Polytraumatisme de l’enfant

0
3551

Introduction :

La définition du polytraumatisme est très stricte.

Il s’agit d’un enfant qui présente plusieurs lésions dont une au moins engage le pronostic vital.

Polytraumatisme de l’enfantUn chapitre spécifique à l’enfant est nécessaire en raison de la réponse physiopathologique différente et d’une prise en charge chirurgicale avec des techniques spécifiques à l’enfant.

La prise en charge récente de ces enfants polytraumatisés a été profondément remaniée en raison de l’évolution des techniques d’imagerie médicale.

C’est ainsi que les actes chirurgicaux à visée exploratrice ont disparu.

Le chirurgien viscéraliste opère moins, il gère l’imagerie, et la surveillance induite par ces techniques conservatrices nécessite une connaissance parfaite de la symptomatologie pédiatrique.

Le neurochirurgien garde la priorité par ses indications sur l’organe responsable de la majorité des séquelles, mais une place prépondérante est dorénavant faite aux traitements médicaux et à la réanimation.

Le chirurgien-orthopédiste bouleverse ces indications, il doit rétablir la cohésion squelettique pour faciliter la mobilisation et l’accès à tous les moyens d’investigation et de réanimation.

C’est ainsi que les entraves habituelles telles que les tractions, les plâtres peuvent disparaître au profit d’ostéosynthèses qui permettent la réalisation des images nécessaires à la surveillance de l’enfant.

Le facteur temps est modifié en raison de la possibilité nouvelle de décision en temps réel au cours de l’exploration diagnostique.

Le problème qui reste à résoudre actuellement est moins du domaine de la technique chirurgicale que de la stratégie diagnostique et thérapeutique.

Les mesures de prévention concernant les accidents de l’enfant ont porté leurs fruits et le nombre d’enfants polytraumatisés baisse certainement, mais des exigences sociales, malgré la gravité des lésions initiales, imposent au chirurgien-réanimateur un parcours sans faute dans la continuité des soins depuis le lieu de l’accident jusqu’à la réhabilitation.

Épidémiologie :

La définition très stricte de cette pathologie rend le recueil de données délicat et il n’existe pas, en France, de registre permettant d’avoir une idée sur l’évolution du nombre de polytraumatismes pédiatriques.

La littérature étrangère fait état d’un accroissement de pathologies liées aux armes à feu.

Face à l’absence de notion sur l’évolution du nombre de polytraumatismes, il faut garder à l’esprit plusieurs points forts concernant l’accident grave de l’enfant.

Le traumatisme grave représente 40 % de la traumatologie de l’enfant.

La traumatologie est toujours la première cause de mortalité de l’enfant de plus de 1 an dans les pays industrialisés.

Un tiers des décès est lié à un traumatisme et ce chiffre est de 50 % si l’on considère la tranche d’âge de 1 à 19 ans.

Le profil lésionnel de l’enfant peut être déterminé en fonction des circonstances de l’accident mais aussi en fonction de sa tranche d’âge.

Chez l’enfant de moins de 2 ans, il faut toujours évoquer la possibilité d’un infanticide ou d’une maltraitance.

Les chutes de lieu élevé se rencontrent chez les enfants de moins de 5 ans.

Au-delà de 5 ans, la traumatologie routière est la principale cause des accidents.

Il s’agit le plus souvent d’accidents de la voie publique avec des enfants victimes, piétons ou à vélo.

Il y a certainement une diminution du nombre d’accidents de la voie publique en raison des limitations de vitesse en ville, mais une pathologie spécifique liée au mode d’ancrage des enfants est apparue : traumatismes par ceinture ventrale et traumatismes cervicaux.

Les accidents sportifs sont en constante évolution avec une augmentation due à l’importance de la pratique sportive et la diffusion de la pratique du VTT (vélo tout-terrain) ainsi que des sports pratiqués à grande vitesse ou à haute énergie comme le ski de piste.

Enfin, les accidents agricoles restent souvent sévères.

Le dernier facteur est l’amélioration des moyens de ramassage et de conditionnement initial qui conduisent les équipes chirurgicales à prendre en charge des enfants plus gravement atteints.

Il y a donc une situation paradoxale où l’événement devient plus rare mais avec des lésions peut-être plus sévères et une exigence de résultats plus importante.

Physiopathologie :

DE LA VISION ANATOMIQUE À L’APPROCHE BIOLOGIQUE :

Le polytraumatisme est un modèle unique, quasi expérimental, d’agressions multiples concomitantes sur un organisme préalablement sain.

C’est la sommation des lésions qui va entraîner la faillite de l’organisme.

L’enfant est différent de l’adulte, bien sûr en raison de ces proportions, mais surtout en raison d’une réponse physiopathologique spécifique.

On peut découper le traumatisme initial en quatre types d’agressions simultanées : hémorragie, hypoxie, stress et douleur.

La réponse de l’organisme a pour but de préserver la vascularisation et l’oxygénation des organes nobles (cerveau et coeur).

Le tableau clinique initial associe : vasoconstriction périphérique (particulièrement importante chez l’enfant) qui permet de maintenir un certain temps la tension artérielle, tachycardie, hypothermie, sueur, polypnée, acidose métabolique et respiratoire, hyperglycémie, augmentation de la consommation d’oxygène.

La réanimation initiale doit compenser ces modifications par la ventilation et l’apport massif d’oxygène, la lutte contre l’acidose métabolique et respiratoire et la limitation des apports glucidiques.

Ce système de compensation physiopathologique « fonctionne » pendant quelques heures au-delà desquelles, si la correction n’est pas effectuée, les effets bénéfiques de cette régulation deviennent nocifs et entraînent le syndrome de déficience polyviscérale qui, chez l’enfant plus particulièrement, est irrattrapable.

Prise en charge d’un enfant polytraumatisé :

A – RAMASSAGE, CONDITIONNEMENT ET TRANSPORT :

L’analyse des causes de décès chez l’enfant polytraumatisé révèle que la moitié de ces décès est quasiment immédiate sur le lieu de l’accident en raison de grands traumatismes neurologiques centraux ou de traumatismes cardiovasculaires importants.

Vingt pour cent des décès sont tardifs par défaillance multiviscérale ou pathologie infectieuse.

Il existe une frange de 30 % de décès précoces par trauma crânien, par hémorragie ou asphyxie, qui représente la proportion d’enfants pour lesquels un effort supplémentaire doit être envisagé et constitue sans doute la population des décès « évitables ».

Le pronostic vital et fonctionnel dépend étroitement de la vitesse d’intervention, de la rapidité de la réanimation initiale.

Le problème que pose l’enfant polytraumatisé est la spécificité propre de la réanimation pédiatrique et la difficulté technique que représentent les gestes initiaux de réanimation.

Il faut donc des réanimateurs formés aux techniques pédiatriques.

Il est toujours licite de développer des programmes de formation et d’entraînement spécifiques à la réanimation de l’enfant.

1- Examen clinique :

Il reste fondamental et essentiel, même s’il doit être restreint en raison de la vitesse nécessaire de la mise en oeuvre des moyens de réanimation initiaux.

Il doit être systématique.

Il comporte la prise de paramètres vitaux, un examen neurologique initial avec l’établissement du score de Glasgow dans son adaptation pédiatrique.

Il faut insister sur l’examen neurologique périphérique à la recherche de lésions médullaires.

Si l’auscultation et la répercussion thoraciques sont indépendantes de l’état neurologique, la palpation abdominale initiale est très importante avant toute sédation, car elle seule renseigne sur une éventuelle réaction péritonéale ou une défense abdominale.

Le reste de l’examen clinique met en évidence une hémorragie extériorisée à comprimer, des fractures qu’il faut immédiatement immobiliser sur attelle.

2- Recueil des circonstances de l’accident :

Il est important car il permet d’avoir une idée sur la violence du traumatisme, sur le mécanisme de l’accident, il permet de connaître l’état des autres victimes et mentionne éventuellement le décès d’un des parents dans l’accident.

On peut ainsi, en fonction de l’âge de l’enfant et des circonstances de la survenue de l’accident, établir un portrait-robot avec les lésions principales auxquelles il faut s’attendre, à savoir un traumatisme à prédominance céphalique ou un polytraumatisme avec prédominance sur un hémicorps.

3- Scores :

Ils sont relativement peu utilisés en France, probablement à tort.

En dehors de l’échelle de Glasgow, deux scores sont particulièrement intéressants chez l’enfant : le pediatric trauma score et le revised trauma score.

L’utilisation rationnelle d’un score permet :

– de transmettre un bilan traumatique initial ;

– de donner le degré d’urgence ;

– de prévenir le site d’accueil ;

– d’orienter l’enfant. Pour certains, un score PTS (pression télésystolique) ou un score de Glasgow inférieurs à 8 sont des indications de transfert dans les centres chirurgicaux pédiatriques.

Ils ont un intérêt pour toutes les études cliniques et pour les travaux d’évaluation.

4- Réanimation et conditionnement :

La réanimation initiale repose sur quatre volets.

* Traitement de la détresse respiratoire Dégagement des voies aériennes supérieures :

Les conditions anatomiques du larynx de l’enfant font que cette détresse respiratoire est très souvent due à un encombrement des voies aériennes supérieures, surtout si l’enfant est comateux.

Les gestes à effectuer sont :

– immobilisation du cou par un collier cervical non compressif ;

– aspiration et dégagement des voies aériennes ;

– luxation maxillaire ;

– intubation orotrachéale en appliquant la manoeuvre de Sellick (clampage de l’oesophage par pression sur le cartilage cricoïde) pour éviter toute inhalation, toujours précédée par une ventilation avec préoxygénation au masque et une sédation.

Il est fondamental que le réanimateur amené à effectuer ces gestes connaisse toutes les techniques spécifiques à l’enfant et qu’en cas d’intubation difficile, il puisse avoir recours à l’intubation rétrograde, la ponction trachéale percutanée, voire la trachéotomie.

L’intubation nasotrachéale est déconseillée en raison de dégâts potentiels sur la face.

Une autre particularité de l’enfant est la détresse respiratoire liée à une distension gastrique qui rend systématique la mise en place d’une sonde gastrique.

* Respiration :

C’est le traitement d’un pneumo- ou d’un hémothorax compressif qui est la deuxième cause de détresse respiratoire.

Le diagnostic repose sur la cyanose (qui peut être absente en cas d’hémorragie importante), la distension jugulaire et surtout la baisse du murmure ventilatoire et la présence d’un tympanisme.

Le drainage ou la ponction à l’aiguille doivent être effectués sur les lieux du ramassage.

* Hémodynamique :

La réponse physiopathologique de l’enfant à l’hémorragie est le maintien d’une bonne tension artérielle en raison d’une importante vasoconstriction.

Celle-ci peut être normale jusqu’à une spoliation sanguine de 25 à 30 % de la masse sanguine.

Inversement, lors de la décompensation de ce processus, l’arrêt cardiaque est en règle générale plus difficile à réanimer.

Il faut donc se fier plus au rythme cardiaque qu’à la mesure de la tension artérielle, d’autant plus délicate à effectuer que l’enfant est petit.

Une hémorragie externe est un diagnostic facile et doit être traitée par compression.

Une plaie importante du scalp peut à elle seule engager le pronostic vital.

Le remplissage : l’abord vasculaire peut être très délicat chez le petit enfant.

En règle générale, il faut obtenir deux voies veineuses de bon calibre, la ponction par cathéter peut être faite à distance du thorax en région fémorale qui est une bonne voie d’attente et permet une réanimation initiale.

Si les abords périphériques ne sont pas possibles rapidement, il existe la possibilité d’une perfusion intraosseuse qui se fait dans le tibia sur la face antéro-interne au tiers supérieur du tibia, à distance de l’apophyse tibiale antérieure.

Cette voie d’abord tolère de gros débits pouvant aller jusqu’à 100 mL/h chez le nourrisson.

Il s’agit d’une voie d’attente qui ne doit pas être maintenue au risque d’induire des complications infectieuses.

Le soluté de remplissage utilisé en France est le Ringer Lactatet et les colloïdes type Elohest, administrés par bolus de 20 mL/kg en 10 minutes répété trois ou quatre fois de suite.

L’absence de réponse au remplissage traduit une hémorragie persistante importante ou la création d’un troisième secteur.

Les solutés glucosés sont contre-indiqués en cas de traumatisme crânien.

Il faut connaître l’existence du pantalon antichoc qui, par la compression exercée sur les membres inférieurs, permet de récupérer un certain volume sanguin et peut constituer une solution d’attente le temps du transport en milieu spécialisé.

Sur le plan orthopédique, seules les associations fracturaires ou la fracture du bassin peuvent être responsables d’hémorragies importantes.

* État de conscience :

L’examen neurologique initial est sommaire et permet d’établir l’échelle de Glasgow.

L’intubation et la ventilation assistée sont d’indication très large en cas de traumatisme crânien.

L’instauration d’une sédation à visée de protection cérébrale se fait sur les lieux de l’accident.

L’immobilisation de l’enfant se fait dans un matelascoquille.

Il faut, dans la mesure du possible, déshabiller l’enfant et le réchauffer par la couverture isotherme.

Un premier bilan sanguin est prélevé comportant : détermination du groupe, numération formule sanguine avec hématocrite et bilan ionique initial.

Ce bilan est fourni à l’hôpital receveur.

B – PRISE EN CHARGE HOSPITALIÈRE :

Les spécificités liées à la prise en charge de ces enfants rendent leur transfert en centre spécialisé pédiatrique impératif avec des spécialités chirurgicales, médicales et d’imagerie.

Il faut insister sur plusieurs points déjà établis et qui restent valables, à savoir :

– unité de lieu pour la prise en charge de ces enfants ;

– disponibilité immédiate de tous les intervenants ; – parfaite coordination entre les équipes ;

– nécessité de définir un coordinateur qui peut varier en fonction des situations et assure la responsabilité de la coordination des explorations et de la prise en charge.

Il est en outre le référent privilégié vis-à-vis de la famille dont l’accueil doit être prévu ;

– répartition préalable des tâches de chacun des membres de l’équipe médicale et paramédicale.

Ces conditions nous paraissent indispensables pour atteindre le niveau de compétence nécessaire à la prise en charge de ces traumatismes.

À l’arrivée dans ce centre spécialisé, une nouvelle évaluation clinique est effectuée.

Le conditionnement est complété par la mise en place d’un drainage urinaire dont la seule contreindication est la présence d’un globe vésical avec urétrorragie qui impose le drainage sus-pubien.

Tous les gestes qui n’ont pu être effectués lors du ramassage le sont à ce moment avec immobilisation des fractures sur attelle, mise en route d’un traitement antalgique en préférant les anesthésiques locorégionaux.

L’ensemble de ces gestes ainsi que ce bilan clinique doivent être rapides et ne pas différer la mise en route du bilan lésionnel et l’accès à l’imagerie.

Il y a deux cas de figure :

– enfant instable à hémodynamique mal compensée par une hémorragie soit externe évidente, soit interne thoracique ou abdominale.

C’est le cas des grands fracas thoraciques avec rupture d’artère pulmonaire, des lésions spléniques et surtout hépatiques majeures ou des plaies des gros troncs vasculaires essentiellement fémoraux.

Seule une échographie abdominale peut être pratiquée en sas de réanimation pour confirmer la localisation de l’hémorragie et l’enfant doit être transféré immédiatement au bloc opératoire pour un geste d’hémostase.

Ce cas est exceptionnel en raison de la faible masse sanguine des enfants qui malheureusement décèdent le plus souvent avant l’arrivée à l’hôpital ;

– l’autre cas de figure est l’enfant stabilisé hémodynamiquement par la réanimation initiale dont l’état neurologique est maîtrisé par le traitement médical et là, le bilan lésionnel est possible.

L’enfant est alors transféré dans une unité d’imagerie, accompagné de l’équipe chirurgicale et médicale qui poursuit la réanimation et oriente les examens à venir.

1- Imagerie diagnostique :

L’exploration des lésions doit être complète, exhaustive et rapide.

Actuellement, l’ensemble du bilan peut être mené de manière non invasive.

La chronologie de l’exploration doit aller des lésions vitales puis, secondairement, aux lésions dites fonctionnelles.

À l’heure actuelle, l’examen qui répond le mieux à cet impératif est la tomodensitométrie (TDM) qui permet de faire une exploration rapide de l’axe vital céphalo-cervico-thoraco-abdominal.

Le bilan des lésions périphériques est fait secondairement en radiologie standard.

* TDM :

L’accès à cet examen nécessite des locaux adaptés et une disponibilité de l’équipe d’imagerie.

On préfère un examen scanographique à rotation continue qui, une fois le malade installé, permet d’obtenir l’ensemble des coupes nécessaires en quelques minutes.

Cet examen peut faire le diagnostic des lésions urgentes.

Nous proposons le protocole suivant après clampage de la sonde urinaire :

– visualisation par topogramme face (scout-view) et profil du thorax et de l’abdomen.

Ceci permet de détecter une lésion importante qui serait jusqu’à présent passée inaperçue telle qu’un volumineux pneumothorax ou pneumopéritoine, une fracture du bassin ;

– topogramme cervical de profil pour dépister les lésions majeures du rachis cervical en particulier supérieur ;

– coupes cérébrales sans injection. Les lésions hémorragiques sont spontanément hyperdenses ;

– imagerie du thorax et de l’abdomen selon la séquence suivante :

– coupes abdominales sans injection pour faire le diagnostic des hématomes (lésions hyperdenses) du foie, de la rate, des reins et du pancréas ;

– coupes thoracoabdominales après injection de produit de contraste.

On obtient alors un rehaussement des parenchymes sains, ce qui visualise mieux les fractures des organes pleins (foie, rein et rate).

Les capacités actuelles de cette technique permettent d’avoir une sensibilité proche de 100 %.

Elle fait le diagnostic des épanchements liquidiens, donne leurs origines, retrouve les épanchements gazeux abdominaux ou thoraciques, même de faible importance.

On peut aussi, par injection en bolus, visualiser les gros vaisseaux tels que la crosse de l’aorte.

En fin d’examen, un bilan néphrographique fait le diagnostic d’un rein muet ou d’une lésion parenchymateuse.

Quelques coupes en regard du pédicule rénal remplacent avantageusement l’artériographie.

Il faut cependant éviter quelques pièges :

– se contenter d’un scanner cérébral et reporter à un autre type d’imagerie l’examen thoracoabdominal ;

– ne pas faire un examen trop long avec, en particulier, de nombreuses coupes diagnostiques au niveau du rachis.

On peut tout au plus effectuer quelques coupes au niveau de C1-C2 ou d’une lésion rachidienne osseuse vue au topogramme.

* Clichés standards osseux :

Ces clichés sont effectués de préférence sur une table de radiographie où la qualité des images est nettement meilleure qu’une exploration faite dans un service de réanimation avec un appareil portable.

Il est impératif que le chirurgien soit présent pour aider au positionnement du malade.

Il faut s’efforcer d’avoir les clichés les plus orthogonaux possible et s’évertuer à faire tourner le rayon X autour du malade plutôt que d’utiliser des positionnements dangereux.

Certains clichés restent systématiques, comme les radiographies de l’ensemble du rachis et du bassin, avec en particulier dégagement de l’odontoïde et de la jonction cervicodorsale, un rachis dorsolombaire bien visualisé surtout sur les clichés de profil.

Le reste des clichés nécessaires est guidé par l’examen clinique.

* Échographie :

Elle est quelquefois le seul examen praticable en cas d’urgence extrême et permet de confirmer la présence d’un épanchement important en donnant sa localisation thoracique ou abdominale.

Dans le cas habituel de l’enfant stabilisé par la réanimation, sa réalisation première est inutile dans la mesure où, si elle est très sensible pour le diagnostic positif d’un épanchement, elle est en revanche médiocre dans la définition de son origine.

C’est ainsi que toute échographie objectivant un épanchement doit conduire à un examen scanographique qui permet d’en préciser l’origine.

Elle reste fondamentale, en revanche, en raison de sa maniabilité dans la surveillance des lésions abdominales.

L’échographie cardiaque, quant à elle, est précieuse pour explorer un hémopéricarde.

* Artériographie :

L’artériographie préconisée autrefois en cas de rein muet est remplacée avantageusement par des coupes au scanner faites en regard du pédicule rénal avec injection en bolus de produit de contraste.

Elle garde son importance dans une exceptionnelle nécessité d’embolisation.

Il faut garder à l’esprit qu’elle est très dangereuse chez l’enfant en raison du risque de spasmes vasculaires qu’elle peut provoquer.

* Imagerie par résonance magnétique (IRM) :

L’IRM est irremplaçable en dehors du cadre de l’urgence.

Elle est réalisable après ostéosynthèse à condition d’explorer un organe à distance du matériel métallique ou d’utiliser des implants non ferromagnétiques, indispensables au rachis en cas de lésion médullaire.

L’IRM en urgence est de réalisation difficile en raison du temps qu’elle nécessite, du matériel de réanimation qu’il faut introduire dans la salle, de la difficulté de surveillance à distance des patients.

Les progrès techniques permettent rapidement un accès plus facile et une utilisation plus fréquente dans le cadre de l’urgence.

Son indication principale est la lésion médullaire.

L’alternative actuelle est le myéloscanner qui nécessite une ponction lombaire et des manipulations délicates sur table.

* Scintigraphie :

Elle n’a pas sa place dans le cadre de l’urgence.

Elle peut, en revanche, rendre de grands services dans les jours suivants pour dépister les fractures passées inaperçues au bilan osseux standard, en particulier chez le petit enfant dont l’ossification est faible.

Au total, la chronologie idéale est la séquence TDM corps entier suivie du bilan radiographique standard.

L’artériographie d’embolisation est exceptionnelle.

L’IRM est encore de maniement difficile mais il est certain que l’avenir permettra de banaliser son utilisation.

L’échographie demeure l’examen de référence pour la surveillance des lésions abdominales.

Elle limite les déplacements du malade.

2- Lésions et particularités de leur traitement :

* Lésions de l’axe vital :

+ Traumatisme crânien :

L’enfant présente plusieurs particularités :

– le volume de la tête est plus important que chez l’adulte, et le rapport tête-corps est d’autant plus important que l’enfant est petit ;

– les espaces sous-arachnoïdiens sont plus importants, ce qui explique le grand nombre de lésions par ébranlement et possibilité de contusions controlatérales au choc ;

– l’augmentation de la pression intracrânienne est plus rapide, de même la diminution de la pression intracrânienne n’est obtenue qu’avec des pressions gazeuses (PaCO2) plus basses que chez l’adulte.

Il est présent dans 80 % des polytraumatismes.

Il est responsable des séquelles les plus lourdes, reste la première cause de décès et doit être exploré en premier.

Le pronostic final dépend de la vitesse de mise en route du traitement.

La mesure du score de Glasgow établie par levée de la sédation est un bon indice pronostique.

Les lésions rencontrées sont par ordre de fréquence décroissante :

– contusion cérébrale : 43 % ;

– hémorragie méningée et intraparenchymateuse : 36 % ;

– lésions axonales diffuses : 34 % ;

– lésion du tronc cérébral : 19 % ;

– hématome extradural et hématome sous-dural : ils ne représentent que 8 % des lésions rencontrées.

Le traumatisme se déroule en deux temps :

– traumatisme primaire lié au choc direct lors du traumatisme ;

– traumatisme secondaire ischémique en raison essentiellement de l’hypotension à laquelle s’ajoutent l’hypoxie et l’oedème.

L’ischémie est elle-même responsable d’oedème, ce qui entraîne un cercle vicieux.

Le traitement médical a deux objectifs :

– maintenir une tension artérielle correcte, en évitant l’hypoosmolalité et en instaurant des drogues vasopressives (dobutamine et dopamine) ;

– maintenir une oxygénation correcte par une intubation et une ventilation assistée dès que le score de Glasgow est inférieur à 8.

Ce traitement médical associe : – hyperventilation de manière à obtenir une hypocapnie située entre 30 et 35 mmHg.

La perfusion de mannitol ne se justifie qu’en cas de risque d’engagement imminent ;

– sédation à visée de protection cérébrale associant des hypnotiques (propofol) et morphiniques (fentanyl) ;

– installation en position proclive.

En cas d’immobilisation cervicale, il faut vérifier que le collier n’est pas trop serré.

Un geste chirurgical est exceptionnel (hématome extradural).

Le neurochirurgien est amené à mettre en place une sonde de mesure de pression intracrânienne si les signes d’hypertension intracrânienne sont présents au scanner.

+ Traumatismes de la face :

Ils sont très souvent associés au traumatisme crânien.

Ils sont responsables d’un oedème souvent impressionnant qui justifie l’intubation.

Les plaies sont suturées soigneusement pour limiter les séquelles esthétiques.

Les fractures dentaires sont répertoriées d’autant qu’elles peuvent toucher des dents définitives dès l’âge de 6 ans.

La chirurgie des fractures du massif facial et des lésions ophtalmiques n’intervient qu’une fois l’oedème résorbé.

Il est souvent nécessaire, en préopératoire, de réaliser des coupes scanner coronales supplémentaires à distance du traumatisme.

Le recours aux spécialistes de la face est rare en urgence.

+ Rachis cervical :

Le polytraumatisme représente 25 % des fractures du rachis cervical de l’enfant.

Soixante-dix pour cent de ces fractures touchent l’étage C0-C2.

Cette lésion est très souvent initialement inaperçue et le retard diagnostique est expliqué par la difficulté d’interprétation des radiographies standards, la fréquence des lésions étagées, le rachis cervical passant plus inaperçu.

Deux localisations sont particulièrement sensibles.

– Rachis cervical supérieur (fracture de l’odontoïde, lésion C1-C2).

La luxation occipitoatloïdienne est exceptionnelle et entraîne presque toujours le décès.

Toutes les lésions de cette région mettent en jeu la stabilité du rachis cervical supérieur.

La possibilité d’une entorse avec instabilité ligamentaire est rare dans ce cadre, mais elle doit être recherchée à distance.

Le diagnostic de ces lésions se fait essentiellement sur des clichés radiographiques standards de face et de profil, de bonne qualité, et des clichés dynamiques.

– Rachis cervical inférieur.

Il s’agit plus souvent de fractures instables accompagnées de troubles neurologiques associés souvent à des lésions ligamentaires dont le traitement est chirurgical.

Il existe une recrudescence de ces lésions due au mode d’ancrage des petits enfants dans les sièges automobiles.

L’ensemble du tronc est bien maintenu par des ceintures « 4 points » et la tête, qui représente un tiers à un quart du volume corporel, ne peut être retenue par la musculature cervicale.

Le rachis de l’enfant est particulièrement souple et élastique, ce qui explique la possibilité de lésions neurologiques sans anomalie osseuse dont le diagnostic est particulièrement délicat face à un enfant sédaté.

La moindre suspicion d’anomalie neurologique périphérique impose la réalisation d’une IRM et la mise en place d’un traitement protecteur par corticoïdes : Solu-Médrolt 30 mg/kg sur 1 heure, relayé par 5,4 mg/kg sur les 23 heures suivantes et poursuivi sur 48 heures ou 24 heures si le premier bolus a été administré dans les 3 premières heures.

+ Traumatismes thoraciques :

La présence d’un traumatisme thoracique multiplie le risque de mortalité par 20.

L’enfant est caractérisé par une cage thoracique très élastique qui explique la discordance entre la rareté des dégâts pariétaux (les volets sont exceptionnels) et l’importance des dégâts intrathoraciques.

Lésions par ordre de fréquence décroissante.

– Les contusions pulmonaires se rencontrent dans 50 à 75 % des cas de traumatisme thoracique.

Elles sont diagnostiquées à la TDM et sont surtout postérieures.

Leurs complications principales sont l’infection et le risque d’oedème pulmonaire, le syndrome de détresse respiratoire aiguë est rare chez l’enfant ;

– un pneumothorax se retrouve dans 30 à 50 % des cas de traumatisme thoracique.

Il est diagnostiqué par l’abolition du murmure vésiculaire et par un tympanisme.

Il est confirmé par le scanner ou grâce à la radiographie du thorax.

Un hémothorax peut bien sûr lui être associé.

Il est deux fois moins fréquent que le pneumothorax et il est diagnostiqué par une matité à l’examen.

La confirmation du diagnostic se fait de la même manière qu’un pneumothorax mais un hémopneumothorax compressif doit être drainé sans preuve radiographique sur les lieux de l’accident ;

– les lésions par décélération brutale :

– les ruptures trachéobronchiques sont révélées le plus souvent par un bullage permanent dans les drains thoraciques.

On retrouve un pneumomédiastin sur le cliché du thorax ou au scanner thoracique.

Le diagnostic est souvent retardé de 4 à 16 jours.

On ne les retrouve que dans 3 à 6 % des traumatismes thoraciques.

Leur confirmation diagnostique passe par la bronchoscopie ;

– les lésions vasculaires médiastinales sont exceptionnelles et catastrophiques.

L’élargissement médiastinal à la radiographie est constaté dans 60 % des traumatismes thoraciques, mais il s’agit le plus souvent soit d’une fracture du sternum, d’un hématome de la loge isthmique ou de la diffusion d’un hématome rétropéritonéal.

La désinsertion aortique est exceptionnelle.

Sa mortalité est de 95 %, elle a été retrouvée dans 2,8 à 8 % des nécropsies.

Le diagnostic se fait lors du scanner spiralé injecté ou à l’échographie transoesophagienne, l’artériographie et l’IRM sont de réalisation beaucoup plus difficile dans ce cadre ;

– les atteintes cardiaques sont rares et se retrouvent dans environ 20 % des traumatismes thoraciques de l’enfant.

L’élévation des créatines phosphokinases (CPK) n’est pas fiable.

Le diagnostic est fait par l’échographie cardiaque qui révèle un hémopéricarde.

L’évolution est souvent favorable mais il faut se méfier cependant des ruptures de piliers ou de valves.

Traitements.

Le traitement des lésions thoraciques repose sur l’intubation, la ventilation assistée, le drainage des épanchements liquidiens ou gazeux qui règlent 90 % des problèmes des traumatismes thoraciques.

Il faut y associer, en cas de contusion importante, un traitement antibiotique et une ventilation avec pression expirée positive.

L’indication opératoire est rare en dehors des traumatismes pénétrants.

+ Lésions abdominales :

L’exploration des lésions abdominales est cliniquement facile s’il n’y a pas de trouble de conscience associé.

En cas de coma ou de sédation initiale, l’exploration repose essentiellement sur l’imagerie.

La surveillance clinique des lésions peut nécessiter de lever la sédation à intervalles réguliers pour ne pas passer à côté d’une complication secondaire ou d’une lésion passée inaperçue.

Lésions par ordre de fréquence décroissante.

– Atteinte rénale car l’organe est mal protégé chez l’enfant (48 % des traumatismes abdominaux).

– Fracture ou contusion de la rate (40 %).

– Fracture ou contusion du foie (24 %).

– Fracture du pancréas (7 %). Dans 20 % des polytraumatismes, deux lésions sont associées.

L’exploration de ces lésions abdominales est faite initialement par le scanner injecté qui a la meilleure sensibilité de diagnostic de ces lésions.

Une lésion des organes creux se retrouve dans 1,4 % des traumatismes abdominaux fermés (traumatismes par ceinture de sécurité).

Elle concerne essentiellement le jéjunum, suivi de l’iléon, puis du côlon et du duodénum.

Le délai diagnostique est en général important en raison de la difficulté de l’examen clinique.

Traitement des lésions des organes pleins.

Il s’efforce d’être conservateur.

Le taux de laparotomie est passé de 100 % dans les années 1960 à moins de 20 % aujourd’hui.

De même, le taux de splénectomie qui était de 70 % se situe actuellement aux alentours de 4 %.

Les lésions hépatiques sont mortelles dans 5 à 13% des cas.

Elles sont alors au-dessus de toute ressource thérapeutique et sont responsables de décès précoces.

Les lésions pancréatiques sont de traitement conservateur initial dans la grande majorité des cas ; ce n’est que secondairement que sont drainés des pseudokystes.

Les lésions rénales sont très peu chirurgicales en urgence.

Les tentatives de chirurgie conservatrice se soldent souvent par la néphrectomie.

Ce traitement conservateur comporte réanimation initiale et transfusion, cette dernière étant décidée dès que l’hématocrite descend en dessous de 20 %.

La chirurgie doit faire appel à toutes les techniques conservatrices disponibles :

– filets hémostatiques ;

– hépatectomies partielles ;

– transplantation d’un fragment splénique dans le grand droit ou dans l’épiploon.

L’intervention chirurgicale est décidée :

– s’il n’y a pas de réponse à la réanimation initiale avec une transfusion supérieure à 40 mL/kg dans les 8 premières heures ;

– en cas de pneumopéritoine ; – en cas de plaie avec éviscération ou signes de péritonite.

Elle peut aussi être décidée secondairement en cas de détérioration de l’état hémodynamique. Il n’y a pas d’argument biologique pour décider d’une laparotomie.

Les liquides d’aspiration gastrique ne sont pas de bons indicateurs pour la décision chirurgicale, à l’exception de la présence de bile.

La présence d’un traumatisme crânien sévère n’est pas une contre-indication au traitement « médical » des lésions intra-abdominales.

+ Fractures du bassin :

L’anneau pelvien de l’enfant est beaucoup plus souple que celui de l’adulte, ce qui explique que les fractures rencontrées sont en général moins graves et que l’on puisse ne retrouver qu’un seul trait.

Cette fracture est relativement hémorragique mais, isolée, elle n’entraîne pas de risque vital ; en revanche, elle augmente très sensiblement la morbidité et le risque de mortalité tardive.

Les fractures complexes et multiples du bassin ne représentent que moins d’un cinquième des fractures du bassin.

Le traitement fait souvent appel à la fixation externe.

Le véritable problème de ces fractures est en fait le risque de lésions urinaires associées qu’il faut suspecter devant toute urétrorragie.

La pose d’une sonde urinaire est contre-indiquée devant la présence d’un globe vésical et d’une urétrorragie.

Les lésions génito-urinaires sont particulièrement fréquentes dans les fractures des branches pubiennes et dans les fractures multiples.

Ces fractures traduisent un traumatisme très violent et elles sont associées, dans 85 % des cas, à des lésions abdominales.

La probabilité des lésions abdominales est de : – pour les fractures du pubis : 1 % ;

– pour les fractures sacro-iliaques : 15 % ;

– pour les fractures multiples de l’anneau pelvien : 60 %.

* Lésions à pronostic fonctionnel :

+ Fractures :

Elles surviennent essentiellement dans les traumatismes par chute importante ou dans les accidents de la voie publique.

Par ordre de fréquence décroissante, elles sont localisées sur le fémur, l’humérus, la jambe, la cheville, l’avant-bras.

Il s’agit de fractures ouvertes dans environ 10 % des cas.

Les fractures de l’axe central (rachis, épaule, bassin) sont le reflet de l’atteinte de l’axe vital et entraînent une hospitalisation plus longue avec augmentation du taux de mortalité.

Prise en charge des fractures lors du polytraumatisme.

Elle vise à reconstituer un os solide mobilisable et restaurer la continuité de la charpente de manière à faciliter la mobilisation et les transferts du patient (imagerie en particulier).

Ainsi, les attitudes habituelles face aux fractures des membres de l’enfant se sont modifiées en raison de plusieurs facteurs :

– difficulté de nursing avec nécessité de déplacer l’enfant pour des explorations complémentaires ;

– prévenir les complications de décubitus ;

– risque d’apparition rapide de spasticité liée à la lésion du système nerveux central ;

– difficulté de surveillance des immobilisations plâtrées avec risque du syndrome de loge dont la symptomatologie douloureuse n’est pas reconnue en raison de l’état de conscience et des traitements antalgiques ;

– fréquence des lésions multiples, étagées, homolatérales ;

– manipulation des fractures : elle augmente la pression intracrânienne ;

– à l’inverse, l’immobilisation fait baisser le risque de syndrome de détresse respiratoire aiguë, participe aux traitements antalgiques, ce qui permet de raccourcir la sédation et de baisser les doses de médication antalgique ainsi que la durée du séjour de réanimation.

Toutes ces raisons amènent à pratiquer des ostéosynthèses avec des indications beaucoup plus larges que dans les traumatismes isolés, sans limite inférieure d’âge.

Méthodes.

– L’embrochage centromédullaire élastique stable (ECMES) est pour nous la technique de choix.

Elle est rapide, non hémorragique, respecte le périoste et n’entraîne pas d’hypercroissance.

Elle s’adresse à tous les segments de membre.

– Les fixateurs externes représentent une solution rapide et ont tout leur intérêt dans les fractures multiples, les fractures ouvertes avec perte de substance, les fractures du bassin.

Il est bien sûr possible de combiner les deux techniques d’ostéosynthèse fermée et de fixation externe.

Le choix du fixateur dépend des habitudes du chirurgien, du temps de pose, du nombre de degrés de liberté du fixateur, du nombre de plans de correction nécessaires, de la nécessité d’adjoindre des greffes de peau, voire des lambeaux musculocutanés.

Il faut veiller à ce que les broches ou les fiches soient à distance de la plaque de croissance, il faut choisir un point d’introduction à distance de l’ouverture cutanée à un endroit où la distance peau-os est la plus faible.

– Le traitement orthopédique, dans ce cadre nosologique, n’est concevable que si le remodelage possible de cette fracture est important, si la fracture est isolée, si le plâtre est peu encombrant et si le risque de survenue de syndrome de loge est faible. Chronologie.

En dehors des pertes de substance importantes des fractures ouvertes de degré supérieur au type I de Cauchoix, des problèmes vasculaires hémorragiques ou des syndromes de loge, l’ostéosynthèse n’est pas une urgence et il est possible d’attendre sous couvert de mise en traction et de pose d’attelles.

Il est communément admis dans la littérature qu’elle doit se situer avant la 48e heure, une fois que les constantes vitales ont été stabilisées et avant que n’apparaissent les complications de décubitus.

L’ostéosynthèse peut aussi être effectuée en urgence en complément d’une intervention viscérale.

Pour éviter les nombreuses séances au bloc opératoire, il est nécessaire de prévoir un programme chirurgical qui prenne en charge l’ensemble des lésions fracturaires. Quelques localisations particulières méritent des précisions.

– Fémur : c’est la fracture le plus fréquemment rencontrée dans le polytraumatisme pédiatrique.

Elle est nettement moins hémorragique que chez l’adulte.

Ses conséquences hémodynamiques sont donc beaucoup plus faibles. Isolée, elle ne peut pas expliquer le choc hypovolémique et seulement un tiers des patients ont alors une baisse de l’hématocrite.

Dans le cadre du polytraumatisme, la participation du fémur dans la constitution de la spoliation sanguine a été évaluée à 6 %. Le traitement de choix est l’ECMES.

– Rachis thoracolombaire : les lésions du rachis traduisent un traumatisme violent.

Les circonstances particulières entraînent un cadre nosologique bien défini, c’est la lésion par ceinture de sécurité ventrale à deux points d’ancrage (seat belt fracture des Anglo-Saxons).

Cette association, qui comporte des lésions intra-abdominales et une fracture du rachis, est connue depuis les années 1980.

Il s’agit toujours de traumatismes violents (décès d’un des passagers dans la moitié des accidents).

Il existe fréquemment un signe de contusion directe cutanée sur le trajet de la ceinture.

Il s’agit le plus souvent de ceinture dont l’appui n’est pas correct chez l’enfant, ne se fait pas sur le sommet des ailes iliaques mais sur l’abdomen.

Aucun traumatisme similaire n’est retouvé en Suisse, pays où ce type de ceinture est interdit.

Le diagnostic de la fracture est fait sur la radiographie car le scanner peut donner des faux négatifs.

La localisation préférentielle est sur le rachis lombaire avec une très nette dominance des fractures situées en L3.

Il s’agit en règle générale de fracture-distraction simple ou fracture de Chance, avec déchirure des ligaments postérieurs plus ou moins fracture intra-articulaire.

Si le point d’appui de la ceinture est situé plus en arrière, l’axe virtuel de rotation est alors plus postérieur et il peut y avoir une composante de compression dans le corps vertébral sans qu’elle ne dépasse jamais 50 % de la hauteur du corps vertébral.

Les signes neurologiques associés sont rares puisqu’ils vont de 0 à 15%.

Il s’agit le plus souvent de paraplégie.

Il y a une fois sur deux une lésion abdominale (rate, foie, organes creux).

Le problème principal de ce traumatisme est le retard diagnostique de la lésion rachidienne.

Il faut être systématique dans l’exploration et, face à ce mécanisme particulier, faire des clichés corrects de la colonne lombaire ; inversement, face à ce type de fracture, évoquer la possibilité d’une lésion abdominale et la rechercher activement.

Actuellement, en France, le système « deux points » est avantageusement remplacé par des ceintures « trois points ».

Des dispositifs de maintien adaptés sont obligatoires pour les enfants de moins de 10 ans.

En dehors de cette entité traumatique, les fractures du rachis se rencontrent dans les chutes d’un lieu élevé.

Il s’agit le plus souvent de fracture en compression pure avec plus ou moins d’inclinaison latérale et de composante rotatoire (burst fracture des Anglo-Saxons).

Les traits sont alors verticaux.

Chez l’enfant, la présence d’un grand nombre de points de croissance et surtout l’intégrité préalable de l’appareil discoligamentaire autorisent éventuellement un traitement orthopédique par ligamentopexie en traction.

Le traitement chirurgical est indiqué seulement en cas d’atteinte neurologique nécessitant une décompression ou lorsque le traitement orthopédique ne peut être fait dans de bonnes conditions en raison de la présence d’autres lésions.

– Localisations épiphysaires : ces fractures doivent être recherchées attentivement.

Il faut se méfier tout particulièrement des traits verticaux.

Leur traitement répond aux mêmes règles qu’en traumatologie « isolée ».

Négligées, elles peuvent constituer des séquelles majeures sur la croissance.

– Fractures des extrémités : elles sont de diagnostic difficile.

L’ambiance initiale tournée vers le pronostic vital de l’enfant ne doit pas masquer leur importance.

Elles sont le lieu privilégié des cals vicieux séquellaires.

Leur recherche attentive dans les jours qui suivent l’admission doit être systématique.

+ Lésions ligamentaires :

Il faut les rechercher de manière systématique.

Les lésions les plus courantes sont les ligaments croisés du genou chez le grand enfant, les entorses du rachis cervical ou les entorses de cheville.

On fait une recherche de laxité ou de mouvements anormaux sur les genoux et les chevilles.

Il ne faut pas hésiter à avoir recours à l’IRM dans un deuxième temps et à faire des clichés dynamiques cervicaux au réveil.

Devenir d’un enfant polytraumatisé :

A – LIMITE NEUROLOGIQUE :

Si, dans les années 1980, l’optimisme était de rigueur face au bon taux de survie de ces enfants, l’évaluation plus approfondie des séquelles neurocomportementales et neuropsychiques tempère largement cet optimisme.

Si l’adaptabilité de l’enfant est excellente vis-à-vis d’un nouvel état physique, elle est en revanche plus discutable face aux séquelles neurologiques.

Même si le potentiel de récupération neurologique et fonctionnel de l’enfant reste meilleur que chez l’adulte, l’établissement des séquelles définitives est un sujet encore mal exploré.

L’évaluation des séquelles peut être abordée selon deux modes complémentaires : l’évaluation médicale et l’interrogatoire des familles sur les séquelles ressenties.

Un tiers des enfants présente à distance des troubles de vigilance, des troubles cognitifs.

Le retentissement scolaire se traduit par une orientation en école spécialisée pour un tiers des enfants, par un ou plusieurs redoublements dans la moitié des cas et un fort taux de réorientation professionnelle.

À l’âge adulte, seuls 10 % des enfants présentent une incapacité définitive neurologique centrale alors que 40 % ont une activité professionnelle.

Les perturbations ressenties par la famille sont plus pessimistes avec, dans 80 % des cas, des troubles de l’émotion, du langage, de l’attention, de l’apprentissage et de la mémoire.

On retrouve là aussi trois quarts des enfants qui nécessitent des mesures d’éducation spécialisée.

Le retentissement sur la famille est majeur, avec dans un tiers à la moitié des cas une modification sur la composition de la famille, que ce soit sur le statut familial ou marital.

Dans une famille sur deux, il y a eu nécessité pour un des deux parents d’arrêter définitivement son activité professionnelle.

Le véritable problème séquellaire de l’enfant polytraumatisé est triple : neurologique, neuropsychologique et neurocomportemental.

Il s’agit actuellement de la limite de récupération de ces enfants.

La prise en charge plus précoce ainsi que des travaux de recherche sur ce sujet nous paraissent constituer une priorité actuelle.

B – COMPLICATIONS ET ERREURS :

Elles sont du domaine de la morbidité liée au coma prolongé, des complications propres à la réanimation.

Elles doivent être prévenues par le nursing, la mise en route rapide de l’entretien kinésithérapique et une couverture antibiotique.

C’est aussi l’aggravation secondaire possible d’une lésion viscérale.

Il faut, à ce sujet, insister sur deux points importants :

– l’attitude abstentionniste développée par les spécialistes chirurgicaux d’enfant ne peut être prônée que dans le cadre d’une surveillance chirurgicale pédiatrique car la symptomatologie et l’examen clinique de l’enfant sont spécifiques ;

– l’aggravation d’une lésion, le diagnostic d’une lésion viscérale rare comme une désinsertion mésentérique, un hématome du duodénum ou une rupture d’un viscère creux, peuvent être masqués par le traitement antalgique et la sédation.

Il faut donc prévoir des phases de levée de sédation pour surveiller l’état clinique de l’enfant.

L’analyse des causes d’erreur a déjà été largement menée grâce en particulier aux travaux du groupe d’études en orthopédie pédiatrique.

On peut les résumer de la manière suivante :

– erreur de lieu : le transfert a été effectué dans un hôpital insuffisamment équipé ou dans un service trop spécialisé.

Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un défaut de moyens ;

– erreur chronologique : la prise en charge successive et non concomitante des différentes lésions conduit à des interventions inadéquates ou trop différées.

C’est le cas de l’ostéosynthèse effectuée trop tard, du cal vicieux ou d’une erreur dans la chronologie du traitement des fractures.

Il faut garder à l’esprit que la reprise ou la chirurgie tardive donnent en règle générale un résultat médiocre en regard d’un geste chirurgical initial correct.

C – RÉPARATION JURIDIQUE ET INDEMNISATION :

Ce temps ne doit pas être négligé.

Le rôle du chirurgien orthopédiste est d’accompagner et au besoin de provoquer l’expertise qui ne doit pas être vue comme un jugement des résultats obtenus, mais comme un complément thérapeutique.

Il faut donc faciliter l’accès au dossier pour que l’évaluation soit la meilleure possible.

Les difficultés de l’expertise chez l’enfant sont liées, d’une part aux mécanismes physiopathologiques et anatomopathologiques particuliers des lésions, mais aussi à la notion de perte de potentiel toujours délicate à évaluer.

En orthopédie, il faut bien sûr insister sur tous les désordres possibles liés à la croissance résiduelle qui motivent des conclusions prudentes et souvent non définitives.

C’est souvent dans le cadre de cette expertise pour polytraumatisme que le recours à plusieurs experts ou sapiteurs s’impose (neuropsychiatre, orthopédiste, chirurgien maxillofacial…).

Conclusion :

La prise en charge du polytraumatisé pédiatrique a radicalement changé durant les deux dernières décennies.

La visualisation de plus en plus fiable des lésions a supprimé bon nombre de gestes chirurgicaux urgents d’exploration qui ajoutaient un traumatisme opératoire au traumatisme initial.

La meilleure compréhension de la physiopathologie a permis de mieux codifier la réanimation.

Il faut maîtriser les particularités pédiatriques de la prise en charge, à savoir : connaître les pièges hémodynamiques initiaux sans se fier à une simple surveillance de la tension artérielle ; appliquer rigoureusement la séquence d’exploration des lésions par une TDM première « corps entier » suivie du bilan radiographique osseux ; savoir traiter les lésions viscérales de manière conservatrice et surtout apprendre la surveillance de ces lésions pour dépister une aggravation secondaire ; pratiquer de multiples ostéosynthèses pour rendre l’enfant mobilisable, transportable pour accéder aux moyens d’imagerie, permettre les gestes de réanimation, faciliter le nursing.

L’ambition du traitement s’efforce maintenant de faire reculer la limite neurologique.

Les erreurs de prise en charge sont imputables, en règle générale, à une méconnaissance de ces principes nouveaux et au non-respect des priorités de traitement.

Il nous incombe de maintenir le niveau de compétence acquis et de plaider pour l’obtention de moyens supplémentaires.

Enfin, à côté de ces progrès spectaculaires, il reste cependant des inquiétudes sur le devenir social de l’enfant et une impuissance face au bouleversement que représente un tel événement au sein d’une famille.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.