive des interphalangiennes distales, destruction souvent anarchique fréquemment associée à un important processus reconstructif (ostéophytose, prolifération périostée) ; évolution possible vers de sévères lésions d’ostéolyse avec mutilation (aspect en « pointe de crayon » ou en « sucre d’orge sucé ») et ankylose interphalangienne.

L’évolution peut être progressive et d’un seul tenant, mais elle est généralement faite de poussées irrégulières entrecoupées de rémissions.

Si certaines formes aboutissent à l’ankylose complète, le pronostic est cependant meilleur que celui de la polyarthrite rhumatoïde.

Au cours de l’évolution, l’atteinte unguéale est plus fréquente que dans le psoriasis vulgaire.

+ Enthésopathies :

Il s’agit d’une atteinte des insertions tendinoligamentaires qui peut être responsables de douleurs périarticulaires (talalgies…) avec, à la radiographie, des images qui au début sont très discrètes, voire absentes, alors qu’ensuite apparaissent une réaction périostée, des érosions osseuses et des calcifications.

Ces enthésopathies calcifiantes sont favorisées par le traitement par les rétinoïdes (cf infra).

Elles intéressent plus particulièrement le talon (talalgies) et les doigts où elles réalisent l’onycho-pachydermo-périostite psoriasique, le plus souvent localisée au gros orteil et qui associe une ostéopériostite de la dernière phalange à une atteinte unguéale et un épaississement des parties molles distales.

* Rhumatisme psoriasique axial (spondylarthrite psoriasique) :

Il est rencontré beaucoup plus rarement que la polyarthrite à laquelle il peut s’associer pour réaliser une forme mixte.

La symptomatologie clinique et radiologique est très voisine de celle de la spondylarthrite ankylosante idiopathique et comporte une atteinte vertébrale et, de façon inconstante, une sacro-iléite.

La présence de lésions articulaires périphériques associées, la fréquence de l’atteinte cervicale, l’existence de syndesmophytes atypiques avec ossification paraspinale, la faible évolutivité sont des arguments en faveur de l’origine psoriasique.

Le problème de l’autonomie de la spondylarthrite psoriasique par rapport à la spondylarthrite ankylosante idiopathique est discuté.

L’antigène B27 est moins fréquent au cours du rhumatisme psoriasique axial qu’au cours de la spondylarthrite idiopathique.

D – PSORIASIS DE L’ENFANT :

La maladie psoriasique débute, dans 15 % des cas environ, avant l’âge de 10 ans.

Dans ce psoriasis infantile, les filles sont plus souvent atteintes que les garçons et les antécédents familiaux sont retrouvés dans la moitié des cas.

Les formes de l’enfant se distinguent de celles de l’adulte par des particularités symptomatiques et topographiques.

Quant au psoriasis du nourrisson, il pose de délicats problèmes de diagnostic.

Enfin, signalons la fréquence du psoriasis chez les enfants traités par hormone de croissance (syndrome de Turner).

1- Aspects cliniques particuliers :

Tous les aspects du psoriasis de l’adulte peuvent se rencontrer.

Cependant, certaines formes sont plus particulières à l’enfant.

* Psoriasis aigu en gouttes :

C’est le mode de début le plus fréquent.

Il succède fréquemment à une infection rhinopharyngée, parfois à une vaccination.

L’éruption est d’apparition rapide, monomorphe et souvent fébrile.

Après une phase d’extension rapide, les lésions se stabilisent et peuvent régresser au bout de quelques semaines ou quelques mois.

Cette régression, favorisée par l’antibiothérapie, pourrait même dans certains cas être définitive.

Ce sont là les seuls cas de psoriasis pouvant guérir.

* Psoriasis nummulaire :

Il succède fréquemment à la forme précédente et prend souvent un aspect annulaire sur le tronc.

* Psoriasis spinulosique :

Plus fréquent chez l’enfant, il réalise des placards des coudes et des genoux, hérissés de kératoses pilaires, et pose des problèmes délicats de diagnostic avec le lichen ou le pityriasis rubra pilaire.

2- Variantes topographiques :

Certaines localisations sont plus fréquemment rencontrées chez l’enfant :

– le psoriasis du visage en gouttes ou nummulaire entraîne un retentissement psychologique souvent important ;

– le psoriasis du cuir chevelu peut être isolé et inaugural et simuler une fausse teigne amiantacée ; son diagnostic est délicat lorsque d’autres lésions psoriasiques typiques ne sont pas présentes ; une atteinte du conduit auditif externe est fréquemment associée ;

– le psoriasis palmoplantaire, non pas dans sa forme kératodermique, qui est rare, mais sous l’aspect d’une acropulpite sèche, donne aux orteils un aspect de « balle de ping-pong » ; les lésions peuvent s’étendre sur la plante du pied, sur la paume de la main et se compliquer de fissurations douloureuses, accentuées en période hivernale ; lorsque l’acropulpite est isolée, le diagnostic est particulièrement délicat puisque la même symptomatologie peut se rencontrer dans l’atopie, l’ichtyose, les dermites orthoergiques ou allergiques (dermatose plantaire juvénile) ; c’est la coexistence de lésions unguéales ou de plaques psoriasiques à distance qui permet le diagnostic, bien plus que l’histologie qui est généralement peu spécifique ;

– le psoriasis par phénomène de Köbner sur cicatrice de vaccination ou sur griffure se voit plus souvent chez l’enfant ;

– le psoriasis linéaire, nævoïde, suit les lignes de Blaschko et peut apparaître sur un nævus épidermique ;

– le psoriasis de la muqueuse buccale (surtout la chéilite sèche), le psoriasis unguéal et les psoriasis inversés des plis peuvent également être rencontrés.

3- Formes graves du psoriasis de l’enfant :

Elles sont très rarement rencontrées. Le psoriasis pustuleux est rare avant la puberté et deux fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles.

Fréquemment inaugural, il peut aussi succéder à un psoriasis vulgaire.

L’affection est volontiers déclenchée par des infections, un traumatisme psychique, une vaccination ou un médicament.

Elle peut revêtir plusieurs aspects :

– psoriasis pustuleux généralisé de type Zumbusch simulant parfois un syndrome de Lyell, avec des signes généraux importants mais d’une gravité qui serait moindre que chez l’adulte ;

– psoriasis pustuleux annulaire avec de nombreux éléments à bordure pustuleuse et un état général conservé ;

– psoriasis pustuleux localisé à type d’acrodermatite de Hallopeau ou de pustulose palmoplantaire.

L’érythrodermie psoriasique résulte de la généralisation des lésions de psoriasis vulgaire : son diagnostic étiologique peut être particulièrement difficile chez le nourrisson.

Le rhumatisme psoriasique évolue souvent dans un contexte grave de psoriasis pustuleux ou érythrodermique.

4- Psoriasis du nourrisson :

Deux formes cliniques posent de délicats problèmes nosologiques.

* Psoriasis des langes (« napkin psoriasis ») :

Il débute à l’âge de quelques semaines ou quelques mois.

L’aspect peut être évocateur : plaques non prurigineuses, bien limitées, squameuses, rouge sombre, avec à distance des éléments sur l’abdomen, le thorax, les membres ou le cuir chevelu.

Souvent, cependant, il se présente comme une dermite du siège isolée, peu spécifique, atteignant les plis et les convexités.

L’aspect est celui de la dermatite séborrhéique du nourrisson avec atteinte possible du cuir chevelu.

Le diagnostic est également difficile avec des dermites orthoergiques ou une candidose profuse (Candida albicans est isolé une fois sur deux dans ces psoriasis du siège).

L’histologie n’apporte que rarement des arguments formels.

C’est essentiellement l’évolution qui authentifie ou non la maladie psoriasique.

* Érythrodermie psoriasique congénitale ou d’apparition très précoce :

Elle est exceptionnelle mais pose de très difficiles problèmes de diagnostic avec la maladie de Leiner-Moussous et avec l’érythrodermie ichtyosiforme congénitale sèche.

Là encore, le diagnostic n’est souvent établi que rétrospectivement, l’existence d’antécédents familiaux, l’histologie et la présence d’antigènes d’histocompatibilité caractéristiques n’étant que des arguments de présomption.

Diagnostic différentiel :

Le diagnostic est généralement facile quand la lésion élémentaire est caractéristique.

Cependant, un pourcentage non négligeable de psoriasis ont des présentations atypiques et de nombreuses dermatoses peuvent prendre des aspects psoriasiformes parfois très difficiles à distinguer d’un authentique psoriasis.

A – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DU PSORIASIS DANS SA FORME CLASSIQUE :

1- Pityriasis rosé de Gibert et eczématides :

Le diagnostic de pityriasis rosé de Gibert (PRG) est souvent facile : aux taches rosées et finement squameuses qui pourraient en imposer pour un psoriasis s’associent des médaillons de plus grande surface, arrondis ou ovalaires, à bordure érythématosquameuse et dont le centre, plus clair, paraît en voie de guérison.

L’un de ces médaillons, de plus grande taille, a souvent inauguré la maladie.

L’éruption reste presque toujours limitée au tronc et à la racine des membres, épargnant le visage et le cuir chevelu.

Mais l’aspect clinique du PRG n’est pas toujours caractéristique et c’est l’évolution (guérison spontanée en 4 à 6 semaines, récidives exceptionnelles) qui permet de trancher les cas litigieux.

Les eczématides pityriasiformes sont des lésions discrètement érythémateuses et finement squameuses qui ont un aspect voisin de celui du PRG.

La localisation au cuir chevelu est responsable d’un état pelliculaire le plus souvent chronique.

Sur le visage, les lésions prennent l’aspect de dartres parfois achromiantes alors que, sur le reste du tégument, des aspects nummulaires de même symptomatologie peuvent être rencontrés.

Beaucoup d’eczématides pityriasiformes entrent probablement dans le cadre de la dermatite atopique.

Les eczématides psoriasiformes ont elles aussi une autonomie très discutable.

L’aspect clinique fait d’érythème et de larges squames pourrait théoriquement se différencier du psoriasis par le caractère moins bien limité des placards, l’absence de signes spécifiques au grattage méthodique des lésions, la topographie qui respecte en principe les territoires d’élection du psoriasis et l’étude histologique qui, outre la parakératose, montre souvent une exosérose et une exocytose pouvant réaliser l’aspect de vésicule primordiale de l’eczéma.

En fait, si certains de ces états peuvent évoluer vers d’authentiques psoriasis, d’autres sont à ranger dans le cadre des eczémas d’origines diverses.

2- Dermatite séborrhéique :

Lorsque les lésions se localisent au visage (sillon nasogénien, racine du nez et sourcils) et à la région médiothoracique (eczématides séborrhéiques figurées de Brocq), le diagnostic en est évident.

Mais lorsqu’elles intéressent le cuir chevelu, le problème est souvent plus délicat.

Dans cette localisation, la dermatite séborrhéique constitue des nappes couvertes de squames jaunâtres et grasses dans lesquelles s’engluent les cheveux.

Le plus souvent, seule la région antérieure est intéressée, réalisant la couronne séborrhéique.

En pratique, il convient donc, devant tout aspect de dermatite séborrhéique du cuir chevelu, de rechercher minutieusement l’existence de lésions psoriasiques à distance.

3- Pityriasis rubra pilaire :

Cette dermatose rare comporte des placards psoriasiformes des coudes et des genoux et souvent une hyperkératose palmoplantaire.

Mais ces lésions sont le plus souvent associées à un aspect plâtreux du visage et à des papules cornées folliculaires, présentes sur les plaques ou à distance, qui sont caractéristiques et permettent de redresser le diagnostic.

N’oublions pas, cependant, l’existence de psoriasis spinulosiques, essentiellement chez l’enfant.

Même l’étude histologique qui confirme l’hyperkératose folliculaire peut rester hésitante entre les deux affections.

4- Syphilides secondaires psoriasiformes :

Elles peuvent en imposer à première vue pour un psoriasis en gouttes.

Outre le caractère papuleux et infiltré, elles ont généralement une teinte cuivrée sous les squames qui, par ailleurs, prennent sur certains éléments une disposition annulaire périphérique (collerette de Biett).

L’éruption s’associe souvent à des plaques muqueuses et les réactions sérologiques sont positives.

5- Lichen plan dans sa forme érythématosquameuse :

Il est souvent associé à des papules caractéristiques et à une atteinte buccale.

Le prurit fait rarement défaut. L’histologie affirme le diagnostic.

6- Pemphigus séborrhéique de Senear-Usher :

Il peut se présenter, en dehors des poussées bulleuses, en taches érythémateuses couvertes de squames séborrhéiques.

L’histoire de la maladie, l’atteinte du visage et des régions médiothoraciques, le caractère séborrhéique des éléments et enfin l’histologie qui confirme l’acantholyse permettent de caractériser la maladie.

7- Hématodermies :

Il s’agit surtout du mycosis fongoïde qui, à son début, peut réaliser des efflorescences érythématosquameuses souvent polycycliques qui prennent rapidement un caractère infiltré.

L’association à des adénopathies, l’évolution et l’histologie ne peuvent prêter à confusion.

8- Parapsoriasis en gouttes :

Il se différencie en général aisément du psoriasis par le polymorphisme de l’éruption et le caractère papuleux de la lésion élémentaire dont la squame peu adhérente, en « pain à cacheter », se détache d’un bloc à la curette.

9- Toxidermies psoriasiformes :

Beaucoup de médicaments, et en particulier ceux qui ont été cités auparavant comme pouvant déclencher ou aggraver un psoriasis, peuvent être responsables d’éruptions psoriasiformes d’évolution transitoire et cédant à l’arrêt du médicament.

B – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DANS LES PSORIASIS INHABITUELS :

1- Psoriasis des plis :

Isolé, il pose le problème des intertrigos.

La macération modifie la morphologie psoriasique habituelle.

Le diagnostic est ainsi souvent difficile mais peut être suspecté sur les éléments suivants : couleur rosée ou rouge vif, nette limitation, évolution chronique, résistance aux traitements antiseptiques habituels qui n’entraînent qu’une amélioration partielle.

2- Psoriasis des paumes et des plantes :

Il pose le problème des kératodermies palmoplantaires dont nous ne rappellerons pas les diverses étiologies.

Le diagnostic peut être facile si les lésions sont bien limitées, débordent sur les poignets et ont un aspect érythématosquameux psoriasique net.

Mais le problème est souvent plus difficile pour déterminer la place qui revient au psoriasis dans l’étiologie des kératodermies palmoplantaires dites essentielles et dans les pulpites sèches primitives des doigts.

De même, l’acrokératose psoriasiforme paranéoplasique de Bazex et Dupré peut en imposer pour un authentique psoriasis lorsque le cancer des voies aérodigestives supérieures qui l’accompagne n’est pas connu.

L’affection atteint non seulement les doigts et les orteils mais aussi l’arête du nez et le pavillon des oreilles, ce qui est plus évocateur.

L’histologie n’a pas de spécificité et l’évolution de la dermatose est parallèle à celle de l’épithélioma causal.

3- Psoriasis à disposition zoniforme ou nævoïde :

Ils peuvent revêtir le même aspect clinique que le lichen striatus ou le nævus épidermique verruqueux inflammatoire linéraire.

Cette dernière affection, d’apparition précoce et d’évolution chronique, s’accompagne d’un prurit important.

L’image histologique est très proche de celle du psoriasis, bien qu’existe une alternance de zones parakératosiques et de zones à kératinisation normale.

Le lichen striatus, au contraire, n’est habituellement pas prurigineux et disparaît en quelques mois sans laisser de traces.

Son histologie n’est pas spécifique.

4- Érythrodermie psoriasique :

Elle ne pose de problème que lorsqu’elle survient d’emblée et, dans ce cas, une origine médicamenteuse ou hématodermique doit être systématiquement recherchée.

L’histologie n’est pas toujours spécifique.

5- Rhumatisme psoriasique :

Il peut poser des problèmes de deux ordres :

– la survenue d’une arthropathie chez un psoriasique connu ne permet pas d’affirmer sa nature psoriasique ; le diagnostic différentiel clinique et radiologique peut être facile dans les cas de rhumatismes dégénératifs, mais il est bien plus délicat pour ce qui est des rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante) ;

– lorsque le rhumatisme psoriasique inaugure la maladie, son diagnostic est rarement fait et c’est souvent la survenue des lésions cutanées ou unguéales qui permet de redresser un diagnostic erroné.

6- Psoriasis pustuleux :

Il pose le problème des pustuloses généralisées et des pustuloses des extrémités.

Les pustuloses bactériennes sont rapidement éliminées sur leur aspect clinique et histologique (pustules uniloculaires).

En revanche, les pustuloses amicrobiennes comportent une lésion élémentaire identique (la pustule spongiforme multiloculaire de Kogöj-Lapierre) et peuvent être beaucoup plus difficiles à individualiser.

* Psoriasis pustuleux généralisé :

Sa forme grave est voisine de l’impétigo herpétiforme de Hebra-Kaposi.

Celui-ci apparaît en principe, mais de façon non obligatoire, chez la femme enceinte.

Il s’accompagne de signes généraux particulièrement graves et évolue souvent vers la mort.

L’éruption reproduit l’aspect du psoriasis pustuleux généralisé, avec parfois disposition en bouquets et en cercles.

L’importance des lésions muqueuses (pustules, bulles, érosions), l’existence d’une hypocalcémie, peuvent orienter le diagnostic.

En fait, beaucoup d’auteurs pensent que la séparation des deux maladies est plus théorique que réelle.

Le diagnostic différentiel peut aussi se poser avec le syndrome de Lyell dont les éléments superficiels peuvent prendre un aspect de nappes pustuleuses.

Bien entendu, les signes muqueux, l’histologie et l’évolution séparent en quelques jours les deux affections.

La pustulose exanthématique aiguë généralisée peut poser des problèmes plus délicats.

L’affection est caractérisée par une éruption érythémateuse scarlatiniforme recouverte de nombreuses pustules non folliculaires de petite taille, accompagnée d’un état fébrile avec hyperleucocytose.

Le tableau pourrait en imposer pour un psoriasis pustuleux généralisé, mais l’évolution est rapidement favorable en moins de 15 jours.

À l’examen histologique, les pustules, spongiformes, s’associent à un oedème massif du derme, à une vascularite et à des foyers de nécrose kératinocytaire.

La pustulose exanthématique aiguë généralisée, qui survient le plus souvent rapidement après une prise médicamenteuse (essentiellement les antibiotiques), est actuellement considérée comme une toxidermie.

Elle pourrait également accompagner certaines éruptions virales. Le psoriasis pustuleux annulaire peut prendre l’aspect voisin de la pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson qui est caractérisée par une éruption vésiculopustuleuse réalisant des images circinées, serpigineuses, de localisation essentiellement thoracoabdominale.

L’histologie est ici d’un grand secours puisqu’elle montre le caractère uniloculaire de l’élément pustuleux.

* Psoriasis pustuleux palmoplantaire :

Il doit être différencié des autres pustuloses récidivantes des extrémités.

Les eczémas surinfectés passent par un stade vésiculeux et comportent des pustules uniloculaires.

Il en est de même pour les bactérides pustuleuses d’Andrews dont les éléments sont essentiellement localisés sur les parties proximales des paumes et des plantes, respectant les régions distales.

Ces bactérides, s’accompagnant de foyers infectieux à distance, pourraient être liées à des phénomènes d’allergie microbienne et guérir après éradication du foyer infectieux causal.

En fait, l’aspect histologique de la pustule est variable et beaucoup de ces bactérides sont sans doute d’authentiques psoriasis.

Enfin, le diagnostic peut se poser avec les dermatophyties plantaires suppurées qui sont affirmées par le prélèvement mycologique et, éventuellement, les colorations spéciales à l’histologie.

Plus difficiles sont les problèmes des pustules de la maladie de Fiessinger-Leroy-Reiter.

Elles atteignent non seulement les paumes et les plantes, mais souvent aussi les avant-bras, les coudes, les membres inférieurs et éventuellement d’autres parties du tégument.

La kératinisation des pustules est rapide, aboutissant à la formation des éléments cornés du syndrome de Vidal-Jacquet.

La pustule a une structure spongiforme identique à celle du psoriasis pustuleux.

Le diagnostic de maladie de Fiessinger-Leroy-Reiter (exceptionnel actuellement) est évoqué lorsqu’il existe en outre un syndrome conjonctivo-urétro-synovial, et on recherchera les Chlamydia.

En fait, il est souvent impossible de différencier les deux affections dont les frontières nosologiques se chevauchent. Enfin, nous avons déjà envisagé les problèmes de diagnostic posés par les psoriasis de l’enfant et du nourrisson.

Histopathologie et histogenèse :

Le plus souvent, la biopsie est inutile pour affirmer le diagnostic.

Ce n’est que dans les formes atypiques que l’étude histologique peut avoir un intérêt bien que, dans ces cas, elle ne soit pas toujours caractéristique.

Les anomalies concernent à la fois l’épiderme et le derme.

A – ANOMALIES ÉPIDERMIQUES :

1- Microscopie optique :

La couche cornée est épaissie (hyperkératose), formée de lamelles horizontales superposées et les cellules qui la constituent ont conservé leur noyau (parakératose).

La parakératose, qui traduit les anomalies de la différenciation du kératinocyte, est souvent irrégulièrement disposée, des zones d’orthokératose alternant avec les zones parakératosiques.

Elle est plus importante dans les lésions psoriasiques évolutives, souvent situées à la périphérie des plaques.

Dans la couche cornée et au-dessous d’elle existent des amas de polynucléaires formant les microabcès de Munro-Sabouraud.

Ces microabcès sont principalement rencontrés dans les régions suprapapillaires des lésions récentes.

La couche granuleuse est nettement diminuée ou absente, en particulier dans les zones parakératosiques.

L’épiderme passe alors sans transition du corps muqueux de Malpighi à la couche cornée.

Le corps muqueux de Malpighi est particulièrement épaissi entre les papilles avec des crêtes épidermiques très allongées (hyperacanthose), souvent élargies en « battant de cloche » à leur partie inférieure, parfois ramifiées et anastomosées entre elles.

À l’inverse, au-dessus des papilles dermiques, le corps muqueux est aminci, réduit à quelques couches cellulaires.

2- Microscopie électronique :

Les cellules épidermiques ont une grande activité métabolique : le réticulum endoplasmique, l’appareil de Golgi, les mitochondries et les ribosomes sont très développés.

En outre, on constate :

– l’élargissement des espaces intercellulaires avec disparition presque complète des glycoprotéines de surface ;

– la diminution du nombre des tonofilaments et des desmosomes ;

– l’absence ou la nette réduction des granules de kératohyaline ;

– des anomalies des nexus ou gap junctions, canaux membranaires dont le rôle est important dans les transferts intercellulaires ; ces structures sont retrouvées en grand nombre, souvent annulaires, de grande taille, de situation parfois intracellulaire et les connexines qui les composent sont anormales.

3- Anomalies moléculaires de la kératinisation :

Les perturbations de la maturation du kératinocyte se traduisent par la modification du profil des kératines : augmentation de l’expression des kératines basales K5 et K14, réduction des kératines de maturation K1 et K10 alors qu’apparaissent les kératines de prolifération K6, K16 et K17.

Il existe en outre un blocage de la synthèse de la filagrine (normalement synthétisée dans la granuleuse pour participer à la constitution des grains de kératohyaline), une apparition précoce, dès les premières assises suprabasales, de l’involucrine (protéine de l’enveloppe cornée), une forte activité transglutaminase et une diminution de l’expression de la loricrine.

4- Immunomarquages :

Les techniques d’immunohistochimie et de biologie moléculaire ont permis de démontrer de très nombreuses anomalies parmi lesquelles :

– l’augmentation du nombre des récepteurs de l’epidermal growth factor (EGF), présent sur toute la hauteur de l’épiderme alors qu’il est normalement réservé aux couches basales ;

– la forte production de cytokines par le kératinocyte, en particulier des interleukines (IL) 1, 6 et 8 qui ont un rôle important dans les phénomènes inflammatoires et dans la prolifération épidermique ;

– l’expression d’intégrines en position suprabasale et la présence de molécules d’adhésion (ICAM 1) à la surface des cellules qui portent aussi de faibles quantités d’antigènes de classe II (DR) du complexe majeur d’histocompatibilité ;

– la répartition très irrégulière des cellules de Langerhans dont le nombre est diminué dans les lésions évolutives ;

– la présence de lymphocytes T, essentiellement TCD8 (suppresseurs cytotoxiques).

Toutes ces anomalies ne sont pas strictement spécifiques du psoriasis et les diverses techniques, largement développées ces dernières années, n’ont pas permis de mettre en évidence la présence (ou l’absence) d’un marquage strictement réservé à l’affection.

5- Cinétique cellulaire :

On peut dire que le psoriasis est une maladie proliférative de l’épiderme associée à des anomalies du programme de maturation des kératinocytes.

L’élément majeur est l’augmentation considérable (9 à 12 fois) du nombre des mitoses dans les lésions.

De ce fait, le temps de transit des cellules entre la couche basale et la couche cornée est beaucoup plus bref dans l’épiderme psoriasique.

Les mitoses sont rencontrées non seulement dans l’assise basale, mais également dans les deux ou trois couches cellulaires suprabasales.

Cette anomalie proliférative existe aussi, mais à un degré moindre, dans la peau apparemment saine des psoriasiques.

Il semble que la prolifération épidermique ne soit pas due à un cycle cellulaire plus court, mais au recrutement de cellules souches qui restent au repos chez le sujet normal.

En culture ou lors de greffes de peau psoriasique sur des souris nude, l’état prolifératif ne persiste que partiellement, ce qui rend difficile l’obtention de modèles pour étudier ses caractéristiques et ses causes.

B – ANOMALIES DERMIQUES :

1- Papillomatose et infiltrat inflammatoire :

Les papilles dermiques sont augmentées en hauteur, allongées en massues, oedémateuses, et contiennent dans leur partie supérieure des capillaires dilatés et tortueux.

L’infiltrat est essentiellement formé de lymphocytes TCD4 dans les lésions évolutives, progressivement remplacés par des lymphocytes TCD8 lors de la régression des lésions.

Les polynucléaires sont également présents et vont rapidement migrer vers l’épiderme dans les zones suprapapillaires.

Des cellules dendritiques facteur XIII positives sont retrouvées en grand nombre, mais leur rôle n’est pas parfaitement défini.

2- Membrane basale et microcirculation dermique :

La membrane basale est épaissie, dédoublée, et comporte des solutions de continuité permettant l’augmentation des échanges entre l’épiderme et le derme, et le passage des cellules de l’infiltrat.

Les boucles capillaires, très développées dans les papilles, ont une structure de type veineux dans leur portion artérielle avec de nombreuses fenestrations, permettant, là encore, le passage d’éléments sanguins, facilité par les molécules d’adhésion que portent les cellules endothéliales.

La paroi des microvaisseaux lymphatiques est elle aussi anormale avec de nombreuses solutions de continuité.

Toutes ces anomalies sont réversibles lors de traitements efficaces de la maladie.

Étiopathogénie :

Bien que la pathogénie du psoriasis ait suscité d’innombrables travaux de recherche, nous ne savons pas encore exactement quels sont les mécanismes qui conduisent à la maladie. Les difficultés sont sans doute liées au fait qu’il n’existe pas de psoriasis chez l’animal, pas plus que de modèle in vitro, la peau psoriasique perdant les caractéristiques en culture.

Cependant, le développement des techniques des transfert de gènes (en particulier ceux de certaines cytokines, des intégrines, du génome VIH…) a permis récemment d’obtenir des souris transgéniques atteintes de dermatoses voisines du psoriasis.

A – FACTEURS CLASSIQUEMENT RECONNUS :

1- Hérédité :

Le caractère familial du psoriasis est connu de longue date. Une fois sur trois existent des antécédents familiaux précis de l’affection.

La fréquence du psoriasis chez les enfants serait autour de 30 % si l’un des parents est atteint et autour de 60 % lorsque les deux parents sont psoriasiques.

Les études de jumeaux confirment également l’importance des facteurs génétiques : la concordance du psoriasis est de 72 % chez les jumeaux monozygotes, de 23 % seulement chez les dizygotes.

Le caractère autosomique récessif ou dominant de l’affection est discuté. Il paraît probable que l’hérédité soit liée à des gènes multiples dont les effets s’additionnent (cf infra).

2- Rôle des infections bactériennes :

Environ 10 % des psoriasis débutent à la suite d’une rhinopharyngite, mais ce pourcentage est bien plus important chez l’enfant et l’adolescent (30 à 50 %) et il s’agit souvent d’un psoriasis en gouttes d’évolution aiguë.

D’autre part, chez un psoriasique connu, la survenue d’une infection pharyngée peut provoquer une nouvelle poussée de la maladie.

Le streptocoque paraît être le plus souvent en cause : on le retrouve fréquemment sur les prélèvements bactériologiques pharyngés et le taux des antistreptolysines est élevé chez un fort pourcentage de jeunes psoriasiques.

Récemment, de nombreux auteurs ont proposé que les bactéries, en particulier les streptocoques, agissent en sécrétant des toxines ayant les propriétés de superantigènes capables de stimuler les lymphocytes.

3- Facteurs psychologiques :

Le rôle des chocs émotifs dans le déclenchement de la maladie psoriasique ou dans la survenue des poussées est connu de longue date et pourrait être retrouvé chez 70 % des psoriasiques.

Il peut s’agir de chocs affectifs brutaux (séparation, deuil, accident, rupture sentimentale) ou d’événements d’ordre matériel ou professionnel.

Toutefois, il est souvent difficile d’établir une relation certaine entre ces stress, fréquents dans la vie moderne, et la survenue de la dermatose.

Leur rôle apparaît dans certains cas indiscutable, mais ils n’interviennent certainement que chez des psoriasiques en puissance, possédant le terrain génétique nécessaire à la constitution de la maladie.

Si le rôle du traumatisme psychique est admis par la plupart des auteurs, en revanche les avis sont discordants quant à l’existence d’un profil psychologique particulier aux psoriasiques.

Certaines études ont montré la fréquence d’une structure caractérielle de type obsessionnel et dépressif, essentiellement lorsque le psoriasis s’accompagne d’un prurit important.

Cependant, ces conceptions sont loin de faire l’unanimité, et les troubles psychologiques que l’on peut rencontrer chez les psoriasiques paraissent essentiellement dus au retentissement de la maladie qui perturbe leur vie sociale et relationnelle.

B – ANALYSE DES PERTURBATIONS CONNUES :

Nous passerons en revue les principales anomalies qui ont été décrites et qui concernent non seulement le kératinocyte, mais pratiquement tous les types cellulaires présents dans l’épiderme et le derme.

1- Kératinocyte :

Le kératinocyte est la cellule qui comporte le plus d’anomalies envisagées à divers chapitres : anomalies de la kératinisation, production d’innombrables cytokines, marqueurs de surface anormaux, gènes anormalement exprimés.

L’expression suprabasale de bêta-1-intégrines (normalement exprimées uniquement dans la couche basale) est d’un grand intérêt.

En effet, ces molécules ont un rôle important non seulement dans l’adhésion, mais aussi dans la prolifération et l’initiation de la différentiation du kératinocyte.

En outre, les souris transgéniques avec expression suprabasale d’intégrines développent une dermatose psoriasiforme suggérant que ces anomalies pourraient être en cause dans la genèse du psoriasis.

Les deux principaux systèmes de transduction qui permettent la transmission des signaux extérieurs à la cellule et jouent le rôle de second messager cellulaire sont perturbés dans le psoriasis :

– des anomalies ont été décrites, tant au niveau de l’adénylatecyclase que des nucléotides eux-mêmes, avec une augmentation de l’acide guanosine monophosphorique cyclique (GMPc) par rapport à l’acide adénosine monophosphorique cyclique (AMPc), pouvant être responsable d’une hyperactivité cellulaire ; le point le plus intéressant est sans doute la diminution de l’activité de la protéine kinase A (AMPc-dépendante) présente non seulement dans la peau, mais aussi dans les globules rouges ; ce déficit se retrouve aussi chez les membres non atteints des familles de psoriasiques et est redressé sous rétinoïdes ;

– plus récemment, des anomalies de la voie du phosphatidylinositol phosphate ont été décrites : augmentation de l’activité de la phospholipase C aboutissant à une production accrue de diacylglycérol (activateur de la protéine kinase C [PKC]) et d’inositol triphosphate (capable d’activer la phospholipase A2) ; le rôle de l’activation de la PKC dans le psoriasis n’est pas clairement établi, dans la mesure où son activité serait secondairement réduite par un rétrocontrôle négatif.

2- Fibroblastes :

Une activité accrue des fibroblastes psoriasiques a été décrite au début des années 1980, mais c’est surtout Saiag et Dubertret qui ont mis en avant l’origine fibroblastique possible de la prolifération épidermique du psoriasis.

Ces auteurs ont montré, dans leur système de culture utilisant un derme équivalent et des fibroblastes comme support, que lorsque ces fibroblastes étaient d’origine psoriasique, on obtenait une prolifération accrue des kératinocytes normaux placés sur ce support.

Ceci indiquerait la capacité pour les fibroblastes psoriasiques de délivrer un signal anormal de prolifération.

Toutefois, il faut des conditions expérimentales particulières (présence de sérum) et la nature du signal délivré par les fibroblastes psoriasiques n’est pas, à ce jour, déterminée.

On sait que ces cellules sont capables de produire de nombreux facteurs de croissance et certaines thérapeutiques (rétinoïdes, vitamine D) pourraient limiter leur activité.

3- Polynucléaires et protéases :

Les polynucléaires présents dans l’épiderme psoriasique peuvent sécréter des protéases qui ont une activité promitotique.

La prolifération épidermique pourrait donc être due soit à une hypersécrétion de protéases, soit à un déficit des facteurs inhibiteurs.

Les travaux très nombreux portant sur les fonctions des polynucléaires sont discordants et ne permettent pas de dégager de façon certaine la notion d’une anomalie intrinsèque de cette cellule dans le psoriasis.

In vitro, la majorité des auteurs fait état d’une hyperactivité de certaines fonctions, alors que in vivo les études, plus difficiles et plus rares, sont plutôt en faveur d’une inhibition du chimiotactisme.

Il semble probable que la présence de polynucléaires dans la lésion psoriasique soit essentiellement liée à leur attraction par les nombreux facteurs chimiotactiques qui sont présents dans l’épiderme : fragments de compléments et autres peptides chimioattractants ou métabolites de l’acide arachidonique, ce qui reporte le problème à d’autres niveaux.

L’inhibition des fonctions des polynucléaires expliquerait l’action bénéfique des rétinoïdes et de la colchicine dans certains psoriasis pustuleux.

4- Cellules de Langerhans :

Dans l’épiderme psoriasique, ces cellules sont réparties de façon hétérogène et leur nombre paraît diminué.

Or, les cellules de Langerhans sont impliquées non seulement dans les phénomènes immunitaires locaux, mais également dans la prolifération et la différenciation épidermique, et pourraient donc jouer un rôle important dans les anomalies de l’épiderme psoriasique.

Les cellules de Langerhans sont la cible de nombreuses thérapeutiques qui modifient leurs fonctions, en particulier la photothérapie, les rétinoïdes et sans doute aussi la ciclosporine et la vitamine D.

5- Cellules endothéliales :

Les anomalies structurales des microvaisseaux dermiques dans la lésion psoriasique sont connues de longue date.

La présence de cellules endothéliales particulières (identiques aux high endothelial veinules qui permettent la recirculation des lymphocytes dans les ganglions) a permis d’évoquer un rôle direct de la cellule endothéliale dans le psoriasis.

En effet, ces cellules expriment des molécules d’adhésion (en particulier ELAM 1) qui permettraient aux lymphocytes T-CD4 de migrer dans la lésion psoriasique.

L’hypothèse de l’origine endothéliale primitive du psoriasis doit être prise en considération, d’autant que les fonctions de ces cellules ne sont encore qu’imparfaitement connues.

6- Lymphocytes et phénomènes immunitaires :

Dans le derme, la lésion psoriasique s’accompagne d’une accumulation de lymphocytes T-CD4 activés (DR+), alors que dans l’épiderme c’est la population T-CD8, à activité cytotoxique, qui est retrouvée.

Le rôle de ces lymphocytes dans la prolifération épidermique est sans doute capital et sera discuté plus loin. Au plan fonctionnel, le psoriasis semble une maladie médiée par les lymphocytes T-H1 producteurs d’IL2 et d’interféron.

Cette dernière cytokine, retrouvée en grande quantité dans l’épiderme, serait responsable de l’expression accrue des molécules d’adhésion et des antigènes histocompatibilité de classe 2 par le kératinocyte.

En outre, il existe des anomalies de l’immunité humorale : augmentation des IgA, des IgE, présence de facteurs rhumatoïdes de type IgG, mais aucun autoanticorps spécifique de la maladie n’a été décrit à ce jour.

7- Terminaisons nerveuses et neuromédiateurs :

Les relations entre psoriasis et stress ont suscité de nombreuses études concernant les neuromédiateurs.

La peau contient des terminaisons nerveuses sensitives qui pénètrent l’épiderme jusqu’à la couche granuleuse et ces terminaisons sont en nombre plus important dans les lésions psoriasiques qui contiennent de grandes quantités de neuromédiateurs.

Ces substances sont également sécrétées par les kératinocytes qui portent des récepteurs faisant suspecter, pour la plupart d’entre elles, des mécanismes d’action non seulement paracrine, mais également autocrine.

L’action des neuromédiateurs dans la peau est complexe : ils peuvent être mitogènes pour les kératinocytes, modifier le comportement des cellules de Langerhans et des lymphocytes, induire la dégranulation des mastocytes.

Ils ont donc une grande importance dans les phénomènes inflammatoires et immunitaires cutanés.

Dans le psoriasis, les modifications de la substance P et du vasoactive intestinal peptide (VIP) ont été décrites, de même que des contacts plus nombreux entre les terminaisons nerveuses et les mastocytes.

Récemment, plusieurs études ont démontré une augmentation importante du nerve growth factor (NGF), produit par les kératinocytes et qui a un rôle régulateur dans la production des neuromédiateurs.

Le NGF est en outre un inhibiteur de l’apoptose, sans doute par stimulation de l’oncogène Bcl-2, et pourrait donc jouer un rôle important dans les anomalies de la maturation des kératinocytes psoriasiques.

Par ailleurs, les peptides opioïdes, étroitement liés aux neuromédiateurs, sont retrouvés en plus grande quantité dans la peau psoriasique.

8- Gènes :

Il faut distinguer, d’une part les anomalies des gènes exprimées dans le kératinocyte, et, d’autre part, l’étude des gènes responsables de l’hérédité de la maladie.

* Anomalies de l’expression des gènes dans le kératinocyte :

De très nombreux gènes sont anormalement exprimés dans le kératinocyte psoriasique comme ceux codant pour diverses cytokines, médiateurs de l’immunité et de l’inflammation.

Mais le point le plus intéressant concerne les gènes des facteurs de croissance, en particulier ceux de la famille de l’EGF.

Ainsi, le récepteur de l’EGF, le TGF-alpha (transforming growth factor), et l’amphiréguline sont anormalement exprimés sur toute la hauteur de l’épiderme.

De même, il existe des anomalies des oncogènes et des antioncogènes (gènes tumeur suppresseurs) dont l’équilibre règle l’homéostasie épidermique.

Certains oncogènes sont surexprimés comme c-sis (qui code pour le platelet derived growth factor [PDGF]) ou gro (qui code pour l’IL8), alors que les études concernant ras ou myc sont plus discordantes.

Il est étonnant de constater que certains oncogènes comme c-fos et c-jun ont une expression diminuée dans la lésion psoriasique, sans doute parce qu’ils sont fortement impliqués dans la différenciation des kératinocytes plus que dans leur prolifération.

Leur diminution dans le psoriasis pourrait dont expliquer les troubles de la différenciation kératinocytaire.

En ce qui concerne les antioncogènes, il est possible que P53 (muté dans de nombreux cancers) et NF1 (gène de la neurofibromatose de type 1) aient une expression diminuée, mais aucune mutation de P53 n’a pu, à ce jour, être démontrée.

Actuellement, à côté des oncogènes et des antioncogènes, les études se portent sur les gènes du développement (les voies de WNT et de Hedgehog).

Ils pourraient avoir une importance considérable dans l’affection dans la mesure où ils régulent le flux des cellules souches vers la différenciation, phénomène qui est sans doute à la base des anomalies de l’homéostasie épidermique dans la lésion psoriasique.

La connaissance des anomalies de l’expression des gènes dans la lésion psoriasique est de toute première importance puisque c’est sans doute à ce niveau que les premières thérapies géniques de la maladie pourront être appliquées.

* Gènes de prédisposition :

Ils sont responsables de l’hérédité de la maladie et sont sans doute multiples, comme dans les maladies auto-immunes.

La nature des gènes n’est pas connue mais la localisation de certains d’entre eux a été précisée grâce aux techniques de la génétique moléculaire, en particulier les études de coségrégation des microsatellites dans les familles psoriasiques.

+ Chromosome 6 et gènes d’histocompatibilité (« human leukocyte antigen » [HLA]) :

L’association du psoriasis à certains antigènes HLA de classe 1 (B13, B17, B27, B57 et surtout Cw6 et Cw7) est connue de longue date.

C’est l’association à Cw6 qui est majeure, mais il faut remarquer qu’elle n’est ni nécessaire ni suffisante pour entraîner le psoriasis, puisque seuls 10 % des individus porteurs de Cw6 auront la maladie et 20 % des psoriasiques sont négatifs pour Cw6.

Des anomalies de la molécule Cw6 ont été décrites par les auteurs japonais et la présence d’alanine en position 73 serait plus fréquemment associée au psoriasis.

Parmi les antigènes d’histocompatibilité de classe 2, c’est l’antigène DR7 qui est surreprésenté dans la maladie.

Les associations entre psoriasis et antigènes d’histocompatibilité sont surtout retrouvés dans les psoriasis de type I (d’apparition précoce et familiale), les lésions les plus fortes étant avec Cw6, B57 et DR7.

On admet actuellement que l’un des gènes de susceptibilité au psoriasis est situé sur le bras long du chromosome 6, dans la région des gènes HLA, mais qu’il ne s’agit pas de l’un de ces gènes.

+ Autres locus :

Plusieurs études ont montré la liaision du psoriasis avec des gènes situés sur le bras long des chromosomes 17 et 4.

Mais, là encore, il existe des familles dans lesquelles cette liaison n’est pas retrouvée.

D’autres études ont mis en évidence, de façon ponctuelle dans certaines familles, des corrélations avec d’autres locus, le plus intéressant est sans doute celui porté par le bras long du chromosome 1 sur lequel se situent des gènes multiples impliqués dans la différenciation des kératinocytes et dans l’inflammation (complexe de différenciation épidermique).

Rappelons également la possibilité d’un gène de susceptibilité au psoriasis sur le chromosome 16 à côté du locus de la maladie de Crohn dont l’association au psoriasis est maintenant bien établie.

Il est probable que l’étude complète du génome humain, qui a maintenant débuté et qui se terminera dans les toutes prochaines années, permettra de mieux définir quels sont les gènes associés au psoriasis, ce qui devrait ensuite déboucher sur la production d’animaux transgéniques psoriasiques.

C – MÉCANISMES PATHOGÉNIQUES :

1- Histoire et évolution des idées :

L’histoire moderne de l’étude des mécanismes physiopathologiques commence au début des années 1960, lorsque fut démontrée l’hyperplasie épidermique de la lésion.

La question qui se posait immédiatement était de savoir quels étaient les facteurs conduisant à l’état hyperprolifératif du kératinocyte.

Deux tendances se développèrent alors : d’une part, l’étude biochimique de l’épiderme qui supposait que la maladie soit liée à une anomalie intrinsèque du kératinocyte et, d’autre part, la théorie immunologique qui postulait que les troubles du kératinocyte n’étaient pas primitifs, mais sous la dépendance d’un dysfonctionnement immunitaire.

Dans les années 1970, la première tendance a connu un développement considérable avec la découverte du rôle des nucléotides cycliques et des médiateurs lipidiques comme seconds messagers cellulaires capables de modifier les mitoses et la différenciation du kératinocyte.

En même temps, l’étude systématique de l’immunité dans le psoriasis permettait de mettre en évidence de très nombreuses perturbations rapprochant le psoriasis des maladies auto-immunes.

Dans les années 1980, les progrès remarquables de l’immunologie permettaient la mise en évidence d’anomalies multiples des cytokines et des populations lymphocytaires dans la lésion, alors que l’action thérapeutique remarquable de la ciclosporine confortait la théorie immunitaire.

Les années 1990 ont vu l’avènement de la biologie moléculaire qui a permis de démontrer, dans les lésions, la dysrégulation de gènes impliqués dans la croissance et la différenciation du kératinocyte, ainsi que la localisation de gènes impliqués dans le caractère héréditaire de la maladie.

2- Conception pathogénique actuelle :

La conception actuelle reprend les schémas pathogéniques qui avaient été proposés 20 ans auparavant et qui mettaient la prolifération psoriasique sous la dépendance de facteurs immunologiques, en particulier des lymphocytes T.

On peut résumer ainsi la chaîne pathogénique :

– l’élément de base de la lésion psoriasique est une épidermopoïèse anormale ;

– elle s’accompagne d’anomalies (biochimiques et immunologiques) du kératinocyte ;

– ces anomalies kératinocytaires sont dues à des facteurs immunitaires, en particulier à des cytokines produites par le lymphocyte TCD4 ;

– les troubles immunologiques sont sous la dépendance de gènes de prédisposition et d’antigènes et/ou superantigènes qui stimulent les lymphocytes.

* Arguments en faveur de l’hypothèse lymphocytaire du psoriasis :

Jusqu’à ces dernières années, nous n’avions que des arguments indirects : présence de nombreuses anomalies immunitaires et surtout effet bénéfique des immunosuppresseurs, en particulier la ciclosporine, le tacrolimus, les anticorps anti-CD4 et les traitements par une toxine spécifique des récepteurs de l’IL2.

Les travaux expérimentaux récents ont apporté des arguments directs quant au rôle des lymphocytes dans la prolifération épidermique.

Ainsi, il a été démontré in vitro que les lymphocytes lésionnels avaient la capacité de faire proliférer les kératinocytes.

Plus intéressant encore, dans un modèle animal où la peau psoriasique non lésionnelle est greffée à la souris, l’injection de lymphocytes psoriasiques activés entraîne l’apparition et permet le maintien d’un phénotype psoriasique.

Bien que ces expériences soient complexes et sujettes à caution sous certains aspects, elles apportent des arguments importants quant à la production par les lymphocytes de cytokines à effet promitotique et pro-inflammatoire responsables des lésions psoriasiques.

Cependant, de nombreuses questions restent encore non résolues.

Quelle est la sous-population de cellules T impliquée ?

Quelles sont les cytokines en cause ?

Par quel antigène sont activées les cellules T ?

* Rôle des antigènes et des superantigènes :

La notion de psoriasis poststreptococcique a déclenché de nombreuses études quant au rôle des antigènes bactériens et, plus récemment, ont été impliqués les superantigènes.

Les antigènes classiques activent les lymphocytes T après interaction avec la région hypervariable du récepteur aboutissant au développement d’un clone de lymphocytes autoréactifs.

Les superantigènes sont capables d’activer les lymphocytes T exprimant une même région variable (V-bêta) du récepteur T aboutissant à l’activation d’un grand nombre de clones lymphocytaires.

Les diverses études concernant ces mécanismes sont discordantes puisque l’on trouve des arguments en faveur du rôle d’un superantigène (avec, en particulier, une expansion de lymphocytes T porteurs de la chaîne V-bêta-2 dans les lésions cutanées), mais également en faveur du rôle d’un autoantigène classique.

Il est possible que ces deux mécanismes soient complémentaires dans l’activation des lymphocytes T de la lésion psoriasique.

En fait, la question la plus importante, et qui n’est pas résolue, est de savoir quelle est la nature du matériel antigénique entraînant ces stimulations.

Certains auteurs insistent, comme cela avait été proposé auparavant, sur les similitudes antigéniques existant entre certaines protéines streptococciques et les kératines.

À côté des stimulations bactériennes, on peut également impliquer certains virus dans la stimulation antigénique et, tout récemment, la présence du génome de Papillomavirus (en particulier HPV5) a été démontrée dans les kératinocytes.

En outre, on insiste actuellement sur l’expression anormale de rétrovirus dans les maladies autoimmunes.

Le psoriasis peut être amélioré par les thérapeutiques utilisées lors de l’infection par le VIH et nous avions déjà proposé un rôle possible des rétrovirus endogènes transmis verticalement.

Au total, les concepts pathogéniques du psoriasis restent multiples mais les arguments sont de plus en plus nombreux pour soutenir le rôle prépondérant des lymphocytes T, sans pouvoir cependant éliminer le rôle d’autres facteurs dans la maladie.

En l’absence d’autoantigènes et d’autoanticorps spécifiques, nous ne pouvons affirmer avec certitude le caractère auto-immun de la maladie.

On peut espérer que la découverte des gènes en cause permettra des avancées décisives dans les toutes prochaines années.

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