Plaies de la main

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Introduction :

La très grande variété des plaies de la main, représentant pas moins de 500 000 cas en France par an, tient à la diversité des agents vulnérants et au polymorphisme des lésions anatomiques.

Qu’elles soient d’origine domestique, ou qu’elles rentrent dans le cadre d’un accident du travail ou d’une activité sportive, leurs conséquences fonctionnelles, voire esthétiques, doivent inciter à adopter une attitude préventive à tous les niveaux.

Plaies de la mainIl faut savoir que 80 % du coût des accidents de la main passent dans l’indemnisation.

Les plaies complexes ont une gravité manifeste dès le premier abord qui commande leur prise en charge en milieu chirurgical spécialisé.

Dans ce cadre, les techniques microchirurgicales apportent un bénéfice incontestable sur le plan fonctionnel, elles réduisent de plus le coût social des accidents du travail en diminuant l’invalidité des patients et en accélérant le retour à leurs activités précédentes.

Mais nombreuses sont les plaies en apparence superficielles pour lesquelles une insuffisance de l’examen initial peut compliquer le traitement ultérieur, laisser des séquelles majeures, en raison de trois risques principaux : l’infection liée à l’inoculation, les troubles de la cicatrisation (désunion et nécrose) si les lésions cutanées ont été sous-estimées, et surtout la méconnaissance de lésions profondes tendineuses ou nerveuses dont la réparation secondaire est bien plus difficile.

Nous devons d’emblée insister sur l’absence de parallélisme entre la taille ou le type de la plaie et l’importance des lésions sous-jacentes.

Ainsi, toute plaie cutanée, aussi minime soit-elle, doit faire craindre et rechercher de manière systématique la lésion d’une structure sous-jacente.

Méthodologie de l’examen :

Il s’agit souvent d’un patient vu au cabinet du médecin ou au service d’accueil des urgences chirurgicales.

Seul un examen méthodique et systématique peut éviter des erreurs souvent lourdes de conséquences.

A – Données de l’interrogatoire :

Elles concernent :

– le blessé : âge, tares éventuelles, côté dominant, profession, toutes données ayant leur importance dans l’établissement du pronostic fonctionnel ;

– l’accident : l’interrogatoire renseigne sur les conditions de survenue : l’heure de l’accident qui permet de fixer le délai opératoire, l’agent vulnérant, à l’origine :

– d’une plaie franche parfois « rassurante » mais souvent pénétrante (verre, lame, arête métallique) ; – d’une plaie déchiquetée avec contusion associée éventuelle (toupie, scie circulaire, tondeuse…).

L’explosif, aux dégâts souvent au-dessus de toute ressource thérapeutique acceptable, est un accident redoutable ;

– d’une plaie avec écrasement (presse, rouleaux, tapis roulant, essoreuse…) qui comporte deux risques évolutifs aggravants : la nécrose cutanée secondaire, la rétraction ischémique des muscles intrinsèques de la main ;

– de l’association d’un traumatisme physique non mécanique (brûlure associée par presse chauffante) ;

– la position de la main, lors de l’accident qui conditionne le siège des sections tendineuses par rapport à la plaie lorsque la main est revenue au repos.

Ceci se vérifie particulièrement au niveau des tendons fléchisseurs.

B – Données de l’inspection :

La lésion cutanée : ses caractéristiques et son siège conditionnent la technique de réparation et les perspectives de cicatrisation :

– simple ou avec une perte de substance (interdisant la suture) ;

– franche ou contuse avec le risque de désunion ou de nécrose ;

– déchiquetée déterminant un ou des petits lambeaux exposés à la nécrose.

Une déformation évidente oriente vers une fracture déplacée associée ou une luxation. Les inclusions éventuelles :

– septiques (d’origine tellurique…) qui peuvent justifier une antibiothérapie élective ;

– de corps étrangers solides, métalliques ou autres ;

– de peinture, d’huiles, sources éventuelles de nécroses toxiques, dans le cadre d’injections sous pression.

Mais l’aspect de la plaie ne permet pas de préjuger des lésions vasculonerveuses ou tendineuses sous-jacentes qui peuvent exister sous les plaies les plus simples, même de petite dimension ; d’où le caractère indispensable et systématique, quelle que soit la plaie :

– de l’examen de la main à la recherche de lésions tendineuses et/ou vasculonerveuses ;

– de l’examen de la plaie, dans le cas où cela est possible, sous anesthésie locale.

Si ce bilan ne permet pas d’affirmer le caractère superficiel de la plaie, l’exploration chirurgicale est indispensable.

C – Examen de la main :

Il a pour but de rechercher une lésion d’une ou de plusieurs structures nobles sous-jacentes.

L’état vasculaire, artériel et veineux peut être apprécié par la chaleur, la coloration des extrémités digitales, et aussi par la recherche du pouls capillaire.

Un testing rapide évalue, dans une certaine mesure, l’état des tendons de la main.

Examen des tendons fléchisseurs : la perte de l’effet dit de « ténodèse » physiologique des fléchisseurs et des extenseurs d’un ou de plusieurs doigts selon le siège de la plaie, au cours de la flexion/extension passive du poignet, est un signe de section tendineuse.

Le testing du fléchisseur superficiel (fléchisseur électif de l’interphalangienne proximale, après avoir bloqué le fléchisseur profond par une extension des doigts non testés) et du fléchisseur profond (fléchisseur électif de l’interphalangienne distale) est facile et rapide, mais peut être limité par la douleur.

Il impose de toute manière l’exploration de la plaie à la recherche d’une lésion directe.

Examen des tendons extenseurs : la chute spontanée d’un doigt ou d’un segment de doigt en aval de la plaie doit faire suspecter une lésion tendineuse.

Mais une lésion tendineuse partielle n’entraîne pas de déficit, l’examen est faussement rassurant.

Aussi, une plaie sur le trajet d’un tendon doit-elle être explorée.

L’examen sensitif est indispensable.

Certains signes font suspecter la lésion : la sensation de doigt(s) engourdi(s), endormi(s), ou de picotements dans les extrémités, voire d’une insensibilité.

L’étude rapide du toucher mobile ou du pique-touche, comparative par rapport aux doigts adjacents, ou mieux au doigt correspondant de l’autre main, oriente également vers une atteinte sensitive.

Le test de discrimination (avec un compas deWeber ou un trombone déplié) affirme le déficit sensitif mais n’est pas toujours réalisable en urgence. Pourtant, il est indispensable et doit être systématique.

La palpation des reliefs osseux et des articulations recherche une douleur et/ou une déformation dans le cas d’une fracture déplacée ou d’une luxation.

À ce stade de la prise en charge et avant même l’exploration de cette plaie, il nous paraît primordial de disposer d’une radiographie pour dépister ou confirmer des lésions osseuses associées : fracture, avulsion osseuse par arrachement tendineux ou ligamentaire…, et pour rechercher des corps étrangers radio-opaques.

D – Examen de la plaie :

Dans le cas d’une plaie digitale distale, il faut préférer à l’anesthésie locale à la base du doigt (pouvant produire un spasme, voire un nécrose), une anesthésie dans la région commissurale ou à la partie distale de la paume, sans adrénaline, avec un garrot à doigt.

Si la plaie siège en amont de la base du doigt, l’anesthésie locale sera faite en infiltrant les berges de la plaie ; mais dans ce cas, l’exploration réalisée sans garrot à doigt est difficile car le saignement peut gêner la recherche de lésions profondes.

À partir de là, trois situations schématiques peuvent se rencontrer :

– la plaie est jugée simple, superficielle, c’est-à-dire n’intéressant que la peau sans atteinte sous-jacente ; elle peut être traitée aux urgences ou au cabinet du médecin ;

– la plaie n’est pas uniquement cutanée (associée à une ou des lésions sousjacentes) ou les conditions de l’exploration sont inadéquates (malade agité, saignement…) : une exploration au bloc opératoire est nécessaire et indispensable ;

– la plaie est d’emblée complexe ou relève d’une prise en charge urgente et spécialisée : lésions pluritissulaires évidentes dès l’inspection, perte de substance cutanée, morsures, amputations totales, amputations subtotales avec un pont cutané faussement rassurantes, injection sous pression… ; l’exploration et le traitement de la plaie sont réalisés d’emblée au bloc opératoire.

Traitement de la plaie :

A – Traitement d’une plaie cutanée simple :

Après un lavage, un parage économique (nous y reviendrons) et l’ablation de corps étrangers éventuels, la plaie est suturée avec un fil non résorbable ou à résorption rapide selon les habitudes, en un seul plan.

Les points simples sont les plus adaptés à la main.

La suture est réalisée en un seul plan cutané.

Il est important de rappeler ici le caractère méthodique indispensable de l’exploration avant de porter le « diagnostic » de plaie cutanée simple.

B – Traitement d’une plaie cutanée avec lésion d’une ou de plusieurs structures sous-jacentes :

L’exploration se fait au bloc opératoire et comporte plusieurs temps : lavage, parage, reconnaissance des structures lésées, enfin traitement proprement dit des lésions.

L’anesthésie de choix est le bloc plexique, qui assure une anesthésie locorégionale de longue durée.

L’intervention se pratiquera sous garrot, placé à la racine du bras, la main et les doigts étant particulièrement vascularisés et le saignement empêchant une exploration minutieuse de la plaie.

Le premier temps opératoire consiste toujours en un lavage de la plaie (il se fait à l’aide de compresses ou surtout par instillation sous pression modérée avec une seringue et un petit cathlon, de sérum physiologique, d’eau oxygénée…) et un parage ou débridement.

Le parage consiste à exciser tout tissu dévitalisé jusqu’en zone supposée saine. Au niveau cutané, l’excision économique des berges au bistouri est réalisée, ainsi que du tissu graisseux sous-jacent.

Si l’on doit explorer la plaie en amont et/ou en aval ou réparer des structures supposées déjà lésées, l’agrandissement de la plaie selon des règles bien connues est indispensable.

L’exploration en profondeur recherche et isole les structures lésées.

Ici tous les intermédiaires existent entre la plaie tendineuse ou d’un nerf collatéral isolé, et la plaie associant fracture, plaies vasculonerveuses et tendineuses.

Le traitement de ces lésions s’inscrit dans le concept institué par Foucher de « traitement tout en un temps et mobilisation précoce » (TTMP).

1- Traitement de la fracture :

Selon le type (abrasion osseuse, fissure, fracture déplacée simple ou comminutive), il comporte, après un parage osseux, une stabilisation avec un montage stable pour permettre une mobilisation la plus précoce possible.

À la main, les broches de Kirschner, les vis de petit diamètre, les cerclages d’acier, sont très largement employés ; plus rarement, nous faisons appel aux plaques vissées ou au fixateur externe.

Les fractures articulaires sont parfois difficiles à traiter.

Les moyens de fixation précédemment développés peuvent être employés si la fracture est ostéosynthésable (fragments ostéocartilagineux assez gros et non comminutifs).

Dans les fracas articulaires, le traitement est plus difficile à codifier : l’arthrodèse peut être proposée sans arrière-pensée pour une interphalangienne distale, plus difficilement pour une interphalangienne proximale, jamais pour une métacarpophalangienne, tant le retentissement fonctionnel est majeur ; dans ces cas, et parfois dans les interphalangiennes proximales, pourront se discuter, en urgence mais surtout secondairement, une prothèse articulaire, un transfert articulaire vascularisé à partir du même doigt, d’un autre doigt non récupérable ou d’un orteil.

2- Réparation nerveuse :

Le pronostic fonctionnel étant en grande partie lié à la récupération nerveuse, le repérage et la réparation de ces éléments sont primordiaux.

Le (ou les) nerf(s) peu(ven)t être sectionné(s) de façon nette ou contuse.

La suture nerveuse, si elle est possible d’emblée par suture directe et sans tension, est toujours préférable (sutures épipérineurales au fil 9/0).

3- Réparation tendineuse :

La section tendineuse nette est propice à une réparation directe, habituellement par un cadre au fil 3/0 ou 4/0. Lorsque la plaie siège près d’une articulation, il faudra systématiquement rechercher une plaie articulaire, très souvent associée.

4- Réparation vasculaire :

Les lésions vasculaires peuvent revêtir plusieurs aspects : section nette ou contuse d’artères et/ou de veines.

La réparation fait appel à des techniques de suture directe au fil microchirurgical de 8/0 à 11/0 selon le niveau.

Si après recoupe, la suture est sous tension, mieux vaut utiliser un greffon veineux inversé.

5- Suture cutanée :

La parage, économique mais suffisant au plan cutané, guidera la conduite à tenir vis-à-vis de la peau.

Dans la plupart des plaies de la main, l’excision autorisera une fermeture sans ou avec une légère tension.

Les lambeaux cutanés traumatiques posent en revanche des problèmes de conservation ou non, et toute schématisation est rendue difficile.

6- Pansement :

Toute plaie de la main est protégée par un pansement, en proscrivant toute compresse ou bande circulaire et/ou compressive.

L’immobilisation dans une attelle, dont la position dépend notamment des réparations tendineuses éventuelles, est indispensable ; le bras est mis en écharpe jusqu’au retour dans la chambre.

7- Suites opératoires :

La main est surélevée dans un manchon (positionnant l’avant-bras en position verticale, le coude reposant sur le plan du lit) afin de faciliter le retour veineux.

Dès le premier pansement, réalisé le lendemain ou à la 48e heure, la mobilisation de la main et des doigts est débutée par le kinésithérapeute, si les réparations le permettent.

Mais la position et la durée d’immobilisation, les modalités de la mobilisation (passive assistée, active protégée) qui se fait par courtes séances, ne peuvent répondre à un protocole stéréotypé et sont en fait largement dépendantes des lésions anatomiques, au premier rang desquelles les lésions tendineuses (et leur type de réparation).

8- Suites à distance :

Le patient poursuit ses soins cutanés et une rééducation de la main, voire du membre supérieur, en ville ou en centre spécialisé selon la gravité, durant les semaines qui suivent le geste chirurgical.

Rééducation fonctionnelle motrice et sensitive, port d’orthèses dynamiques de correction, ergothérapie,… sont adaptés en fonction de l’évolution clinique, étroitement surveillée par le chirurgien lui-même et le médecin de rééducation.

Des interventions secondaires sont programmées, soit dans le cadre d’une planification initiale (greffe nerveuse secondaire…), soit dans le cadre d’une complication évolutive (ténolyse pour traiter des adhérences tendineuses…).

La réinsertion socioprofessionnelle, avec au mieux, un retour au plein emploi d’origine, est un souci constant.

Formes cliniques particulières :

A – Amputations :

Les plus fréquentes intéressent tout ou partie de la phalange distale.

Selon le doigt atteint ou le terrain, elles justifient, soit le traitement qui assure la fermeture la plus simple (régularisation, suture), soit plutôt une intervention plastique par lambeau d’avancement pour conserver la plus grande longueur et la meilleure fonction pulpaire possible.

Les plus graves sont les amputations du pouce et les amputations multidigitales qui fournissent, quand elle est possible, les indications de la replantation par microchirurgie.

Les indications de replantation sont actuellement bien codifiées et dépendent de nombreux facteurs.

1- Facteurs liés au patient :

* Âge :

Classiquement la limite supérieure se situe aux alentours de 50 à 55 ans.

En fait, l’âge physiologique est plus important et l’âge des nerfs plus déterminant que l’âge des artères.

Il n’y a pas de limite inférieure et une replantation peut être tentée chez un très jeune enfant.

* Sexe :

Chez une femme, le résultat esthétique a son importance et pourra intervenir dans l’indication de replantation.

* Antécédents pathologiques :

L’artériosclérose majorée par le tabagisme, un traumatisme ancien, une maladie vasculaire (diabète…) sont autant de facteurs péjoratifs pour le pronostic vasculaire de la replantation.

* Profession, loisirs :

L’indication sera différente selon que l’on s’adresse à un travailleur manuel qui a besoin d’une main fonctionnelle sans doigt raide ou à un musicien, par exemple, pour qui la replantation est plus impérative.

* Profil psychologique, motivation et désir :

Malheureusement difficiles à préjuger dans le cadre de l’urgence.

* Dernier facteur :

Le côté, dominant ou non.

2- Facteurs liés au traumatisme :

* Type de traumatisme :

Tous les intermédiaires existent entre la section franche (malheureusement peu fréquente) et les traumatismes associant écrasement, avulsion et torsion (engins agricoles…).

Le pronostic de la replantation, le résultat fonctionnel et esthétique à distance sont d’autant moins bons que la lésion est complexe.

Nombre et niveau des doigts amputés (topographie lésionnelle) :

– les lésions étagées sur un doigt doivent conduire à une indication réfléchie et non formelle ;

– les amputations pluridigitales et l’amputation du pouce, nous l’avons dit, représentent les meilleures indications de replantation.

L’amputation du pouce diminue en effet de 50 %la valeur fonctionnelle de la main.

Lors d’amputations pluridigitales, on peut devoir se contenter d’une pince avec replantation hétérotopique mettant les meilleurs doigts dans la meilleure position fonctionnelle. Dans le cadre d’une amputation unidigitale :

– en aval de l’insertion du fléchisseur superficiel, l’interphalangienne proximale sera fonctionnelle et l’on aboutira à un résultat fonctionnel et esthétique correct avec au moins un contact pulpe-paume positif ; en amont du fléchisseur superficiel, la replantation n’est le plus souvent justifiée que chez l’enfant, parfois chez la femme (esthétique) ou le musicien, devant le risque de raideur des interphalangiennes proximales et distales, de doigt gênant et exclu.

Une autre bonne indication est constituée par la main déjà mutilée ou présentant des séquelles controlatérales importantes ;

– l’amputation distale enfin (interphalangienne distale et au-delà) représente une excellente indication avec un bon résultat fonctionnel et esthétique.

* Importance de la contamination :

Elle ne doit pas être sous-estimée et conduira à un parage et un lavage soigneux ainsi qu’à une antibiothérapie postopératoire : acide clavulanique et amoxicilline (Augmentint) associés à un aminoside, selon l’importance de la contamination et de la dévascularisation.

3- Facteurs liés à l’ischémie et au mode de conservation :

Il est important ici de rappeler que le succès d’une replantation dépend aussi du mode de conservation du segment amputé.

La glace augmente la tolérance tissulaire à l’ischémie, mais il ne doit pas y avoir de contact direct entre le doigt et celle-ci, sous peine de voir s’installer des lésions de gelure rendant la replantation difficile.

Le doigt sera placé dans un sac en plastique étanche et déposé sur un lit de glace.

Même si le temps d’ischémie n’est pas un facteur déterminant pour le doigt du fait de l’absence de masses musculaires et même si le délai classique de 6 heures peut être franchi, il s’agit pour nous d’une urgence impérative.

Aucun nettoyage avec un produit antiseptique ne sera tenté.

Un pansement compressif réalisé sur le moignon, ou une compression directe si le saignement est important, est toujours préférable au garrot.

Le patient est laissé à jeun. L’amputation incomplète constitue un véritable piège car elle n’est pas souvent reconnue, et le délai d’ischémie chaude est alors rédhibitoire (moins de 8 heures).

Lorsque le diagnostic d’ischémie est fait, il faut placer le membre sur une attelle et éventuellement un sac de glace sur le doigt subamputé.

B – Pertes de substance tissulaire :

1- Nerveuses :

Une perte de substance modérée peut être traitée par un avancement du nerf intéressé grâce à une dissection au large de celui-ci, dans le but de gagner quelques millimètres de longueur, suffisants pour réaliser une suture sans tension.

Dans le cadre d’une lésion d’un nerf collatéral, un lambeau d’avancement « porte-nerf » (lambeau d’avancement emportant le paquet collatéral et dont la mobilisation distale comble un petit defect nerveux) est toujours possible à condition que les extrémités soient non contuses après recoupe.

Une perte de substance importante sur un nerf non contus pourrait faire l’objet d’une greffe à l’aide d’un greffon pris à distance, ou mieux sur doigt-banque dans le cadre d’une amputation pluridigitale.

En revanche, une perte de substance sur un nerf contus dont le niveau de recoupe est difficile à estimer en urgence est traitée volontiers par un repérage à l’aide d’un fil (fixant le nerf) suivi d’une greffe ultérieure à partir du 45e jour, bien à distance du traumatisme et de tout phénomène inflammatoire.

2- Artérielles :

Le recours à des procédés parfois sophistiqués ne se justifie que s’il existe une perte de la continuité telle que le membre ou le segment de membre soit en ischémie (amputation d’un doigt, d’une main…).

S’il existe une perte de substance modérée, un avancement sinon un lambeau « porte-artère » permettent de gagner, selon les cas, jusqu’à 10 à 12 mm.

Un branchement artériel croisé est possible en cas de perte de substance de deux pédicules collatéraux sur un même doigt si celle-ci ne siège pas au même niveau, permettant la suture de l’extrémité proximale de l’artère d’un côté à l’extrémité distale de l’artère de l’autre.

Dans le cas d’une perte de substance importante, trois procédés « à distance » sont possibles :

– l’interposition d’un greffon veineux inversé direct ou croisé, selon l’état des artères ;

– l’utilisation d’un greffon artériel pris sur un doigt mutilé non récupérable selon le principe du doigt-banque.

Le même principe peut être adopté en cas de perte de substance combinée artère et nerf et/ou artère et peau ;

– en dernier recours, il est possible de détourner une artère d’un doigt sain ; procédé qui ne se justifie que si la perte de substance est composite (par exemple, une perte de substance antérieure d’un doigt emportant peau et paquets collatéraux).

3- Tendineuses :

Elle fera appel, selon les conditions locales :

– soit à l’excision des débris tendineux lors du parage, laissant ultérieurement le temps de reconstruction ;

– soit à la mise en place de tiges de silicone associée, selon le niveau, à la réalisation de poulies digitales, en vue d’une greffe secondaire ;

– soit enfin, à une greffe libre ou à un transfert tendineux d’emblée.

4-Osseuses :

La reconstruction immédiate n’est indiquée que si les conditions locales sont excellentes.

Dans le cas contraire, le maintien de l’écart interfragmentaire par des broches ou un fixateur permet de passer la phase aiguë et de proposer une greffe osseuse secondaire.

5- Articulaires :

Dans le cadre de pertes de substance partielles ou totales d’une articulation, le traitement est plus difficile à codifier (arthrodèse, implant articulaire en urgence, transfert articulaire vascularisé à partir du même doigt, ou d’un autre doigt non récupérable).

6- Cutanées :

En cas de perte de substance cutanée, quatre attitudes sont possibles.

* Suture directe :

La suture est directe si la perte de substance cutanée après parage est petite.

* Cicatrisation dirigée :

Obtenue par bourgeonnement assisté d’une perte de substance cutanée, elle se caractérise par le développement conjoint d’un bourgeon de la profondeur et d’une épithélialisation à partir des berges ou d’îlots épithéliaux résiduels.

L’équilibre cicatriciel est maintenu par l’utilisation à bon escient des pansements pro- ou anti-inflammatoires.

Ses indications sont précises : avulsion ou perte de substance cutanée modérée non suturable, notamment à la paume, n’exposant pas d’éléments nobles sous-jacents (extenseur, fléchisseur, os, pédicule vasculaire), pertes de substance cutanée pulpaires n’exposant que peu ou pas la houppe phalangienne.

Mais cette méthode fixe à la main les plans profonds : la cicatrisation se fait sur le mode rétractile avec comme conséquence une diminution de la mobilité des chaînes digitales correspondantes.

Dès que la perte de substance est importante, et surtout si elle intéresse la peau dorsale, cette méthode doit laisser place à la greffe cutanée.

* Greffe cutanée :

La greffe cutanée est possible et même souhaitable dès que la perte de substance est de taille moyenne et qu’elle se prête à la greffe : bourgeon rouge obtenu après quelques jours de cicatrisation assistée, muscle, tendon pourvu de son périmysium, pédicule collatéral ou gaine de fléchisseur non lésés seulement s’ils ne sont exposés que sur quelques millimètres.

Elle ne doit sa prise qu’au développement d’une néovascularisation à partir de son site receveur.

C’est dire l’importance d’un sous-sol bien vascularisé et correctement préparé.

À la main, mieux vaut utiliser des greffes de peau totale ou de semi-épaisseur (3 à 5/10e), mettant à l’abri des rétractions ultérieures.

Les prélèvements se font à la face interne du bras, au pli du coude ou au pli inguinal.

Il est utile de se rappeler que plus la greffe est épaisse, moins elle rétracte, moins elle pigmente, plus vite elle se resensibilise, et, plus qu’une autre, elle est exigeante quant à la qualité du lit receveur.

* Lambeau :

Contrairement à la greffe cutanée, le lambeau possède sa propre vascularisation.

Il sera indiqué chaque fois que sont exposées des structures nobles : un tendon dénudé sans son périmysium, un os dépériosté ou une articulation.

Il peut être proposé de principe chaque fois qu’une chirurgie secondaire nécessitant un plan de glissement, telle une réparation tendineuse, doit être entreprise.

La couverture des pertes de substance cutanée de la main fait appel à deux types de lambeaux cutanés habituellement pédiculés :

– les lambeaux péninsulaires, c’est-à-dire comportant une charnière en général cutanée ou fasciocutanée, plus ou moins large.

Ce sont le plus souvent des autoplasties locales à vascularisations essentiellement dermique et sousdermique, avec parfois fortuitement un axe artérioveineux, situé dans la graisse sous-cutanée, utilisant habituellement la peau adjacente à la perte de substance cutanée à couvrir, et de ce fait nécessitant pour tourner une bonne souplesse cutanée ;

– les lambeaux en îlot, avec un pédicule disséqué souvent au large, contenant artère et veine plus ou moins individualisables, et parfois un nerf sensitif.

Le tissu composant le lambeau proprement dit est cutané ou fasciocutané.

Leur grand avantage est d’avoir un arc de rotation plus grand.

À la main, leur utilisation se fait essentiellement pédiculée, plus rarement libre.

Ces deux types de lambeaux sont utilisables à flux direct mais aussi à flux rétrograde grâce à deux systèmes anastomotiques situés au niveau du poignet et des commissures digitales.

C – Pertes de substance ou lésions complexes pluritissulaires :

Occasionnées par des agents vulnérants aussi divers mais aussi dangereux que les machines agricoles, les toupies ou les scies circulaires des menuisiers, les rouleaux industriels, les armes à feu, leur traitement répond à des impératifs de reconstruction entrant dans le cadre d’une véritable stratégie thérapeutique, fonctionnelle et esthétique.

Il se fait au mieux en un seul temps avec mobilisation précoce, associant parage, décontamination, ostéosynthèse, revascularisation, réparations nerveuses ou repérage, réparations tendineuses ou premier temps de Hunter (il consiste à mettre en place une tige en Silastic après réfections éventuelles de poulies de réflexions sur le trajet de fléchisseurs ou extenseurs à réparer.

La mobilisation de cette tige autorisée par la mobilisation du doigt ou de la main crée une encapsulation autour de celle-ci, l’ablation après 3 mois laisse un canal lisse au sein duquel une greffe tendineuse peut être introduite).

Le geste de couverture cutanée est réalisé en urgence vraie ou dans les 48 heures afin de protéger les réparations sousjacentes.

Un second temps de reconstruction est souvent nécessaire ; nous restons fidèles, dans ce cas, aux greffes osseuses, tendineuses et nerveuses classiques, le réglage d’un lambeau composite étant loin d’être toujours évident.

Les lésions associées complexes d’un doigt (comportant des lésions osseuses, des lésions d’un ou de deux appareils tendineux) peuvent justifier une amputation devant l’impossibilité de conserver une fonction digitale utile ou alors l’utilisation de celui-ci pour reconstruire un autre doigt.

Mais cette décision sera prise seulement par le chirurgien en fonction de l’état du doigt, du terrain (âge, profession, sexe) et après entretien avec le patient.

D – Morsures :

Elles sont potentiellement graves en raison d’un double risque :

– mécanique, variable : l’attrition tissulaire dépendant directement de l’agresseur ;

– bactériologique : les germes en cause sont souvent multiples (flore mixte, aérobie et anaérobie) ; chez le chien ou le chat, notons le risque d’infection à pasteurellose.

Ces morsures menacent essentiellement les articulations qui sont superficielles sur la face dorsale de la main et donc particulièrement exposées.

Leur méconnaissance peut mener à des arthrites d’autant plus destructrices qu’elles évoluent à bas bruit.

Le traitement de telles plaies comporte simultanément :

– un temps chirurgical, comportant un parage large, une fermeture lâche, au mieux au bloc opératoire, ainsi qu’une surveillance très rapprochée ;

– une antibiothérapie, en sachant que l’association acide clavulanique et amoxicilline (Augmentint), dont le spectre est large (anaérobies, cocci à Gram positif, pasteurelles), est probablement le traitement le plus adapté.

D – Injections sous pression :

Elles représentent « les plus urgentes des urgences de la main ».

Il s’agit en effet d’accidents graves, après injection de produit dans le doigt ou la main, susceptibles d’entraîner en quelques heures des nécroses tissulaires pouvant imposer une ou des amputations selon la localisation du point d’entrée et les doigts concernés.

Les appareils responsables sont les pistolets à peinture sous pression, de loin le plus souvent en cause, puis les pistolets graisseurs, les injecteurs de plastique, de résine, de sable…

Les injections sous pression sont extrêmement graves car elles provoquent :

– une action mécanique principale : une compression et un écrasement des structures vasculonerveuses, avec des lésions de thrombose qui entraînent une ischémie tissulaire aboutissant à la nécrose ;

– l’effet chimique irritant du produit injecté, générateur d’oedèmes inflammatoires et de surinfection.

Le traitement urgent repose sur la chirurgie associant débridement large et décompression.

Seule une intervention chirurgicale très rapide après l’accident conditionne le pronostic et l’évolution favorables de ces lésions qui obligent souvent à une amputation.

Ce qu’il faut proscrire formellement

– Tremper la main du patient dans des bains chauds d’antiseptiques, car ils augmentent les besoins en oxygène et en sang des tissus lésés déjà déficients en apport sanguin.

– Faire une anesthésie locale en « bague » à la racine du doigt, qui ne fait qu’aggraver l’hyperpression et le vasospasme artériel.

– Se contenter d’une incision a minima localement pour extirper le produit.

E – Plaies minimes :

À la limite du sujet, les plaies punctiformes par piqûre ou griffure sont à prendre « au sérieux ».

Le risque en est ici non pas une lésion directe sousjacente par l’agent vulnérant, mais l’infection par inoculation ; sa traduction peut être générale et bruyante (septicémie) ; elle peut plus fréquemment être locale ou locorégionale, et plus ou moins grave (cellulite gangréneuse streptococcique, panaris et phlegmons des gaines ou des espaces celluleux, ténosynovites à mycobactéries atypiques…).

F – Formes de l’enfant :

Une proportion notable des accidents domestiques de l’enfant, dont les trois quarts dus aux portes et portières, concerne la phalange distale des doigts et l’unité unguéale.

Ces traumatismes jouissent à tort d’une réputation de bénignité alors que la présence du cartilage de croissance et son rapport étroit avec la gaine des fléchisseurs confèrent une gravité particulière aux traumatismes de cette région chez l’enfant.

Les séquelles de ces plaies par écrasement sont moins fonctionnelles que cosmétiques et sensitives.

Leur réparation doit s’effectuer ainsi :

– établissement d’un bilan lésionnel précis, en particulier du lit unguéal, nécessitant l’ablation temporaire de l’ongle, au mieux sous grossissement optique ;

– réparation de toutes les lésions constatées ;

– prévenir les parents et l’enfant du risque d’anomalie lors de la repousse de l’ongle.

Séquelles des plaies des doigts et de la main :

Elles sont essentiellement fonctionnelles et le plus souvent plurifactorielles :

– le traumatisme, par l’attrition, la contusion et l’oedème qu’il entraîne, est source lui-même de fibrose cicatricielle dont on connaît le rôle péjoratif dans la mobilité des chaînes digitales ;

– l’étendue des lésions, la qualité du geste chirurgical, les complications postopératoires au premier rang desquelles l’infection, la qualité de la rééducation et des appareillages postopératoires, enfin la coopération du patient.

A – Troubles de la mobilité :

Ils frappent les doigts, correspondent à un défaut de mobilité articulaire passive.

Ils peuvent procéder :

– de la raideur articulaire post-traumatique. Le choix de la bonne position d’immobilisation peut la prévenir aux métacarpophalangiennes qui, sauf au pouce et nécessité contraire (certaines lésions de l’appareil extenseur), doivent toujours être maintenues en forte flexion.

De même, les interphalangiennes ne doivent jamais être maintenues en flexion, mais plutôt dans une position proche de l’extension ;

– des adhérences tendineuses, pouvant atteindre les extenseurs (défaut de flexion passive du doigt) ou les fléchisseurs (flexum digital irréductible passivement).

Elles peuvent être prévenues par la mobilisation tendineuse protégée en postopératoire, bien qu’en fonction de la sévérité du traumatisme elles soient parfois inévitables.

Leur traitement comprend un temps de rééducation et d’orthèse correctrice pendant 6 mois après la suture tendineuse et, en cas d’échec, une libération chirurgicale ou ténolyse ;

– des cicatrices cutanées scléreuses ou rétractiles dorsales ou palmaires.

Le défaut de mobilité est, il faut le savoir, souvent plurifactoriel.

B – Troubles de la motricité :

Ils correspondent à la perte de la mobilité active, alors que la mobilité passive est conservée.

Ils peuvent être paralytiques par dénervation des muscles intrinsèques après section nerveuse au poignet par exemple (griffe dans la paralysie interosseuse par lésion du nerf ulnaire, perte de l’opposition du pouce par lésion du nerf médian).

Ils peuvent être mécaniques par interruption (rupture secondaire d’une suture tendineuse ou d’une lésion partielle initiale qui s’est complétée) ou blocage différentiel des tendons.

C – Troubles de la sensibilité :

Ils n’ont véritablement d’importance fonctionnelle qu’à la pulpe et concernent donc les séquelles des plaies des nerfs collatéraux (sensitifs purs) ou les plaies plus proximales des nerfs mixtes.

Leur retentissement est important en cas de lésion des pulpes principales que sont celles du pouce, l’hémipulpe radiale de l’index et celle du majeur (pince de précision), mais aussi l’hémipulpe ulnaire de l’auriculaire.

Une chirurgie secondaire palliative est toujours possible (suture ou greffe secondaire, transfert d’un îlot neurovasculaire sensible, voire neurotisation) mais rien n’égale la reconnaissance en urgence et le traitement primitif de la plaie nerveuse.

D – Syndromes douloureux :

Ils peuvent succéder aux lésions des nerfs à la main comme en tout autre siège.

Les douleurs par excès de nociception sont essentiellement représentées par le névrome, séquelle commune de toutes les sections nerveuses non réparées.

Il est obligatoirement présent après amputation, mais gênant s’il est inclus dans une cicatrice ou exposé à une pression.

Il se manifeste par une petite tuméfaction dont la pression déclenche des dysesthésies électriques caractéristiques.

Mais on peut conserver également des douleurs plus sévères en rapport avec la désafférentation médullaire (la douleur est supposée due à une hyperactivité au niveau des structures d’intégration du système nerveux central ou à un défaut de « filtration » des influx à ce niveau) :

– hyperesthésie douloureuse dans le territoire du nerf concerné ;

– algies ascendantes le long de son trajet en amont de la plaie ;

– syndromes causalgiques.

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