Polypose nasosinusienne chez l’adulte (Suite)

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Première partie

Formes cliniques :

A – PRÉPOLYPOSE OU NARES :

Polypose nasosinusienne chez l’adulte (Suite)Le NARES, décrit dans les années 1980, est un diagnostic d’élimination, le concept de NARES signifiant seulement qu’une éosinophilie sécrétoire nasale peut être liée à une cause non allergique.

Il est indéniable que le NARES peut présenter un mode d’entrée dans la maladie polypeuse ; il ne faut cependant pas perdre d’esprit qu’une authentique rhinite à éosinophile peut coexister avec un terrain atopique.

La tomodensitométrie retrouverait une ethmoïdite oedémateuse bilatérale.

B – POLYPOSES :

Par ses associations et ses mécanismes physiopathologiques, la PNS est une pathologie qui peut se rencontrer de façon isolée ou syndromique.

Ainsi, différents types de PNS sont décrits :

– type I : polypose isolée ;

– type II : polypose associée à un asthme ;

– type III ou triade de Widal : associant asthme et intolérance à l’aspirine ;

– type IV ou inclassable : syndrome de Woakes, de Young, de dyskinésie ciliaire ou de mucoviscidose.

Les types I, II et III représentent respectivement 50, 30 et 20 % des PNS.

1- Polypose nasosinusienne et asthme :

* Aspects cliniques :

L’association de la PNS et d’un asthme est classique.

Sa fréquence est variable selon les séries.

L’âge moyen de la découverte d’une polypose chez l’asthmatique se situe entre 30 et 50 ans.

Dans deux tiers des cas, la polypose est diagnostiquée après le début de la maladie asthmatique, souvent tardivement au cours de l’évolution des symptômes bronchiques.

Il n’est pas impossible que le début insidieux de la symptomatologie nasale, volontiers négligée par les patients, explique cette observation.

Bien que la polypose ne figure pas dans les recommandations internationales de prise en charge de la maladie asthmatique, elle est en pratique souvent considérée comme un facteur de déstabilisation.

* Aspects physiologiques :

Différents mécanismes d’interaction entre les voies aériennes hautes et basses ont été proposés pour expliquer l’influence de la PNS sur la symptomatologie pulmonaire (aggravation ou déstabilisation de l’asthme) :

– drainage passif des sécrétions nasales pendant le sommeil ;

– diminution du seuil de stimulation vagale lors des infections sinusiennes ;

– sécheresse des voies aériennes inférieures en cas de respiration buccale exclusive ;

– production au sein des voies aériennes supérieures de cytokines pro-inflammatoires et bronchoconstrictrices susceptibles d’aggraver, voire de générer une hyperactivité bronchique.

Cette dernière hypothèse paraît être la plus cohérente.

* Aspects thérapeutiques :

La prise en charge thérapeutique ne se conçoit que sous forme d’un partenariat multidisciplinaire.

L’avis ORL est motivé par l’intensité des symptômes rhinosinusiens ou lorsqu’il existe une relation nette entre les poussées de PNS et l’aggravation de l’asthme.

Des travaux ont mis en évidence une réduction de la fréquence des exacerbations de l’asthme, après prise en charge médicale et/ou chirurgicale de la polypose nasale.

2- Polypose nasosinusienne et syndrome de Fernand Widal :

Le syndrome de Widal, Abrami et Lermoyez décrit en 1922 représente une des formes les plus agressives de PNS.

Tombé dans l’oubli, il fait l’objet des travaux de Samter qui le décrit sous le terme de triade associant PNS, asthme intrinsèque et intolérance à l’aspirine.

Dans une population de patients atteints de PNS, 13 % sont porteurs de cette triade.

* Aspect clinique :

Le syndrome survient le plus souvent dans la quatrième et cinquième décennie.

Sa survenue dans l’enfance est tout à fait exceptionnelle. Le délai entre l’apparition des symptômes respiratoires et l’intolérance à l’aspirine est variable, allant de quelques mois à 25 ans.

La rhinite non allergique à éosinophile (NARES), correspondant à un stade prépolypeux, est considérée comme une modalité d’entrée dans la maladie.

Une fois la maladie polypeuse installée, il n’est pas toujours possible d’objectiver des différences cliniques ou tomodensitométriques avec les autres formes.

L’asthme se caractérise par une franche éosinophilie, retrouvée par le lavage bronchoalvéolaire de la muqueuse bronchique.

Le syndrome de Fernand Widal ne reconnaît pas d’étiologie allergique.

Un terrain atopique est retrouvé dans 20 à 35 % des cas, conformément à sa prévalence dans la population générale.

* Conduite diagnostique et thérapeutique :

Dans les formes avérées de PNS, le diagnostic de maladie de Widal repose avant tout sur l’anamnèse.

Les tests de provocations cliniques sont aujourd’hui abandonnés du fait de leur gravité potentielle.

Au stade prépolypeux, outre l’interrogatoire, la cytologie nasale reste à la base du diagnostic de NARES (éosinophilie muqueuse supérieure à 25 % de la lignée blanche).

D’un point de vue thérapeutique, la seule spécificité de cette affection repose sur l’éviction totale et définitive des AINS.

3- Polypose nasosinusienne et sinusite fongique :

Ce syndrome est présenté comme une forme particulière de sinusite fongique au caractère non invasif, extramuqueux chez le sujet jeune immunocompétent, quel que soit le sexe.

Un asthme est retrouvé dans 40 à 80 % des cas, une polypose nasale réfractaire au traitement médical dans 90 à 100 % des cas et une atopie dans 40 à 80 % des cas.

Souvent plurisinusienne, l’atteinte est mise en évidence au scanner, par la présence d’opacités hétérogènes ou de calcifications et dans 20 % des cas par des érosions.

L’imagerie par résonance magnétique retrouve un hyposignal central en T1 et T2.

En périphérie, ce signal augmente, ce qui le distingue des sinusites fongiques classiques et des mucocèles.

L’aspect macroscopique peropératoire viendra renforcer le diagnostic.

Dans cette hypothèse, les sécrétions épaisses, visqueuses, verdâtres, d’aspect « mastic » sont fréquentes.

L’examen anatomopathologique de ce matériel met en évidence l’aspect classique de la mucine allergique constituée d’agrégats de polynucléaires altérés (essentiellement éosinophiles), de cristaux de Charcot-Leyden et de filaments mycéliens altérés.

Difficile à réaliser, la recherche d’un agent fongique ne doit pas être considérée comme pathognomonique de l’affection.

Ainsi Bent et Kuhn proposent les critères suivants :

– hypersensibilité de type I (antécédents, test cutané ou sérologie) ;

– polypose nasosinusienne ; – critères radiographiques ;

– mucus riche en éosinophiles et éléments fongiques sans invasion des tissus.

C – FORMES LIÉES AU TERRAIN :

1- Enfant et adulte jeune :

Ces formes sont l’expression nasale d’une maladie du mucus (mucoviscidose) ou des cils (dyskinésies ciliaires).

La pathologie bronchopulmonaire associée n’est pas spastique mais infectieuse chronique (dilatation des bronches dans le cas des dyskinésies ciliaires).

* PNS et mucoviscidose :

La mucoviscidose est responsable de la majorité des polyposes de l’enfant.

Cette pathologie découverte en 1936 par Fanconi affecte une naissance sur 2 500 en Europe.

Cette association à la PNS a été mise en évidence par Bodian puis Lurie en 1957.

Les patients atteints de mucoviscidose dans sa forme classique (atteinte pulmonaire, insuffisance pancréatique et chlore sudoral élevé) ont une PNS associée dans 6 à 50% des cas.

+ Aspect clinique :

Dans la mucoviscidose, l’étiopathogénie de la PNS est encore mal définie.

Les manifestations fonctionnelles de la PNS ne sont nullement spécifiques.

L’obstruction nasale, la rhinorrhée, les éternuements, l’anosmie et les douleurs faciales évoluent sur un mode chronique, selon tous les schémas possibles.

À l’examen clinique, les polypes ont un aspect classique, mais la présence de sécrétions mucopurulentes verdâtres liées à la surinfection par le pyocyanique doit faire suspecter le diagnostic de mucoviscidose.

L’incidence de la PNS, dans cette affection, varie selon les séries.

Triglia, sur une évaluation de 135 patients porteurs d’une mucoviscidose, a montré une incidence de la polypose dans 54,8 % des cas.

Ils représentent 72 % de l’ensemble des PNS diagnostiquées sur une population pédiatrique.

Le pic d’incidence se situe entre 4 et 12 ans et paraît augmenter chez les patients ayant subi une greffe coeur-poumon.

+ Aspects thérapeutiques :

L’évolutivité de la PNS est difficile à évaluer et la régression spontanée est rare.

L’antibiothérapie permet de contrôler les éventuelles poussées infectieuses et la corticothérapie pose le problème du risque de son utilisation au long cours chez l’enfant.

Depuis le début des années 1990, le principe de l’ethmoïdectomie par voie endonasale s’est imposé.

Certains travaux ont permis de montrer que le traitement chirurgical de la PNS, chez les patients présentant une mucoviscidose, pouvait réduire les besoins annuels d’une antibiothérapie mais ne semble pas améliorer la fonction pulmonaire.

Selon Rowe-Jones, les sujets dont la rhinorrhée purulente est la doléance principale, ont un taux de récidive inférieur à ceux se plaignant d’obstruction nasale.

Seules des études à long terme pourront préciser l’évolution de l’état bronchopulmonaire de ces patients opérés.

La prise en charge diagnostique et thérapeutique d’une PNS dans le cadre d’une mucoviscidose doit répondre à certaines règles : toutes PNS survenant avant l’âge de 20 ans imposent la pratique d’un test de la sueur.

La chirurgie sinusienne par voie endoscopique peut être actuellement proposée mais ne doit être décidée qu’en collaboration avec le pédiatre et le pneumologue.

* PNS et syndrome de dyskinésie ciliaire primitive :

La fréquence de la polypose dans la pathologie ciliaire est mal connue.

Le tableau clinique est celui d’infections récidivantes ou chroniques des voies aériennes, évoluant depuis les premiers mois de la vie et s’associant à l’âge adulte à un tableau d’infertilité.

Dans certains cas, une PNS d’aspect classique peut être associée.

Un simple brossage de la muqueuse nasale permet de recueillir un échantillon de cellules épithéliales dont l’étude en microscopie optique à contraste de phase et en microscopie électronique permet d’apporter le diagnostic étiologique précis.

La prise en charge thérapeutique de la PNS de ces patients n’est pas spécifique, et répond aux mêmes règles que pour une polypose primitive.

* Maladie de Woakes :

Il s’agit d’une PNS particulièrement rebelle aux traitements, de caractère familial, et responsable d’une déformation de la pyramide nasale avec élargissement et augmentation de volume des os propres du nez, alors que la pointe reste normale, réalisant le classique faciès en « museau de tapir ».

2- Sujet plus âgé :

La forme clinique correspond à celle typique de la PNS.

Diagnostic différentiel :

Dans sa forme évoluée, bilatérale le diagnostic différentiel de PNS ne se pose pas.

La symptomatologie clinique, l’examen endoscopique et tomodensitométrique suffisent.

A – STADE PRÉPOLYPEUX :

Lors des formes frustes ou débutantes, la PNS partage avec toute autre hyperréactivité nasale l’essentielle de sa symptomatologie.

Toutefois, les troubles de l’odorat y paraissent plus fréquents.

B – STADE CONSTITUÉ :

Ce sont ces formes qui posent le plus de problème, surtout si elles sont à prédominance unilatérale.

En effet, les formes de PNS cliniquement unilatérale existent mais restent rares.

Il convient donc d’éliminer :

– en premier lieu les pathologies tumorales malignes en recherchant une exposition professionnelle, des signes fonctionnels à type d’épistaxis récidivante.

Mais c’est principalement la tomodensitométrie qui apporte le plus au diagnostic.

Il convient de toute façon de réaliser une biopsie à visée anatomopathologique ;

– dans un second temps, les tumeurs bénignes sont à éliminer.

Les polypes antro- ou sphénochoanal peuvent poser problème au diagnostic, mais c’est surtout le papillome inversé qu’il faut savoir évoquer.

Plus encore que la tomodensitométrie, l’imagerie par résonance magnétique trouve ici sa légitimité.

Traitement médical :

Il repose principalement sur la corticothérapie locale au long cours entrecoupée de cures générales épisodiques.

L’antibiothérapie est prescrite en cas de surinfection mais n’est pas un traitement de fond.

Les lavages de nez constituent un appoint et les antihistaminiques n’ont pas d’utilité clairement démontrée « in vivo » dans la PNS.

A – CORTICOTHÉRAPIE :

Le mécanisme de son action est mieux connu : après sa pénétration intracellulaire et sa fixation à un récepteur cytoplasmique, les corticoïdes agissent sur l’inflammation en bloquant l’activité phospholipase A2 responsable d’une diminution de la production d’acide arachidonique des leucotriènes et prostaglandines.

Il diminue le nombre de lymphocytes actifs et l’importance de la production des cytokines.

Au niveau tissulaire, les glucocorticoïdes agissent sur les trois phases de l’inflammation (vasculaire, cellulaire et de réparation) en diminuant leur intensité.

Deux voies d’administration sont possibles (locale et générale), mais le caractère chronique conduit à préférer la voie locale afin de diminuer les risques d’effets secondaires.

1- Générale :

Avant toute décision opératoire et en l’absence de contre-indication thérapeutique, un traitement médical par corticothérapie générale est effectué.

Il répond aux règles de prescription suivantes :

– posologie de 1 mg/kg/j pendant 10 jours (par de la prednisolone 1 mg/kg/j ou de la méthylprednisolone 0,8 mg/kg/j) ;

– prise matinale pendant le petit déjeuner afin de ne pas interférer avec le rythme circadien de cortisol ;

– association à une couverture antibiotique à large spectre pour la même durée ;

– arrêt brutal sans posologie dégressive.

La forme injectable peut être retenue en suivant les mêmes règles ; en revanche, les injections de corticoïdes retard sont à proscrire en raison de leurs nombreux effets secondaires et complications.

Suivant les auteurs, cette prescription ne doit pas dépasser trois à quatre cures par an avec un intervalle de 3 mois.

Ainsi, la corticothérapie 1 jour sur 2, voire 1 semaine par mois, ne semble plus retenir la faveur des rhinologistes actuels, du fait des effets secondaires et de l’action des corticoïdes locaux.

2- Locale :

La corticothérapie locale est le traitement de référence de par sa faible iatrogénie et sa relative efficacité sur la symptomatologie en réduisant de près de 50 % l’obstruction nasale, la rhinorrhée.

S’ils sont nombreux à avoir l’indication de traitement de la rhinite allergique, en France, actuellement, seuls le budésonide et la béclométasone ont l’autorisation de mise sur le marché (Vidalt édition 2002) dans les rhinites à éosinophiles à raison de deux pulvérisations habituellement une fois par jour et par narine et chez l’adulte.

Pour autant, l’efficacité des autres molécules ne semble pas être remise en cause dans la littérature internationale, à raison de 200 à 400 µg/j en une ou deux prises.

La corticothérapie locale ne semble pas être freinatrice sur l’axe hypothalamohypophysaire ou sur la croissance aux doses habituelles et à raison d’une fois par jour.

Il n’existe pas de corrélation entre la prise de cette thérapeutique et l’incidence d’une cataracte.

La position la plus adéquate serait en décubitus dorsal, tête en arrière sur le bord du lit.

L’adhésion au traitement reste le principal écueil de cette thérapeutique.

B – ANTIBIOTHÉRAPIE :

Elle ne se conçoit que comme traitement d’appoint à la corticothérapie ou en préparation préopératoire et lors d’authentiques sinusites bactériennes associées.

Le choix de la classe d’antibiotiques répond le plus souvent à une démarche probabiliste et doit se porter sur des molécules possédant un large spectre ainsi qu’une bonne diffusion locale.

Les bêtalactamines (par exemple amoxicilline et acide clavulanique) ou la synergistine (pristinamycine) en cas d’allergie sont les plus couramment prescrites.

De nouvelles molécules paraissent être des alternatives intéressantes (famille des kétolides et des nouvelles quinolones).

Dans la polypose de type IV (inclassables), un antibiogramme aidera au choix raisonné de l’antibiothérapie.

C – ANTIHISTAMINIQUES :

Ils agissent en bloquant les récepteurs H1 de l’histamine, inhibant alors la dégranulation des mastocytes, des basophiles et des éosinophiles.

Ils paraissent à l’heure actuelle systématiquement prescrits en cas d’allergie clairement établie.

On peut en rapprocher la désensibilisation qui n’a aucun intérêt à être systématique chez les polypeux.

D – CRÉNOTHÉRAPIE :

Elle ne se conçoit qu’éventuellement après une polypectomie médicale ou chirurgicale et en association avec une corticothérapie locale. Son intérêt reste discuté.

Il convient de préférer les eaux bicarbonatées sur les patients porteurs d’un terrain allergique ; les eaux soufrées convenant plus particulièrement aux rhinites infectieuses.

E – TRAITEMENTS D’APPOINT :

Le lavage physiologique des fosses nasales, l’arrêt du tabac, le traitement d’un reflux gastro-oesophagien, ainsi que l’établissement d’une liste de médicaments à éviter chez les patients atteints de maladie de Widal sont à entreprendre auprès du patient.

Les lavages sont essentiels afin d’ôter les sécrétions nasales stagnantes, source d’un inconfort, d’une inefficacité de la corticothérapie et d’une pérennisation de l’inflammation locale chronique délétère.

Traitement chirurgical :

A – CHIRURGIE SOUS ANESTHÉSIE GÉNÉRALE :

1- Préparation médicale :

Elle est adaptée en fonction du terrain des patients. Nous avons recours à une antibiocorticothérapie par voie générale et aux aérosols 24 heures avant la chirurgie.

Pour les patients asthmatiques, une consultation pneumologique est prévue avant l’intervention.

Elle a permis de récuser les patients dont l’asthme était ponctuellement instable.

2- Anesthésie et préparation du patient :

* Anesthésie :

La chirurgie est réalisée sous anesthésie générale à l’aide d’une intubation orotrachéale avec une sonde armée.

La mise en place d’un tamponnement pharyngé postérieur est nécessaire afin d’éviter toute inondation bronchopulmonaire.

En l’absence de contreindication, une « hypotension contrôlée » est réalisée.

* Installation du patient :

Le sujet est en décubitus dorsal, les bras le long du corps en léger proclive.

L’opérateur est placé à la droite du patient à hauteur du cou, quel que soit le côté opéré.

L’aide est en face, décalé vers le bas, le moniteur placé à la tête face au chirurgien.

La tête du patient, en légère extension, est tournée de 30° vers l’opérateur.

Le champ opératoire laisse dégagés la pyramide nasale et les yeux afin de pouvoir démasquer à tout moment des signes d’effraction orbitaire.

* Méchage :

En l’absence de contre-indication, la rétraction de la muqueuse est effectuée à l’aide de tampons neurochirurgicaux imprégnés d’une solution composée :

– de deux flacons de Xylocaïnet à la naphazoline ;

– de 1 mg d’adrénaline.

Ils sont introduits dans les fosses nasales à l’aide d’une pince à mors cupules et laissés en place 15 minutes :

– un tampon dans le couloir ethmoïdoméatique en regard du méat moyen ;

– un tampon dans le récessus sphénoethmoïdal ;

– deux tampons à la partie basse de la fosse nasale.

3- Matériel :

Ce système permet à l’opérateur d’avoir un confort chirurgical idéal avec une vision déportée à la demande sur un moniteur.

Par ailleurs, il autorise un enregistrement peropératoire.

4- Technique opératoire :

Son but est triple :

– assurer, dans l’idéal, l’éradication de toute la muqueuse des masses latérales de l’ethmoïde (ethmoïdectomie radicale) ;

– reperméabiliser les ostia, pour rétablir la physiologie des cavités nasosinusiennes en assurant leur drainage ;

– préparer le lit de la future corticothérapie locale.

Nous décrirons ici la technique d’avant en arrière décrite par Rouvier et partagée par de nombreux auteurs.

C’est celle que nous utilisons en première intention.

Nous prendrons pour référence une fosse nasale jamais opérée.

Elle comporte deux temps principaux : ethmoïdectomie antérieure et postérieure ; et deux temps accessoires : la sphénoïdotomie et l’exérèse du cornet moyen.

Chaque étape permet une exérèse de la muqueuse polypoïde des cavités sinusiennes.

* Polypectomie :

Nous la concevons comme un geste reperméabilisant des fosses nasales.

C’est un temps essentiel permettant de retrouver les repères anatomiques, de palper les structures et d’apprécier la mobilité des polypes.

* Ethmoïdectomie antérieure :

+ Unciformectomie :

Incision de la muqueuse et de l’os en avant du processus unciforme, à l’aide de la faux, après repérage de la bosse lacrymale qui est laissée en avant.

Cette incision est effectuée sur la partie verticale et descend vers la portion horizontale du processus.

L’exérèse à la pince de Blakesley droite détachera de sa totalité la structure à partir de son attache supérieure.

+ Méatotomie moyenne :

L’orifice du méat moyen est repéré à l’optique.

Après un contrôle de la position de la voie lacrymale, à l’aide d’une aspiration de Wigand, nous élargissons l’orifice méatal.

Les limites de la méatotomie sont :

– en arrière : la lame du palatin ;

– en bas : le bord supérieur du cornet inférieur ;

– en haut : la bulle ;

– en avant : la branche du maxillaire.

+ Ouverture du système bullaire :

La paroi antérieure de la bulle devient alors le premier relief visible.

Elle est ouverte à l’aspiration de Wigand.

De proche en proche, à la Blakesley 45°, on morcelle la racine cloisonnante de la bulle jusqu’à la cellule suprabullaire.

Après ouverture de celle-ci, le toit ethmoïdal est repéré par sa dureté, sa relative blancheur et son raccordement avec la paroi latérale de l’orbite.

L’artère ethmoïdale peut être mise en évidence sous forme d’un relief transversal courant le long du toit.

+ Infundibulotomie frontale :

Elle doit être réalisée à l’optique 30, 45 ou 70°.

Elle consiste en l’ouverture des cellules prébullaires comprenant les cellules unciformiennes et méatiques.

C’est, dans la majorité des cas, la cellule méatique antérieure qui donnera naissance au canal nasofrontal et au sinus frontal lui-même.

Il convient d’être prudent et économe lorsque l’on aborde cette région vis-à-vis de la muqueuse du canal, dans le but de ne pas générer de sténose.

* Ethmoïdectomie postérieure :

Elle complète l’évidement du carter ethmoïdal.

L’effondrement de la racine cloisonnante du cornet moyen puis de celles du cornet supérieur et suprême complète l’ethmoïdectomie.

* Sphénoïdotomie :

Elle n’est pas systématique dans notre pratique. Les sinus sphénoïdaux sont rarement le siège d’une polypose.

Du fait de l’existence de variations liées à la pneumatisation de la cellule d’Onodi, nous réalisons la sphénoïdotomie après un repérage de son ostium.

Celui-ci est recherché à l’optique 0 ou 30° à la partie antérieure du sinus au niveau du récessus ethmoïdosphénoïdal.

Son repérage est réalisé en s’aidant de l’aspiration de Wigand.

L’ostium se situe à la partie inféromédiale du sinus, à 7 mm audessus de l’arche choanale et 0,5 cm en dehors du septum nasal.

Tous les gestes d’agrandissement doivent se faire vers le bas et médialement afin de limiter les complications carotidiennes et ophtalmologiques.

* Exérèse du cornet moyen :

Ce geste est discuté au cas par cas.

Nous préférons le laisser intact en tant que repère dans l’éventualité d’une réintervention.

En cas de dégénérescence polypoïde, il est retiré en le sectionnant au ras de son attache supérieure, sans arrachement, au moyen de microciseaux de Prades.

* Cas particuliers :

+ Clou de Lemoyne :

La pesanteur frontale ou l’opacité du sinus frontal au scanner ne sont pas, pour nous, des indications de pose de clou de Lemoyne.

Ce temps opératoire garde cependant son indication lors des reprises chirurgicales, lorsque l’infundibulum ethmoïdofrontal n’est plus individualisable.

+ Chirurgie ethmoïdale d’arrière en avant :

Elle est aussi exceptionnelle et dictée par un remaniement anatomique fréquemment lié à des antécédents d’ethmoïdectomie incomplète ou à des polypectomies « agressives ».

* Fin d’intervention :

+ Contrôle des cavités :

Il convient de faire un dernier examen des cavités après un lavage abondant au sérum physiologique afin de s’assurer de l’absence de complication au niveau :

– du toit ethmoïdal white hard roof : déhiscence, fuite de liquide céphalorachidien ;

– de la lame papyracée : issue de graisse orbitaire ;

– de la voie lacrymale ;

– des artères ethmoïdales et sphénopalatines.

+ Méchage :

Nous utilisons des lames de Silastict, placées de part et d’autre du septum, lorsque les conditions anatomiques font redouter un risque de synéchie.

Le méchage est réalisé à l’aide de Mérocelt, laissé en place 3 jours et demi.

+ Anatomopathologie :

La totalité de l’exérèse est envoyée en laboratoire d’histopathologie en prenant soin de distinguer les côtés.

S’il paraît évident de réaliser un examen anatomopathologique sur une polypose unilatérale, nous y faisons appel de façon systématique dans les formes bilatérales afin d’éliminer tout processus néoplasique.

Sur chaque prélèvement, les anatomopathologistes nous renseignent sur différents critères histologiques :

– le taux d’éosinophiles intratissulaires ;

– l’aspect des glandes de la muqueuse ;

– l’existence de cristaux de Charcot-Leyden ;

– l’existence d’une fibrose du chorion.

B – ALTERNATIVES SOUS ANESTHÉSIE LOCALE :

Dans le cas de contre-indication d’anesthésie générale ou chez des patients multiopérés, la polypectomie et les techniques faisant appel au laser (KTP, YAG) sous anesthésie locale permettent une réduction du volume des polypes et d’obtenir un certain degré de contrôle de la pathologie.

1- Laser KTP et YAG :

Une vaporisation laser de la repousse des polypes, surtout lorsqu’ils sont très antérieurs, peut être réalisée sous contrôle endoscopique.

Le KTP (longueur d’onde 532 nm) est le plus superficiel des deux et ne peut détruire l’os.

Le YAG entraîne une fibrose importante qui suscite un éventuel geste de reprise de l’ethmoïde.

Sa relative agressivité vis-à-vis de l’os impose sa très grande prudence d’utilisation lorsque l’on se rapproche de l’ethmoïde.

Pour le KTP, l’énergie délivrée est comprise entre 1 000 et 2 000 joules au total, en utilisant une puissance de 10 watts en tirs discontinus de 0,1 s toutes les 0,1 s pour prévenir l’échauffement.

Les soins postopératoires doivent alors être axés sur des lavages répétés des fosses nasales au sérum physiologique.

Il paraît en revanche important de proscrire une corticothérapie en postopératoire puisqu’elle annihilerait l’effet du laser.

2- Polypectomie :

La polypectomie peut être réalisée sous anesthésie locale après un simple tamponnement des fosses nasales à la Xylocaïnet naphazolinée.

C – SURVEILLANCE :

Elle se conçoit à trois niveaux.

1- Immédiate :

Elle débute en salle de réveil à la recherche :

– d’une ecchymose orbitaire ;

– d’une diplopie ;

– d’une chute de l’acuité visuelle ;

– d’une mydriase ;

– d’un saignement non contrôlé par un tamponnement.

2- À court terme :

Il s’agit de la surveillance classique de tout opéré en unité d’hospitalisation (état local, signes de pancarte).

Une antibiothérapie par amoxicilline et acide clavulanique ou par pristinamycine à la dose de 1 g matin et soir est mise en place pour une durée de 8 jours. Une corticothérapie, en l’absence des contreindications habituelles, est prescrite à la dose de 1 mg/kg/j pendant 6 jours.

Le déméchage est réalisé après trois jours et demi.

Dès la sortie et durant 1mois, des lavages des fosses nasales se font à l’aide de 200 mL de sérum physiologique dans chaque narine, répartis matin et soir.

Une corticothérapie locale est débutée dès le déméchage.

Les éventuelles lames de Silastict sont ôtées après une durée de 7 jours et demi.

3- À moyen et long termes :

La nécessité d’un suivi régulier sous forme de visites s’impose dans le but de détecter des complications et une récidive à un stade précoce.

Un premier contrôle est réalisé à 3 semaines.

Il permet d’apprécier l’état des fosses nasales (croûtes, surinfections et cicatrisation).

En l’absence de complication, il permet de mettre fin aux lavages tout en maintenant la corticothérapie locale au long cours.

Seules les visites systématiques à 2 et 6 mois puis annuellement réalisées par l’opérateur ont été prises en compte.

Elles permettent d’évaluer :

– la symptomatologie fonctionnelle grâce au score ADORE, de façon identique à celui de la visite préopératoire ;

– l’état de la muqueuse à l’aide d’une rhinoscopie en notant la présence de croûtes, de polypes et l’aspect inflammatoire de la muqueuse ;

– le suivi thérapeutique : prise d’antibiothérapie et corticothérapie générale et d’antihistaminique.

4- Complications :

Elles regroupent tous les incidents et accidents pouvant survenir durant la période pré- et postopératoire, à court, moyen et long termes.

Les complications méningées ont toutes été diagnostiquées en peropératoire.

Qu’il s’agisse de simples déhiscences ou de plaies dure-mériennes, un colmatage par tissu autologue a été réalisé.

Indications :

Bien qu’elles soient à considérer au cas par cas, la prise en charge thérapeutique repose principalement sur l’association du couple médical et chirurgical.

S’il est évident que la désobstruction chirurgicale isolée est pratiquement toujours vouée à l’échec, elle présente une solution rapide pour soulager le patient et permet une action supérieure de la corticothérapie locale.

A – DANS LA FORME TYPIQUE :

Le traitement de première intention de la PNS repose sur la corticothérapie au long cours assurée par la corticothérapie locale.

Lors du diagnostic initial ou lors d’une récidive importante (stade 2 ou 3), il convient de réaliser une polypectomie médicale dans un premier temps en ayant recours à la corticothérapie générale pour une durée de 10 jours.

En cas de non-réponse, c’est-à-dire de corticorésistance, il doit être proposé au patient un geste chirurgical après avoir écarté des contre-indications opératoires (générale ou pulmonaire).

La prise en charge chirurgicale fait appel, en l’absence d’antécédents d’ethmoïdectomie, à la nasalisation, véritable cavité d’évidement de l’ethmoïde, des sinus maxillaires et pour certains de façon systématique une sphénoïdotomie.

Cette décision « maximaliste » permet de réaliser le geste avec une plus grande sécurité puisque les repères anatomiques sont respectés.

À l’inverse, lors de reprise chirurgicale, la polypectomie, le laser ou un complément de nasalisation sont préférables.

La corticothérapie locale, assurée par le béclométasone, le budésonide, la fluticasone, la mométasone ou la triamcinolone, assure le ralentissement de la repousse polypeuse.

Ainsi, la symptomatologie nasale est globalement améliorée avec toutefois une relative déception vis-à-vis de l’anosmie.

Le travail de Blomqvist, particulièrement pertinent, objective des résultats identiques sur l’odorat après traitement médical ou chirurgical, c’est-à-dire faibles.

À l’inverse, l’obstruction nasale est le grand vainqueur de l’action de la chirurgie dans les polypose de stade élevé.

B – DANS LES FORMES PARTICULIÈRES :

1- Asthme :

L’influence de la prise en charge chirurgicale de la PNS sur l’asthme reste encore de nos jours un sujet fortement discuté.

Si, dans les années 1970, l’intérêt de la chirurgie ne paraissait pas acquis, en revanche, dès les années 1980, la tendance s’inverse, confirmant la relative amélioration clinique et paraclinique de la symptomatologie asthmatique après ethmoïdectomie.

Cependant, ces constatations ne seront pas partagées par tous.

L’ensemble de ces différences s’explique par la compliance au traitement, la sévérité de l’asthme initial et le type de chirurgie.

De nombreux travaux admettent que 20 à 91 % des patients opérés sont améliorés.

L’étude d’Uri nuance ces résultats.

Il confirme l’amélioration subjective de l’asthme mais l’absence, dans 59 % des cas, de modifications objectives.

Enfin, Lund résume la situation en considérant que deux tiers des patients bénéficient d’une amélioration clinique de l’asthme et d’une consommation moindre de médicaments après chirurgie.

Lamblin apporte une précision en démontrant que si l’effet favorable de l’ethmoïdectomie existe, il tend à se dégrader sur une période de 4 ans.

2- Triade de Fernand Widal :

L’ensemble de la symptomatologie nasale de la triade de Widal rend souvent la chirurgie plus précoce et impose des récidives plus fréquentes

3- Polypose nasosinusienne et sinusite fongique :

Le traitement repose essentiellement sur :

– la chirurgie : pour ôter l’agent fongique et permettre une bonne aération des cavités sinusiennes ;

– la corticothérapie : pour contrôler l’inflammation. Habituellement locale sous forme de pulvérisation nasale, elle peut être dans certains cas administrée oralement.

Les thérapeutiques antifongiques par voie générale devront être discutées au cas par cas au regard de leurs effets secondaires et d’une efficacité non clairement définie.

4- Formes inclassables :

Elles regroupent des formes étiopathogéniques mal connues et hétérogènes (syndrome de Woakes, de Kartagener, mucoviscidose, dyskinésie ciliaire).

Dans ces formes, l’efficacité de la chirurgie paraît moins probante que dans les formes plus classiques.

Toutefois, son indication devra être discutée dans le cadre d’un consensus pluridisciplinaire (ORL, pédiatre, pneumologue).

Conclusion :

Sous le vocable de PNS se cachent probablement des affections d’étiopathogénie bien différente.

Le diagnostic de la PNS devra, dans les années futures, s’accompagner de précisions étiologiques plus affinées.

C’est assurément par le biais de recherche clinique et fondamentale qu’il sera possible de définir les traitements les mieux adaptés à chacune de ces formes.

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