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Pleurésies purulentes

Les pleurésies purulentes ou empyèmes thoraciques sont des épanchements pleuraux dont la ponction met en évidence un liquide macroscopiquement purulent ou louche et comportant à l’examen cytologique une prédominance de polynucléaires altérés. On inclut ici les épanchements purulents d’origine tuberculeuse, appelés pyothorax (bien que ne se rencontrant pratiquement plus) et éventuellement « amicrobiens ».

GENERALITES :

Fréquence :

La fréquence des pleurésies purulentes a diminué depuis la généralisation de l’antibiothérapie dans les infections respiratoires. Elle reste toutefois d’environ 7 à 9% des cas en milieu pneumologique.

Les trois problèmes :

* Diagnostique, du fait d’une fréquente antibiothérapie préalable qui abâtardit les symptômes et compromet la mise en évidence du germe.

* Thérapeutique: il faut aller plus vite que le processus d’épaississement de la plèvre avec cloisonnement.

– Les ponctions sont un véritable traitement d’urgence.

– Parallèlement, il faut traiter la cause et le terrain.

– Il faut prolonger suffisamment la kinésithérapie.

* Pronostique: surtout lié au terrain, qui est en général débilité, ou à une éventuelle cause néoplasique sous-jacente (cancer bronchique ou ORL). Ainsi, la mortalité reste élevée, d’environ 15%.

Anatomopathologie :

Trois stades anatomopathologiques sont classiquement distingués.

* Diffusion:

– plèvre inflammatoire.

– liquide louche libre dans la grande cavité pleurale.

* Collection:

– plèvre épaissie, fibrineuse.

– liquide purulent se localisant dans les zones les plus déclives.

– cloisonnement rapide.

– les lésions restent réversibles.

* Enkystement:

– plèvre sclérosée.

– liquide purulent enkysté par la symphyse pleurale.

– dépots fibrineux en lame enveloppant le poumon dans une véritable gangue.

– les lésions sont souvent irréversibles et une décortication chirurgicale peut être nécessaire afin de libérer le poumon.

Physiopathologie :

Les mécanismes d’inoculation de la plèvre sont de trois types:

* Le plus souvent il s’agit d’une pneumopathie sous-jacente et qui peut passer inaperçue.

– L’effraction se fait à partir d’un micro-abcès sous-cortical ou bien par voie lymphatique.

– La pneumopathie, en particulier de déglutition, peut être inapparente.

* Plus rarement inoculation directe:

– traumatisme.

– ponction pleurale septique.

– chirurgie (hémothorax secondairement infecté, lâchage de suture bronchique).

* Beaucoup plus rarement encore, infection de voisinage:

– médiastinale (fistule trachéale, fistule oesophagienne).

– osseuse.

– sous-diaphragmatique (abcès hépatique, et aussi abcès sous-phrénique).

Dans tous les cas le terrain joue un grand rôle.

Diagnostic :

DIAGNOSTIC POSITIF :

Dans la forme habituelle de l’adulte.

Clinique :

* Il s’agit plus souvent d’un homme que d’une femme.

* Le tableau infectieux associe une fièvre élevée avec, souvent, frissons et clochers thermiques, et une altération importante de l’état général.

* Des signes orientent vers l’appareil respiratoire:

– douleurs thoraciques.

– toux en général peu productive.

– dyspnée.

– parfois, cyanose.

* L’examen clinique est essentiel, objectivant du coté atteint:

– à l’inspection, une diminution de l’ampliation.

– à la palpation, une diminution des vibrations vocales.

– à la percussion, (qui est parfois douloureuse), une matité franche, déclive.

– à l’auscultation, une diminution ou une abolition du murmure vésiculaire.

* Cet examen sera complété, précisant:

– le terrain, souvent débilité: alcoolisme, tabagisme, diabète, bronchopathie chronique, voire affection néoplasique….

– l’existence éventuelle d’un foyer infectieux évident, en particulier ORL ou surtout dentaire.

– le retentissement respiratoire est propre au terrain.

Examens complémentaires :

Radiographie thoracique

La radiographie thoracique constitue l’étape suivante.

* Elle doit être faite de face et de profil.

* Elle montre une opacité pleurale, homogène, déclive, floue, mal limitée, avec, rarement, une ligne bordante à ce stade de début.

* La présence de niveau liquide évoque des germes anaérobies ou une fistule.

Ponction pleurale

La ponction pleurale confirme le diagnostic.

* Effectuée avant toute antibiothérapie.

* Avec une aiguille de calibre suffisant, après bonne anesthésie locale.

* On piquera en pleine matité mais le moins bas possible.

Elle recueille un liquide louche ou purulent, parfois fétide (germes anaérobies) dont l’analyse sera:

* chimique:

– liquide riche en protéines (exsudatif).

– de pH inférieur à 7,20, argument surtout utile en cas de doute sur le caractère purulent ou non.

– on dosera l’amylase si l’on souponne une fistule oesophagienne (étiologie exceptionnelle).

* cytologique: nombre important de leucocytes avec prédominance de polynucléaires altérés (supérieur à 50%).

* bactériologique:

– examen direct et culture en milieu aérobie et anaérobie, recherche du bacille tuberculeux.

– antibiogramme si le germe est isolé.

– éventuellement contre-immuno-électrophorèse pour recherche d’antigènes solubles de pneumocoque, d’Haemophilus influenzae ou de klebsielle.

– le résultat rapidement obtenu peut permettre d’orienter l’antibiothérapie.

– le germe est également cherché par hémoculture et éventuellement par prélèvement bronchique.

Bilan

Le bilan est entrepris parallèlement.

* Bilan biologique:

– l’hémogramme montre, en règle, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et, souvent, une anémie de type inflammatoire.

– la vitesse de sédimentation est accélérée.

– on effectue aussi un ionogramme, une glycémie, un bilan hépatique et rénal pour apprécier au mieux le terrain.

* Les gaz du sang préciseront le retentissement respiratoire.

* Des hémocultures seront systématiques avant antibiothérapie.

* Il faut en outre programmer:

– un scanner thoracique qui permet d’éliminer un abcès pulmonaire et de repérer la topographie exacte de l’épanchement (libre, enkysté…).

– un examen ORL et stomatologique.

– une fibroscopie bronchique pour chercher une cause locale (tumeur, corps étranger).

– certains examens éventuellement plus orientés: transit pharyngo-oesophagien, manométrie et/ou pH-métrie oesophagiennes, à la recherche de troubles de la déglutition ou d’un reflux, par exemple.

Formes abâtardies :

Il faut insister sur ces formes atténuées, très fréquentes, et qui sont, en général, le fait:

– d’une antibiothérapie préalable insuffisante.

– ou de terrains particuliers (vieillards, sujets immunodéprimés sous couverture antibiotique).

Les éléments du diagnostic:

– la fièvre est moins élevée et les signes respiratoires d’appel moins nets.

– la radiographie retrouve l’épanchement.

– surtout, la ponction met en évidence un liquide louche contenant des polynucléaires altérés et de pH inférieur à 7,20. Par contre, l’examen direct et la culture sont, le plus souvent, négatifs.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Certaines formes sont de diagnostic plus difficile et peuvent faire discuter d’autres affections thoraciques ou de voisinage:

* en cas de pleurésie interlobaire, axillaire, diaphragmatique, médiastinale.

* en cas de pleurésie parapneumonique non purulente.

* chez un opéré récent, en particulier de l’abdomen, o les signes peuvent évoquer une embolie pulmonaire alors que la pleurésie est en rapport avec un abcès sous-phrénique.

* chez le nourrisson ou le jeune enfant:

– car la symptomatologie y est souvent abdominale.

– et les signes cliniques dominés par une simple matité.

– l’étiologie est représentée surtout par le staphylocoque, responsable parfois de tableaux graves.

* enfin les formes abatardies peuvent au début, nous l’avons vu, faire discuter d’autres types de pleurésies.

DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE :

Selon le germe :

Germe à Gram positif

* Pneumocoque:

– sa fréquence reste élevée.

– pneumopathie sous-jacente quasi constante.

– tendance au cloisonnement très rapide.

– sensibilité parfois diminuée à la pénicilline.

* Streptocoque:

– la pneumopathie sous-jacente est courante mais il faut chercher particulièrement un foyer ORL, cutané ou dentaire.

– il est sensible à la pénicilline.

* Staphylocoque:

– pneumopathie sous-jacente souvent extensive.

– abcédée, bilatérale, avec tableau grave et détresse respiratoire.

– les sujets immunodéprimés, les toxicomanes sont souvent atteints.

Germe à Gram négatif

* Entérobactéries:

– Escherichia coli, klebsielle, Proteus….

– fréquence en augmentation.

– terrain débilité, contexte multi-infectieux ou septicémique.

– difficultés de choix de l’antibiothérapie: selon l’antibiogramme, quinolones, céphalosporines de deuxième et troisième génération, aminosides.

* Haemophilus influenzae: souvent en cause chez l’enfant.

* Bacille pyocyanique:

– surtout en milieu hospitalier et chez des sujets fragilisés.

– résistance aux antibiotiques usuels. Recours à la ceftazidine, à la carbénicilline, à la ticarcilline, voire à la cefsulodine.

* Legionella pneumophila: cause exceptionnelle.

* Salmonelles: sur terrain débilité, soit au cours d’une typhoïde au troisième septénaire, soit en rapport avec une salmonelle non typhoïdique (surtout T. murium), sensibilité à l’ampicilline, aux phénicolés, au cotrimoxazole (Bactrim*…). Elles sont également exceptionnelles.

Germes anaérobies

Germes Bacteroides, Fusobacterium, Peptostreptococcus…

– Leur fréquence est élevée.

– Association pathologique de germes aérobies anaérobies fréquente.

– Isolement délicat.

– Souvent inhalation à partir de la flore oropharyngée, en particulier chez l’éthylique au mauvais état dentaire.

– Pouvoir nécrosant important.

– Cliniquement peu de douleurs et fétidité de l’épanchement et de l’expectoration.

– Sensibilité à la pénicilline, à la clindamycine, au métronidazole et à certaines céphalosporines.

Bacille tuberculeux

Bien qu’il ne soit pratiquement plus en cause, le bacille de Koch doit être recherché.

A part, la  pleurésie amibienne

Associée à l’atteinte hépatique.

– Plus souvent à droite.

– La ponction retire un pus chocolat sans germes mais contenant des amibes.

– La sérologie est positive.

– Traitement par le métronidazole (Flagyl*).

Selon l’affection causale :

* La plus fréquente est la pneumonie sous-jacente ou l’abcès du poumon pour lesquels il faut chercher une cause favorisante:

– appréciation du terrain.

– état dentaire.

– bronchofibroscopie systématique pour dépister une sténose néoplasique.

– la tomodensitométrie peut permettre de découvrir une telle lésion.

– examen ORL complet.

* Causes pouvant inoculer directement la plèvre:

– traumatisme, ponction septique.

– chirurgie thoracique.

* Infections de voisinage:

– thoraciques: cancer oesophagien, fistule oesophagienne….

– abcès osseux.

– abcès hépatique, abcès sous-phrénique.

Évolution et pronostic :

ÉVOLUTION :

* L’évolution classique se fait en trois stades: diffusion, collection (stades réversibles) puis enkystement irréversible:

* la précocité du traitement permet dans la majorité des cas de stopper l’évolution bien avant le stade d’enkystement.

* le stade d’enkystement est responsable de lourdes séquelles (pachypleurite avec insuffisance respiratoire restrictive, rétractions, bronchectasies…) et peut être à l’origine de fistules broncho-pleurales (expectoration parfois vomique, image hydro-aérique).

* Les rechutes et les récidives sont rares.

PRONOSTIC :

Le pronostic est lié surtout:

– au terrain, en général fragilisé: sujet âgé, éthylisme, diabète, bronchopathie chronique, immunodépression, voire néoplasie sous-jacente.

– mais aussi à certains germes très pathogènes et résistant à la plupart des antibiotiques.

La précocité et la qualité du traitement sont des éléments majeurs conditionnant également le pronostic.

Traitement :

Le traitement doit être précoce et adapté, au mieux en milieu spécialisé. Il comporte les volets suivants.

TRAITEMENT GENERAL :

Le traitement général est adapté au terrain:

* rééquilibration hydro-électrolytique et nutritionnelle.

* apport vitaminique, essentiel chez l’alcoolique (B1, B6, PP).

* oxygénothérapie en fonction des gaz du sang.

* prévention de la décompression d’une affection sous-jacente (diabète, alcoolisme…).

* « nursing ».

ANTIBIOTHERAPIE :

Débutée dès les prélèvements bactériologiques effectués, l’antibiothérapie est:

* parentérale, bactéricide, adaptée éventuellement en fonction de l’antibiogramme.

* durée: en moyenne 6 semaines, débutée par voie veineuse.

En l’absence d’orientation bactériologique au début, on utilisera:

* amoxicilline et acide clavulanique (Augmentin*) ou la pénicilline G 10 à 20 millions d’unités par jour. en cas d’allergie prouvée, on aura recours à l’érythromycine. les céphalosporines de troisème génération peuvent également êtres utiles dans ce cas (faible risque d’allergie croisée).

* métronidazole (Flagyl*) 2g/j.

* et en cas de tableau clinique en faveur d’une entérobactérie, adjonction d’un aminoside, par exemple Gentalline* ou amikacine (Amiklin*) adaptée à la fonction rénale.

* ou quinolone (Ciflox*, Oflocet*).

TRAITEMENT LOCAL :

Le traitement local est fonction du stade. Il est essentiel.

Au début

Au début (stade de diffusion), les ponctions sont essentielles:

* quotidiennes, pratiquées avec une aiguille de fort calibre et un montage bien étanche.

* l’anesthésie locale sera soigneuse.

* on fera appel également à des lavages au sérum physiologique tiédi.

* les injections locales de fibrinolytiques sont parfois utiles (Streptokinase*, Urokinase*).

* le résultat de la ponction sera toujours controlé par une radiographie.

Au stade de collection

Au stade de collection, le drainage est nécessaire en milieu spécialisé.

* Il est parfois guidé par les images tomodensitométriques ou par une échographie pleurale.

* Il peut être également effectué au cours d’une thoracoscopie médicale qui permet en outre de réduire le cloisonnement.

* Certains utilisent une méthode d’irrigation permanente plusieurs jours.

KINESITHERAPIE RESPIRATOIRE :

Volet essentiel du traitement quant à la récupération.

* Elle doit être débutée précocement et a pour but:

– d’assurer le drainage bronchique par la position en décubitus latéral du coté sain et par le travail en expiration.

– de favoriser la réexpansion pulmonaire par un travail en inspiration.

* Sa durée doit être de 1 à 3 mois et souvent plus.

* Une chirurgie de type décortication ne doit être envisagée qu’après échec d’une période suffisante de rééducation.

TRAITEMENT CHIRURGICAL :

Le traitement se fait par thorascopie, technique récente permettant un drainage plus efficace.

Drainage après nettoyage à minima sous vidéo.

Décortication pleurale au stade d’enkystement, après bronchofibroscopie et appréciation de l’état fonctionnel respiratoire. Cette procédure est devenue rare, sauf en cas de fistule broncho-pleurale.

TRAITEMENT DU FOYER SEPTIQUE INITIAL :

A ces volets essentiels, il faut ajouter le traitement indispensable d’un éventuel foyer septique initial: ORL, cutané et, surtout, stomatologique (l’éradication des foyers dentaires septiques est absolument nécessaire).

Un reflux oesophagien sera recherché et traité.

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