Pneumopathies nosocomiales chez le patient non immunodéprimé

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Introduction :

Les pneumopathies nosocomiales (PN) sont des infections pulmonaires acquises au cours d’une hospitalisation.

Pneumopathies nosocomiales chez le patient non immunodépriméOn considère comme nosocomiale une infection débutant à partir de 48 à 72 heures après le début de l’hospitalisation.

De plus en plus synonymes de pneumonies associées à la ventilation invasive, celles-ci ayant donné lieu à une littérature très riche, elles ne doivent pas faire oublier les autres pneumonies nosocomiales :

– les pneumopathies nosocomiales à légionelles ;

– les pneumopathies tuberculeuses ;

– les pneumopathies virales ;

– les pneumopathies nosocomiales à germes usuels chez le sujet non ventilé, et chez le sujet en ventilation non invasive (VNI).

Pneumopathies à germes usuels chez le sujet non ventilé et chez le sujet sous ventilation mécanique :

A – PHYSIOPATHOLOGIE :

La plupart des micro-organismes ont une taille qui va de 0,5 à 2 µm et peuvent donc atteindre les alvéoles.

La voie d’inhalation est habituelle dans le cas des pneumopathies communautaires.

En matière d’infection nosocomiale, c’est la voie de contamination pour les infections à légionelles et à mycobactéries.

Dans les autres cas, c’est le passage des germes à partir des voies aériennes supérieures qui est la voie d’inoculation la plus fréquente.

La diffusion hématogène ou par contiguïté d’un autre foyer infectieux est rare.

L’aspiration des sécrétions oropharyngées reste le mécanisme d’infection le plus fréquent.

Un bolus de micro-organismes injecté dans la trachée a plus de chances d’entraîner une pneumonie qu’une quantité supérieure administrée sous forme d’aérosol.

Une fois l’inoculum parvenu au niveau du poumon profond, la survenue d’une infection dépend de plusieurs facteurs : importance de l’inoculum, virulence du germe, défenses de l’hôte à la fois locales et systémiques.

Lorsque le poumon sous-jacent présente déjà des lésions comme les dommages alvéolaires diffus, les alvéoles contiennent un exsudat riche en protéines qui est favorable au développement des agents infectieux.

Dans ce cas, un inoculum moins important pourrait être suffisant pour entraîner une infection pulmonaire.

La plus grande fréquence de PN chez les patients présentant un acute respiratory distress syndrome (ARDS) pourrait être due à l’altération des fonctions phagocytaires des macrophages et des polynucléaires, ainsi qu’à une diminution de l’activité après stimulation par extrait bactérien.

Le type histologique est plutôt celui d’une bronchopneumonie, comme dans le modèle décrit par Johanson et al. chez le babouin, les micro-organismes envahissent les alvéoles par la voie des bronches et des bronchioles, et l’infection se propage le long des bronches dans les segments adjacents.

Au maximum, la nécrose des parois alvéolaires peut survenir avec formation de microabcès.

Les lésions observées au cours des études autopsiques sont souvent intriquées : pneumonie active, pneumonie en voie de résolution, dommage alvéolaire diffus, également infarctus, atélectasie, hémorragie intra-alvéolaire, pneumonie médicamenteuse.

Elles rendent le diagnostic de pneumonie difficile, d’autant que les lésions de pneumopathie nosocomiale sont souvent focales et disséminées, touchant néanmoins de façon préférentielle les lobes inférieurs, ce qui est cohérent avec la notion que la croissance bactérienne est facilitée par la présence d’oedème alvéolaire.

B – MÉCANISMES D’ACQUISITION ET FACTEURS DE RISQUES :

Ils ont été particulièrement étudiés chez les patients sous ventilation mécanique.

Pour donner lieu à une pneumopathie nosocomiale, les microorganismes doivent atteindre les voies aériennes inférieures et le poumon distal, en débordant les capacités de défense de l’hôte.

L’hôte normal, même exposé à une grande quantité de germes à Gram négatif dans la bouche résiste à la colonisation, alors que les sujets malades sont volontiers colonisés par des germes à Gram négatif, d’autant plus que leur état est sévère.

Il existe une association entre cette colonisation et le développement d’une infection des voies aériennes inférieures.

Johanson rapporte qu’une infection nosocomiale survenait chez 23 % des patients colonisés par les germes à Gram négatif en unité de soins intensifs, contre seulement 3 % chez les sujets non colonisés.

Les altérations des défenses des voies aériennes supérieures comme la diminution du flux salivaire, les modifications des glycoprotéines de surface, la perte des immunoglobulines (Ig) A locales, favorisent la colonisation.

Les fonctions glottiques et le réflexe de toux sont également des mécanismes de défense contre l’inhalation des germes provenant de l’oropharynx.

Ce phénomène d’inhalation se produit régulièrement même chez les sujets sains, mais tous facteurs qui diminuent le niveau de conscience : intoxication, convulsions, désordres neurologiques, prédisposent aux inhalations.

De même, la présence d’une sonde gastrique, et a fortiori d’une sonde d’intubation, va détériorer les barrières naturelles qui s’opposent à l’inhalation.

Chez les patients intubés, la voie d’inhalation des germes la plus probable est le passage entre le ballonnet de la sonde d’intubation et la trachée, mais le biofilm qui recouvre la sonde d’intubation permet l’adhérence des germes, qui peuvent être ensuite repoussés dans les voies aériennes inférieures lors des manoeuvres d’aspiration.

L’aspiration systématique des sécrétions au-dessus du ballonnet pourrait éviter ou du moins retarder la survenue d’une pneumopathie ; néanmoins jusqu’à présent une seule étude va dans ce sens.

L’estomac et le tube digestif peuvent également être à l’origine de colonisation, ainsi la présence d’iléus, l’augmentation du pH gastrique du fait de traitement antiacide, sont des facteurs de risque de pneumopathie.

Les germes pourraient atteindre l’estomac par migration rétrograde ou antérograde.

Il n’a pas été démontré de relation directe entre colonisation gastrique et pneumopathie nosocomiale, l’utilisation de sucralfate, qui respecte l’acidité gastrique, a été associée à un taux moins important de pneumopathies nosocomiales par rapport à l’utilisation d’antiacides.

Cette notion est maintenant controversée. Il reste que les patients sous anti-H2 ont en revanche un risque accru de développer une pneumopathie.

Les sinus maxillaires sont également un réservoir potentiel de germes.

Chez les patients présentant une sinusite infectieuse, une pneumopathie nosocomiale était observée dans 67 % des cas dans une étude de Rouby et al.

Cependant, l’intubation par la bouche dans le but d’éviter la sinusite n’a pas clairement fait la preuve de sa supériorité pour prévenir une infection sinusienne et pulmonaire.

Des changements trop fréquents des circuits de ventilateur semblent favoriser l’apparition de PN.

Une antibiothérapie préalable pourrait protéger contre la survenue d’une pneumopathie nosocomiale précoce, ou au contraire être délétère après 2 à 3 semaines en favorisant la sélection de germes résistants, ce qui est cohérent avec le type de pneumonie observé en fonction du temps.

La position couchée à plat semble également favoriser les infections respiratoires nosocomiales.

Enfin des incidents tels que la réintubation, l’aspiration accidentelle du liquide d’alimentation ou le transport du patient en dehors de la réanimation pour examen ont été également rapportés comme facteurs de risques.

C – PNEUMOPATHIES NOSOCOMIALES À GERMES PYOGÈNES CHEZ LE PATIENT NON VENTILÉ :

Elles sont beaucoup moins étudiées que les pneumopathies du sujet ventilé.

Une étude rétrospective portant sur 5 521 patients fait état de 104 pneumonies nosocomiales : 18,8 cas sur 1 000 admissions.

Les facteurs de risques sont :

– le sexe féminin ;

– un séjour hospitalier de plus de 14 jours ;

– une hospitalisation le mois précédent ;

– l’utilisation d’antibiotiques dans les 6 semaines précédentes.

La mortalité était de 20 % et les facteurs de mauvais pronostic étaient :

– l’utilisation de corticoïdes ;

– la sévérité de la pathologie sous-jacente ;

– le score de gravité clinique initial ;

– l’insuffisance respiratoire préexistante ;

– la bilatéralité des images radiologiques.

Les germes retrouvés étaient les suivants, sachant que sur 104 pneumonies, l’agent infectieux était retrouvé dans seulement 22 cas : cinq légionelloses, sept infections à Pseudomonas, quatre à streptocoques, deux à klebsielle, une à Escherichia coli, une à Enterobacter cloacae, deux à staphylocoque doré.

L’absence de facteur « âge » contraste avec d’autres études, qui retrouvent une proportion plus élevée de pneumopathies nosocomiales chez les sujets âgés (trois fois plus que dans la population de moins de 65 ans.

Les bactériémies sont plus fréquentes et s’accompagnent d’une mortalité plus élevée (50 %).

Un des facteurs de risque est probablement la durée de séjour hospitalier. Les comorbidités sont, bien sûr, un facteur important chez les sujets âgés.

L’absence de comorbidité au cours d’une pneumopathie s’accompagne d’un excès de mortalité par pneumopathie de 9/100 000, avec deux comorbidités ou plus, elle passe à 979/100 000.

L’un des problèmes posés par les pneumopathies chez le sujet âgé hospitalisé ou institutionnalisé est l’absence de signe évocateur, qui conduit à un retard diagnostique.

La fièvre est absente dans plus de 10 % des cas, frissons, toux, hémoptysie, douleur thoracique manquent dans plus de la moitié des cas.

En particulier, 10 % des patients bactériémiques n’avaient pas de fièvre.

Ce sont souvent les signes extrarespiratoires qui doivent donner l’alerte : anorexie, confusion, aggravation d’une pathologie sous-jacente, incontinence.

L’élévation de la fréquence respiratoire peut être le seul signe devant faire rechercher une infection respiratoire.

Mais les germes retrouvés dépendent bien sûr des prélèvements effectués.

Ils diffèrent suivant qu’on s’adresse à des examens de l’expectoration ou des examens invasifs qui ont peu été évalués dans ce contexte.

Dans la série de Kumar comportant 70 % de patients institutionnalisés, les sujets ont bénéficié de prélèvements perendoscopiques retrouvant une majorité de germes à Gram négatif.

Dans les pneumopathies nosocomiales relevées dans cette étude, les germes à Gram négatif représentent 60 à 80 % des cas, dominés par les Pseudomonas et les Klebsiella.

D – PNEUMOPATHIES NOSOCOMIALES AU COURS DE LA VENTILATION NON INVASIVE :

L’absence d’un grand nombre de facteurs de risque donne à croire que la VNI s’accompagne d’un taux plus faible d’infection nosocomiale, comme l’avait prévu Meduri : absence de sonde d’intubation, intégrité des cordes vocales, le plus souvent absence de sonde gastrique, position assise, absence de sédation.

Il ressort de l’ensemble des études comparant VNI et ventilation invasive que la VNI est associée à un taux plus faible de pneumopathies nosocomiales, même si au cours de la VNI le diagnostic de pneumopathie ne met généralement pas en jeu des moyens invasifs.

Une étude prospective portant sur 42 centres de soins intensifs compare 108 patients traités par VNI à 380 patients ventilés sur une intubation trachéale.

Parmi les 65 patients traités avec succès par la VNI, 2 % développent une pneumonie nosocomiale contre 19 % chez les patients intubés.

Chez les patients intubés secondairement, la VNI ne constitue pas un facteur de risque d’acquérir une pneumopathie par la suite.

Bien sûr, les patients devant être intubés ont un score de gravité plus élevé (simplified acute physiologic score 36 ± 20 contre 47 ± 21) mais après ajustement, une analyse de régression logistique retrouve que la VNI est un facteur protecteur vis-à-vis des pneumopathies nosocomiales.

D’autres études portant sur l’efficacité de la VNI, ainsi que des études prospectives portant sur l’épidémiologie des infections nosocomiales retrouvent ces mêmes résultats.

Une étude cas témoin de Girou compare 50 cas de sujets traités par VNI pour décompensation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) à des sujets appariés traités par ventilation classique.

Alors que tous les autres facteurs de risques sont identiques, le groupe traité par VNI présente un taux de pneumopathie nosocomiale de 8 % contre 22 % pour le groupe traité par ventilation endotrachéale.

La conclusion de l’ensemble de ces études est en faveur d’un effet préventif de la VNI sur les pneumopathies nosocomiales.

E – PNEUMOPATHIES ASSOCIÉES À LA VENTILATION ASSISTÉE ENDOTRACHÉALE :

1- Épidémiologie. Pronostic :

Ce sont les pneumopathies survenant après 48 heures de ventilation mécanique.

Elles constituent la deuxième cause d’infection nosocomiale après les infections urinaires, avec une gravité bien supérieure et une mortalité brute estimée entre 24 et 50 % ; celle-ci dépendant bien sûr de la pathologie sous-jacente et du germe en cause.

L’incidence serait de l’ordre de 10 à 30 %.

Le risque augmente de 1 à 3 % pour chaque jour de ventilation.

Il est de 6,5 % à 10 jours, 19 % à 20 jours jusqu’à 69 % à 30 jours.

Le risque est de trois à 21 fois plus élevé que chez les patients non intubés.

La survenue d’une pneumopathie nosocomiale prolonge la durée de la ventilation et le séjour en réanimation, et par là même majore le coût de l’hospitalisation.

Les chiffres divers qui sont rapportés peuvent être liés aux moyens de diagnostic utilisés, suivant que l’on se base sur la clinique ou sur des examens invasifs, et aux types de patients auxquels on s’adresse.

Même l’autopsie ne constitue pas forcément un critère diagnostique définitif, car même en ce domaine il n’existe pas de gold standard et les interprétations des anatomopathologistes peuvent diverger.

Les facteurs de risque d’acquisition d’une pneumopathie nosocomiale ressortant d’une analyse multivariée ont déjà été évoqués plus haut.

Parmi ceux-ci, l’ARDS constitue un facteur important : dans une étude prospective conduite par Chastre et al., 55 % des 56 patients présentant un ARDS ont présenté une PN, contre 28 % parmi les 187 patients ventilés pendant la même période et ne présentant pas d’ARDS.

Le diagnostic de pneumopathie reposait sur des critères stricts (brosse distale protégée et lavage bronchioalvéolaire [LBA]) ; la mortalité était de 61 % parmi les patients présentant un ARDS contre 34 % chez les autres.

Néanmoins, dans ce sous-groupe de patients la survenue d’une PN ne semble pas modifier la mortalité.

Cependant, dans l’étude de Chastre et al., la survenue d’une pneumopathie dans le groupe ARDS semble être surtout liée à la durée de la ventilation mécanique.

Il est toujours difficile d’attribuer la mortalité à la seule PN, la pathologie sous-jacente pouvant jouer un rôle déterminant.

La PN semble néanmoins avoir un rôle pronostique important chez certains patients : dans les suites de chirurgie cardiaque, chez les patients immunodéprimés, au cours des lésions pulmonaires diffuses, chez les transplantés pulmonaires et de la moelle.

En revanche, chez les patients réanimés après arrêt cardiaque, les patients présentant une comorbidité sévère, les patients jeunes sans pathologie sous-jacente, les victimes de traumatisme, elle ne semble pas affecter le pronostic.

À l’inverse, un élément important du pronostic est le choix correct de l’antibiothérapie initiale.

Même lorsque la différence n’est pas significative, la tendance est à une mortalité plus élevée en cas d’antibiothérapie non adaptée.

De même, la précocité de mise en route du traitement antibiotique est un élément important du pronostic.

Les germes en cause jouent également un rôle dans le pronostic.

Les germes à Gram négatif, en particulier les Pseudomonas, sont associés à une mortalité plus élevée par rapport aux germes à Gram positif.

Ceci correspond également au moment de survenue de la pneumopathie.

On distingue PN survenant précocement dans les 4 à 7 premiers jours de la ventilation, et celles survenant tardivement après 5 à 7 jours et plus de ventilation.

Les pneumopathies précoces sont plus souvent dues à des germes communautaires, alors que les PN plus tardives sont plutôt le fait de germes hospitaliers, survenant chez des patients ayant déjà reçu des antibiotiques, et sont d’évolution moins favorable.

2- Étiologies bactériennes :

Plusieurs études ont permis de préciser les germes responsables.

Quels que soient les prélèvements utilisés, on retrouve en tête staphylocoque doré et germes à Gram négatif.

Les pneumopathies polymicrobiennes ne sont pas exceptionnelles.

Une étude conduite par Combes et al. sur 124 patients présentant une PN retrouve 48 % d’infections polymicrobiennes, sans que l’épidémiologie ni l’évolution ne diffèrent de celles des patients présentant une pneumopathie monomicrobienne.

Certaines étiologies sont rarement retrouvées, en particulier les infections à germes anaérobies, car elles sont rarement recherchées systématiquement.

À l’opposé, le Candida est fréquemment retrouvé, mais son rôle pathogène est discuté.

Dans une étude portant sur des patients décédés au cours de la ventilation mécanique et autopsiés, le Candida a été retrouvé chez 10 patients sur 25 sur les biopsies post mortem, mais ne semblait responsable de pneumopathie que chez deux patients.

3- Diagnostic de pneumopathie associée à la ventilation assistée :

Le diagnostic positif et bactériologique des pneumopathies chez le sujet ventilé pose de nombreux problèmes.

La pneumopathie peut être suspectée devant l’association d’une hyperthermie (T ³ 38,3° C) ou d’une hypothermie (T <= 36,5° C), de la présence de sécrétions purulentes, de l’apparition d’une image radiologique anormale ou d’une aggravation des images antérieures, d’une hyperleucocytose.

Malheureusement, de nombreuses autres causes peuvent être à l’origine de cette association.

La fièvre et l’hyperleucocytose peuvent avoir de nombreuses origines : autre infection nosocomiale, maladie thromboembolique, nécrose tissulaire, plaie opératoire.

De même, la radio est d’interprétation difficile car peuvent être responsables des images : un oedème pulmonaire, une contusion pulmonaire, un ARDS, une atélectasie, une hémorragie alvéolaire, un épanchement pleural.

Il a été montré que la suspicion clinique n’était pas corrélée avec les résultats bactériologiques.

Les moyens de diagnostic positif et de diagnostic bactériologique d’une pneumopathie chez le patient ventilé ont été l’objet d’une littérature très riche et de nombreuses controverses opposant les partisans des moyens invasifs à ceux des moyens non invasifs de diagnostic : les premiers arguant du fait que traiter à tort un patient expose à un risque de toxicité, de sélection de germes résistants, entraîne un surcoût inutile et peut faire méconnaître une autre cause de fièvre ; les seconds craignant de ne pas traiter une authentique pneumonie.

La première attitude est justifiée par une étude multicentrique conduite par Fagon et al. portant sur 413 patients ventilés suspects de pneumopathie nosocomiale.

Les patients après tirage au sort bénéficiaient d’une stratégie « clinique ou invasive ».

Pour les premiers, le diagnostic reposait sur les éléments cliniques, radiologiques et biologiques, ainsi que sur les résultats d’une culture qualitative de l’aspiration trachéale.

Le deuxième groupe bénéficiait d’une endoscopie avec brosse distale protégée ou LBA.

Les auteurs constataient une différence de mortalité en faveur du groupe invasif au 14e jour.

Au 28e jour, il existait toujours une différence de mortalité mais celle-ci n’était plus significative.

Par ailleurs, dans le groupe invasif, les patients recevaient moins d’antibiotiques.

D’autres études du même type ont été conduites par Ruiz et al. et par Sole Violan et al.

Ces études comportaient moins de patients (n = 73 et n = 86) et ne montraient pas de différence de mortalité entre les deux groupes.

Cependant, il faut noter que l’existence de prélèvements négatifs dans le groupe invasif n’entraînait pas l’arrêt de l’antibiothérapie prescrit de façon empirique, alors qu’il a été montré que le retrait d’une antibiothérapie non justifiée chez des patients ayant des prélèvements négatifs n’avait pas d’effet néfaste.

4- Prélèvements trachéaux :

Les prélèvements trachéaux sont préconisés par de nombreuses équipes. Ils ont l’avantage de la simplicité et d’un moindre coût.

Les résultats sont très discordants d’une étude à l’autre, avec des sensibilités allant de 38 à 91 % et une spécificité allant de 59 à 93 %. Kirtland et al. retrouvent une sensibilité de 87 % et une spécificité de 31 % (valeur prédictive positive : 65 %, valeur prédictive négative : 63 %) sur les prélèvements trachéaux comparés à la culture du parenchyme pulmonaire chez 39 patients décédés sous ventilation mécanique.

Alors que pour un seuil de 10 Jourdain et al. retrouvent une sensibilité de 68 % et une spécificité de 84 %, Marquette et al. retrouvent une sensibilité de 55 % et une spécificité de 85 % pour un même seuil.

L’association de sécrétions purulentes et de prélèvement trachéal positif peut ne refléter qu’une trachéobronchite dont le pronostic n’est pas le même que celui d’une pneumopathie nosocomiale.

Fagon et al. montrent que l’évolution des patients présentant fièvre, infiltrat et sécrétions purulentes mais dont les prélèvements invasifs sont négatifs a une mortalité identique à celle du groupe contrôle.

Il est probable cependant que dans le cas d’examen direct négatif et de culture stérile de l’aspiration trachéale, le risque de passer à côté d’une pneumopathie est négligeable ; le problème de l’aspiration trachéale étant plutôt de faire porter un diagnostic par excès et de traiter des patients simplement colonisés.

5- Prélèvements perendoscopiques :

L’endoscopie bronchique permet l’accès direct aux voies aériennes inférieures et les prélèvements distaux.

Cependant le fibroscope passe à travers la sonde d’intubation ou de trachéotomie et dans les troncs bronchiques proximaux, ainsi le canal opérateur est contaminé par des micro-organismes qui colonisent les voies aériennes proximales.

Les cultures quantitatives de l’aspiration trachéale sont sensées dépasser cette difficulté, mais, on l’a vu avec des résultats discordants.

* Utilisation des techniques endoscopiques :

Pour améliorer les prélèvements des voies aériennes distales et diminuer le risque de contamination par les sécrétions aspirées dans le canal du fibroscope et en provenance des voies aériennes proximales, Wimberley et al. ont développé dans les années 1970 la technique de la brosse distale protégée.

Cette méthode repose sur la combinaison de quatre techniques :

– l’utilisation de l’endoscopie bronchique pour prélever directement la zone pathologique présumée ;

– l’utilisation d’un système de brosse protégée par un double cathéter dont l’extrémité distale est obturée par un bouchon de polyéthylène glycol afin de réduire la contamination par les sécrétions proximales ;

– cette brosse permet le prélèvement d’un volume calibré de sécrétions distales ;

– une technique de culture quantitative afin de distinguer infection de simple colonisation.

La brosse ramène un volume de sécrétions entre 0,01 ml et 0,001 ml.

La présence de 10 bactéries ou plus dans le prélèvement dilué dans 1 ml correspond à la présence de 10 à 10 unités formant colonie (UFC) dans les sécrétions respiratoires.

Une conférence de consensus a permis de préciser les modalités pratiques de prélèvement.

Avant le prélèvement, il est souhaitable d’éviter d’aspirer par le canal du fibroscope, de même d’instiller de la lidocaïne.

Une aspiration doit être réalisée juste avant l’endoscopie ; si un LBA doit être réalisé, la brosse distale protégée doit être faite avant le lavage, afin que celui-ci ne vienne pas diluer les sécrétions recueillies par la brosse.

Le prélèvement est réalisé dans le territoire présumé de la pneumopathie guidée sur les données radiologiques ou sur l’issue de sécrétions purulentes distales ; en cas d’images bilatérales et en l’absence de signes locaux, le prélèvement est réalisé dans un segment postérieur de la pyramide basale droite.

Le double cathéter est avancé jusqu’à ce que l’extrémité disparaisse dans une bronche sous-segmentaire sans bloquer le cathéter en position distale, afin d’éviter la survenue d’un pneumothorax.

Puis le cathéter interne est avancé, enfin la brosse à laquelle on imprime des mouvements de rotation. Puis la brosse est ramenée dans le cathéter interne, celui-ci dans le cathéter externe.

L’ensemble est transporté au laboratoire dans les 15 minutes afin d’éviter la dessiccation des sécrétions recueillies du fait de leur faible volume, et techniqué pour obtenir des cultures quantitatives.

Les portions distales du cathéter externe et interne sont séparées et désinfectées à l’alcool à 70°, puis coupées avec des ciseaux stériles.

La brosse est avancée et coupée avec une pince stérile.

L’extrémité de la brosse est agitée mécaniquement dans 1 ml de liquide de Ringer afin de recueillir la totalité du prélèvement.

À partir de cette dilution initiale, on réalise des dilutions de 10 en 10 qui sont ensemencées sur boîte de Pétri avec différents milieux.

Les résultats sont ensuite exprimés en UFC.

Un prélèvement est considéré comme positif lorsqu’il ramène 10 UFC ou plus.

* Lavage bronchoalvéolaire :

Il est obtenu par instillation et aspiration de sérum physiologique stérile après avoir bloqué le fibroscope dans une bronche segmentaire ou sous-segmentaire.

La quantité injectée est de l’ordre de 120 ml.

Le territoire prélevé est largement supérieur à celui de la brosse.

On considère que le LBA permet d’échantillonner 1 million d’alvéoles (1 % de la surface pulmonaire).

Le premier aliquot est jeté ou sert à l’identification de germes non contaminants comme Mycobacterium tuberculosis. Le recueil varie beaucoup d’un patient à l’autre, pouvant affecter la validité des résultats.

En effet, chez certains patients le collapsus bronchique des voies aériennes limite le retour du liquide injecté.

Chez les patients non sédatés, la toux gêne également la qualité du recueil.

La moyenne de recueil est de 37 ml ± 18 ml (résultats personnels).

Bien que le territoire prélevé soit bien supérieur à celui de la brosse, le LBA est soumis à la contamination potentielle par les germes colonisant les voies aériennes proximales puisqu’il ne s’agit pas d’un prélèvement protégé.

Meduri et al. ont proposé un système de LBA protégé grâce à un cathéter muni d’un ballonnet distal.

Avec ce système, les auteurs obtenaient une sensibilité diagnostique de 97 % et une spécificité de 92 %.

Néanmoins chez deux patients sur 49, le cathéter ne permettait pas de récupérer du liquide, et c’est ce qui est à craindre avec ce type de dispositif compte tenu du collapsus bronchique au-delà du ballonnet gonflé.

Le nombre total de cellules est déterminé après cytocentrifugation et coloration (May-Grünwald-Giemsa ou coloration de Diff-Quick) ainsi que la formule cytologique et le compte des cellules infectées, c’est-à-dire contenant des bactéries.

Plus de 2 à 5 % de cellules infectées sont retrouvés chez les patients présentant une pneumopathie nosocomiale.

D’autre part, la morphologie et la coloration de Gram des bactéries intracellulaires sont cohérentes avec le résultat des cultures quantitatives, ce qui permet le choix d’une antibiothérapie.

Le produit du LBA est également mis en culture comme le produit de la brosse.

Les cultures sont considérées comme positives à partir de 10 UFC.

* Complications :

Certaines sont liées à l’endoscopie, elles sont rares même chez les patients sévères.

Il s’agit d’arythmie cardiaque, d’hypoxémie, de bronchospasme.

Trouillet et al. ont montré qu’il s’agissait d’une procédure sans risque vital chez 107 patients ventilés et sédatés par midazolam.

Néanmoins, une diminution en moyenne de 26 % de la pression artérielle en oxygène (PaO2) associée à une discrète élévation de la pression artérielle en gaz carbonique (PaCO2) est observée.

La sévérité de l’hypoxémie observée est corrélée à l’atteinte pulmonaire sous-jacente et au degré d’hypoventilation alvéolaire induite par l’examen.

Elle est plus importante chez les patients présentant un ARDS et ceux qui luttent contre le ventilateur pendant la procédure.

Les risques sont réduits lorsqu’on administre une fraction inspirée d’oxygène (FIO2) élevée et que les paramètres du ventilateur sont ajustés avant l’examen afin d’assurer une ventilation alvéolaire correcte.

Enfin au mieux, une courte curarisation et un monitoring du patient permettent d’effectuer les prélèvements dans les meilleures conditions.

Lorsque le patient est stable, le retentissement hémodynamique est minime, même chez les patients nécessitant des drogues vasopressives.

L’ensemble des recommandations qui entourent l’endoscopie chez le patient ventilé a été établi durant une conférence de consensus.

Lorsque toutes les précautions sont respectées, l’impossibilité de pratiquer une endoscopie chez le patient ventilé devient exceptionnelle.

D’autres complications sont liées aux prélèvements : la brosse peut être responsable de pneumothorax si elle est poussée en situation trop distale Cette complication est rare (moins de 1/1 000 examens).

Elle peut être responsable de saignement en lésant la muqueuse bronchique, d’une part dans ce cas la validité du prélèvement reste incertaine, d’autre part le saignement peut être important chez les patients thrombopéniques ou porteurs d’autres troubles de la coagulation.

Ce geste est déconseillé chez les patients ayant moins de 50 000 plaquettes.

Il n’a pas été observé de complications infectieuses après brosse distale protégée (BDP).

Le LBA peut être responsable d’une hypoxémie plus marquée que la BDP, la survenue de fièvre dans les heures suivant le LBA est possible : elle serait due à la libération de tumor necrosis factor (TNF).

D’autres dispositifs ont été utilisés, en particulier un double cathéter obturé par un bouchon de polyéthylène glycol.

Après mise en place du cathéter interne au-delà de l’extrémité du cathéter externe, trois aspirations brèves sont appliquées à l’aide d’une seringue de 10 ml puis, après retrait du cathéter, l’intérieur du cathéter interne est rincé à l’aide de 1 ml de sérum physiologique dans un tube stérile et l’extrémité du cathéter est sectionnée dans le tube à l’aide de ciseaux stériles.

Le produit recueilli est soumis à un examen direct et mis en culture.

* Résultats :

L’intérêt de la BDP et du LBA dans le diagnostic des pneumopathies nosocomiales a été l’objet de multiples études et de nombreuses controverses.

Cook et al. rassemblent 18 études pertinentes sur la sensibilité et la spécificité de la BDP et du LBA.

La sensibilité et la spécificité de la BDP sont respectivement de 89,9 % et de 94,5 %.

Le seuil de positivité varie d’une étude à l’autre en ce qui concerne le seuil de positivité du LBA, et la sensibilité varie de 53,3 à 100 % alors que la spécificité était de 98,6 %.

Il y a de grandes variations dans les résultats d’une équipe à l’autre, et même une même équipe peut avoir des conclusions différentes d’une étude à l’autre.

Torres décrit une bonne spécificité de la brosse dans une étude comparant la BDP sous endoscopie et la BDP introduite à l’aveugle par une sonde de Metras.

Il retrouve une spécificité de 100 % et une sensibilité de 70 % quand la brosse est introduite via l’endoscope dans une autre étude comparant BDP, LBA et aspiration endotrachéale, il retrouve une mauvaise spécificité : 59 % pour la brosse et 65 % pour le LBA (pour un seuil de 10 UFC).

Clairement les résultats sont subordonnés à de nombreux facteurs : population étudiée, expérience de l’opérateur, antibiothérapie préalable, but et schéma de l’étude.

Peu d’études comparent les données histologiques, la culture du parenchyme pulmonaire et les résultats des différentes techniques.

Chastre et al. ont réalisé une étude prospective portant sur les données histologiques et de la culture d’homogénats de poumon obtenus à partir de patients décédés en réanimation, et qui étaient évalués par brosse et lavage perendoscopique juste après le décès sans interruption du ventilateur.

Seuls les patients qui n’avaient pas présenté de pneumonie au préalable ou qui avaient présenté une pneumonie uniquement à la phase terminale de leur évolution alors qu’ils ne recevaient pas d’antibiotiques pouvaient être inclus dans cette étude.

L’analyse des LBA et BDP cultivés en utilisant une méthode quantitative était tout à fait pertinente pour identifier les microorganismes présents dans les segments pulmonaires étudiés à la fois qualitativement et quantitativement.

Ces méthodes se sont montrées capables de diagnostiquer une surinfection survenant chez un patient ayant déjà reçu des antibiotiques auparavant.

Par ailleurs, la quantification des organismes intracellulaires présents sur les pastilles de cytocentrifugation permet de faire un diagnostic de pneumonie avant que le résultat des cultures soit disponible.

Dans cette étude, la brosse distale protégée a une sensibilité et une spécificité respectivement de 82 % et de 89 %, Les cultures du LBA montrent une sensibilité et une spécificité respectivement de 91 et 78 %, enfin l’examen direct du LBA (pour au moins 5 % de cellules infectées) conduisait à une sensibilité de 91 % et une spécificité de 89 %.

Ces résultats viennent confirmer ceux retrouvés par ces mêmes investigateurs et ceux d’autres équipes.

En revanche dans deux autres études, un protocole également basé sur des biopsies pulmonaires post mortem suggère qu’en présence d’une antibiothérapie beaucoup de patients ayant des signes histologiques de pneumonie ont peu ou pas de croissance bactérienne sur le tissu pulmonaire en culture.

Une antibiothérapie récemment instituée peut supprimer la croissance bactérienne, les constatations histologiques peuvent être faites en phase de régression de la pneumopathie et expliquer la négativité des prélèvements.

Dans l’étude de Torres et al., les auteurs considèrent que la culture du poumon ne constitue pas le gold standard pour affirmer l’existence d’une pneumonie, et la sensibilité et la spécificité des différents prélèvements s’avèrent faibles si on se réfère aux seules données histologiques.

Marquette et al. retrouvent une faible sensibilité des cultures de BDP et LBA, ainsi que de l’examen direct du LBA comparé à l’examen du poumon en entier en post mortem.

Cependant, il a été montré que le diagnostic histologique de pneumonie associée à la ventilation mécanique était très difficile et sujet à des variations entre anatomopathologistes.

Par conséquent, la référence à l’aspect histologique du poumon comme gold standard du diagnostic de pneumopathie nosocomiale ne peut être retenue sans réserve.

D’ailleurs, une autre étude trouve une bonne corrélation entre culture quantitative du parenchyme pulmonaire et résultats de la BDP et du LBA, même si aucun des trois résultats n’est corrélé à l’aspect histologique du poumon.

On sait que quelques doses d’une antibiothérapie efficace peuvent rapidement diminuer la charge bactérienne et négativer les cultures.

On peut distinguer deux cas de figures.

Dans le premier cas, le patient reçoit depuis plusieurs jours une antibiothérapie pour une raison autre, quand les signes faisant soupçonner la pneumopathie surviennent.

Dans ce cas, il y a toutes les chances pour que les germes responsables soient résistants à l’antibiothérapie en cours et les prélèvements restent pertinents.

Si au contraire l’antibiothérapie vient d’être modifiée devant la suspicion de pneumopathie, les prélèvements ont toutes chances d’être négatifs.

Autres circonstances pouvant conduire à des prélèvements faussement négatifs :

– la réalisation à une phase précoce de la pneumopathie alors que la charge bactérienne n’est pas encore très importante : des valeurs inférieures de 1 log par rapport au seuil de positivité doivent être interprétées avec prudence et les prélèvements répétés si le patient est symptomatique, les prélèvements pouvant alors se positiver le jour suivant ;

– la difficulté de sélectionner le bon territoire à prélever ;

– le délai trop long entre prélèvement et acheminement au laboratoire.

La combinaison des deux techniques améliore la sensibilité et la spécificité : sensibilité de 100 % et spécificité de 96 % chez 61 patients, dans une étude conduite par Chastre et al.

Lorsqu’une des deux techniques doit être utilisée, il faut peser les avantages et les inconvénients de chacune.

Utiliser des techniques de prélèvement à l’aveugle implique qu’on suppose que la pneumonie est diffuse dans les deux poumons, ce qui n’est probablement pas le cas à la phase précoce de la pneumopathie.

Il a été montré que la pneumonie intéressait différemment les différents segments pulmonaires, comme tendent à le prouver les résultats de prélèvements pratiqués systématiquement de façon bilatérale.

6- Traitement :

En l’absence de critère diagnostique positif et bactériologique absolu, l’évaluation des antibiothérapies au cours des PN reste difficile.

Les études dans lesquelles les critères de diagnostic sont cliniques et les critères bactériologiques reposent sur l’aspiration trachéale sont d’interprétation difficile.

On sait qu’une antibiothérapie inadaptée est source de mortalité accrue, à l’inverse une antibiothérapie adaptée aux résultats de la BDP permet de constater une stérilisation ou une réduction importante du compte bactérien chez 88 % des patients.

Il n’y a pas de consensus concernant le traitement empirique d’une pneumopathie nosocomiale.

Le choix entre bithérapie et monothérapie n’est pas défini clairement, d’autant que les études comparatives concernent de petits nombres de patients et une bactériologie souvent basée sur les prélèvements trachéaux.

Il ressort de ces études qu’une monothérapie, lorsque l’infection est due à Pseudomonas aeruginosa, conduit à de nombreux échecs et à l’émergence de germes résistants.

Or il est difficile, lorsqu’on instaure un traitement empirique, d’éliminer ce type de germe d’emblée.

Par ailleurs, le rôle croissant de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline complique encore le choix d’une antibiothérapie initiale.

La monothérapie pourrait être envisagée secondairement après quelques jours de traitement et une évolution favorable.

Certains éléments peuvent cependant être pris en compte dans le choix de l’antibiothérapie initiale, en fonction de la date de survenue de la PN par rapport à l’entrée en réanimation et l’utilisation préalable d’antibiotiques.

Certaines circonstances particulières : coma, traumatisme crânien, contexte de neurochirurgie, exposent plus volontiers aux infections à staphylocoque.

L’inhalation, la chirurgie abdominale exposent à des infections à anaérobie.

Bien sûr, entrent également en ligne de compte l’écologie propre au service et la toxicité potentielle des antibiotiques.

L’American Thoracic Society (ATS) propose un choix d’antibiotique en fonction des circonstances.

Les conclusions du groupe d’étude de l’ATS sont assez proches de celles de J.-L.

Trouillet et al., qui étudient 135 épisodes consécutifs de pneumopathie associés à la ventilation assistée documentés par BDP et LBA.

Ils dégagent quatre groupes :

– 1. les patients ventilés depuis moins de 7 jours n’ayant pas reçu d’antibiothérapie préalable ;

– 2. les patients ventilés depuis moins de 7 jours ayant reçu des antibiotiques ;

– 3. les patients ventilés depuis plus de 7 jours sans antibiotiques ;

– 4. les patients ventilés plus de 7 jours et ayant reçu des antibiotiques.

Le groupe 1 diffère des autres groupes, il est le seul à présenter des infections à pneumocoque et à ne pas présenter de germes multirésistants.

Il ressort de cette étude que le fait d’avoir reçu des antibiotiques au préalable est le facteur de risque majeur d’acquisition d’un Pseudomonas.

Les auteurs remarquent que l’association amoxicilline–acide clavulanique ou céphalosporine de deuxième génération était active sur 90 % des germes retrouvés dans le groupe 1.

Alors que seulement quatre antibiotiques montraient une efficacité sur plus de 50 % des patients du groupe 4 (ticarcilline-acide clavulanique, céftazidime, pipéracilline-tazobactam, imipénème).

Chez ces patients une monothérapie se serait montrée inefficace.

L’adaptation dans un deuxième temps aux résultats des prélèvements perendoscopiques permet de réduire l’antibiothérapie et de diminuer la toxicité, le coût, et de prévenir l’émergence de germes résistants.

7- Prévention :

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte.

D’abord l’organisation des soins : des mesures simples doivent être respectées : lavage des mains, utilisation de matériel à usage unique, isolement des patients porteurs de germes multirésistants, surveillance des infections dans l’unité.

Compte tenu du risque inhérent à la ventilation endotrachéale, la ventilation au masque quand elle est possible pour éviter l’intubation ou au moment du sevrage afin de raccourcir le temps de la ventilation invasive est certainement un facteur de prévention des PN.

L’entretien de ventilateur, la vidange des pièges à eau afin d’éviter que ceux-ci se déversent dans les voies aériennes, les soins de bouche pluriquotidiens, une technique soigneuse d’aspiration trachéale, le maintien en position demi-assise sont autant de mesures simples de prévention.

Enfin, l’utilisation des antibiotiques doit être rationnelle afin d’éviter la sélection de germes résistants, en revanche la décontamination digestive systématique reste l’objet de controverses.

Infections à légionelles :

Il n’existe pas de transmission interhumaine de la légionellose et les légionelles ne sont pas un contaminant des voies aériennes supérieures.

La maladie s’acquiert par inhalation d’aérosol contenant des légionelles ou par microaspiration d’eau contaminée.

La source de contamination est toujours un réservoir hydrique.

Les réseaux d’eau chaude semblent être la première source de contamination hospitalière, alors que les premiers cas étaient liés à la contamination d’un système de climatisation.

D’autres dispositifs médicaux ont pu être mis en cause, comme les nébuliseurs ou les barboteurs.

L’eau et les solutés utilisés avec ces appareils doivent être stériles, et il est proscrit de remettre à niveau le liquide dans les réservoirs de ces dispositifs.

La présentation clinique, radiologique et biologique de la maladie ne diffère pas de celles d’autres pneumopathies nosocomiales, bien que classiquement on observe volontiers diarrhée, troubles de conscience, myalgies voire rhabdomyolyse.

Le délai de mise en route du traitement est un élément important du pronostic.

La mortalité est lourde.

El-Ebiary retrouve 84 légionelloses parmi 3 283 patients admis en réanimation ; 39 % d’entre elles étaient nosocomiales.

Les patients admis pour légionelloses nosocomiales avaient plus de pathologies sous-jacentes, en particulier de BPCO.

La mortalité était de 27 % parmi les nosocomiales contre 30 % chez les communautaires.

La mortalité dépend de la pathologie sous-jacente, et l’hyponatrémie semble être un facteur de mauvais pronostic.

La radio reste pathologique pendant 1 à 4 mois et les images peuvent progresser malgré un traitement efficace.

Le diagnostic repose sur l’immunofluorescence de l’expectoration ou de l’aspiration bronchique.

La culture des prélèvements respiratoires demande l’utilisation de milieux spéciaux.

La recherche d’antigènes solubles est une méthode rapide positive précocement et qui reste positive plusieurs semaines.

Cependant elle ne détecte que les infections à Legionella pneumophila de type 1.

La sérologie reste le moyen de diagnostic le plus souvent utilisé mais ne permet qu’un diagnostic tardif.

Les anticorps apparaissent en 1 semaine avec un pic à la 3e-4e semaine.

Un taux supérieur à 1/250e ou une multiplication du taux par quatre entre deux prélèvements sont évocateurs.

Le traitement repose sur les macrolides ou les quinolones.

Parmi les macrolides, l’azithromycine semble avoir le meilleur profil d’activité.

Les quinolones semblent représenter le meilleur choix en cas de légionellose nosocomiale.

La rifampicine est classiquement utilisée, toujours en association, dans les formes graves.

La durée du traitement est de 10 à 14 jours chez le nonimmunodéprimé, de 21 jours chez l’immunodéprimé.

Infections nosocomiales à Mycobacterium tuberculosis :

À l’opposé, Mycobacterium tuberculosis est un agent dont la transmission est interhumaine.

La possibilité d’infection nosocomiale est évidente, mais compte tenu du profil d’évolution particulière de la tuberculose, la mise en évidence de cas nosocomiaux s’avère difficile, la maladie pouvant se déclarer des années après l’infection.

La biologie moléculaire permet actuellement de comparer des souches de mycobactéries chez différents patients, et de soupçonner ainsi l’origine nosocomiale lorsqu’il y a identité génomique et que les patients se sont trouvés hospitalisés dans le même service à la même période.

Auparavant, c’était seulement le caractère de multirésistance qui permettait d’évoquer une transmission nosocomiale.

Les épidémies intrahospitalières étaient rapportées essentiellement chez des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), au stade du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), et parmi le personnel hospitalier.

Cependant quand l’infection tuberculeuse se traduit uniquement par le virage des réactions tuberculiniques, il n’est pas possible de faire la preuve d’une infection nosocomiale.

Néanmoins, un taux élevé de conversion des réactions tuberculiniques parmi le personnel fait craindre un risque élevé de transmission intrahospitalière.

C’est la conséquence du retard au diagnostic, or une étude rétrospective a montré que le délai moyen entre admission et traitement était de 6,5 jours et le diagnostic n’était évoqué à l’entrée que chez 42 % des sujets.

C’est pendant la période où le patient n’est pas isolé et pas traité que le risque est majeur.

Infections nosocomiales virales :

L’incidence des infections virales nosocomiales est mal connue.

La difficulté du diagnostic en l’absence de signes spécifiques par rapport aux pneumopathies bactériennes, la plus grande difficulté d’identification des virus, rendent le diagnostic malaisé.

Cultures virales et sérologies sont longues à obtenir.

Cependant au vu du nombre de pneumopathies nosocomiales qui restent sans diagnostic étiologique, il paraît raisonnable de penser qu’un bon nombre d’entre elles sont d’origine virale.

L’infection virale peut être le fait d’une primo-infection, d’une réactivation virale ou d’une réinfection.

L’origine de l’infection peut être un membre du personnel ou un autre patient, voire un visiteur. La transmission est aéroportée ou manuportée.

Les défenses naturelles contre les infections virales, en particulier les défenses non spécifiques : barrière nasale, configuration de l’arbre bronchique, barrière épithéliale sont souvent mises à mal chez le patient en soins intensifs.

Plusieurs éléments doivent faire penser à une infection d’origine virale : l’absence d’amélioration sous traitement antibiotique, la survenue en période hivernale d’épidémie, la notion de virose saisonnière parmi le personnel.

Les virus en cause sont multiples : virus influenza A et B, virus respiratoire syncytial sont les plus fréquemment rencontrés, d’autres virus sont moins communément en cause : adénovirus, virus para-influenza, varicelle-zona virus (VZV), virus herpès simplex (HSV), cytomégalovirus (CMV), rubéole.

A – VIRUS INFLUENZA :

Ils sont le plus souvent en cause aussi bien dans les infections communautaires que chez les patients hospitalisés ou institutionnalisés. Ils surviennent dans un contexte d’épidémie.

La transmission est aéroportée par les gouttelettes de salive mais peut également être manuportée.

La survie du virus est de 24 à 48 heures sur des surfaces non poreuses, et de 8 à 12 heures sur le tissu ou le papier.

L’incubation est de 8 à 72 heures. Un diagnostic rapide est possible grâce à la détection d’antigène viral de virus influenza A dans les sécrétions nasales ou pharyngées.

Le virus influenza A peut être responsable de bronchopneumopathie sévère avec un taux de mortalité pouvant atteindre 50 %.

Lorsqu’il s’agit de patients institutionnalisés, la mortalité s’élève.

Les conséquences de la grippe ont été mieux étudiées en institution que chez les patients en soins intensifs.

Le vieillissement associé aux comorbidités rend le sujet institutionnalisé particulièrement fragile ; en France, 75 % des sujets de 75 ans et plus sont vaccinés contre la grippe, or le vaccin représente la meilleure des préventions.

Malheureusement une minorité parmi le personnel soignant est vaccinée et donc susceptible de transmettre la maladie aux patients.

Une étude portant sur 10 unités de soins de longue durée où la vaccination était systématiquement proposée au personnel contre 10 autres unités où elle n’était pas proposée, a montré une différence significative en termes de mortalité alors que le taux de résidents vaccinés dans les deux groupes était le même.

Il existe des traitements curatifs, il s’agit de l’amantadine et des inhibiteurs de la neuraminidase : le zanamivir et l’oseltamivir.

Ces deux groupes de traitement semblent efficaces pour diminuer les symptômes, la durée d’évolution et les complications.

Le traitement doit être précoce (au mieux administré avant la 30e heure d’évolution).

Les résultats des études portant sur l’efficacité de ces traitements en institution sont encourageants.

En cas d’échec de l’amantadine sur la propagation de la maladie, le zanamivir a montré qu’il était efficace.

En cas d’épidémie en institution, des mesures simples permettent également de limiter la propagation : lavage des mains, port de masques, isolement des malades atteints.

La vaccination systématique des résidents reste la meilleure prévention.

B – VIRUS RESPIRATOIRE SYNCYTIAL :

Chez l’adulte il s’agit le plus souvent de réinfection, donc moins sévère que l’infection chez l’enfant. Plusieurs épidémies en institution ont été décrites avec une mortalité allant de 0 à 50 %.

La vaccination est décevante et il n’y a pas de traitement spécifique ; la transmission nécessite un contact étroit entre individus.

Le diagnostic est rendu plus aisé par la disponibilité d’un test rapide détectant l’antigène viral.

C – AUTRES VIRUS :

D’autres virus peuvent être en cause : adénovirus, VZV, herpèsvirus, rubéole.

L’infection par herpèsvirus est l’apanage du sujet âgé ventilé de façon prolongée.

La mortalité est élevée, plutôt liée au terrain.

L’infection se ferait par aspiration ou propagation contiguë à partir de lésions des voies aériennes supérieures ou de la bouche, l’intubation trachéale prédispose à la diffusion de l’HSV à partir de l’oropharynx, mais des lésions des voies aériennes inférieures pourraient prédisposer à la réactivation virale.

Les manifestations cliniques et radiologiques sont aspécifiques, mais souvent associées à une trachéobronchite nécrotique, purulente, caractérisée par un exsudat épais responsable d’obstruction des voies aériennes.

Le diagnostic repose sur l’isolement du virus, mais seul il n’est pas suffisant pour faire le diagnostic de bronchopneumopathie herpétique.

Il doit s’y associer l’aspect endoscopique et les données cytohistologiques sur le LBA et/ou les biopsies bronchiques.

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