Pneumothorax chez l’enfant

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Définition et physiopathologie :

Le pneumothorax est défini comme une irruption d’air dans la cavité pleurale.

Pneumothorax chez l’enfantLa cavité pleurale est un espace fermé virtuel, constitué par un feuillet pariétal et viscéral qui recouvre le poumon et s’invagine dans les scissures.

L’air peut pénétrer dans l’espace pleural par une brèche, d’origine traumatique, de la paroi thoracique et de la plèvre pariétale, ou par rupture de la plèvre viscérale.

Cette dernière éventualité reconnaît trois mécanismes principaux : une rupture de blebs alvéolaires, une destruction parenchymateuse, une dislocation alvéolaire secondaire à une obstruction bronchique.

Il est habituel de différencier les pneumothorax spontanés primitifs (Pnsp), qui surviennent chez un patient sans passé pulmonaire connu, des pneumothorax spontanés secondaires (Pnss) qui viennent compliquer l’évolution naturelle d’une affection médicale (mucoviscidose, histiocytose X, etc).

Certains auteurs séparent également deux formes de pneumothorax de causes mécaniques : ceux qui sont déclenchés par un traumatisme thoracique et les formes iatrogènes.

Principales causes :

A – CAUSES NÉONATALES :

En période néonatale, la survenue d’un pneumothorax est fréquente, qu’il s’agisse d’un nouveau-né en maternité ou en réanimation.

En effet, les accidents mécaniques liés à une brusque variation de la pression à l’intérieur des voies aériennes sont favorisés par le premier cri (accouchement eutocique ou dystocique) et par toute manoeuvre de réanimation respiratoire.

Très schématiquement, il est possible de différencier deux catégories de pneumothorax néonataux dont la gravité et la morbidité sont très spécifiques.

La première variété concerne des nouveau-nés à terme, examinés en maternité dans le cadre des visites systématiques.

L’attention est attirée par une déviation des bruits du coeur, parfois par une asymétrie de l’auscultation pulmonaire, beaucoup plus rarement par des signes de lutte ou des difficultés respiratoires.

Le cliché thoracique permet le diagnostic en montrant un décollement pleural partiel ou total mais de faible volume.

La résorption de ce pneumothorax est le plus souvent spontanée, parfois favorisée par une oxygénothérapie sous enceinte.

L’étiopathogénie de ces formes partielles est inconnue mais fait certainement intervenir le traumatisme de l’accouchement.

Dans la deuxième forme de pneumothorax néonatal, l’enfant présente une détresse respiratoire grave (maladie des membranes hyalines, inhalation méconiale) qui nécessite une ventilation artificielle agressive.

Les complications mécaniques de la ventilation artificielle concernent l’emphysème interstitiel, le pneumomédiastin et le pneumothorax par rupture alvéolaire et progression de l’air dans les axes bronchovasculaires.

Plus rarement à cet âge, le pneumothorax résulte de la rupture d’une bulle ou d’un kyste sous-pleural.

Par rapport aux pneumothorax constatés chez l’enfant, en raison de la mauvaise compliance du poumon atteint, la traduction radiologique est différente avec le plus souvent un décollement pleural sans rétraction du poumon au hile.

B – CHEZ LE NOURRISSON ET L’ENFANT :

Les complications mécaniques de la ventilation artificielle sont minimisées par les nouvelles techniques de stabilisation respiratoire (ventilation par oscillation, décubitus ventral, NO).

Elles concernent surtout des enfants présentant un syndrome de détresse respiratoire grave nécessitant de fortes pressions d’insufflation.

Parmi les formes iatrogènes, il faut insister sur la fréquence des pneumothorax avec certains gestes techniques, en particulier la pose d’un cathéter sous-clavier et la réalisation d’une biopsie transbronchique.

Il est clair que l’existence d’une distension thoracique doit faire contre-indiquer la voie sous-clavière au profit de la voie fémorale pour éviter de blesser le dôme pleural et d’aggraver ainsi la défaillance respiratoire.

Les traumatismes thoraciques provoquent une brèche aérienne par lésion directe (fracture costale, plaie pénétrante) ou indirecte (compression thoracique à glotte fermée).

Parmi les syndromes obstructifs bronchiques susceptibles d’occasionner un pneumothorax, on retiendra plus spécialement l’asthme lors de crises dyspnéiques intenses et les corps étrangers.

Les maladies infectieuses pouvant se compliquer d’un pneumothorax sont classiquement nombreuses.

Il s’agit surtout des affections tussigènes ou des atteintes pulmonaires avec formation de cavités.

Lors des staphylococcies pleuropulmonaires ce risque est important.

Celui-ci justifie pleinement la surveillance radiologique rapprochée lors de la première semaine d’évolution.

Les pneumothorax spontanés secondaires sont observés au cours de l’évolution de maladies pulmonaires chroniques.

Dans la mucoviscidose, c’est à l’adolescence ou chez l’adulte jeune que cette complication est redoutée.

Les lésions pulmonaires initiales de l’histiocytose X sont des nodules sous-pleuraux et des kystes irréguliers qui peuvent provoquer des pneumothorax parfois bilatéraux.

Quelques affections médicales doivent être recherchées de principe en présence d’un pneumothorax spontané primitif.

On doit pouvoir éliminer facilement une maladie de Marfan.

Les dysplasies du tissu élastique sont plus difficiles à diagnostiquer, à l’exception du syndrome d’Ehlers-Danlos.

L’homocystinurie doit être discutée de principe, surtout si l’adolescent présente des problèmes oculaires.

Symptomatologie du pneumothorax spontané :

La description de la présentation clinique du Pnsp de l’adolescent résume l’essentiel de la symptomatologie.

Le sujet, jusque-là bien portant, ressent une douleur thoracique brutale qu’il assimile à un coup de poignard.

Il s’y associe une gêne respiratoire qui limite l’inspiration et une petite toux sèche, irritative.

Il n’y a pas en général de signes de gravité, ni cyanose, ni véritable détresse respiratoire.

À l’inspection, on peut objectiver une distension thoracique unilatérale ou une mobilité différente des deux hémithorax.

La percussion révèle une hypersonorité, très nette, unilatérale.

L’abolition unilatérale des vibrations vocales est plus difficile à rechercher.

L’auscultation pulmonaire note une abolition du murmure vésiculaire, parfois remplacé par un souffle amphorique, surtout net dans les épanchements gazeux massifs.

Le retentissement général est souvent peu important.

La constatation de signes de gravité avec cyanose, sueurs, troubles hémodynamiques est le fait de pneumothorax bilatéraux, heureusement exceptionnels dans ce contexte.

Examens complémentaires :

A – CLICHÉ THORACIQUE :

La radiographie standard du thorax de face, en position debout est l’examen essentiel au diagnostic.

En général, le décollement pleural est suffisamment net pour apparaître clairement sur des clichés de bonne qualité.

Il faut chercher l’air surtout à l’apex et dans les régions axillaires.

Si le pneumothorax est de petit volume, on peut s’aider d’un cliché en expiration qui majore souvent les anomalies.

Dans les formes complètes avec rétraction pulmonaire totale (moignon rétracté au niveau du hile) le diagnostic est évident d’autant qu’il s’y associe parfois une déviation médiastinale vers le côté opposé à l’épanchement.

Chez le nouveau-né, le diagnostic radiologique est plus difficile, en particulier en cas de détresse respiratoire, les clichés étant pris en position couchée, ce qui minore grandement l’importance réelle de l’épanchement.

B – TOMODENSITOMÉTRIE THORACIQUE :

Elle doit être systématique.

Elle ne sert pas à proprement parler au diagnostic mais est irremplaçable pour rechercher une cause favorisante et préciser l’état pulmonaire.

Elle est effectuée en règle après stabilisation du pneumothorax et le plus souvent après ablation du drainage thoracique.

Elle met en évidence les formations bulleuses apicales , sources principales de récidives, et les anomalies spécifiques du poumon à l’origine du pneumothorax.

Dans de très rares cas, cet examen écarte un diagnostic différentiel comme une hernie diaphragmatique chez deux nourrissons.

C – AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

Ils concernent essentiellement les cas de Pnsp chez l’adolescent longiligne pour qui le diagnostic d’une maladie de Marfan ou d’une homocystinurie doit être évoqué de principe, même si ce mode de révélation est exceptionnel.

En faveur de ces affections, on retiendra l’arachnodactylie, la laxité ligamentaire, les anomalies cardiologiques et oculaires.

En cas de doute, une biopsie cutanée, une consultation dermatologique et une chromatographie des acides aminés urinaires sont effectuées.

Prise en charge :

A – ACCIDENTS AIGUS :

1- Surveillance simple :

Elle concerne les épanchements de petits volumes bien supportés cliniquement.

On propose un repos strict au lit, en position demi-assise chez le grand enfant et l’adolescent.

L’oxygénothérapie à faible débit accentue la résorption de l’air.

Le mélange hélium-oxygène possède des propriétés équivalentes.

La prescription d’antalgiques codéinés est justifiée non seulement par le caractère douloureux de la pathologie mais également par la sédation de la toux qu’ils procurent.

2- Exsufflation à l’aiguille :

Il s’agit d’une technique simple qui peut être utilisée en première intention dans les épanchements de volume moyen sans rétraction pulmonaire ni déviation médiastinale.

Elle est généralement insuffisante quand l’épanchement gazeux est important, en particulier chez les enfants ventilés pour une détresse respiratoire.

Le matériel nécessaire se compose d’une aiguille de petit calibre (épicrânienne en néonatalogie), d’un robinet à trois voies et d’une seringue de 20 à 50 cm3 selon l’âge.

La ponction est effectuée sur la ligne axillaire moyenne dans le deuxième espace intercostal.

On arrête l’aspiration dès que l’on perçoit une résistance à l’aspiration.

Un cliché thoracique est réalisé dès l’exsufflation terminée pour vérifier l’efficacité de la ponction.

Plusieurs exsufflations peuvent être nécessaires pour obtenir une normalisation radiologique.

3- Drainage thoracique :

Il est indiqué lorsque le pneumothorax a un volume de plus de 20 %, qu’il est symptomatique ou qu’il survient chez un enfant ventilé.

Il s’agit d’un geste invasif qui nécessite une sédation appropriée locale et générale.

Le matériel utilisé dépend de l’importance de l’épanchement, de son caractère purement aérien, de l’état du poumon sous-jacent.

Deux types de trocarts peuvent être employés. Les drains classiques (Joly) comprennent un mandrin-trocart qui est retiré après franchissement de la plèvre.

Les pleurocathéters disposent d’un trocartaiguille qui facilite la pénétration dans l’espace pleural.

Le calibre réduit du cathéter limite son utilisation aux épanchement aériens purs sans pleurésie associée.

La mise en place du drainage est effectuée généralement sur la ligne axillaire moyenne au niveau du 5e ou 6e espace intercostal.

Le raccordement du drain se fait au bocal ou à un système d’aspiration à usage unique dont on peut régler la dépression (10 à 20 cmH2O).

Il est possible de relier le drain à une valve antiretour (valve de Heimlich), très intéressante pour les déplacements à la radiologie.

Une durée de 4 jours est en moyenne suffisante pour assurer l’accolement de la plèvre à la paroi thoracique sans récidive après clampage du drain.

B – PRÉVENTION DES RÉCIDIVES ET PNEUMOTHORAX PERSISTANTS :

Les indications de la chirurgie thoracique sont bien codifiées en pneumologie adulte où le pneumothorax est une pathologie classique.

Par analogie avec ces recommandations, la plupart des auteurs s’accordent pour recommander une solution chirurgicale dans ces circonstances chez l’enfant :

– une pathologie pulmonaire préexistante qui nécessite, par elle-même, le recours à une thoracotomie ;

– la deuxième rechute du pneumothorax ;

– les cas bilatéraux d’emblée ;

– l’impossibilité d’assurer l’ablation du drain au bout de 8 jours.

Le risque de récurrence étant plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte, certains auteurs préfèrent proposer une intervention dès la première rechute.

Les progrès de la chirurgie avec l’avènement de la thoracoscopie militent pour cette position chaque fois qu’il est mis en évidence, à l’examen tomodensitométrique, de larges blebs du sommet.

La technique de pleurodèse permet de créer une symphyse pleurale par application de produits chimiques, par avivement direct, ou en utilisant le laser NDYag.

La résection des bulles (ou blebs) apicales complète la pleurodèse.

Le choix entre chirurgie thoracique classique et thoracoscopie dépend essentiellement de l’opérateur mais également de l’indication.

En cas de pneumothorax spontané primitif, l’avantage de la thoracoscopie est évident car elle diminue le temps d’hospitalisation et les algies postopératoires.

Conclusion :

Les pneumothorax de l’enfant s’individualisent des formes de l’adulte par plusieurs points.

Dans la période néonatale, l’origine mécanique est la règle.

Chez l’enfant plus grand, les causes infectieuses ne sont pas rares et à l’adolescence le pneumothorax peut compliquer l’évolution d’une maladie préexistante.

Le pneumothorax spontané primitif se voit en période pubertaire.

Il doit faire rechercher une pathologie locale (« blebs ») ou générale (dysplasie du tissu élastique) favorisante.

La thoracoscopie interventionnelle trouve sa place comme thérapeutique curatrice en cas de pneumothorax persistant mal toléré, ou préventive lors des rechutes ou de lésions à risque.

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