Adénopathies et tumeurs médiastinales

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La distinction entre des adénopathies ou tumeurs hautement malignes et des lésions bénignes ne nécessitant qu’une simple surveillance radiologique n’est pas toujours facile.C’est essentiellement au niveau du médiastin antérieur que les problèmes se posent, la conduite diagnostique repose essentiellement sur l’analyse radiologique de l’image ; l’orientation diagnostique, probabiliste, est guidée par la localisation de la tumeur dans le médiastin. L’analyse de l’image tomodensitométrique, qui permet d’approcher la nature du tissu en cause, y est essentielle.Cependant, le diagnostic final repose le plus souvent sur un prélèvement histologique.

RAPPEL ANATOMIQUE :

Adénopathies et tumeurs médiastinalesL’orientation diagnostique devant une opacité médiastinale est déterminée par sa localisation. Les signes cliniques et l’imagerie permettent de déterminer la topographie de la lésion.

Le médiastin est l’espace médiothoracique situé entre les deux poumons. il est limité:

– en avant par le plastron sterno-costal.

– en arrière par le rachis et les gouttières costo-vertébrales.

– latéralement, par les plèvres médiastines.

– en bas, par le diaphragme.

– en haut, par l’orifice cervico-thoracique.

Le médiastin est divisé:

* en trois compartiments dans le plan antéropostérieur:

– antérieur, en avant de l’axe trachéo-bronchique.

– postérieur, en arrière de l’axe trachéo-bronchique.

– moyen, dans le plan de cet axe.

* en trois étages, de haut en bas:

– supérieur, au-dessus de l’aorte horizontale.

– inférieur, sous la carène.

– moyen, entre l’arche aortique et la carène.

Circonstances de découverte :

SYNDROMES MEDIASTINAUX :

Les syndromes médiastinaux traduisent l’irritation, l’envahissement ou la compression d’un ou plusieurs organes du médiastin.

Atteinte veineuse

Syndrome cave supérieur du a la compression de la veine cave supérieure:

* aspect cyanique de la face et de la partie supérieure du thorax.

* oedème en pèlerine avec comblement des creux sus-claviculaires.

* turgescence des veines jugulaires.

* symptomes dus a la gène du retour veineux céphalique (vertiges, bourdonnements d’oreilles, céphalées…).

* circulation veineuse collatérale préthoracique.

Atteinte bronchique

L’atteinte de la trachée ou des bronches souches se traduit par une dyspnée souvent inspiratoire avec cornage et tirage, une toux sèche et quinteuse.

Atteinte nerveuse

* Du récurrent gauche:

– enrouement.

– voie bitonale par paralysie de la corde vocale gauche.

* Du phrénique:

– hoquet.

– ascension d’une hémicoupole immobile en scopie.

* Du sympathique cervical: syndrome de Claude Bernard-Horner (ptosis, myosis, énophtalmie).

* Du sympathique dorsal: hypersudation unilatérale.

* Du plexus brachial (racines C8-D1): douleur de l’épaule irradiant a la face interne du membre supérieur, avec troubles sensitifs.

Atteinte du canal thoracique

Chylothorax en cas d’effraction ou de rupture.

Atteinte oesophagienne

L’atteinte oesophagienne se traduit par une dysphagie.

Toutes ces manifestations ont une valeur d’orientation topographique essentielle. Leur vitesse d’installation renseigne sur l’éventuelle malignité.

ANOMALIES EXTRA-THORACIQUES :

Certaines associations ont une valeur diagnostique:

* myasthénie, hypogammaglobulinémie, anémie érythroblastopénique, pancytopénie et thymome.

* maladie de Recklinghausen et neurinome intrathoracique.

* érythème noueux et sarcoidose.

* syndrome de Pierre Marie et carcinome bronchique primitif.

* gynécomastie et tumeur embryonnaire.

* dysthyroïdie et goitre endothoracique.

RADIOGRAPHIE THORACIQUE SYSTÉMATIQUE :

C’est une situation fréquente, de nombreuses pathologies médiastinales pouvant être latentes.

Imagerie :

RADIOGRAPHIE THORACIQUE DE FACE ET DE PROFIL :

La radiographie thoracique de face et de profil permet de retrouver une opacité et de préciser:

* son caractère médiastinal: opacité a limite externe nette et continue, convexe vers le poumon, se raccordant en pente douce avec le médiastin et a limite interne invisible (noyée dans le médiastin).

* son repérage topographique.

SCANNER THORACIQUE :

Le scanner thoracique est effectué en coupes épaisses (8 ou 10mm), jointives, allant de l’apex aux coupoles diaphragmatiques, avec une injection de produit de contraste qui permet de préciser les rapports entre les structures vasculaires et la masse médiastinale.

* Des mesures de densité peuvent ètre effectuées au niveau de la lésion, renseignant parfois sur la nature du tissu qui la compose (par exemple, 0UH pour l’eau, -1000UH pour l’air, -100UH pour la graisse, de 20 a 80UH pour la plupart des structures tissulaires et plus de 100UH pour les calcifications).

* Des coupes millimétriques (1,5 ou 2mm) centrées sur la lésion permettent d’apprécier sa structure et ses contours.

Cet examen permet donc de mieux préciser la localisation de la lésion, ses rapports avec les éléments de voisinage et sa structure.

IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE :

La place de l’IRM n’est pas encore clairement déterminée. Ses principales indications sont:

– les lésions proches du rachis ou du canal médullaire.

– et les lésions suspectes d’envahir le massif cardiaque ou la paroi thoracique.

AUTRES EXAMENS :

En fonction du contexte et du siège de la lésion, seront parfois indiquées:

– une échographie endo-oesophagienne.

– une endoscopie bronchique ou digestive.

– une opacification vasculaire ou digestive.

Diagnostic étiologique des lésions  du médiastin antérieur :

Le diagnostic étiologique des lésions du médiastin antérieur sera discuté en fonction du siège de la lésion.

ETAGES SUPÉRIEUR ET MOYEN :

Goitres endothoraciques :

* Définition: prolongation d’un ou des deux lobes de la thyroide cervicale dans le thorax. exceptionnellement, absence de connexion entre la thyroide et le goitre.

* Signes cliniques:

– souvent asymptomatiques, parfois signes de compression trachéale (dyspnée avec tirage, stridor).

– pole supérieur palpé a la base du cou.

* Radiographie:

– opacité paratrachéale homogène, rétrosternale supérieure, dont la limite supérieure se perd dans l’ombre cervicale.

– sont des signes évocateurs la déformation de la trachée, l’existence de calcifications.

* La scintigraphie (faite avant le scanner) peut amener la preuve définitive du goitre, mais 30% d’entre eux ne sont pas fixants.

* Le traitement indiqué lorsqu’il existe des signes fonctionnels, est alors chirurgical par cervicotomie.

Lésions thymiques :

Les lésions thymiques sont développées le plus souvent au niveau de l’étage antérosupérieur et moyen, comblant l’espace rétrosternal.

Il s’agit:

* de dystrophies thymiques bénignes: hypertrophie simple, thymolipomes, kystes du thymus.

* de tumeurs thymiques:

– rarement: carcinomes thymiques, lymphomes, tumeurs carcinoides.

– le plus souvent thymomes lymphoépithéliaux.

Thymomes lymphoépithéliaux

* Histologie:

– contingent cellulaire épithélial malin et contingent lymphocytaire d’accompagnement.

– classement en fonction de la prédominance de chaque contingent.

* Découverte:

– asymptomatiques.

– ou révélés soit par un syndrome médiastinal, soit par une manifestation associée: le plus fréquemment, myasthénie (10 a 40% des cas, surtout chez la femme, s’améliorant dans la moitié des cas après traitement du thymome), mais aussi érythroblastopénie, agammaglobulinémie.

– ces pathologies associées sont des éléments péjoratifs.

* Radiographie:

– opacités bien limitées, totalement rétrosternales (visibles uniquement sur le cliché de profil) ou plus latéralisées.

– les calcifications sont rares et de mauvais pronostic.

* Le scanner thoracique est indispensable pour préciser le caractère invasif du thymome, aux dépens de la graisse médiastinale, des plèvres, du péricarde.

* Le traitement est chirurgical, sauf s’il existe des métastases:

– les constatations opératoires permettent de préciser le caractère encapsulé ou invasif, les prélèvements chirurgicaux préciseront le type histologique (prédominance épithéliale de moins bon pronostic).

– si l’exérèse est complète (tumeur encapsulée), pas de traitement complémentaire, la survie est de 80 a 90% a 10 ans.

– si elle est incomplète, une irradiation thoracique est indiquée, parfois associée a une chimiothérapie et la survie est de 30 a 40% a 10 ans.

– les rechutes sont essentiellement locorégionales.

Tumeurs germinales du médiastin :

Les tumeurs germinales du médiastin (dysembryome, tératome) sont d’origine embryonnaire composées de tissus divers:

–  adultes (matures).

– ou embryonnaires (immatures).

Tératomes bénins ou « kystes dermoides »

* Ils contiennent: dents, sébum, poils, os…

* Terrain: enfance ou adolescence.

* Scanner évocateur: plages de densité liquidienne ou graisseuse associées a des calcifications.

* Traitement chirurgical.

Séminome malin

* Terrain: homme jeune.

* Traitement: chirurgie et/ou radiothérapie.

Dysembryomes malins immatures

* Haute malignité.

* Terrain: homme jeune.

* Syndrome médiastinal avec parfois gynécomastie.

* Forte élévation des marqueurs bèta-HCG et alpha-foetoprotéine.

* Traitement chimiothérapique en urgence avec exérèse chirurgicale des masses résiduelles.

Adénome parathyroidien :

Rare, l’adénome parathyroidien est évoqué devant une hyperparathyro•die sans lésion retrouvée a la cervicotomie exploratrice.

Anévrisme de l’aorte ascendante :

L’anévrisme de l’aorte ascendante ou de la crosse aortique est une opacité arrondie a limites nettes, dont les parois sont en continuité avec celles de l’aorte.

Le diagnostic se fait par scanner avec injection d’un produit de contraste ou IRM.

ÉTAGE INFÉRIEUR :

Kyste pleuropéricardique :

* Un kyste pleuropéricardique est une anomalie de développement embryologique du péricarde.

* Sa découverte se fait au vu d’un cliché radiographique demandé de façon systématique.

* Radiographie: opacité arrondie de l’angle cardiophrénique antérieur, au contact de l’ombre cardiaque, de densité hydrique au scanner.

Pas de traitement.

Hernie de la fente de Larrey :

* Les hernies de la fente de Larrey sont des hernies rétrocosto-xyphoidiennes a contenu épiploique.

* Radiographie: opacité paramédiane droite avec clarté gazeuse variable d’un jour a l’autre.

* Scanner: frange épiploique de densité graisseuse.

* Parfois douloureuses, elles peuvent justifier un acte chirurgical.

Lipomes du médiastin antéro-inférieur :

* Les lipomes du médiastin antéro-inférieur sont des franges graisseuses péricardiques fréquentes, retrouvées chez les patients obèses préférentiellement.

* Radiographie: opacité de l’angle cardiophrénique antérieur, de densité graisseuse au scanner.

Diagnostic étiologique des lésions  du médiastin moyen :

ADENOPATHIES MEDIASTINALES :

Les opacités médiastinales localisées au médiastin moyen sont les plus fréquentes.

* A la radiographie, on retrouve des opacités arrondies, homogènes, polycycliques a contours nets.

* Le scanner permet l’étude de toutes les aires ganglionnaires, précise la structure des ganglions (nécrose…) et recherche des lésions associées (tumeur parenchymateuse, lyse osseuse…).

Adénopathies médiastinales bénignes :

Sarcoidose

* Maladie fréquente, souvent latente, de l’adulte jeune.

* Radiographie: adénopathies bilatérales, symétriques, de siège interbronchique (hilaire) et parfois latérotrachéal.

* Clinique parfois évocatrice: syndrome de Löfgren.

* Preuve histologique établie par fibroscopie bronchique avec biopsies bronchiques étagées et distales.

Tuberculose

* Primo-infection avec adénopathies unilatérales et chancre d’inoculation, parfois adénopathies bilatérales volumineuses (sujet de race noire).

* Diagnostic sur contexte, IDR, endoscopie bronchique (compression ou fistule avec BK a l’aspiration).

Autres infections

Histoplasmose, coccidioidomycose, mononucléose infectieuse, rubéole, toxoplasmose, staphylococcie.

Pneumoconioses

* Silicose:

– contexte évocateur.

– adénopathies bilatérales parfois calcifiées en périphérie (en « coquille d’oeuf »).

– nodules parenchymateux associés.

* Bérylliose.

Adénopathies médiastinales malignes :

Maladie de Hodgkin

* Atteinte médiastinale fréquente (50%), rarement isolée (10%).

* Histologie souvent scléronodulaire.

* Radiographie systématique ou syndrome médiastinal.

* Radiographie: adénopathies médiastinales hautes, bilatérales (élargissement du médiastin supérieur), souvent asymétriques et compressives.

* Le scanner retrouve les ganglions de structure volontiers hétérogène et précise un éventuel envahissement des structures avoisinantes.

* Diagnostic par médiastinoscopie ou thoracotomie en l’absence de ganglions périphériques.

Lymphomes malins non hodgkiniens

* Histologie souvent a grandes cellules ou lymphoblastiques.

* Manifestations cliniques souvent bruyantes.

* Radiographie: comme pour la maladie de Hodgkin, adénopathies médiastinales hautes, bilatérales (élargissement du médiastin supérieur), souvent asymétriques et compressives.

Adénopathies métastatiques

* Carcinome de siège locorégional:

– carcinome bronchique a petites cellules ou non a petites cellules.

– carcinome oesophagien.

– si les explorations endoscopiques ne permettent pas le diagnostic, un abord chirurgical du médiastin s’impose.

– carcinome mammaire.

* Carcinome situé a distance: carcinome rénal, testiculaire…

KYSTES BRONCHOGENIQUES :

Les kystes bronchogéniques sont des malformations bénignes situées a proximité de l’axe trachéo-bronchique et pouvant survenir sur toute la hauteur du médiastin moyen.

* Histologie: paroi revètue d’un épithélium bronchique, contenu muqueux.

* Les kystes bronchogéniques sont souvent asymptomatiques, mais peuvent comprimer le médiastin, se rompre dans les bronches et s’infecter.

* Le scanner précise la nature kystique de la lésion et ses rapports avec l’axe trachéo-bronchique.

* Traitement chirurgical.

HERNIE HIATALE :

Contexte de pyrosis.

Opacité hydroaérique rétrocardiaque, très évocatrice a la radiographie.

Diagnostic étiologique des lésions  du médiastin postérieur :

TUMEURS NERVEUSES DU MÉDIASTIN :

Les tumeurs nerveuses du médiastin, qui siègent dans la gouttière costo-vertébrale, sont souvent asymptomatiques ou révélées par un syndrome de Claude Bernard-Horner, des signes radiculaires associés a des signes de compression médullaire (tumeur en sablier).

* Schwannomes: tumeurs bénignes, fréquentes chez l’adulte.

* Neurofibromes et neurinomes: isolés ou dans le cadre d’une maladie de Recklinghausen (rechercher contexte familial, taches café au lait, molluscum pendulum…):

– siège: ils peuvent se développer aux trois étages du médiastin postérieur, au niveau des nerfs intercostaux avec parfois pénétration dans les trous de conjugaison.

– radiographie: rechercher signes osseux associés (élargissement d’un trou de conjugaison, érosion vertébrale). L’examen de choix pour étudier l’extension de la lésion est l’IRM.

– traitement neurochirurgical.

* Neuroblastomes: tumeurs embryonnaires de haute malignité du petit enfant.

* Ganglioneuromes: tumeurs « matures », bénignes, de l’adolescent.

* Méningocèles: exceptionnels.

ANÉVRISME DE L’AORTE DESCENDANTE :

L’anévrisme de l’aorte descendante survient surtout chez le sujet âgé, le diagnostic est confirmé par scanner ou IRM.

PATHOLOGIE VERTEBRALE :

La pathologie vertébrale concerne les tumeurs vertébrales, les spondylodiscites et le mal de Pott.

Il y a habituellement une symptomatologie osseuse orientant vers le rachis. L’examen de choix est l’IRM.

PATHOLOGIE OESOPHAGIENNE :

Tumeur de l’oesophage chez l’adulte et rare kyste digestif paraoesophagien chez l’enfant.

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