Diagnostic et conduite à tenir devant une prothèse de genou douloureuse

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Généralités :

Le bénéfice principal d’une prothèse totale de hanche (PTH) est la disparition quasi complète des douleurs, qu’elles soient d’origine mécanique ou inflammatoire.

La douleur est en effet la première raison de cette intervention chirurgicale et son amélioration ou sa disparition le principal espoir du patient.

La preuve en est la place importante de la douleur dans les différentes échelles de cotation des résultats d’une PTH.

Le chirurgien, le médecin, le rééducateur doivent s’inquiéter quand une hanche opérée d’une PTH reste ou redevient douloureuse.

Il ne faut pas, malgré tout, attribuer à la prothèse toutes les douleurs dont se plaint le patient.

Nous étudierons successivement l’évolution et les causes des douleurs après une PTH, ainsi que la conduite à tenir quand elle reste ou redevient douloureuse.

Évolution de la douleur après mise en place d’une prothèse totale de hanche :

Après la période douloureuse postopératoire, qui peut durer plusieurs semaines, la douleur diminue progressivement.

Dans mon expérience, certains patients voient leur douleur disparaître en 15 jours à 3 semaines et retrouvent une activité quasi normale très rapidement.

D’autres, les plus nombreux, ont une certaine gêne fonctionnelle qui dure plus longtemps, souvent autour de 3 mois, obligeant les opérés à conserver une canne.

Il s’agit très souvent d’une douleur au démarrage (douleur de dérouillage) ou d’une douleur à la marche prolongée.

Cette gêne persistante peut être mise sur le compte de la cicatrisation des parties molles, mais aussi sur une adaptation de l’os au matériel étranger que constitue la prothèse.

En effet, la mise en place d’une prothèse nécessite le creusement du cotyle et la préparation du fémur qui mettent un certain temps à cicatriser.

Diagnostic et conduite à tenir devant une prothèse de genou douloureuse

Dans plus de 95 % des cas, la douleur a disparu plus ou moins complètement au bout de 3-4 mois, permettant au patient de reprendre une activité quasi normale pour son âge, en dehors d’une certaine fatigabilité à l’effort.

Qu’en est-il des 5 % restants ? Un certain nombre de patients a une évolution plus lente sans que l’on puisse en déceler la cause exacte.

Mais à la longue, parfois en 6 mois, 1 an, tout rentre dans l’ordre.

Malheureusement, environ 1 à 2% des patients voient leur douleur persister, ce qui en général traduit une complication précoce.

En général, l’amélioration apportée par la PTH persiste pendant de nombreuses années. Dans quelques cas, la douleur réapparaît, soit progressivement, soit brutalement, ce qui traduit habituellement une complication secondaire.

Étiologie d’une douleur après prothèse totale de hanche :

A – MOYENS DIAGNOSTIQUES :

L’essentiel des renseignements concernant les douleurs après PTH est obtenu par l’interrogatoire et l’examen clinique.

Ce sont eux qui orientent les examens complémentaires nécessaires au diagnostic étiologique.

1- Interrogatoire :

Il permet de préciser l’importance de la douleur, son rythme, sa localisation, les circonstances déclenchantes, l’efficacité des indications, etc.

Les douleurs peuvent être sourdes, permanentes, ou au contraire aiguës, transitoires.

L’utilisation d’une échelle validée d’appréciation de la douleur (EVA [échelle visuelle analogique], EVS [échelle visuelle spécialisée]) est importante pour apprécier la gêne fonctionnelle, mais aussi pour en suivre l’évolution.

Il est très important de faire préciser le siège de la douleur.

Il est habituel de dire qu’une douleur localisée à l’aine est en rapport avec la pièce cotyloïdienne de la prothèse, qu’une douleur de cuisse est en rapport avec la pièce fémorale.

Mais il existe de nombreuses autres localisations : face externe de la cuisse, région sacro-iliaque, région des adducteurs, région lombaire haute et basse, sans parler des douleurs projetées au genou, voire même au pied.

L’interrogatoire permet de différencier les douleurs inflammatoires qui sont souvent sourdes, permanentes, existant aussi bien au repos qu’à la marche, voire même la nuit, et les douleurs mécaniques qui n’apparaissent que lorsque le patient utilise sa prothèse.

Il permet aussi de préciser s’il s’agit d’une douleur bien localisée, survenant toujours au même endroit, ou bien de douleurs plus diffuses, variables dans leur intensité et leur localisation.

2- Examen clinique :

Il est aussi très important.

Il comprend :

– la palpation de la cicatrice et de la zone cutanée environnante.

La cicatrice peut être inflammatoire, douloureuse, voire, mais rarement, chéloïde.

La voie d’abord antérieure est souvent plus douloureuse que les voies d’abord externe ou postérieure. La voie d’abord antérieure peut entraîner des méralgies paresthésiques par atteinte d’une branche du fémorocutané ;

– on palpe ensuite les différents groupes musculaires de la hanche : la région fessière latérale et postérieure, l’insertion des muscles fessiers sur le grand trochanter ou sur la crête iliaque, la région des adducteurs, la face antérieure et latérale de la cuisse, mais aussi la région lombaire, à la recherche de points douloureux précis, d’une contracture ;

– la mobilité de la hanche doit être examinée pour rechercher une limitation de l’amplitude articulaire, une douleur provoquée lors de certains mouvements, en particulier les mouvements d’adduction et de rotations.

Cependant, il ne faut pas trop compter sur la douleur provoquée lors de la mobilisation de la hanche pour rapporter avec certitude la douleur à la prothèse ;

– l’existence ou non de douleurs lors de l’appui monopodal peut orienter vers une cause mécanique plutôt ;

– on recherche aussi l’existence d’une douleur par la percussion du talon, genou étendu.

Si cette manoeuvre réveille des douleurs, en particulier inguinales, elles peuvent traduire une mobilisation du cotyle ;

– enfin, un examen neurologique de tout le membre est nécessaire, à la recherche d’un déficit sensitif, moteur ou réflexe.

3- Examens complémentaires :

L’interrogatoire et l’examen clinique orientent la demande d’examens complémentaires.

Dans tous les cas, une radiographie de face et de profil de la hanche opérée, prenant toute la tige fémorale, est indispensable et souvent suffisante pour condamner ou innocenter la prothèse.

Il faut savoir que la lecture des radiographies numériques est plus difficile que celle des radiographies analogiques (image de bord, agrandissement différent, etc).

Pour une bonne interprétation des signes radiologiques, il est le plus souvent indispensable de comparer des radiographies successives.

Les autres examens complémentaires : scintigraphie, imagerie plus complexe (scanner, arthroscanner, etc), électromyographie, examens biologiques, ne sont demandés que si la radiographie standard ne permet pas de retrouver la cause de la douleur.

B – DIFFÉRENTES ÉTIOLOGIES DE LA DOULEUR :

Il existe cinq grandes causes de douleurs après la mise en place d’une PTH :

– les douleurs en rapport avec la voie d’abord ;

– les douleurs dues à la prothèse elle-même ;

– les douleurs dues aux structures musculotendineuses périarticulaires ;

– les douleurs projetées du rachis lombaire ;

– les douleurs « neuropathiques ».

1- Douleurs en rapport avec la voie d’abord :

Les voies d’abord de la hanche peuvent être :

– antérieures pures, passant entre le couturier et le tenseur du fascia lata.

Elles exposent à une lésion du nerf ou d’une branche du nerf fémorocutané pouvant entraîner une méralgie paresthésique.

L’atteinte du nerf crural est tout à fait exceptionnelle ;

– externes, passant dans les muscles fessiers ou par trochantérotomie.

Elles exposent à des douleurs trochantériennes qui peuvent être en rapport avec une pseudarthrose du grand trochanter (après trochantérotomie) ou une bursite autour des fils qui fixent la trochantérotomie.

On peut aussi voir des douleurs à l’insertion des fessiers sur le grand trochanter lors des voies d’abord transfessières.

Ces douleurs ont toujours une localisation très précise, avec des douleurs provoquées à la palpation du grand trochanter, surtout lors des mouvements de rotations de la hanche ;

– postérieures ou postéroexternes, passant en arrière de l’éventail fessier.

Elles peuvent également entraîner des douleurs de la face externe du grand trochanter, comme les voies d’abord externes, mais un peu moins fréquemment.

Surtout, elles peuvent entraîner des lésions du nerf grand sciatique et plus rarement petit sciatique.

Quelle que soit la voie d’abord, il faut rapprocher des douleurs cicatricielles les douleurs entraînées par les ossifications périarticulaires.

L’étiologie de ces ossifications est un peu mystérieuse, mais elles sont plus fréquentes sur certains terrains (homme, coxarthrose hyperostosante, maladie de Forestier).

Elles peuvent être limitées ou étendues (la classification la plus employée est celle de Brooker)(1).

Elles se traduisent par des douleurs mal localisées autour de la hanche, plutôt inflammatoires que mécaniques.

Elles sont en général bien calmées par les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS).

Ces douleurs apparaissent rapidement après l’intervention et peuvent persister plusieurs mois, parfois 1 à 2 ans.

Le plus souvent, elles finissent par disparaître et ne nécessitent qu’exceptionnellement l’ablation des calcifications.

Il est rare, sauf dans le stade 4, qu’elles limitent la mobilité de la hanche.

Les ossifications sont visibles sur les radiographies standards : au début sous forme d’une opacité plus ou moins diffuse dans les muscles fessiers, puis elles deviennent plus nettes, plus localisées.

La scintigraphie au technétium montre une hyperfixation périarticulaire.

Un traitement préventif doit être envisagé devant un terrain prédisposant.

Les AINS et la radiothérapie sont efficaces.

En revanche, une fois les calcifications apparues, leur traitement est assez aléatoire.

Rares sont les chirurgiens qui soumettent tous leurs patients à un traitement préventif systématique, en particulier par les AINS, car ceux-ci ne sont pas dénués de tout risque dans la période postopératoire immédiate.

Il est très rare que l’ablation des calcifications soit nécessaire.

Quoi qu’il en soit, il ne faut réintervenir que lorsqu’il n’y a plus d’hyperfixation à la scintigraphie, c’est-à-dire pas avant 6 mois à 1 an.

Le risque de récidive est de l’ordre de 30 %.

2- Douleurs dues à la prothèse elle-même :

Si elles ne sont pas les plus fréquentes, ce sont celles auxquelles le chirurgien, le médecin et le patient doivent penser en premier.

Elles peuvent traduire une infection, un descellement aseptique, ou plus rarement actuellement une réaction anormale de l’os à la prothèse.

* Infection d’une prothèse totale de hanche :

Elle peut être de trois types : postopératoire aiguë, secondaire et tardive.

+ Infection aiguë postopératoire :

Le tableau de l’infection aiguë postopératoire est celui d’un phlegmon des parties molles périarticulaires.

Comme toute infection, elle se traduit par des signes généraux infectieux graves, et localement par une rougeur, un oedème de la zone opérée et des douleurs à toute tentative de mobilisation de la hanche.

Les signes biologiques (leucocytes, vitesse de sédimentation, C reactive protein [CRP]) sont tous en faveur de l’infection.

Ce tableau apparaît dans les suites opératoires précoces, c’est-à-dire au cours de l’hospitalisation.

Il est rare qu’il survienne une fois le patient sorti du service de chirurgie.

Quoi qu’il en soit, il ne faut surtout pas mettre le patient sous antibiothérapie, à moins que le germe causal ait été détecté.

La seule attitude logique est de ponctionner cette hanche.

Si le germe est identifié, une antibiothérapie adaptée est mise en oeuvre.

Si elle est efficace sur les signes généraux et locaux, on peut espérer obtenir la guérison sans réintervention.

Si elle est inefficace ou si le germe n’a pas été détecté, il est indispensable de réopérer rapidement pour nettoyer toute la région périprothétique, faire de multiples prélèvements, et mettre le patient sous une antibiothérapie appropriée.

C’est la seule façon de pouvoir guérir l’infection en conservant la prothèse qui n’est pas encore descellée.

Ces infections aiguës postopératoires sont actuellement exceptionnelles (inférieures à 0,2 %) grâce aux précautions d’asepsie pré-, per- et postopératoire.

+ Infection secondaire :

Le tableau de l’infection secondaire est tout à fait différent.

Il n’y a pas de signes généraux ni locaux évidents.

Certes, la température postopératoire reste élevée, autour de 38 °C, au lieu de revenir rapidement à 37 °C, la cicatrice reste un peu inflammatoire plus longtemps que normalement.

Mais le signe qui doit attirer l’attention est la persistance de la douleur.

Le patient s’est toujours plaint d’une douleur sourde, plus souvent au repos, la nuit, qu’à la marche.

Cette gêne, plus qu’une véritable douleur, est souvent mise sur le compte de « suites opératoires prolongées ».

Cependant, la douleur, au lieu de diminuer persiste, voire même augmente d’intensité, obligeant le patient à reprendre une canne, à utiliser en permanence des antidouleurs.

L’examen clinique n’apporte souvent aucun argument en faveur d’un sepsis chronique.

La cicatrice est peu douloureuse, la mobilité de la hanche rarement douloureuse.

Il ne faut pas compter sur une hyperthermie, sur une hyperleucocytose à polynucléaires pour faire le diagnostic.

Ce sont les examens complémentaires qui vont orienter le diagnostic : la vitesse de sédimentation, et surtout la CRP, restent au-dessus de la normale au bout de 3 à 6 mois.

Les radiographies standards peuvent montrer une réaction périostée anormale autour de la tige fémorale ou autour des fils de fixation d’une éventuelle trochantérotomie.

La scintigraphie au technétium et surtout aux leucocytes marqués montre toujours une hyperfixation globale.

Tous ces arguments doivent faire penser à une infection chronique qui aboutira tôt au tard à une mobilisation de la prothèse en cas de prothèse fixée sans ciment, ou à un descellement d’une prothèse cimentée.

Seule la ponction de la hanche, au besoin sous écran de brillance, permet d’affirmer l’infection chronique, dans la mesure où un germe est retrouvé.

Il est cependant des cas où la ponction revient blanche et où seuls les prélèvements faits au cours de la reprise chirurgicale permettent d’affirmer qu’il s’agit bien d’une infection à bas bruit de la prothèse.

Ces infections chroniques sont heureusement assez rares actuellement, de l’ordre de 0,5 à 1,5 % suivant les statistiques.

Il est impossible d’étudier en détail les possibilités thérapeutiques des descellements septiques dans cet article.

On peut espérer la guérison de l’infection, avec mise en place d’une nouvelle prothèse dans environ 85 à 90 % des cas, si un traitement approprié est mis en oeuvre.

+ Infections tardives :

Elles revêtent rarement le tableau d’une infection chronique.

Il s’agit en fait d’une méconnaissance d’une infection précoce qui a évolué à très bas bruit pendant plusieurs années du fait d’un germe peu agressif.

Elles se réveillent à l’occasion d’une déficience générale du sujet.

Certains ont pu incriminer une greffe bactérienne sur une prothèse descellée mécaniquement, mais cela reste à prouver.

En revanche, on retrouve dans la littérature quelques cas d’infection aiguë tardive secondaire à une infection locale, tels un cor au pied, une pneumonie, une cholécystite, une infection urinaire, etc.

Alors que la prothèse allait parfaitement bien, le tableau d’une infection aiguë, identique à celui décrit lors d’une infection aiguë précoce, se précise rapidement.

La conduite à tenir est identique à celle que nous avons décrite lors des infections aiguës précoces.

* Descellement aseptique d’une prothèse totale de hanche :

C’est actuellement la cause la plus fréquente de douleurs après implantation d’une PTH.

Les suites opératoires ont été simples et le patient a retrouvé plus ou moins rapidement une autonomie complète.

Tout a été bien pendant plusieurs années. Progressivement, sans aucune raison apparente, une certaine gêne fonctionnelle est réapparue, avec des douleurs au dérouillage, au lever d’un siège, à la marche prolongée.

La douleur s’aggrave progressivement, obligeant le patient à limiter ses activités, parfois même à reprendre une canne.

Il s’agit toujours d’une douleur sourde, typiquement mécanique, sans aucune douleur au repos, ce qui malheureusement n’alerte ni le patient, ni le médecin qui suit le patient.

Le siège de la douleur est variable, inguinal, crural, ou autre, mais en général toujours au même endroit. L’examen clinique est bien souvent négatif.

Les mouvements de la hanche ne sont pas douloureux.

L’évolution de cette douleur est le plus souvent linéaire mais, dans certains cas, elle peut être cyclique avec des périodes presque indolores (comme si la prothèse se recalait).

C’est encore une cause de retard du diagnostic.

L’examen radiologique standard fait en général le diagnostic, en montrant une décoaption entre la prothèse et l’os, entre le ciment et la prothèse, et/ou une migration de la prothèse, en comparant les radiographies successives.

Le diagnostic est en général plus facile quand il s’agit d’une prothèse cimentée et que le ciment est radioopaque.

En cas de descellement ciment-os, il existe un liseré clair, que ce soit au cotyle et/ou au fémur.

Le liseré est au début localisé à certaines zones autour des pièces prothétiques, puis il s’étend et devient plus large.

Finalement, les pièces se désolidarisent complètement du support osseux.

Autour de la tige fémorale (exceptionnellement au cotyle), en cas de descellement cimentprothèse, le liseré clair commence en général à la partie supéroexterne de la jonction ciment-prothèse et se propage ensuite à toute la surface ciment-prothèse.

Il s’y associe souvent une varisation de la prothèse.

Le diagnostic est plus difficile en cas de prothèse fixée sans ciment.

Le liseré entre la prothèse et l’os est plus difficile à voir ; parfois il est inexistant.

Là encore, c’est la comparaison des radiographies successives qui met en évidence la migration de la prothèse.

Il faut éliminer un descellement septique (signes cliniques, signes biologiques, etc) avant d’affirmer que le descellement est vraiment aseptique.

Il faut parfois recourir à la ponction de hanche.

Il arrive même que seule la reprise chirurgicale permette de trancher entre descellement septique ou aseptique.

Il est toujours nécessaire de faire de nombreux prélèvements peropératoires, à la recherche d’un germe éventuel, même si tout est en faveur d’un descellement aseptique.

Ces descellements aseptiques peuvent avoir trois causes : mécaniques, biologiques ou mixtes.

Aujourd’hui, les causes purement mécaniques sont assez rares : mauvaise fixation primaire de la prothèse scellée ou non, choc violent (qui peut même provoquer une fracture de l’os autour de la prothèse).

Les causes biologiques sont de loin les plus fréquentes.

Il s’agit d’une résorption osseuse progressive autour de la prothèse, secondaire à la réaction aux particules d’usure de celle-ci.

Ces particules d’usure proviennent de la prothèse elle-même (métal, polyéthylène, etc), mais aussi du ciment acrylique ou de certains composants du ciment.

Ces particules d’usure entraînent une réaction inflammatoire, avec libération d’enzymes protéolytiques qui favorisent l’action des ostéoclastes, détruisant l’os autour de la prothèse.

Les particules d’usure les plus agressives sont les particules de polyéthylène dans les prothèses utilisant un cotyle en polyéthylène.

Cette usure est d’autant plus importante qu’il s’agit de sujets jeunes actifs, soumettant leur prothèse à une utilisation intensive.

Il existe actuellement d’autres couples de frottement, comme le couple alumine-alumine, ou le nouveau couple métal-métal, qui libèrent beaucoup moins de particules d’usure.

Ces deux couples ont chacun leurs complications propres : les fractures de tête en alumine, actuellement extrêmement rares (0,02 %) pour le couple alumine-alumine et la toxicité potentielle des ions-métal libérés dans le sang pour le couple métal-métal.

Cette ostéolyse périprothétique peut revêtir deux aspects radiologiques : celui d’un liseré clair entre prothèse-os ou os-ciment, qui s’étend progressivement tout autour de la prothèse, ou celui d’une ostéolyse localisée sous forme de géodes plus ou moins volumineuses, qui peuvent aboutir à des destructions osseuses massives avant que la prothèse ne soit descellée.

Malheureusement, ces ostéolyses localisées sont souvent indolores ou peu douloureuses, le patient ne consultant que lorsque la prothèse bouge et devient douloureuse.

Ce risque impose une surveillance clinique et radiologique de toutes les prothèses, même quand elles sont indolores.

Le rythme de cette surveillance est discuté, tous les 3 ans ou plus suivant les chirurgiens.

* Douleurs réactionnelles à la prothèse totale de hanche :

Elles se voient presque uniquement dans les prothèses sans ciment, et parmi celles-ci surtout au fémur.

Ce sont les tiges fémorales à fixation distale (en queue de tige) qui entraînent ces douleurs, par augmentation des contraintes mécaniques de l’os à ce niveau.

Il se produit un épaississement des corticales fémorales qui durent entre 3 mois et 2 ans.

Ces douleurs siègent au tiers moyen de la cuisse.

Elles sont souvent permanentes, calmées par les AINS.

La scintigraphie au technétium montre une hyperfixation localisée en bout de tige fémorale. Ces douleurs existaient dans 7 à 8% des tiges fémorales sans ciment.

Elles sont beaucoup plus rares avec la nouvelle génération de tiges sans ciment dont la fixation est plus métaphysaire que diaphysaire.

Il peut exister des épaississements corticaux en « fuseau » autour des tiges fémorales cimentées.

En général, elles ne sont pas douloureuses. Les douleurs réactionnelles du cotyle sont tout à fait exceptionnelles.

Elles ont été signalées avec des cotyles rigides en métal ou en céramique d’alumine.

Elles siègent théoriquement à la région sacroiliaque ou à l’aine.

Comme les douleurs de tiges, elles disparaissent progressivement.

La scintigraphie montre une hyperfixation localisée autour du cotyle.

Ces douleurs, que l’on pourrait appeler « fémoralgies », sont à différencier des cruralgies d’origine rachidienne.

3- Douleurs d’origine tendinomusculaire périprothétiques :

Elles peuvent atteindre tous les groupes musculaires entourant la prothèse : les adducteurs, l’éventail fessier, les ischiojambiers, les rotateurs externes, en particulier le pyramidal.

Elles sont dues à des contractures qui peuvent précéder la prothèse et réapparaître après l’opération.

Elles peuvent aussi êtres dues à la récupération musculaire chez les patients ayant attendu longtemps avant de se faire opérer, qui marchaient souvent avec une canne.

La disparition des douleurs permet une utilisation plus importante de tous les muscles périarticulaires, surtout les groupes rétractés par une attitude vicieuse préopératoire (le plus souvent en adductionrotation externe).

Ces douleurs sont souvent provoquées ou entretenues par un excès de rééducation postopératoire ou par abandon trop rapide de la canne.

Elles se traduisent par des points douloureux, localisés soit aux insertions, soit en pleine masse musculaire, et sont réveillées par les manoeuvres qui mettent en tension les muscles douloureux : abduction ou adduction contrariées, manoeuvre de Beatty(2) pour rechercher un syndrome du pyramidal.

Le traitement consiste avant tout à arrêter la rééducation, à prescrire des massages « transverses profonds » des zones douloureuses, des élongations passives (étirements, stretching).

Le diagnostic de douleurs d’origine musculaire ne doit être posé qu’avec beaucoup de circonspection.

Il ne doit être retenu qu’après avoir éliminé formellement un descellement septique ou aseptique.

Il est plus facile pour le chirurgien opérateur de dire au patient qu’il s’agit de douleurs musculaires que de lui avouer que sa prothèse bouge et doit être réopérée.

À part, il faut décrire le syndrome du psoas. Le tendon du psoas passe devant le cotyle, au niveau de l’éminence iliopectinée et peut être irrité par toute saillie à la partie antéroinférieure du cotyle prothétique, que ce soit un spicule de ciment ou une partie de la pièce prothétique qui déborde la paroi antérieure du cotyle.

La douleur est tout à fait caractéristique : elle n’apparaît que lors des mouvements actifs de flexion de la hanche, par exemple à la montée et descente des escaliers, au passage de la position assise à la position debout.

À l’examen, la flexion-rotation externe active réveille la douleur, exacerbée par la pression simultanée du creux inguinal en dehors des vaisseaux cruraux.

Le diagnostic n’est pas facile à affirmer.

Les radiographies de profil du cotyle, et surtout un scanner peuvent mettre en évidence la saillie anormale sur laquelle frotte le tendon du psoas.

4- Douleurs après prothèse totale de hanche d’origine rachidienne :

L’âge auquel une arthrose primitive de la hanche impose la mise en place d’une PTH est aussi celui auquel existent des signes de souffrance de la colonne dorsolombaire.

S’il est en général facile de différencier une véritable sciatique par compression radiculaire (avec sa topographie précise et les signes cliniques caractéristiques) d’une douleur provenant de la hanche, il peut être difficile de faire la différence entre une douleur due à la prothèse et une douleur projetée due à une compression des branches antérieures ou postérieures des racines L1-L2-L3.

En effet, ces branches innervent une partie de la fesse, de la région sacro-iliaque, la région du grand trochanter, les téguments de la région inguinale, et par ses branches terminales antérieures (nerf grand et petit abdominogénitaux, fémorocutané et crural), s’étendent même à la région sacrée, aux organes génitaux, à la cuisse (faces antérieure et externe).

Ces douleurs sont souvent à type de brûlures, plutôt superficielles que profondes.

La palpation de la zone douloureuse réveille les douleurs.

Lorsqu’il n’y a pas de raison de rapporter ces douleurs à la hanche, un examen attentif de la colonne dorsolombaire, en particulier de la région lombaire haute, est nécessaire : points douloureux paravertébraux ou épineux, contractures des muscles paravertébraux, etc.

Une radiographie de toute la colonne dorsolombaire debout est indispensable, retrouvant pincement discal, arthrose interapophysaire postérieure.

Les infiltrations vertébrales, au besoin sous écran de brillance, peuvent constituer un test thérapeutique, tout en sachant qu’elles ne calment pas toujours les douleurs d’origine rachidienne.

Outre ces douleurs projetées, il peut s’associer à une PTH un syndrome du « canal lombaire étroit », avec sa claudication intermittente caractéristique.

Parfois, les signes ne sont pas aussi typiques, ce syndrome se traduisant par des douleurs lombaires basses en ceinture, associées à des douleurs à la face postérieure des deux cuisses.

Ce qui doit attirer l’attention de l’examinateur, c’est la bilatéralité des symptômes, même s’ils prédominent souvent du côté de la PTH.

La mesure du canal lombaire au scanner fait le diagnostic et guide le traitement qui peut amener à décomprimer les racines lombosacrées.

Il faut savoir que les symptômes du canal lombaire étroit peuvent n’apparaître qu’après la mise en place de la prothèse, camouflés qu’ils étaient par la limitation du périmètre de marche due à la coxarthrose.

5- Douleurs « neuropathiques » :

L’algodystrophie de la hanche existe et M Lequesne en a parfaitement décrit la symptomatologie.

Elle est beaucoup moins fréquente qu’au genou et aux extrémités, mais elle existe.

Les douleurs diffuses internes, permanentes aussi bien au repos qu’à la marche, à la mobilisation de la hanche, apparaissent en général 15 jours à 3 semaines après l’intervention.

Le diagnostic en est difficile car l’examen clinique n’est pas d’un grand secours, en dehors du fait que tous les mouvements de la hanche sont douloureux et qu’il existe parfois une hyperesthésie cutanée.

Il ne faut pas compter sur l’augmentation de la chaleur locale, l’articulation étant trop profonde.

Quant aux signes radiologiques (décalcification diffuse, aspect pommelé), ils sont peu évidents et difficiles à distinguer des remaniements dus à la prothèse.

Le traitement, à base de repos, de calmants, d’antidépresseurs et de calcitonine sert en même temps de test diagnostique.

Signalons les douleurs accompagnant les atteintes nerveuses, complications exceptionnelles de la mise en place d’une PTH : section ou surtout étirement du sciatique, du fémorocutané ou du crural.

Outre leur caractère intense, on retrouve le plus souvent des signes déficitaires sensitifs, moteurs ou réflexes dans les territoires dépendant du nerf lésé.

En dehors d’une section nerveuse qui justifierait un acte chirurgical (suture, greffe), seul un traitement antalgique est indiqué.

Heureusement, la grande majorité récupère en laissant parfois des dysesthésies assez gênantes.

6- Existe-t-il des douleurs inexpliquées ?

Dans environ 1 % des cas, il est impossible de retrouver une origine aux douleurs alléguées par le patient.

Que faut-il en penser ?

Est-ce une erreur de diagnostic, et la douleur qui a motivé l’intervention avait-elle une autre origine que l’articulation elle-même ?

C’est tout à fait possible.

Cependant, un examen attentif permet en général de retrouver les causes de ces douleurs ne provenant pas de la PTH.

Quand il existe un doute sur l’origine de la douleur, il faut faire une infiltration de produit anesthésique dans la hanche, sous écran de brillance.

Elle permet de départager les douleurs d’origine prothétique qui disparaissent temporairement, des autres qui ne sont pas influencées par l’infiltration.

On retrouve dans toutes les statistiques publiées un très faible pourcentage (0,2 à 0,5 %) de douleurs inexpliquées après PTH.

Aussi ne faut-il jamais se presser de réintervenir.

Il faut approfondir le « profil psychologique » de ces patients et les confier aux centres de traitement de la douleur.

Conclusion :

La douleur constitue l’indication majeure d’une PTH.

Quand elle provient bien d’une pathologie articulaire, elle disparaît complètement dans plus de 80 % des cas et le patient dit bien d’ailleurs « qu’il a oublié » sa hanche.

Dans 15 % des cas, il peut persister une gêne fonctionnelle légère, mais le patient reste tout à fait satisfait de son opération.

Il reste malheureusement environ 5 % de patients qui ne sont pas satisfaits.

Il faut bien distinguer deux catégories : ceux qui ont toujours eu mal après l’intervention, même si la douleur est moins importante ou qu’elle a changé de type, et ceux qui ont eu un bon résultat pendant plus ou moins longtemps et qui voient réapparaître leur symptomatologie douloureuse.

La première catégorie correspond aux échecs précoces d’une PTH (infection, mauvaise technique opératoire, complications vasculaires, nerveuses, ossifications…) et aux douleurs qui ne proviennent pas de la PTH.

La seconde catégorie correspond le plus souvent à une mobilisation de la prothèse, quelle qu’en soit la cause.

Ceci impose une surveillance clinique et surtout radiologique de toutes les PTH pour déceler ces complications à moyen et long termes, avant que les destructions osseuses périprothétiques rendent hypothétique la remise en place d’une nouvelle prothèse.

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