Pseudopolyarthrite rhizomélique

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La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est une pathologie à bien connaître en raison du vieillissement actuel de la population.

En effet, il s’agit de l’un des plus fréquents rhumatismes inflammatoires chroniques du sujet âgé, source parfois de difficulté diagnostique, notamment en raison du fréquent début rhizomélique des polyarthrites rhumatoïdes du sujet âgé.

Pseudopolyarthrite rhizoméliqueSi la description clinique actuelle de la maladie reste très proche de celle initialement faite en 1953 par Forestier, la pseudopolyarthrite rhizomélique garde tout son mystère quant à sa pathogénie exacte (les travaux les plus récents ayant simplement souligné la possibilité d’une prédisposition génétique avec une plus grande fréquence du HLA-DR1 et HLA-DR4).

L’incidence annuelle de la maladie augmente avec l’âge.

Elle a été estimée à 10 cas pour 100 000 sujets tous âges confondus, et à 50 cas par an pour 100 000 sujets de plus de 50 ans.

Une étude française a ainsi évalué qu’un médecin généraliste avait en moyenne la possibilité de voir une maladie de Horton et une pseudopolyarthrite rhizomélique tous les 10 ans.

La pseudopolyarthrite rhizomélique s’observe presque uniquement après 50 ans avec un pic moyen de survenue d’environ 70 ans.

Il existe une nette prépondérance féminine (2 pour 1).

Elle intéresse surtout les sujets de race blanche, en particulier originaires d’Europe du Nord.

Diagnostic positif :

A – Circonstances de découverte :

1- Forme classique : rhumatisme inflammatoire des ceintures

La pseudopolyarthrite rhizomélique se caractérise par la survenue chez un sujet de plus de 50 ans de douleurs et d’un enraidissement de la ceinture scapulaire voire de la racine des membres inférieurs.

La symptomatologie apparaît sans facteur déclenchant précis.

Elle est rapidement progressive, en quelques jours voire quelques semaines.

La région scapulaire (douleurs des épaules) est atteinte dans 70 à 95 % des cas.

Les douleurs peuvent s’étendre au rachis cervical (existence de nucalgies).

Les hanches sont moins souvent concernées (50 à 70 % des cas).

Si les douleurs peuvent être unilatérales au début, elles deviennent rapidement bilatérales et grossièrement symétriques.

La tonalité des douleurs est de type inflammatoire, réveillant le patient la nuit, s’accompagnant d’une notion de dérouillage matinal.

Ces douleurs rhizoméliques s’inscrivent fréquemment dans un contexte d’altération de l’état général.

Cette dernière est importante dans un tiers des cas avec une asthénie inhabituelle, une anorexie, un amaigrissement de plusieurs kilogrammes, voire des sueurs nocturnes ou une fébricule.

2- Manifestations atypiques :

La pseudopolyarthrite rhizomélique peut s’accompagner de véritables arthrites périphériques (15 à 20 % des cas) ou plus souvent d’arthralgies, mais celles-ci sont volontiers fugaces et exceptionnellement inaugurales.

La possibilité de ténosynovites est encore plus rare avec parfois un oedème qui aux mains peut être responsable d’un syndrome du canal carpien. Les malades rapportent fréquemment des douleurs musculaires (deltoïdes, quadriceps…).

L’importance de ces myalgies peut parfois conduire à évoquer une maladie musculaire et notamment une polymyosite.

B – Examen clinique :

L’examen clinique est pauvre, contrastant avec l’importance de l’impotence fonctionnelle.

Il n’y a pas de signe physique inflammatoire aux épaules.

Si la mobilité active de celles-ci est réduite, surtout le matin, l’étude des mobilités passives ne retrouve aucune limitation importante.

La force musculaire est conservée malgré le caractère volontiers douloureux de la palpation des reliefs musculaires (deltoïdes, biceps, quadriceps).

L’examen clinique général est normal (absence d’adénopathie, d’hépatosplénomégalie…).

L’examen clinique doit rechercher de façon systématique des signes fonctionnels et physiques en faveur d’une maladie de Horton (céphalées, claudication intermittente de la mâchoire, hyperesthésie du cuir chevelu, anomalie de la palpation de l’artère temporale).

C – Principales anomalies biologiques :

1- Syndrome inflammatoire :

La pseudopolyarthrite rhizomélique s’accompagne en règle d’un important syndrome inflammatoire avec une vitesse de sédimentation globulaire le plus souvent supérieure à 50 mm à la 1re heure, parfois supérieure à 100 mm.

Le taux sérique de la protéine C-réactive est élevé dans la majorité des cas, de même pour les autres protéines de l’inflammation que sont le fibrinogène, l’haptoglobine, l’orosomucoïde.

L’électrophorèse retrouve une hyper-alpha-2 voire hypergammaglobulinémie polyclonale.

En pratique courante, il n’est pas nécessaire d’évaluer tous ces différents marqueurs de l’inflammation (on se contente de la mesure de la vitesse de sédimentation et du taux de protéine C-réactive).

Il existe cependant des pseudopolyarthrites rhizoméliques dites à vitesse de sédimentation normale (< 30 mm à la 1re heure).

Cela représenterait environ un cinquième des pseudopolyarthrites rhizoméliques et notamment chez l’homme.

Par contre, les cas de pseudopolyarthrites rhizoméliques avec vitesse de sédimentation normale et par ailleurs un taux non élevé de protéine Créactive seraient beaucoup plus rares (1 à 7 % des cas).

Comme lors de tout syndrome inflammatoire au long cours, on pourra constater une anémie à tendance microcytaire, une thrombocytose et une hyperleucocytose.

2- Présence d’anticorps anti-phospholipides :

Des anticorps anti-phospholipides sont retrouvés dans 20 % des cas de pseudopolyarthrite rhizomélique.

Leur recherche peut être utile dans certains cas diagnostiques difficiles.

Leur taux varie en fonction de la réponse clinique notamment sous traitement.

Leur valeur prédictive, quant à la survenue d’une maladie de Horton et de complications vasculaires, est très discutée.

3- Rechercher une cholestase anictérique :

Des perturbations hépatiques surviennent effectivement dans 20 à 30 % des cas de pseudopolyarthrite rhizomélique.

Il s’agit d’une cholestase isolée (augmentation des phosphatases alcalines et des gamma-GT sans augmentation des transaminases) ; celle-ci étant en règle rattachée à une angéite hépatique même en l’absence de maladie de Horton.

Ces anomalies biologiques régressent sous traitement.

4- Absence d’anomalie dysimmunitaire :

Les examens immunologiques sont normaux : absence de facteur rhumatoïde (réactions de Waaler-Rose et latex négatives), absence d’anticorps antinucléaire, absence d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles, absence d’anticorps anti-kératine.

Même s’il existe une prédominance des antigènes HLADR4 dans la pseudopolyarthrite rhizomélique, il n’est pas utile en pratique courante de déterminer le génotype HLA-DRB1 en cas de suspicion de pseudopolyarthrite rhizomélique.

5- Enzymes musculaires :

Les enzymes musculaires sont normales [créatine phosphokinase (CPK), lactic dehydrogenase (LDH), aldolases).

6- Analyse du liquide synovial :

En cas d’arthrite, l’analyse du liquide synovial permet d’en confirmer la nature inflammatoire avec en moyenne 1 000 à 20 000 cellules/mm3 dont 40 à 50 % de polynucléaires neutrophiles.

D – Radiographies standard et autres examens paracliniques :

Les radiographies standard notamment des épaules, du bassin et des hanches sont normales.

Les autres examens paracliniques ne montrent habituellement aucune anomalie spécifique (normalité de la scintigraphie osseuse au technétium, normalité de l’étude électromyographique voire de la biopsie musculaire…).

E – Critères diagnostiques :

Le diagnostic positif de pseudopolyarthrite rhizomélique repose donc sur un faisceau d’arguments notamment cliniques et biologiques.

Plusieurs propositions de critères diagnostiques ont été formulées mais aucune n’a été réellement validée.

Signalons celle de Bird en 1979 (à partir de 146 patients ayant une pseudopolyarthrite rhizomélique et 253 souffrant de pathologies dégénératives).

Diagnostic différentiel :

Deux diagnostics différentiels principaux sont à évoquer : la polyarthrite rhumatoïde (PR) du sujet âgé et la polyarthrite aiguë bénigne oedémateuse du sujet âgé (ou RS3PE syndrome = remitting symmetrical seronegative synovitis with pitting oedema).

A – Polyarthrite rhumatoïde du sujet âgé à début rhizomélique :

La polyarthrite rhumatoïde du sujet âgé a volontiers un début brutal avec une atteinte rhizomélique mais rarement totalement isolée.

En effet, on constate habituellement ou rapidement des arthrites périphériques notamment distales, aux mains (métacarpophalangiennes, interphalangiennes proximales).

Aux mains, l’amyotrophie rapide des interosseux est aussi un excellent signe en faveur d’une polyarthrite rhumatoïde débutante.

Sur le plan biologique, rappelons que la recherche d’un facteur rhumatoïde est volontiers négative au cours de la première année.

La présence d’anticorps anti-kératine sera plus spécifique d’une polyarthrite rhumatoïde débutante.

La recherche d’érosion débutante sur les radiographies standard notamment des pieds est aussi un excellent signe en faveur d’une polyarthrite rhumatoïde, mais rarement observé avant 12 à 18 mois d’évolution.

Dans nombre de cas, c’est uniquement en fonction de l’évolution notamment sous corticothérapie que le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde du sujet âgé sera évoqué.

B – Polyarthrite aiguë bénigne oedémateuse du sujet âgé :

Il s’agit en fait d’un véritable syndrome (par opposition à la pseudopolyarthrite rhizomélique).

Traitement :

Le traitement de la pseudopolyarthrite rhizomélique repose sur la corticothérapie.

A – Corticothérapie :

La prednisone (Cortancyl) ou prednisolone (Solupred) est utilisée par voie orale à la dose initiale de 15 à 20 mg/j et ce en une prise matinale.

Cette dose d’attaque sera maintenue en moyenne 4 à 6 semaines, en fait jusqu’à guérison clinique (l’efficacité est généralement spectaculaire en 48 à 72 h) et normalisation du syndrome inflammatoire.

Secondairement, on pourra effectuer une régression progressive des doses sous surveillance clinique et biologique (recherche de la dose minimale efficace).

Une réapparition des douleurs ou réascension du syndrome inflammatoire conduit à majorer la corticothérapie à la posologie antérieure.

Le traitement d’entretien (posologie habituellement de l’ordre de 10 à 15 mg/j) est volontiers maintenu pendant une douzaine de mois.

Puis une décroissance progressive de la corticothérapie est effectuée jusqu’à l’arrêt total. La durée moyenne totale de traitement est de l’ordre de 18 mois.

Compte tenu de la durée du traitement par corticoïdes chez des sujets âgés, il est indispensable de respecter les règles de prescription d’une corticothérapie au long cours.

L’apparente résistance aux corticoïdes devant un tableau de pseudopolyarthrite rhizomélique doit conduire à reconsidérer le diagnostic.

B – Autres traitements :

  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être efficaces sur les symptômes (au début) mais sont insuffisants pour contrôler la maladie.
  • En cas de contre-indication formelle aux corticoïdes, en cas de complication grave ou de corticodépendance, certains traitements de fond peuvent être envisagés mais leur efficacité est encore très controversée : il s’agit des antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine, Plaquenil) ou du méthotrexate (Novatrex).

La dapsone (Disulone) est fréquemment citée mais n’est plus réellement utilisée, n’ayant jamais confirmé son bon rapport efficacité/tolérance dans la pseudopolyarthrite rhizomélique et la maladie de Horton (risque notamment de méthémoglobinémie). Mentionnons la possibilité de traitement initialement par une infiltration cortisonique locale des épaules puis un relais soit par un traitement symptomatique, soit par un antipaludéen de synthèse.

Évolution :

A – Récidives :

Les récidives sont possibles mais rares.

Elles peuvent survenir quelques années après la guérison de la pseudopolyarthrite rhizomélique.

Elles conduisent à réenvisager un traitement à l’identique du premier épisode (avec souvent une corticothérapie qui sera plus prolongée encore).

B – Maladie de Horton :

La survenue d’une maladie de Horton est exceptionnelle.

On l’évoque surtout devant l’apparition de complications vasculaires face à un tableau clinique de pseudopolyarthrite rhizomélique et notamment une diminution de l’acuité visuelle, une paralysie oculomotrice…, cette maladie de Horton pouvant survenir même après initiation de la corticothérapie.

C – Affections néoplasiques :

Un certain nombre de tableaux cliniques de pseudopolyarthrite rhizomélique sont diagnostiqués de façon concomitante à une pathologie cancéreuse (tumeur solide, lymphome ou myélodysplasie).

Le traitement de la pathologie cancéreuse, lorsqu’il s’accompagne de la guérison de la symptomatologie rhizomélique, conduit à évoquer la possibilité de pseudopolyarthrite rhizomélique « paranéoplasique ».

D’un autre côté, quelques travaux récents ont mis en évidence une incidence un peu plus élevée de survenue d’affections néoplasiques chez des malades suivis et traités pour une pseudopolyarthrite rhizomélique (relançant l’idée d’un possible syndrome réellement paranéoplasique alors que cette notion était plutôt combattue ces dernières années).

Au total, chez un sujet âgé, on s’attachera toujours devant un tableau clinico-biologique de pseudopolyarthrite rhizomélique à rechercher une néoplasie profonde, et on s’interrogera sur la survenue d’un tel événement face à une pseudopolyarthrite rhizomélique ne répondant que trop partiellement à la corticothérapie ou devant la persistance d’un syndrome inflammatoire, d’une anémie, d’une asthénie…

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