Diagnostic et conduite à tenir devant une prothèse de genou douloureuse

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Introduction :

Les résultats des prothèses de genou s’améliorent depuis une vingtaine d’années, se rapprochant ainsi de ceux obtenus avec les prothèses de hanche.

En 1994, Callahan et al, dans une métaanalyse de 130 séries regroupant 9 879 prothèses, relevaient à 4,1 ans de recul des taux de 89,3 % de bons et excellents résultats et de 3,8 % de réinterventions.

Actuellement, les courbes de survie prothétique montrent près de 95 % de prothèses en place à 10 ans de recul et plus, avec de bons et très bons résultats cliniques et radiologiques, amenant certains chirurgiens à considérer l’arthroplastie du genou comme l’une des interventions les plus fiables en chirurgie orthopédique.

L’amélioration des résultats des prothèses totales de genou s’explique par une diminution du taux d’infection, compris actuellement entre 1 et 2 %, avec des extrêmes de 0,5 % dans certaines séries et de 4,4 % pour la polyarthrite rhumatoïde, par une meilleure conception des implants (dessin des prothèses, épaisseur et stérilisation du polyéthylène…) et par une technique opératoire plus précise, diminuant la malposition des implants dans les trois plans de l’espace et les défauts d’équilibrage ligamentaire.

Pour les prothèses unicompartimentales fémorotibiales ou fémoropatellaires, cette amélioration est également liée à une meilleure connaissance de leurs indications opératoires et de leurs impératifs biomécaniques et techniques.

La présence de douleurs après prothèse de genou, le plus souvent associée à d’autres manifestations cliniques (infection, raideur ou instabilité), est la principale cause d’échec, amenant en fonction de leur intensité à discuter une réintervention.

Cette douleur a habituellement une signification différente selon qu’elle existe depuis l’implantation ou qu’elle survient après un intervalle de temps plus ou moins long.

Diagnostic et conduite à tenir devant une prothèse de genou douloureuse

Quel que soit le type de prothèse de genou (prothèse unicompartimentale fémorotibiale, fémoropatellaire, tricompartimentale de contrainte plus ou moins importante pouvant aller jusqu’à la prothèse charnière, ou prothèse de reprise), l’indication d’une réintervention doit impérativement s’appuyer sur la connaissance précise de la cause de la douleur.

Cette indication s’appuie sur les données d’un interrogatoire et d’un examen clinique rigoureux, des examens biologiques, de l’examen bactériologique du liquide de ponction articulaire parfois répété, des examens radiologiques complets et scintigraphiques.

Une arthroscopie diagnostique, avec notament des biopsies synoviales à visée bactériologique et anatomopathologique, qui s’avère aussi souvent thérapeutique peut être proposée.

Plusieurs publications soulignent en effet la fréquence des mauvais résultats des reprises de prothèse totale de genou en l’absence de cause précise expliquant la douleur préopératoire.

Étiologie de la douleur du genou prothésé :

Ces causes peuvent être classées en causes articulaires ou extraarticulaires, parfois associées.

A – CAUSES ARTICULAIRES :

L’infection d’apparition précoce, intermédaire (de 2 à 24 mois) ou tardive, et alors souvent hématogène, est la cause fréquente de douleurs.

Elle se manifeste parfois par un aspect inflammatoire du genou avec épaississement synovial, un trouble de cicatrisation ou un écoulement avec fistule, souvent par un enraidissement et des douleurs.

Elle peut être difficile à mettre en évidence avant le stade de descellement mais doit toujours être recherchée.

Le descellement, ou la non-réhabitation des implants pour les prothèses sans ciment, est souvent difficile à affirmer en l’absence de mobilisation des implants ou de liserés périprothétiques évolutifs supérieurs à 2 mm et étendus.

Les défauts d’alignement du membre inférieur dans le plan frontal, notamment en varus, favoriseraient cette complication.

L’instabilité du genou est le plus souvent frontale, par mauvais équilibrage ligamentaire ou mise en place d’un insert tibial d’épaisseur insuffisante.

Elle est habituellement la conséquence d’une libération ligamentaire étendue, du plan interne sur un genu varum ou plus souvent du plan externe sur un genu valgum marqué ; elle est souvent plus nette en flexion, pouvant favoriser la survenue de luxation intraprothétique entre l’insert tibial et le composant fémoral.

Plus rarement, une instabilité postérieure peut survenir, par rupture secondaire d’un ligament croisé postérieur et sur un genou rhumatoïde, dans les prothèses à conservation du ligament croisé postérieur ou également dans les prothèses postérostabilisées.

L’instabilité peut être médiolatérale, postérieure ou globale pour les implants conservant ou non le ligament croisé postérieur ; elle peut s’observer uniquement en flexion.

L’usure du polyéthylène de l’insert tibial et la libération de particules sont favorisées par l’instabilité du genou et le descellement des implants.

Les particules induisent la formation des granulomes à polyéthylène, créant les réactions synoviales inflammatoires et l’ostéolyse. Des débris métalliques liés au contact anormal entre deux parties métalliques des implants du fait d’une usure anormale du polyéthylène ou au relargage de particules du revêtement réhabitable de prothèses sans ciment, et parfois même à la rupture de l’implant (metal back tibial ou rotulien), entraînent une métallose des parties molles intra-articulaires.

L’absence de mise en place, quasi systématique pour certains opérateurs, d’une prothèse rotulienne pour minimiser le risque de complication secondaire inhérent à ce resurfaçage (épaississement ou amincissement de la rotule prothésée, nécrose ou fracture de fatigue de la rotule en fait souvent asymptomatique, descellement ou métallose pour les rotules metal back) peut induire un syndrome douloureux fémoropatellaire.

Ces douleurs sont alors liées à une subluxation de la rotule, à une incongruence entre la forme de la trochlée prothétique et la surface articulaire de la rotule ou à des lésions chondrales mal évaluées.

La raideur du genou, parfois douloureuse, peut être favorisée par des coupes osseuses insuffisantes, un surdimensionnement de l’implant fémoral, un resurfaçage mal adapté de la rotule ou une ossification sus-trochléenne.

Cette raideur est parfois la conséquence d’une fibrose intrasynoviale.

Le développement d’amas fibreux synoviaux dans la région infrapatellaire, favorisé par la forme du carter des implants fémoraux de prothèses postérostabilisées, peut également entraîner un conflit douloureux (patellar clunk syndrome).

Les malpositions des pièces prothétiques fémorale et tibiale uniquement en rotation, mises en évidence au scanner, et sans anomalie de coupe osseuse de la rotule, en épaisseur ou direction, favorisent la survenue de douleurs de siège antérieur, comme l’ont souligné récemment Barrack et al, indépendamment de toute anomalie de la course fémoropatellaire (bascule rotulienne, subluxation ou luxation) rapportée à la même cause par Berger et al.

Un syndrome algodystrophique du membre inférieur ne réunissant pas l’ensemble des signes cliniques habituels doit toujours être évoqué devant des douleurs mal systématisées du genou apparaissant quelques semaines après l’intervention ou un enraidissement progressif du genou.

Des causes articulaires plus rares de douleur peuvent être retrouvées : hémarthrose récidivante ; corps étrangers intraarticulaires d’origine osseuse, prothétique ou particule de ciment ; conflit entre condyle prothétique et ostéophyte fémoral ou, pour le condyle externe, avec le poplité ou la fabella ; pseudoménisque intra-articulaire.

B – CAUSES EXTRA-ARTICULAIRES :

Elles sont parfois favorisées par des causes articulaires comme une laxité du genou ou une malposition des implants créant un défaut d’axe dans le plan frontal ou un mauvais centrage de la rotule dans la gorge trochléenne.

Parmi ces causes extra-articulaires, citons les ruptures ou plus souvent les avulsions de l’appareil extenseur, et habituellement du tendon rotulien sur la tubérosité tibiale antérieure dont l’insertion a été fragilisée par la luxation peropératoire de la rotule, et les tendinites rotuliennes, parfois induites par un conflit avec la partie antérieure de l’insert tibial en cas de rotule basse.

Des douleurs à l’extrémité de tiges centromédullaires, visant à une meilleure stabilisation des implants après certaines prothèses de reprises, peuvent exister.

Mentionnons également la bursite de la patte d’oie, les névromes sur la voie d’abord et les ossifications périarticulaires.

C – PROTHÈSES UNICOMPARTIMENTALES FÉMOROTIBIALES OU FÉMOROPATELLAIRES :

La douleur a la plupart du temps les mêmes origines que celles précédemment énoncées.

Elle peut être également liée à la méconnaissance d’une chondrocalcinose ou d’une polyarthrite rhumatoïde, ou à la dégradation dans le temps des surfaces articulaires non prothésées.

Il convient en effet de rappeler pour les prothèses unicompartimentales fémorotibiales le caractère très péjoratif de l’absence de ligament croisé antérieur et d’une hypercorrection de la déformation dans le plan frontal au moment de l’intervention, accélérant l’usure cartilagineuse du compartiment fémorotibial opposé à l’implant.

Pour les prothèses fémoropatellaires, la douleur peut être la conséquence de phénomènes de ressaut ou d’engagement.

Éléments du diagnostic de la douleur liée à la prothèse :

Le diagnostic repose sur des éléments cliniques, biologiques, bactériologiques, radiologiques, scintigraphiques et éventuellement arthroscopiques.

A – ÉLÉMENTS CLINIQUES :

Un interrogatoire complet et rigoureux est indispensable pour connaître la date d’apparition de la douleur par rapport à l’acte opératoire, ses caractères identiques ou différents de la douleur préopératoire, ses circonstances de survenue, son intensité, son type et son siège.

La douleur peut être uniquement de type mécanique et apparaître à l’appui, majorée à la marche, et s’accompagner d’une boiterie en faveur du diagnostic de descellement si elle est apparue après un intervalle libre.

Elle peut survenir seulement à la montée et/ou à la descente des escaliers, évoquant alors une douleur fémoropatellaire.

Survenant lors du passage de la flexion à l’extension active du genou, la douleur est très évocatrice d’un clunk syndrome, d’autant qu’elle s’accompagne d’une sensation de crépitations et d’un crissement douloureux pararotuliens à la palpation.

La douleur peut faire suite à un accident d’instabilité ou à une sensation de blocage évoquant un corps étranger intraarticulaire.

Elle peut siéger à la face antérieure, sur les faces latérales du genou, au creux poplité ou être décrite par le patient comme circonférentielle ou profonde intra-articulaire.

Elle se situe parfois sur une cicatrice, s’accompagnant d’une sensation hyperesthésique faisant suspecter l’existence d’un névrome.

L’examen clinique apprécie la mobilité active et passive du genou, ainsi qu’un éventuel déficit d’extension active contrastant avec une extension passive complète, faisant suspecter une rupture de l’appareil extenseur ; il recherche une désaxation du membre inférieur, des signes inflammatoires locaux, une augmentation de chaleur locale, une hypersudation, un épanchement intra-articulaire, un épaississement ou une tuméfaction de la synoviale.

Cet examen peut retrouver une laxité dans le plan frontal, en extension et/ou seulement en flexion, et dans le plan sagittal, ou une douleur provoquée dont le siège peut aider au diagnostic, cette douleur étant souvent rotulienne et associée à une instabilité.

Cet examen du genou doit toujours se terminer par un examen clinique complet.

B – ÉLÉMENTS BIOLOGIQUES, BACTÉRIOLOGIQUES (PONCTIONS ARTICULAIRES) ET ANATOMOPATHOLOGIQUES :

Tout doit être mis en oeuvre, comme le souligne Ritter, pour éliminer l’infection, souvent larvée, qui reste la cause de douleur la plus fréquente et la plus crainte, en particulier lorsqu’une réintervention est envisagée.

Barrack et al observent que la vitesse de sédimentation est peu contributive, puisque supérieure à 30 mm à la première heure elle n’a qu’une sensibilité de 80 % et une spécificité de 62,5 % ; en revanche, la protéine C réactive est plus fiable, avec des valeurs prédictives positive de 0,79 % et négative de 0,97 %, ainsi que la ponction articulaire avec mise en culture du liquide intra-articulaire, avec des valeurs prédictives positive de 0,88 % et négative de 0,94 %.

Pour rendre cette ponction plus efficiente, il est pour certains nécessaire de la répéter avant toute reprise chirurgicale et pour Laskin indispensable de la réaliser sans anesthésie locale, certains conservateurs associés à la xylocaïne étant bactéricides.

La lecture des prélèvements ensemencés avec enrichissement doit être suffisament retardée pour ne pas méconnaître certaines infections dont le germe pousse tardivement.

Des ponctions-biopsies de la synoviale sous arthroscopie peuvent être réalisées pour recherche de germes et, en anatomo-pathologie, recherche de leucocytes altérés.

Du fait que la négativité de tous ces examens n’élimine pas formellement l’infection, Mariani et al ont proposé la recherche de traces d’acide désoxyribonucléique ou d’acide ribonucléique bactérien par polymerase chain reaction.

C – ÉLÉMENTS RADIOLOGIQUES :

Ils comportent les données de l’examen radiologique standard et de la gonométrie en charge, des examens dynamiques et, plus récemment, de la fluoroscopie.

Les clichés standards en charge permettent d’apprécier la taille et le positionnement des implants dans les plans frontal et sagittal, et particulièrement celui de la rotule par rapport à l’interligne prothétique (rotule basse), et de mettre en évidence de face un éventuel bâillement articulaire témoignant d’un mauvais équilibrage ligamentaire.

Ils permettent dans le temps, sous réserve de clichés parfaitement perpendiculaires à l’interligne, de rechercher une diminution de la hauteur de l’insert en polyéthylène, de quantifier son usure, et d’analyser la présence et l’évolution d’éventuels liserés périprothétiques précurseurs d’un descellement.

Ce descellement est parfois évident en cas de mobilisation des implants, souvent mieux mis en évidence dans les mouvements forcés (varus, valgus ou hyperflexion).

Ces liserés, souvent mieux appréciés au tibia, sont plus difficiles à mettre en évidence pour les prothèses sans ciment pour lesquelles on recherche des signes indirects de mobilisation de l’implant, comme l’existence d’une chambre de mobilisation autour des vis de fixation du plateau tibial.

Ces clichés mettent exceptionnellement en évidence une dégradation des implants, un désencliquetage de l’insert ou une luxation intraprothétique.

Les incidences fémoropatellaires peuvent montrer une bascule rotulienne, une subluxation, presque toujours externe, avec possibilité de contact entre la partie osseuse externe de la facette latérale de la rotule et la trochlée métallique non toujours symptomatiques ou une exceptionnelle luxation ; elles peuvent mettre en évidence un liseré périprothétique, un descellement ou une fracture de fatigue de la rotule parfois associée à une nécrose souvent asymptomatique.

Des appositions périostées associées à un liseré net sont très en faveur du diagnostic d’infection prothétique.

La gonométrie permet de mesurer l’axe global du membre inférieur et d’apprécier le positionnement des implants fémoral et tibial dans le plan frontal. Les clichés dynamiques peuvent montrer une mobilisation des pièces, permettent de mieux analyser l’instabilité fémorotibiale dans le plan frontal et de rechercher pour les prothèses conservant le ligament croisé postérieur un mouvement de tiroir postérieur rendant compte de son inefficacité.

Le scanner revêt un intérêt certain, souligné par Berger et al, pour rechercher les défauts de positionnement des pièces fémorale et tibiale par rapport à l’axe biépicondylien et à la tubérosité tibiale antérieure, générateurs de douleurs du compartiment antérieur du genou, même en l’absence de défaut de centrage de la rotule.

La fluoroscopie, technique réalisant des clichés guidés sous scopie, a permis à Fehring et McAvoy de mettre en évidence chez 14 patients sur 20 un descellement prothétique aseptique, non visible sur des examens radiologiques conventionnels d’excellente qualité, ce descellement étant confirmé lors de la réintervention et toujours suivi d’une nette amélioration du score du genou après la reprise.

D – ÉLÉMENTS SCINTIGRAPHIQUES :

La scintigraphie au technetium 99 est un examen d’intérêt discutable pour envisager une reprise, d’autant que l’hyperfixation, en particulier tibiale, peut persister plusieurs années après l’implantation selon Hoffman et al ; à l’opposé, Smith et al, selon une étude de 75 patients ayant une prothèse de genou devenue douloureuse en moyenne 3 ans après son implantation, lui trouvent un intérêt en raison de sensitivité, spécificité, valeur prédictive positive et négative, en cas de scintigramme normal ou anormal sans équivoque, respectivement de 92,3, 75,9, 64,9 et 95 %.

Elle peut cependant aider à faire le diagnostic d’algodystrophie postopératoire.

La scintigraphie aux leucocytes marqués, couplée à la scintigraphie au technetium, plus fiable que celles à l’indium ou au gallium dans la recherche d’une infection, peut présenter un intérêt en cas de négativité des ponctions articulaires ; Palestro et al ont cependant prouvé la possibilité de faux positifs et de faux négatifs.

E – ÉLÉMENTS ARTHROSCOPIQUES :

L’arthroscopie constitue un acte peu invasif qui peut être proposé comme aide au diagnostic devant une prothèse du genou douloureuse lorsque tous les autres éléments d’investigation sont restés négatifs.

Elle peut constituer un acte à la fois diagnostique et thérapeutique.

L’arthroscopie permet la découverte de formations synoviales iatrogènes (bandes ou amas fibreux) au contact des implants, susceptibles d’induire une pathologie douloureuse par création de conflit.

L’exemple le plus caractéristique est constitué par le nodule infrapatellaire conflictuel avec le carter de l’implant fémoral postérostabilisé (clunk syndrome).

L’arthroscopie peut également révéler une synovite réactionnelle aux débris d’usure (polyéthylène) et/ou à la métallose parfois très importante.

Elle met également en évidence les conflits fémoropatellaires et les anomalies de course rotulienne ; en cas de non-resurfaçage de la rotule, elle peut montrer l’importance de lésions cartilagineuses ou osseuses insoupçonnées de la face profonde de la rotule au contact d’une trochlée prothétique dont la forme peut être inadaptée car non congruente.

Elle peut montrer l’existence d’un conflit condylien prothétique externe avec le tendon du muscle poplité, ou la présence de corps étrangers intra-articulaires radiotransparents ou de particules de ciment ayant échappé à la lecture des clichés standards.

Elle permet de localiser et d’apprécier l’importance de l’usure du polyéthylène et de son état de surface, et dans certains cas de diagnostiquer une rupture du plot médian de l’insert tibial d’une prothèse postérostabilisée, un désassemblage d’un insert tibial ou rotulien de son embase metal back ou de faire la preuve d’un descellement prothétique.

L’arthroscopie permet également de porter le diagnostic d’infection, grâce aux prélèvements synoviaux pour examens bactériologiques et anatomopathologiques à la recherche de leucocytes altérés.

Diagnostic d’une prothèse douloureuse :

A – LIÉE À LA PROTHÈSE :

Le plus souvent, la prothèse paraît directement en cause et il faut identifier la cause de la douleur.

Cette recherche s’oriente de façon différente selon la date de survenue de cette douleur par rapport à celle de l’implantation prothétique, exception faite de la recherche de l’infection qui doit rester, quel que soit l’intervalle de temps entre ces deux événements, la préoccupation majeure.

Devant une douleur persistant depuis l’intervention ou apparue dans ses suites proches, la raideur ou une rupture de l’appareil extenseur sont évidentes ; il faut rechercher en premier lieu l’infection, un problème fémoropatellaire, un syndrome algodystrophique, puis un conflit entre les implants et les parties molles (synoviale, poplité), ou exceptionnellement un ostéophyte, des corps étrangers intra-articulaires, des ossifications douloureuses et l’existence d’un névrome.

La non-fixation d’un implant sans ciment et une instabilité peuvent également entraîner des douleurs.

Devant une douleur apparue après une période totalement asymptomatique de près de 1 an ou plus, en dehors de l’infection il convient de rechercher en premier lieu une mobilisation des implants et une dégradation anormale du matériel implanté avec usure anormale du polyéthylène, une rupture de matériel ou une métallose pouvant entraîner synovite et ostéolyse, favorisés par une malposition ou une instabilité.

Quelle que soit la date d’apparition de la douleur d’une prothèse de genou, les différents éléments de diagnostic précédemment énoncés doivent être recherchés ou mis en oeuvre en soulignant que l’intérêt des scintigraphies est contesté et que la fluoroscopie mérite d’être développée dans les cas où les données cliniques et les examens radiologiques ne révèlent aucune anomalie.

Sur une série de 102 révisions effectuées après une période totalement asymptomatique d’au moins 1 an, Lonner et al retrouvent sur le plan clinique, en fréquence décroissante, la douleur (84 %), un gonflement articulaire (76 %), une déformation progressive (19 %), l’instabilité (17 %), l’enraidissement (17 %), les claquements (7 %), les accrochages (4 %) et un dysfonctionnement rotulien (4 %) ; sur le plan radiologique, ils notent un descellement (80 %), une usure du polyéthylène (43 %), une rupture de composant (3 %), une usure métallique (3 %), une luxation ou subluxation rotulienne (4 %) et une ostéolyse (4 %).

À l’intervention, ils constatent l’usure du polyéthylène (72 %), une ostéolyse (22 %), une métallose (9 %), une rupture de composant (6 %), une subluxation rotulienne (4 %) et une infection (6 %).

Bonnin et al, sur 69 reprises de prothèse totale de genou, infection exclue, mentionnent 30 descellements dont 11 faisant suite à une malposition, 14 laxités, 11 raideurs douloureuses, six échecs rotuliens et huit cas de douleurs isolées sans autre anomalie au bilan.

Dans le symposium de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT) de l’année 2000 consacré aux reprises de prothèses de genou, sous la direction de Burdin et Huten, sur 490 cas on retrouve comme étiologies de la reprise le descellement fémorotibial et l’ostéolyse (34,9 %), les complications de l’appareil extenseur (18,9 %), la raideur (9,7 %) et la laxité (13,3 %), et plus rarement une défaillance mécanique (6,9 %), des douleurs inexpliquées (6,5 %), une fracture (4,3 %) ou une pathologie synoviale (clunk syndrome, 2,7 %.).

B – NON LIÉE À LA PROTHÈSE :

Il existe à l’opposé des cas où la douleur ne peut être rattachée de façon évidente à la prothèse du genou implantée ; il convient alors, avant de rechercher une cause articulaire rare de douleur du genou, éventuellement par des examens scintigraphiques ou une arthroscopie, de refaire un examen clinique complet.

Une attention particulière doit être portée au membre inférieur homolatéral à la recherche d’une coxarthrose sus-jacente méconnue dont la douleur se manifeste uniquement par sa projection au genou ou d’une prothèse totale de hanche souvent associée devenue douloureuse par descellement.

L’examen vasculaire et neurologique doit être soigneux, étudiant les pouls périphériques à la recherche d’une claudication vasculaire et recherchant des signes neurologiques orientant vers une hernie discale intracanalaire L3-L4, foraminale L4-L5 ou un canal lombaire étroit. Au terme de cet examen, la situation est parfois claire, la douleur étant rapportée de façon indiscutable à une autre cause que la prothèse du genou.

Mais il est de nombreux cas où la prothèse peut être incriminée au même titre que d’autres éléments pathologiques associés chez un patient souvent âgé, posant alors des problèmes thérapeutiques d’autant plus difficiles

Une arthrographie de la hanche prothésée ou une infiltration de la hanche arthrosique, un doppler artériel et un scanner ou un examen en imagerie par résonance magnétique lombaire peuvent être nécessaires.

Sur le plan général, le diagnostic de neuropathie diabétique doit être évoqué.

Un bilan psychiatrique est parfois indispensable avant de recourir à une éventuelle arthroscopie susceptible de mettre en évidence une des rares causes de douleur sur prothèse de genou.

Conduite à tenir :

A – PRINCIPES :

La conduite à tenir devant la persistance ou l’apparition secondaire de douleurs sur un genou prothésé est fonction de l’étiologie mais trois principes doivent être impérativement respectés.

– Ne pas réopérer une prothèse avec des douleurs inexpliquées.

Mont et al, sur une série de 27 patients présentant une douleur importante de cause inconnue et réopérés, différencient deux groupes : le premier de 15 genoux ayant une mobilité de moins de 80° d’arc de mobilité qui obtiennent un bon ou excellent résultat dans 60 % des cas et le deuxième de 12 genoux uniquement douloureux pour lesquels ce pourcentage de résultats satisfaisants n’est que de 17 %.

Dans la série du symposium de la SOFCOT déjà mentionnée, Bonnin rapporte des résultats dans l’ensemble mauvais. Dans sept réinterventions sans changement de prothèse, la douleur a persisté ou a été aggravée cinq fois, amenant à trois nouvelles reprises.

Elle a été améliorée une fois et a disparu une fois. Dans les 25 changements de prothèse, la douleur a persisté ou a été aggravée 11 fois, avec reprise itérative trois fois ; elle a été améliorée 11 fois et a disparu seulement trois fois.

– Ne pas considérer que toute anomalie radiologique, tels un défaut d’alignement, la taille inadaptée d’un implant, une bascule, une fracture ou le contact de la partie externe de la rotule avec la trochlée métallique, est sûrement la cause des douleurs.

– Toujours penser à la possibilité d’une infection larvée.

B – APPLICATIONS :

Ces principes étant acquis, toute étiologie accessible à un traitement chirurgical doit faire discuter le principe d’une réintervention dont il existe deux modalités : la première, relativement peu traumatisante, est l’arthroscopie qui, dans des mains expérimentées, permet assez souvent de pouvoir traiter efficacement certaines lésions et la seconde consiste en une nouvelle intervention à « ciel ouvert » plus lourde pour le patient.

Certaines causes de douleurs sont accessibles à un traitement arthroscopique : arthrolyse pour raideur ; résection de brides ou amas fibreux synoviaux ; synovectomie pour synovite proliférative génératrice d’épanchement récidivant ; libération partielle d’un ligament croisé postérieur trop tendu ; section d’un tendon poplité en conflit avec le condyle externe ; ablation de corps étranger intra-articulaire ou d’implant rotulien descellé et libre dans l’articulation ; résection de l’aileron rotulien externe pour une bascule ou subluxation rotulienne…

Cette arthroscopie permet également de faire ou de confirmer un diagnostic préalablement suspecté concernant en particulier une usure localisée du polyéthylène, une rupture du matériel radiotransparent… et ainsi, en retrouvant une étiologie à la douleur jusque-là inexpliquée, de justifier la réintervention mais cette exploration a une valeur limitée.

Ces mêmes causes peuvent être également traitées par un nouvel abord chirurgical à « ciel ouvert ».

Ce type d’abord devient impératif lorsque l’usure de l’insert en polyéthylène nécessite son seul changement, sous réserve de l’absence de descellement des implants et lorsque l’ostéolyse par granulome reste modérée, ce qui justifie une surveillance régulière de tous les patients porteurs d’une prothèse totale de genou pour ne pas laisser passer ce stade d’une intervention simple.

Une ostéolyse importante avec descellement entraîne la reprise par prothèse plus ou moins contrainte, éventuellement avec tiges centromédullaires permettant une meilleure répartition des contraintes, et un comblement des zones lytiques par greffe osseuse, cale(s) métallique(s) ou plus rarement par du ciment acrylique lorsque la perte de substance reste modérée.

Une ostéolyse modérée sans descellement peut être traitée par curetage des zones lytiques et comblement par greffons osseux, en association le plus souvent à un changement de l’insert tibial usé. Une instabilité du genou prothésé peut être traitée parfois par la mise en place d’un insert tibial de plus grande épaisseur ou un changement de prothèse.

Des douleurs antérieures du genou ou une instabilité rotulienne par malposition des implants peuvent également justifier une reposition des implants.

L’infection de la prothèse, en dehors d’une infection hématogène vue dans les tout premiers jours, susceptible d’être traitée par lavages articulaires sous arthroscopie et antibiothérapie adaptée, nécessite habituellement l’ablation des implants et des tissus intra-articulaires infectés et la mise en place d’une entretoise, articulée ou non, de ciment aux antibiotiques, suivie quelque mois plus tard de la mise en place d’une nouvelle prothèse après normalisation des tests inflammatoires.

L’ablation des tissus infectés et des implants, et leur remplacement dans le même temps opératoire, ne s’envisage que dans de rares cas en raison d’un plus faible pourcentage de résultats favorables.

Conclusion :

Les causes de la douleur après arthroplastie totale du genou sont multiples, souvent articulaires et parfois associées à des causes extraarticulaires.

Leur diagnostic nécessite la mise en oeuvre de nombreux examens clinique et paracliniques pouvant aller jusqu’à la réalisation d’une arthroscopie diagnostique qui s’avère parfois également thérapeuthique.

La possibilité d’une infection larvée doit toujours être présente à l’esprit.

La réintervention, en l’absence de cause reconnue à l’existence de la douleur, a trop peu de chances d’être efficace pour être raisonnablement proposée.

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