Fiche additive : Polyarthrite rhumatoïde de l’adulte (III). Traitement (Traitements anti-« tumor necrosis factor » (TNF) dans la polyarthrite rhumatoïde)

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« Tumor necrosis factor » (TNF) : généralités

Le TNFa fait partie au même titre que l’interleukine (IL)1, l’IL6 ou l’IL18, des cytokines à action pro-inflammatoire.

Les cellules sécrétoires du TNFa sont surtout les macrophages, mais également les fibroblastes, les cellules endothéliales, les polynucléaires, voire les lymphocytes B ou T.

L’action biologique du TNFa et l’activation de la cellule cible nécessitent la liaison de la cytokine avec ses récepteurs membranaires p55 ou p75.

Ces récepteurs membranaires existent également à l’état soluble, et sont actuellement considérés comme des inhibiteurs naturels du TNFa dont ils peuvent diminuer la biodisponibilité en se complexant avec lui.

Le TNFa joue un rôle important pour le développement du système immunitaire, l’organisation morphologique de la rate et des ganglions lymphatiques, et la régulation lymphocytaire T et B.

Il joue un rôle dans la prévention des infections, et a de multiples propriétés immunomodulantes et pro-inflammatoires.

C’est un médiateur précoce de l’inflammation avec des effets vasculaires, cellulaires et sur d’autres facteurs solubles.

Ainsi, le TNFa augmente l’expression des molécules d’adhésion à la surface des cellules endothéliales, stimule l’angiogenèse, et a une action procoagulante en diminuant la thrombomoduline.

Il active les lymphocytes T, les neutrophiles et les macrophages.

Fiche additive : Polyarthrite rhumatoïde de l’adulte (III). Traitement (Traitements anti-« tumor necrosis factor » (TNF) dans la polyarthrite rhumatoïde)

Il induit la prolifération et l’activation des fibroblastes, des synoviocytes et des chondrocytes.

À ce niveau, il favorise dans l’articulation la constitution du pannus synovial et la sécrétion par ces cellules d’enzymes protéolytiques capables d’induire la destruction du cartilage et de l’os.

Il peut agir également sur les cellules stromales pour déclencher l’activation des progéniteurs des ostéoclastes, et ainsi l’ostéolyse.

Le TNFa induit également la synthèse d’autres cytokines pro-inflammatoires, notamment l’IL1, l’IL6, le granulocyte macrophage colony stimulating factor (GM-CSF), l’IL8.

Il agit en synergie avec l’IL1 sur les mécanismes de l’inflammation et de la destruction articulaire.

Le TNFa peut également induire la synthèse de chémokines proinflammatoires et d’autres médiateurs non spécifiques de l’inflammation tels que les prostaglandines, les leucotriènes, l’oxyde nitrique ou les ions superoxydes.

À l’état physiologique, le TNFa est en équilibre avec des cytokines dites anti-inflammatoires telles que les récepteurs solubles du TNFa qui sont ses inhibiteurs naturels, l’IL4, l’IL10, l’IL13.

Une rupture de la balance de cet équilibre peut induire des processus pathologiques.

À travers ces nombreux effets biologiques, cette molécule est susceptible de jouer un rôle dans de nombreux processus tels que la douleur, la fièvre, la surveillance anti-infectieuse et antitumorale, l’hématopoïèse, l’apoptose…

TNF et polyarthrite rhumatoïde :

Les mécanismes physiopathologiques de la polyarthrite rhumatoïde (PR) sont complexes.

On peut schématiquement distinguer trois phases, une phase d’initiation où interviennent notamment des facteurs d’environnement et l’activation du système immunitaire, une phase de recrutement et d’inflammation débutant par une néoangiogenèse, le recrutement et l’activation de lymphocytes T, de macrophages et probablement d’autres cellules présentatrices d’antigènes, conduisant notamment à une perturbation de l’équilibre des cytokines et à un excès de cytokines à action pro-inflammatoire comme le TNFa, l’IL1, l’IL6, l’IL8, l’IL18.

Ceci a pour conséquence le développement de l’inflammation et de la synovite rhumatoïde, et peut induire une troisième phase qui est celle de la prolifération synoviale et de la destruction cartilagineuse et osseuse.

Celle-ci fait toute la caractéristique de la PR et met en jeu d’autres processus, tels qu’une diminution de l’apoptose synoviale, la production de métalloprotéases, l’activation de voies de signalisation intracellulaire, l’activation du système Rank-Rank-ligand conduisant à l’ostéolyse.

Le rôle majeur du TNFa dans la PR a d’abord été démontré dans des modèles in vitro et dans des modèles animaux, amenant l’équipe de Maini à Londres à utiliser, en 1993, un anticorps monoclonal anti-TNFa chez l’homme.

Différents inhibiteurs du TNFa :

A – INHIBITEURS NON SPÉCIFIQUES :

De nombreuses molécules sont capables de moduler de manière non spécifique le TNFa, telles que le thalidomide, la pentoxifylline, voire les corticoïdes ou le méthotrexate.

Les développements thérapeutiques actuels utilisent cependant des molécules spécifiques qui sont, soit des anticorps monoclonaux anti-TNFa, soit des récepteurs solubles de la cytokine.

B – ANTICORPS MONOCLONAUX ANTI-TNFa :

1- Infliximab :

L’infliximab (Remicadet) est un anticorps chimérique anti-TNFa, immunoglobuline (Ig)G1 qui a une forte affinité pour le TNFa trimérique et dont la demi-vie est de 10 jours.

Il s’agit du seul anti- TNFa commercialisé actuellement en France.

L’infliximab est actuellement indiqué dans la PR pour la réduction des signes et symptômes chez les patients ayant une maladie active, lorsque la réponse aux traitements de fond, dont le méthotrexate, a été insuffisante.

L’efficacité et la sécurité ont été démontrées seulement en association avec le méthotrexate.

L’infliximab est également indiqué dans la maladie de Crohn pour le traitement de la maladie de Crohn sévère chez des patients qui n’ont pas répondu malgré un traitement approprié et bien conduit, par corticoïdes et/ou un traitement par immunosuppresseur, et dans la maladie de Crohn fistulisée, chez des patients qui n’ont pas répondu malgré un traitement conventionnel approprié et bien conduit.

Les excellents résultats cliniques et biologiques de la première étude ouverte testée chez l’homme et réalisée chez 20 patients atteints de PR, suivis ensuite pendant 8 semaines, ont été confirmés par d’autres travaux effectués en double aveugle contre placebo.

Les posologies initiales étaient comprises entre 1 et 10 mg/kg d’anticorps CA2.

Les résultats cliniques sont restés excellents, avec un pourcentage de répondeurs compris entre 44 et 79 % selon la posologie, dans le groupe infliximab, alors qu’il y avait moins de 10 % de répondeurs dans le groupe placebo.

Parallèlement, le syndrome biologique inflammatoire a diminué très significativement.

Le délai d’amélioration clinique a varié selon la dose entre 2 et 8 semaines.

Cependant, la durée de l’effet thérapeutique a diminué au fil du temps, en rapport avec l’apparition d’anticorps dirigés contre l’anticorps monoclonal (ACA).

Cet inconvénient a pu être prévenu par l’association à l’infliximab de méthotrexate à faibles posologies (7,5 à 10 mg/semaine).

L’étude Anti-TNF-Trial in Rheumatoid Arthritis with Concomitant Therapy (ATTRACT) a démontré l’efficacité clinique et radiographique de l’infliximab en association avec le méthotrexate, dans le traitement de la PR. Cette étude de phase III randomisée, en double insu, contrôlée contre placebo, a été effectuée chez des patients atteints de PR, insuffisamment améliorés par le méthotrexate.

Quatre-cent-vingt-huit patients ont été inclus et ont été divisés en cinq groupes : un groupe a reçu du méthotrexate associé à un placebo, les quatre autres groupes ont reçu l’association méthotrexate-infliximab, à une dose de 3 ou de 10 mg/kg ; après les trois premières perfusions d’infliximab aux semaines 0, 2 et 6, deux groupes ont reçu une des doses toutes les 4 semaines et les deux autres groupes toutes les 8 semaines.

L’efficacité de l’association méthotrexate-infliximab a été nettement démontrée par rapport au méthotrexate seul, avec une réponse clinique très rapide, observée dès la deuxième semaine, augmentant jusqu’à la sixième semaine et un peu moins par la suite.

À la 30e semaine, dans les quatre groupes recevant l’infliximab, 50 à 58 % des malades ont été considérés comme répondeurs aux critères de l’American College of Rheumatology (ACR) 20 %, contre 20 % dans le groupe méthotrexate associé au placebo.

Au bout de 1 an de traitement, 42 à 59 % des malades recevant l’infliximab associé au méthotrexate étaient considérés comme répondeurs, versus 17 % des patients dans le groupe méthotrexate seul.

Des résultats aussi nets étaient obtenus si l’on adoptait les critères ACR 50 ou 70 avec par exemple à 1 an, 33 % et 18 % respectivement de répondeurs dans le groupe infliximab, versus 9 % et 3 % dans le groupe méthotrexate seul.

Il n’a pas été observé de différences significatives en termes de réponse clinique entre les différents groupes infliximab ; néanmoins, le groupe recevant 3 mg/kg toutes les 8 semaines a semblé avoir des résultats légèrement inférieurs aux autres groupes.

Parallèlement à l’amélioration des différents critères cliniques, il a été noté une amélioration biologique très rapide, avec notamment une normalisation de la C reactive proteine (CRP) dans les groupes infliximab dès la deuxième semaine, une amélioration fonctionnelle mesurée par le score HAQ, et enfin et surtout, une efficacité radiologique démontrée à 1 an.

L’évaluation radiologique dans cette étude ATTRACT a été réalisée par le score de Sharp modifié par van der Heijde.

Chez les patients traités par méthotrexate seul, le score radiographique total augmentait en moyenne de 6,97 (médiane 4,0), alors que la variation dans les différents groupes infliximab était en moyenne de 0,55 (médiane 0,0).

Ce ralentissement très significatif de la destruction articulaire a été identique dans les quatre groupes infliximab, et intéressait aussi bien le score d’érosions que le score de pincements articulaires sur les mains et les pieds.

Enfin, cet effet radiologique spectaculaire était noté non seulement chez des patients répondeurs cliniques, mais également chez les non-répondeurs.

Cette étude ATTRACT indiquerait donc qu’un traitement par infliximab pendant 1 an pourrait stabiliser complètement la progression des lésions radiographiques sur les mains et les pieds.

2- Adalimumab :

L’adalimumab ou anticorps D2E7 est totalement humanisé.

Ce produit d’une demi-vie de 12 jours est utilisé en injection souscutanée.

Il n’est pour le moment enregistré dans aucun pays.

Des études de phase II montrent des résultats tout à fait comparables à ce qui avait été observé avec l’infliximab à la posologie de 3 mg/kg. Environ 60 à 70 % des patients répondent aux critères ACR 20.

La réponse est rapide, souvent dès la première semaine.

La réponse biologique est comparable à la réponse clinique.

L’étude ARMADA récente a évalué le D2E7 chez 271 patients ayant une PR active malgré un traitement par méthotrexate à une dose de 12,5 à 25 mg/semaine.

Cette étude en double aveugle sur 24 semaines a comporté quatre groupes : un groupe placebo et trois groupes D2E7 administré toutes les 2 semaines, à la posologie de 20, 40 ou 80 mg en sous-cutané.

Au terme de l’étude, 47 %, 65 % et 65 % des patients sont répondeurs ACR 20 % aux posologies de 20, 40 et 80 mg de D2E7 respectivement, contre 14 % dans le groupe placebo.

Dans le groupe 40 mg, 53 et 26 % des patients sont répondeurs ACR 50, ou 70 % contre respectivement 8 % et 4 % dans le groupe placebo.

La réponse clinique dans le groupe anti-TNF a été rapide dès la deuxième injection.

On observe également une amélioration du score HAQ à 24 semaines significativement meilleure que dans le groupe placebo.

Une amélioration biologique parallèle aux critères cliniques a été constatée.

CDP 870

Le CDP 870 est un nouvel agent biologique anti-TNFa. Il s’agit d’un fragment Fab humanisé spécifique du TNFa, et lié à deux molécules de polyéthylène glycol (PEG).

Une étude randomisée en double insu, contrôlée contre placebo, a évalué sur 12 semaines une injection sous-cutanée toutes les 4 semaines de 50, 100, 200 ou 400 mg de CDP 870, chez 204 patients atteints de PR.

Comme avec les autres anticorps anti-TNF, la réponse clinique a été spectaculaire avec, dans le groupe 400 mg, 60, 40 et 29 % de patients répondeurs ACR 20, 50 et 70 respectivement, ce qui était significativement supérieur au groupe placebo et aux autres doses thérapeutiques.

La réponse clinique a été rapide dès la première semaine de traitement.

C – RÉCEPTEURS SOLUBLES DU TNFa :

Les deux récepteurs solubles du TNFa, p55 et p75, ont été utilisés en thérapeutique.

Le lenercept (récepteur soluble p55) a vu son développement arrêté précocement, et le PEG sTNR-RI (p55 également) est actuellement en cours d’évaluation, et aucune donnée clinique n’est à ce jour disponible.

L’étanercept (Enbrelt) est une protéine de fusion comportant d’une part, un fragment FC d’une IgG humaine et d’autre part, deux molécules du récepteur soluble p75 du TNFa.

Il est commercialisé aux États-Unis depuis plus de 2 ans.

En Europe, il a obtenu son enregistrement mais n’est pas encore commercialisé, principalement pour des raisons de fabrication.

Il est indiqué en monothérapie dans la PR active, dont la réponse aux traitements de fond, notamment le méthotrexate, a été inappropriée, ainsi que dans l’arthrite chronique juvénile polyarticulaire, sévère et active.

En attendant sa commercialisation, il peut être obtenu dans des conditions strictes, dans le cadre d’autorisations temporaires d’utilisation nominatives.

Plusieurs études contrôlées ont démontré l’efficacité clinique de l’étanercept dans la PR, globalement comparable à ce qui a été observé avec l’infliximab.

Ainsi, dans une étude de doses versus placebo, sur 180 patients, Moreland et al ont obtenu au bout de 3 mois de traitement, à la posologie maximale de 16 mg/kg, 75 % de patients répondeurs ACR 20 et 57 % de patients répondeurs ACR 50, versus respectivement 14 et 7 % dans le groupe placebo.

Le résultat clinique est précoce et observé dès la fin de la deuxième semaine, il augmente jusqu’au troisième mois et se maintient par la suite, puisque dans un suivi en ouvert de cette même étude, a été observée avec un recul de 2 ans, une maintenance thérapeutique de 79 %.

Outre l’effet articulaire, l’étanercept a montré également un effet général avec diminution de l’asthénie, notamment.

Dans une étude contrôlée versus méthotrexate sur 1 an, l’étanercept s’est révélé significativement plus efficace sur les critères de réponse classique de la PR que le méthotrexate.

Dans la même étude, les auteurs ont montré une efficacité radiographique avec, au bout de 1 an, une diminution du nombre d’érosions chez les patients traités par étanercept par rapport à ceux traités par méthotrexate.

Chez les patients insuffisamment améliorés par le méthotrexate pendant au moins 6 mois, une étude randomisée a été conduite versus placebo et a montré au bout de 6 mois, que 71 % des patients recevant l’association étanercept-méthotrexate étaient répondeurs ACR 20, contre 27 % chez ceux recevant l’association méthotrexateplacebo.

Effets indésirables des traitements anti-TNF :

A – EFFETS LOCAUX :

Les réactions locales concernent tous les anti-TNF administrés par voie sous-cutanée (étanercept, CDP870, anticorps D2E7).

Elles sont fréquentes (40 à 60 %).

Elles se traduisent par des douleurs, un prurit, une rougeur, voire un hématome au point d’injection.

Elles n’entraînent qu’exceptionnellement l’arrêt du médicament.

B – EFFETS GÉNÉRAUX :

Ces effets généraux se voient essentiellement avec l’infliximab, au moment ou dans les 2 heures qui suivent la perfusion.

Ces effets ont été observés chez 19 % des patients traités par infliximab au cours des études, versus 8 % chez les patients traités par placebo.

Il peut s’agir de céphalées, de fièvre, de frissons, de nausées, de réactions vagales, de prurit, d’urticaire, de réactions cardiopulmonaires. Ces manifestations surviennent le plus souvent lors de l’une des trois premières perfusions.

Elles imposent rarement l’arrêt du traitement. Des réactions d’hypersensibilité retardées, survenant 3 à 12 jours après la perfusion, ont été observées dans une étude clinique chez des patients atteints d’une maladie de Crohn, après une période de 2 à 4 ans sans traitement par infliximab.

C – INFECTION :

Le TNFa joue un rôle important dans la défense de l’homme contre les agents infectieux.

Les complications infectieuses représentent une préoccupation légitime au cours du traitement de la PR par traitement anti-TNF.

L’évaluation de ce risque infectieux doit faire partie des éléments de surveillance de cette thérapeutique, et peut également représenter un facteur limitant de son utilisation.

Dans la plupart des études, il n’a pas été montré d’augmentation significative de la fréquence des infections ou de la fréquence des infections sévères dans les groupes traités par médicaments anti- TNF, que ce soit l’infliximab ou l’étanercept, par rapport aux groupes contrôles.

Il convient cependant de rester très vigilant sur le risque de complications infectieuses, que celles-ci soient virales, bactériennes ou mycosiques, puisque des complications graves ont été rapportées.

Ainsi, récemment, on a mis l’accent sur le risque de tuberculose chez les patients atteints de PR traités par infliximab.

Plus de 101 cas de tuberculose ont été actuellement recensés, et l’augmentation de l’incidence de cette maladie chez les patients traités par infliximab semble très probable.

On peut noter qu’il existe une plus grande fréquence des formes extrapulmonaires (55 % des cas), une plus grande fréquence des tuberculoses en Europe (76 % des cas) et une rapidité d’apparition de la tuberculose après la mise en route de l’infliximab (72 % des cas dans les trois premières perfusions, 94 % des cas dans les six premières).

Les données de suivi post-marketing de l’étanercept ne semblent pas montrer d’augmentation de l’incidence de la tuberculose, mais il convient d’être prudent car ce produit est pour le moment relativement peu utilisé en Europe.

Cette différence éventuelle de risque entre infliximab et étanercept pourrait être le reflet d’un effet différent des deux médicaments sur les monocytes-macrophages, le premier entraînant une lyse de ces cellules, complément dépendante, après fixation sur le TNF et le deuxième n’ayant pas cet effet.

Enfin, un certain nombre d’infections fongiques, parfois mortelles, a été rapporté.

D – NÉOPLASIE :

Le TNFa ayant un rôle dans la surveillance antitumorale, on pouvait craindre l’apparition de tumeurs solides et surtout de syndromes lymphoprolifératifs.

Il ne semble pas y avoir actuellement d’augmentation significative du risque de néoplasie chez les patients traités par anti-TNF.

Néanmoins, les rapports portent sur des périodes encore insuffisantes pour pouvoir l’affirmer.

E – IMMUNOGÉNICITÉ ET AUTO-IMMUNITÉ :

Des anticorps dirigés contre l’infliximab ont été retrouvés chez 24 à 37 % des patients.

Ces patients sont plus susceptibles de développer des réactions au moment des perfusions.

L’adjonction de méthotrexate a permis de réduire de façon importante l’incidence de ces anticorps.

Certains autoanticorps, et notamment des anticorps anti-ADN natifs, ont été rapportés chez des patients traités par anti-TNF.

Ces anticorps semblent plus fréquents sous infliximab que sous étanercept, mais ont très rarement des conséquences cliniques. De très rares cas de lupus induits ont été rapportés.

L’évolution clinique a été bénigne.

Plus récemment, on a mis en évidence un risque de démyélinisation au cours des traitements anti-TNFa.

Il s’agit de poussées de sclérose en plaques, de névrites optiques ou de tableaux d’encéphalopathies.

Les observations sont rares (une douzaine environ) ; elles intéressent l’infliximab, et plus fréquemment les récepteurs solubles du TNFa (étanercept, lenercept).

Ces phénomènes paraissent contradictoires, puisque le TNFa avait paru jusqu’à présent jouer un rôle physiopathologique possible dans la sclérose en plaques. Plusieurs mécanismes sont actuellement proposés.

F – RISQUE D’AGGRAVATION DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE CONGESTIVE :

Des cas d’aggravation d’une insuffisance cardiaque congestive, parfois fatale, ont été récemment observés chez des patients ayant reçu de l’infliximab dans le cadre d’une étude de phase II.

Il est donc proposé actuellement de ne pas initier de traitement anti-TNF chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque congestive, d’arrêter le traitement chez des patients présentant une aggravation de l’insuffisance cardiaque préalable, et de surveiller étroitement la fonction cardiaque chez les patients déjà traités par anti-TNF et présentant une insuffisance cardiaque stable.

Recommandations d’utilisation des traitements anti-TNF dans la polyarthrite rhumatoïde :

A – POURQUOI DES RECOMMANDATIONS D’UTILISATION DES ANTI-TNF DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE ?

Si les traitements anti-TNF actuellement disponibles (infliximab et étanercept) sont certainement les médicaments les plus efficaces dont on dispose dans le traitement de la PR, il existe actuellement un certain nombre d’inconnues ne permettant pas la généralisation de leur utilisation :

– il n’existe pas de données scientifiques suffisantes sur leur intérêt dans les PR débutantes et en particulier il n’y a pas d’argument démontrant qu’ils soient supérieurs aux traitements conventionnels devant toute PR débutante ;

– il n’y a pas de données sur l’induction potentielle d’une rémission avec ces traitements.

Ils apparaissent pour le moment essentiellement suspensifs, avec fréquente rechute lors de leur arrêt.

La durée de traitement nécessaire et utile reste à définir ;

– la PR est une maladie très hétérogène, avec des formes sévères mais également des formes tout à fait bénignes, des formes actives inflammatoires et des formes « froides » érosives avec peu de synovite.

Si les traitements anti-TNF sont certainement utiles dans les formes actives et sévères, il n’y a aucun argument pour actuellement indiquer ces médicaments dans les autres formes de la maladie ;

– les effets secondaires à long terme sont pour le moment inconnus, notamment sur le plan infectieux et néoplasique.

Enfin, ces nouveaux médicaments ayant un coût direct très élevé, de dix à 100 fois supérieur aux traitements conventionnels, le rapport coût/utilité du médicament doit être évalué pour chaque patient, tant que ces médicaments n’ont pas montré qu’ils pouvaient peutêtre être également un facteur de gain économique (diminution des actes chirurgicaux, diminution des hospitalisations, diminution des arrêts de maladie, diminution des incapacités au travail…).

Des experts rhumatologiques internationaux se sont réunis à plusieurs reprises pour proposer des recommandations d’utilisation des traitements anti-TNF, en sachant que ces propositions ne sont valables qu’en l’état des connaissances actuelles et seront certainement amenées à être révisées.

B – RECOMMANDATIONS POUR L’INITIATION D’UN TRAITEMENT ANTI-TNF :

Les traitements anti-TNF doivent être prescrits en fonction du libellé d’autorisation de mise sur le marché (AMM) fourni pour chaque médicament par l’agence européenne et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

Conformément aux propositions des experts internationaux, ces médicaments doivent être proposés chez les patients ayant eu un échec à au moins un traitement de fond, dont le méthotrexate utilisé suffisamment longtemps aux doses maximales autorisées (15 mg/semaine en France), ceci en dehors de réactions d’intolérance et de contreindications au méthotrexate.

En cas de rechute à la suite d’une rémission prolongée, il est recommandé de ne pas considérer ceci comme un échec thérapeutique, et de reprendre le traitement ayant induit la rémission avant de discuter de l’indication d’un anti-TNF.

Les anti-TNF ne doivent actuellement être proposés qu’en cas de PR active (et potentiellement sévère).

Il a été proposé de définir une PR active en fonction du disease activity score (DAS), critère d’activité européen de la PR.

La notion de sévérité potentielle n’a pas pu être parfaitement définie car n’étant pas actuellement consensuelle, mais elle peut être néamoins appréciée à l’échelon individuel, en fonction du degré de sévérité radiologique et du retentissement sur la qualité de vie.

Tout traitement anti-TNF doit être initié et surveillé par un médecin ayant, d’une part l’expérience du diagnostic et du traitement de la PR, y compris l’utilisation des drogues immunomodulantes, et d’autre part l’expérience de l’évaluation des traitements de la PR en termes d’efficacité et de toxicité.

L’association avec les autres traitements de fond de la PR est théoriquement possible mais non recommandée par les agences, du fait de l’insuffisance de données scientifiques dans le domaine, sauf pour l’infliximab qui doit être prescrit dans la PR en coadministration avec le méthotrexate à faibles doses.

Ceci permettrait de diminuer les réactions d’hypersensibilité retardée et l’échappement thérapeutique progressif noté lorsque l’infliximab était utilisé seul.

En revanche, la coadministration d’étanercept et de méthotrexate n’est pas recommandée actuellement en Europe, mais cette association pourrait être intéressante dans certains cas, notamment en cas de réponse partielle à l’étanercept utilisé en monothérapie.

L’initiation d’un traitement anti-TNF nécessite, outre le respect de ces recommandations :

– un examen clinique complet et une radiographie du thorax afin de dépister les contre-indications et d’apprécier le risque infectieux ;

– le respect strict des contre-indications qui sont détaillées dans les caractéristiques de chaque produit ;

– des radiographies des mains-poignets et des pieds au début et à intervalles réguliers (fonction de l’ancienneté de la PR), souhaitables pour évaluer l’effet structural articulaire à l’échelon individuel.

Les données des études en cours sur l’utilisation d’un anti-TNF dans les PR débutantes, l’augmentation des données sur les études de toxicité à long terme et l’apport de données médicoéconomiques pourraient modifier les indications des traitements anti-TNF et les faire proposer dans certaines circonstances en première intention.

C – RECOMMANDATIONS POUR LA POURSUITE D’UN TRAITEMENT ANTI-TNF :

La réponse thérapeutique aux agents anti-TNF doit être évaluée régulièrement.

Ceci nécessite un monitoring régulier, par un médecin ayant l’expérience de l’évaluation des traitements de la PR.

La réponse thérapeutique doit être évaluée en fonction de critères validés comme ceux de l’European League Against Rheumatism (EULAR) ou de l’ACR.

Ceci nécessite une évaluation numérique du nombre d’articulations douloureuses à la pression, du nombre d’articulations gonflées, de la vitesse de sédimentation et/ou de la CRP et le plus souvent d’autres paramètres cliniques validés : l’évaluation globale de la maladie par le patient, l’évaluation globale par le médecin, la douleur (échelle visuelle analogique) et l’évaluation fonctionnelle (score HAQ).

Il est inutile et coûteux de poursuivre un traitement anti-TNF chez un patient non-répondeur.

En l’absence de réponse clinique (habituellement très rapide) après une période de 8 à 12 semaines, le patient doit être considéré comme non-répondeur et le traitement arrêté.

Si le patient est répondeur, une réévaluation est ensuite nécessaire toutes les 16 semaines.

Les traitements anti-TNF doivent être également arrêtés en cas de survenue d’effets secondaires sévères.

La poursuite du traitement anti-TNF à long terme nécessite des travaux complémentaires.

Il n’y a pas de données actuellement permettant de savoir si la nonréponse à un traitement anti-TNF implique l’absence de réponse à un autre produit.

En conséquence, si l’état du patient le justifie, il paraît actuellement possible, en cas d’échec thérapeutique à un premier traitement anti-TNF, d’en envisager un second et donc de remplacer l’infliximab par l’étanercept ou inversement.

Il est clair actuellement que les agents anti-TNF ne guérissent pas la PR, et que leur arrêt est habituellement associé à une rechute de la maladie après une période variable.

Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’après avoir obtenu une réponse clinique importante, voire une rémission, le traitement anti-TNF puisse être remplacé par un traitement de fond plus classique, comme le méthotrexate ou le léflunomide.

D – UTILISATION PRATIQUE ET SURVEILLANCE DES TRAITEMENTS ANTI-TNF :

1- Posologie. Voie d’administration :

* Infliximab :

Dans la PR, l’infliximab est indiqué en perfusions intraveineuses d’une durée de 2 heures, à une dose de 3 mg/kg, suivies par des perfusions supplémentaires de 3 mg/kg aux semaines 2 et 6 après la première perfusion, puis ensuite toutes les 8 semaines.

Les patients doivent être maintenus en observation pendant au moins 2 heures après chaque perfusion, en raison du risque d’effets indésirables.

Des réactions aiguës d’hypersensibilité retardée peuvent en effet se développer au cours des 2 heures suivant la perfusion, particulièrement lors des premières cures thérapeutiques.

Ces événements nécessitent, s’ils sont minimes, une diminution de la vitesse de perfusion, et s’ils sont plus importants un arrêt temporaire ou définitif du traitement.

Un équipement d’urgence doit être disponible pendant la perfusion et la période de surveillance.

L’infliximab doit être administré associé au méthotrexate à faibles posologies.

La réadministration de l’infliximab après un intervalle sans traitement de 15 semaines induit des réactions d’hypersensibilité retardée lors de l’utilisation dans la maladie de Crohn.

L’effet de ce type de réadministration dans la PR est inconnu.

* Étanercept :

L’étanercept est indiqué à une posologie de 25 mg en injections souscutanées administrées deux fois par semaine.

Les réactions allergiques sont rares et nécessitent généralement l’arrêt thérapeutique.

1- Surveillance clinique et biologique des traitements anti-TNF :

La surveillance des traitements par étanercept et infliximab doit être régulière, toutes les 4 à 8 semaines.

Elle doit comporter une surveillance de l’efficacité clinique et radiographique, un dépistage clinique des effets secondaires et une surveillance de l’hémogramme plaquettes et des transaminases (bien qu’aucune intolérance hématologique ou hépatique n’ait été montrée dans les essais cliniques).

Les anticorps antinucléaires peuvent être induits par les agents anti- TNF, et il est recommandé de les surveiller tous les 6 à 12 mois.

En cas de positivité, la recherche d’une spécificité est nécessaire, notamment les anticorps anti-acide désoxyribonucléique (ADN) natif.

La positivité d’anticorps antinucléaires ou d’anticorps antiphospholipides ne contre-indique pas l’initiation d’un traitement anti-TNF.

En revanche, un traitement anti-TNF doit être interrompu en présence de signes cliniques de maladie auto-immune et notamment de maladie lupique.

2- Survenue d’infections au cours de traitements anti-TNF :

En cas d’infection survenant au cours d’un traitement anti-TNF, il est recommandé d’arrêter celui-ci pendant toute la durée de l’infection et au moins 2 semaines après sa guérison.

La surveillance d’une infection grave nécessite l’arrêt définitif du traitement.

3- Attitude pratique en cas d’intervention chirurgicale :

En cas d’intervention chirurgicale programmée, il est conseillé d’arrêter le traitement anti-TNF 1 à 2 semaines avant la chirurgie, et de le reprendre au minimum 2 semaines après en l’absence de tout signe infectieux ou de problème cicatriciel.

4- Recommandations pratiques diverses :

En fonction des données pharmacocinétiques, il n’y a pas d’ajustement posologique de l’infliximab ou de l’étanercept nécessaire, chez les sujets âgés ou chez les patients ayant des insuffisances rénales ou hépatiques modérées.

Comme pour les autres agents immunomodulants, les vaccins vivants (bacille cilié Calmette-Guérin [BCG], varicelle, rougeoleoreillons- rubéole [ROR], fièvre jaune, typhoïde orale, polyomyélite orale) ne doivent pas être administrés chez les sujets traités par étanercept ou par infliximab.

À noter que l’on ne dispose actuellement d’aucune donnée sur l’efficacité de la vaccination chez les patients traités par agents anti-TNF.

Aucune intéraction médicamenteuse n’a été observée, jusqu’à présent, que ce soit avec étanercept ou avec infliximab, et en particulier pour les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les corticoïdes, les antalgiques ou le méthotrexate.

Bien qu’aucun effet tératogène n’ait été à ce jour rapporté chez l’animal ou chez l’homme au cours des traitements par infliximab ou étanercept, ces médicaments restent contre-indiqués en cas de grossesse, et une contraception efficace doit être simultanément proposée chez les femmes en période d’activité génitale.

Ces recommandations d’utilisation des traitements anti-TNF sont pour certaines actuellement incontournables, pour d’autres parfois discutables.

Elles sont strictes et contraignantes mais justifiées, compte tenu de l’état actuel de nos connaissances sur ces produits. Elles sont amenées à être révisées en fonction des données recueillies par l’utilisation pratique de ces médicaments à l’échelon international, et en fonction des résultats de nouvelles études cliniques évaluant notamment leur effet sur les lésions ostéocartilagineuses.

Conclusion :

Les agents inhibiteurs du TNFa ont montré une grande efficacité sur les symptômes cliniques de la PR et sur la progression radiographique de la maladie.

Ils représentent une avancée majeure dans le traitement de la PR.

Ils restent pour le moment réservés aux PR actives et réfractaires, mais leur utilisation est de plus en plus large et s’étend également à d’autres rhumatismes inflammatoires tels que les arthrites chroniques juvéniles et les spondylarthropathies, et à d’autres maladies systémiques.

Cependant, de nombreux travaux restent à faire afin d’améliorer la connaissance de l’utilisation de ces médicaments à moyen et long termes, afin de dépister les effets secondaires rares ou inattendus, en particulier ceux pouvant être sévères.

Enfin, le coût indirect de ces médicaments, actuellement élevé, doit également être intégré afin de définir la meilleure utilisation possible de ces médicaments dans la PR et les autres maladies inflammatoires.

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