Prurit

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Introduction :

Le prurit constitue un des signes cardinaux de la dermatologie.

PruritIl est le seul signe fonctionnel spécifique de cette spécialité. Le prurit peut être défini comme « une sensation déplaisante qui provoque le désir de se gratter ».

Les anglophones possèdent deux mots équivalents à prurit en français : itch désigne un prurit associé à une maladie cutanée alors qu’aucune dermatose n’est associée au pruritus.

En pratique, les deux mots sont souvent employés comme synonymes. Le prurit n’est pas une douleur a minima ; il s’oppose d’ailleurs sur bien des points à la douleur.

Il existe néanmoins des sensations intermédiaires entre le prurit et la douleur, comme les paresthésies.

Le prurit peut survenir au cours de nombreuses circonstances : maladies cutanées inflammatoires, accumulation de toxines (prurit cholestatique ou urémique), maladies générales (hémopathies, maladies endocriniennes, etc).

Il peut être induit par des agents exogènes (produits chimiques, médicaments).

Il peut être uniquement neurogénique ou psychogénique. Il peut être aigu ou chronique.

L’appréciation de son intensité est difficile. Au même titre que la douleur ou l’asphyxie, il peut être à l’origine d’une souffrance importante.

Les thérapeutiques actuelles ne sont pas toujours pleinement efficaces.

Physiopathologie :

La sensibilité cutanée est liée aux fibres C et Aä du système nerveux dit sensitif ou somatique.

Au niveau cellulaire, elle est liée à l’activation des neurones en réponse à des stimuli extérieurs de toute nature.

Les cellules activées connaissent des modifications des champs électriques de leur membrane et produisent des neuromédiateurs (substance P et autres).

L’information est reçue au niveau d’un récepteur puis elle est transmise aux ganglions sensitifs et à la moelle épinière.

Elle remonte par les faisceaux spinothalamiques jusqu’au thalamus grâce à un deuxième neurone.

Un troisième neurone conduit alors l’information jusqu’au cortex temporal.

À tous les niveaux, il existe un contrôle dit « de porte » par des interneurones et un autocontrôle.

Les mécanismes du prurit sont moins bien connus que ceux de la douleur.

L’existence d’un récepteur spécifique du prurit est discutée.

Des récepteurs spécifiques de type C ont toutefois été décrits.

Le prurit semble naître dans les terminaisons nerveuses libres épidermiques ou sous-épidermiques.

Il est ensuite conduit par les fibres Aä et surtout C, puis suit les voies habituelles de la sensibilité, transmis par l’influx nerveux et les neuromédiateurs.

L’intégration centrale est importante mais le centre du prurit n’est pas clairement identifié.

Un contrôle de porte existe probablement à différents niveaux, comme pour la douleur.

D’ailleurs, le prurit sénile, mais peut-être aussi le prurit diabétique et certains prurits neurologiques, semblent être liés à une désafférentation.

L’histamine est loin d’être le seul médiateur impliqué dans le prurit.

Elle peut même ne pas intervenir du tout dans certains prurits.

Ceci explique pourquoi les antihistaminiques ne sont pas toujours efficaces.

La substance P, la sérotonine et les prostaglandines sont aussi importantes que l’histamine.

Le rôle d’autres neuromédiateurs, comme la somatostatine, le CGRP (calcitonin gene-related peptide) et le VIP (vasoactive intestinal peptide), est aussi suspecté. Les morphiniques naturels (ou exogènes) peuvent induire un prurit.

Récemment, il a été démontré que le prurit pouvait être induit par des cytokines telles que l’interleukine 2 et l’interféron á, et d’ailleurs calmé par des substances comme la ciclosporine.

Certaines protéases (trypsine, papaïne) ou kinines (kallicréine, bradykinine) peuvent être pruritogènes.

Exploration fonctionnelle :

L’exploration fonctionnelle du prurit est difficile mais pourtant indispensable dans l’évaluation clinique et thérapeutique.

Actuellement, il n’existe pas de modèle in vitro de prurit.

L’appréciation du prurit passe donc par des modèles in vivo, humains ou animaux.

Elle est basée sur le ressenti du patient ou sur la mesure des mouvements de grattage.

A – INDUCTION EXPÉRIMENTALE DU PRURIT :

Le prurit est induit expérimentalement par l’injection dans le derme d’histamine, de sérotonine, de substance P, de composé 48/80, de kallicréine, de bradykinine, de papaïne ou de trypsine ou par l’injection intraveineuse de morphiniques ou d’interleukine 2.

Le prurit peut aussi être induit par de faibles courants électriques mais ceux-ci induisent souvent une douleur ou des paresthésies plutôt qu’un prurit.

Ils peuvent même inhiber un prurit par stimulation de fibres afférentes.

L’esthésiomètre, constitué de fibres de Nylont de différents calibres, est un nouveau moyen d’induire un prurit.

La stimulation est obtenue en appliquant les fibres de Nylont sur la peau.

B – ASPECTS QUALITATIFS DU PRURIT :

Il n’existe pas de questionnaire standardisé sur le prurit comme pour la douleur.

L’appréciation des aspects qualitatifs du prurit est donc basée sur les classiques examen clinique et interrogatoire.

L’examen clinique montre les lésions de grattage (nombre, profondeur, localisation, disposition), des papules ou des nodules de prurigo, des lésions de dermographisme, des lichénifications.

Des signes cutanés ou généraux associés vont guider le diagnostic étiologique.

Un aspect vernissé des ongles est en faveur d’un prurit ancien et intense.

L’interrogatoire doit essayer de bien discriminer ce qui est vraiment du prurit de ce qui correspond à des paresthésies ou des dysesthésies.

Il doit préciser les caractères du prurit :

– date et mode de début (brutal ou progressif) ;

– facteurs déclenchants (stress, irritants, etc) ; – évolution (aiguë, paroxystique ou chronique) ;

– chronologie (heure de la journée, période de l’année) ;

– intensité (gêne dans le travail, la vie quotidienne, la vie affective ou le sommeil) ;

– topographie et extension ;

– facteurs aggravants (hypersudation, sport, bains, douches, repas) ou calmants (froid, détente) ;

– contexte associé (maladies, toxiques) ;

– liens avec signes objectifs (avant, pendant ou après signes cutanés) ;

– existence ou non d’un prurit collectif ;

– effets des traitements.

C – MESURE DE L’INTENSITÉ DU PRURIT :

L’intensité du prurit ne peut être appréciée que par l’interrogatoire du patient.

L’appréciation par un observateur est une mauvaise méthode. La mesure de l’intensité du grattage n’est que le reflet indirect du prurit.

La mesure de l’intensité du prurit est difficile car subjective, impossible pendant le sommeil et dépendante des conditions expérimentales (profondeur de l’injection d’un produit par exemple).

Plusieurs méthodes d’évaluation de l’intensité du prurit ont néanmoins été proposées.

Elles s’inspirent des échelles d’évaluation de la douleur.

Il existe aussi des techniques d’enregistrement du prurit.

Le prurit est induit puis le patient indique ce qu’il ressent grâce à un crayon ou un bouton relié à un potentiomètre.

Ceci est transcrit sur un graphique en fonction du temps, sur du papier millimétré.

D – MESURE DE L’INTENSITÉ DU GRATTAGE :

L’appréciation du prurit par le grattage est beaucoup utilisée chez l’homme ou chez l’animal, mais a ses limites.

Un prurit faible n’entraîne pas de grattage en dessous d’un seuil variable d’un sujet à l’autre.

Des paresthésies, des dysesthésies et même la douleur peuvent induire le grattage.

La présence de sondes à la surface du tégument peut être source de prurit ou gêner les mouvements.

L’intensité du grattage peut être appréciée indirectement par le nombre et la taille d’excoriations, de lésions de prurigo ou de lésions de dermographisme.

Mais elle est en général évaluée par l’observation de l’acte de se gratter, de préférence sur un enregistrement vidéo.

L’enregistrement du grattage est difficile car il s’agit d’une activité par définition irrégulière.

La durée, la fréquence, l’intensité, la direction, l’amplitude et la localisation des actions de grattage sont très variables.

Il est difficile de séparer un acte de grattage du suivant.

Plusieurs dispositifs ont néanmoins été inventés afin de mesurer un ou plusieurs paramètres.

Prurits dermatologiques :

Ce sont les prurits liés à une maladie cutanée.

En présence de lésions cutanées, le patient ressent souvent un prurit ou l’induit par le grattage, même s’il ne souffre pas d’une dermatose réputée pruritogène, comme l’acné par exemple.

Le prurit est alors essentiellement psychogène.

Le psoriasis n’induit classiquement pas de prurit. Néanmoins, les psoriasiques se plaignent souvent de démangeaisons, surtout lorsque le facteur psychogène est prédominant ou dans certaines localisations (cuir chevelu, organes génitaux).

La frontière entre dermatose et neuropathie n’est parfois pas claire, comme par exemple dans le prurigo nodulaire ou le prurit aquagénique.

Dans ce chapitre, les différents prurits dermatologiques ne seront pas traités en détail, car chaque étiologie fait l’objet d’un chapitre spécifique dans le traité.

Le diagnostic est en général posé grâce à l’interrogatoire et l’examen clinique et, parfois, grâce à une biopsie.

Une immunofluorescence directe et indirecte est nécessaire devant des lésions bulleuses. Des immunomarquages sont utiles en cas de suspicion de lymphome.

Prurits non dermatologiques :

L’interrogatoire est souvent suffisant pour identifier une cause possible mais un bilan étiologique est parfois nécessaire.

A – CAUSES MÉDICAMENTEUSES :

Face à un prurit isolé, le premier réflexe doit être de rechercher une cause médicamenteuse.

Le prurit sans véritable toxidermie associée peut apparaître plusieurs mois ou même années après l’introduction du traitement.

Il peut disparaître plusieurs semaines après l’arrêt du traitement incriminé.

Les mécanismes physiopathologiques sont assez mal connus : cholestase, activation des mastocytes ou des fibres nerveuses.

B – PRURIT URÉMIQUE :

Il est lié à une insuffisance rénale chronique mais pas aiguë.

Il serait présent chez 40 à 85 % des hémodialysés.

Il n’y a pas de facteur favorisant connu et son origine reste mystérieuse, probablement non univoque (xérose ? accumulation de métabolites dans la peau et/ou les fibres nerveuses ? hyperparathyroïdisme secondaire ?).

Il est le plus souvent paroxystique. Il est localisé une fois sur deux.

Il disparaît après tranplantation rénale et, occasionnellement, après dialyse.

Le traitement est difficile.

Érythopoïétine, émollients, antihistaminiques, cholestyramine ou héparine donnent des résultats très décevants. Le charbon activé à 6 g par jour serait efficace.

Les rayonnements ultraviolets B (UVB) permettent souvent une diminution du prurit mais leur utilisation doit être limitée chez ces patients immunodéprimés par l’insuffisance rénale et d’éventuels traitements immunosuppresseurs.

C – PRURIT CHOLESTATIQUE :

Le prurit est un signe précoce de cholestase chronique et précède parfois de plusieurs années les autres signes, cutanés ou non, des hépatopathies.

Il prédomine sur les extrémités et les zones de frottement, s’intensifie la nuit et s’accompagne souvent d’une pigmentation cutanée respectant la zone médiodorsale.

Le diagnostic est aisé par le dosage des phosphatases alcalines, de la ç-glutamyl-transférase, du cholestérol et de la bilirubine.

On suppose que le prurit serait lié à l’accumulation de sels biliaires induisant une production exagérée d’opiacés d’origine hépatique.

Les plus fréquemment rencontrées sont l’hépatite C, les hépatites médicamenteuses et la grossesse.

Il faut noter que la cirrhose éthylique et l’hémochromatose ne donnent habituellement pas de prurit.

En plus du traitement de l’étiologie, la cholestyramine (Questran) est le traitement de référence, à la dose de trois sachets par jour. Une amélioration est obtenue en 3-4 jours.

Le traitement est contreindiqué en cas d’obstruction complète des voies bilaires.

Les effets secondaires sont nombreux.

La rifampicine, en tant qu’inducteur enzymatique, est aussi utile.

On peut aussi préconiser les barbituriques ou surtout la naloxone et la photothérapie.

D – PRURITS HÉMATOLOGIQUES :

1- Lymphomes :

Le prurit généralisé est un signe classique (30 % des patients) et précoce des lymphomes, en particulier de la maladie de Hodgkin.

Il est souvent plus intense la nuit et est souvent classé à tort comme prurit psychogène ou prurigo nodulaire et serait de mauvais pronostic.

Il peut aussi exister au cours d’autres lymphomes ou gammapathies.

Au cours des lymphomes épidermotropes, il est sévère et associé à des signes cutanés typiques.

2- Maladie de Vaquez :

Au cours de cette polyglobulie comme au cours de polyglobulies bénignes, le prurit existe dans 70 % des cas.

Il prend souvent mais pas toujours la forme d’un prurit aquagénique ou lié à la chaleur. Il peut précéder le diagnostic de plusieurs années.

Il peut être lié à la sécrétion de sérotonine et de prostaglandines mais aussi à une carence relative en fer. Le traitement est étiologique mais aussi symptomatique par l’aspirine, l’interféron alpha ou la PUVA thérapie.

3- Mastocytose :

Les mastocytoses cutanées et systémiques peuvent s’accompagner de prurit, même en l’absence de lésion spécifique, du fait de la libération de nombreux médiateurs, en particulier de l’histamine.

Le traitement est donc représenté par les antihistaminiques.

E – PRURITS PARANÉOPLASIQUES :

Les prurits peuvent aussi être associés à des cancers « solides ».

Le prurit est cependant rare au cours de cancers (0,67 %).

Il est observé au cours de cancers bloquant les voies biliaires, primitifs (digestifs) ou secondaires. Les tumeurs cérébrales peuvent s’accompagner d’un prurit généralisé ou, curieusement, limité au nez. Les carcinomes du poumon anaplasiques à petites cellules peuvent exceptionnellement être à l’origine d’un prurit, par la sécrétion inappropriée de parathormone (PTH).

Le syndrome des néoplasies endocriniennes multiples de type 2 peut être associé à un prurit localisé (amyloïdose cutanée ou notalgie paresthésique).

Un prurit généralisé a été observé au cours de tumeurs carcinoïdes, cancers du sein, de la prostate, de l’utérus ou de la thyroïde, mais il s’agit de cas isolés et on ne peut exclure une simple coïncidence.

F – PRURITS ENDOCRINIENS :

1- Grossesse :

Le prurit gravidique est souvent associé à la cholestase et bénin, bien qu’invalidant.

Il est surtout présent en fin de grossesse et guérit quelques jours après l’accouchement.

Il peut s’accompagner d’un ictère dans 10 % des cas.

Exceptionnellement, il peut s’associer à une carence d’absorption en vitamine K, pouvant conduire à des hémorragies chez la mère et le nouveau-né.

Un prurit de ce type peut aussi être observé lors de la prise d’oestroprogestatifs ou lors du syndrome prémenstruel.

Le prurigo gravidique peut perdurer plusieurs mois après l’accouchement.

Ses causes ne sont pas claires.

Un prurit peut être le premier signe d’une dermite papuleuse et prurigineuse de la grossesse ou d’une pemphigoïde gestationis.

2- Maladies thyroïdiennes :

L’hyperthyroïdie (essentiellement maladie de Basedow) s’accompagne d’un prurit dans 10 % des cas.

Il peut être isolé ou associé à une urticaire.

L’hypothyroïdie peut s’accompagner d’un prurit lié à la sécheresse cutanée.

3- Diabète :

C’est une cause classique mais finalement rare de prurit sine materia généralisé.

Il serait plutôt associé à des hyperglycémies modérées.

Des démangeaisons localisées liées à une candidose semblent plus fréquentes.

4- Maladies parathyroïdiennes :

Hyper- et hypoparathyroïdie peuvent être associées à un prurit.

G – PRURITS D’ORIGINE MÉTABOLIQUE :

Le prurit associé à une hypercalcémie survient généralement dans un contexte d’hyperparathyroïdie alors que celui lié à l’hyperuricémie est en fait toujours lié à une hémopathie.

La carence en fer est une cause relativement fréquente de prurit, généralisé ou anogénital.

Le prurit précède ou accompagne l’anémie.

H – PRURITS NEUROLOGIQUES :

Plusieurs maladies du système nerveux central peuvent donner lieu à un prurit : tumeurs cérébrales, sclérose en plaques, accidents vasculaires cérébraux et anévrismes, abcès cérébraux, lésions ou compressions médullaires.

Au cours de la notalgie paresthésique, il existe un prurit et/ou des paresthésies localisés dans le dos. Des atteintes similaires ont été décrites dans d’autres régions, comme par exemple la cruralgie paresthésique.

I – PRURITS D’ORIGINE INFECTIEUSE :

Au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficence humaine (VIH), le prurit est un signe fréquent, isolé ou associé à des signes cutanés variés. Un prurit isolé doit faire rechercher systématiquement une infection par le VIH.

Un prurit isolé ou seulement associé à une hyperéosinophilie doit faire rechercher une parasitose : anguillulose, filariose, ascaridiose, oxyurose, trichocéphalose, trichinose, larva migrans, distomatose, bilharziose, échinococcose, kyste hydatique, tæniase.

J – PRURIT AQUAGÉNIQUE :

Il survient 1 à 5 minutes après le contact avec l’eau.

Il dure 10 à 120 minutes et peut être intense.

L’examen ne retrouve aucun signe objectif (à la différence de l’urticaire aquagénique).

Il peut être isolé (prurit cholinergique) ou associé à une polyglobulie, à un syndrome hyperéosinophilique ou à une leucémie lymphoblastique ou à une myélodysplasie ; ces hémopathies pouvant se révéler des années après le début du prurit.

L’alcalinisation de l’eau peut être utile (25 à 200 g de bicarbonate de soude dans une baignoire).

Il peut être traité par anti-H1, UVB, UVA, aspirine, propanolol ou capsaïcine topique.

K – PRURIT SÉNILE :

Ce diagnostic est posé chez un sujet de plus de 70 ans, après avoir éliminé toutes les autres causes.

Le prurit est déclenché par les stimulus habituels (chaleur, laine, etc) ou permanent.

Sa physiopathogénie est discutée : sécheresse cutanée ?

Désafférentation ?

Accumulation de déchets métaboliques dans la peau ou les nerfs ?

Son traitement est pratiquement impossible, alors que son retentissement physique (prurigo) ou psychique (dépression) peut être très important.

L – PRURIT PSYCHOGÈNE :

Ce diagnostic doit être posé après élimination de toute cause organique et avec des éléments cliniques en faveur d’un trouble psychiatrique.

Il doit être systématiquement évoqué avec le patient, qui a souvent une opinion justifiée ou non mais toujours intéressante.

Le prurit psychogène peut être isolé, associé à une carence affective, et parfois à des signes de dépression ou, plus rarement, d’hypocondrie, d’anorexie mentale, d’hystérie ou de psychose. Un traitement par hydroxyzine ou doxépine est souvent efficace.

On peut y associer des émollients ou apprendre au patient à remplacer le geste de grattage par l’application d’un antiprurigineux. Une psychothérapie ou un traitement psychotrope peuvent être entrepris.

Quoi qu’il en soit, il existe une composante psychique pour tout prurit, organique ou non, dans la mesure où le vécu d’un prurit est très variable d’un sujet à l’autre et souvent sans rapport avec l’intensité supposée en fonction de l’étiologie.

Bilan étiologique :

Dans la mesure du possible, le bilan étiologique doit être orienté par les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique.

Cependant, il arrive assez souvent que le clinicien n’ait aucune piste ou qu’il souhaite éliminer toute cause organique avant de poser le diagnostic de prurit psychogène.

Un bilan biologique standard est proposé.

Traitement :

A – TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE :

Dans la mesure du possible, il faut bien entendu supprimer la cause du prurit.

Il faut aussi éviter tout ce qui peut favoriser l’apparition ou l’exacerbation du prurit.

Pour la toilette, il faut préférer les douches courtes aux bains, éviter les détergents et les savons acides et privilégier les savons surgras ou alcalins.

Des émollients doivent être appliqués après la toilette et les applications peuvent être renouvelées dans la journée.

Le coton est mieux adapté que d’autres textiles, en particulier la laine. Les vêtements trop serrés ou trop chauds doivent être évités.

Les excitants (alcool, café, thé, épices), les boissons chaudes et les fruits acides favorisent aussi le prurit. Afin d’éviter les lésions de grattage, les ongles doivent être coupés courts.

B – TRAITEMENTS LOCAUX :

Les antiprurigineux locaux apportent souvent un soulagement temporaire mais appréciable.

En cas de prurit paroxystique, il faut apprendre au malade à remplacer le grattage par leur application, ce qui peut permettre de casser le cercle vicieux pruritgrattage- prurit. L’eau fraîche est le plus simple des antiprurigineux locaux.

Des préparations magistrales à base de camphre, de menthol ou de phénol peuvent être prescrites, ainsi que des produits commercialisés (Gel fluide de Calaminet, Sédaxt, Sédagelt, Trixerat, etc).

Ces produits contiennent souvent du glycocolle ou des acides gras essentiels.

La capsaïcine est très efficace.

Elle n’est pas encore commercialisée en France mais des préparations magistrales sont possibles. Les premières applications sont un peu douloureuses mais la sédation est obtenue en quelques jours.

La doxépine, par son action antihistaminique et anticholinergique, est aussi efficace.

Pour l’instant, cet antidépresseur n’est pas encore commercialisé en France sous forme topique (préparation magistrale à 5 %).

Les corticoïdes locaux sont essentiellement efficaces sur les lésions inflammatoires mais peuvent être utiles dans tous les types de prurit. Leur utilisation doit toutefois être limitée dans le temps et l’espace.

Les UVA ou B ont une action antiprurigineuse dans des circonstances très variées.

Les séances doivent être suivies de l’application d’émollients car la xérose suivant la PUVAthérapie ou l’UVB-thérapie est une cause classique de prurit.

C – TRAITEMENTS GÉNÉRAUX :

L’histamine étant un des principaux médiateurs du prurit, les antihistaminiques sont les médicaments les plus utilisés.

Néanmoins, ils sont partiellement ou totalement inefficaces sur certains prurits.

Ceux qui sont spécifiques des récepteurs H1 sont indiqués, les anti-H2 pouvant être toutefois utiles, à la différence des anti-H3.

Les anti-H1 de première génération sont sédatifs, alors que ceux de deuxième génération ne le sont pas. Néanmoins, ceux de première génération sont particulièrement indiqués en cas de composante psychogène.

Les antihistaminiques sont très bien tolérés. Ceux qui ont une action anticholinergique sont contre-indiqués en cas de glaucome ou d’adénome prostatique.

Certains antihistaminiques non sédatifs (floxafédine ?, mizolastine) peuvent allonger l’espace QT à l’électrocardiogramme (ECG).

Ils sont donc contre-indiqués chez les sujets qui ont des troubles du rythme et la coprescription avec des inducteurs ou des inhibiteurs enzymatiques doit être évitée.

Pour l’instant, il n’est pas recommandé de faire un ECG systématique, même chez les sujets âgés. Plusieurs psychotropes ont une action antiprurigineuse, qu’ils soient neuroleptiques (butyrophénone), anxiolytiques (hydoxyzine), antidépresseurs (doxépine, fluoxétine), barbituriques (phénobarbital).

La naloxone, antagoniste des opiacés, est essentiellement utilisée dans les prurits d’origine hépatique.

Les antagonistes des récepteurs de type 3 de la sérotonine ont un intérêt dans les prurits d’origine rénale.

L’acupuncture, l’autohémothérapie, la crénothérapie, les techniques de relaxation, les psychothérapies (psychanalyse, psychothérapie de soutien ou comportementale) ou même les placebos ont parfois un effet remarquable. Dans tous les cas, il est important d’écouter le patient et de démonter le cercle vicieux prurit-vécu anxiogène ou dépressogène-prurit.

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