Pieds creux

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Introduction :

Le pied creux est communément caractérisé par l’accentuation de la voûte plantaire, correspondant à l’augmentation de hauteur des arches longitudinales du pied.

Il s’y ajoute fréquemment d’autres anomalies morphostatiques telles que des griffes des orteils, une désaxation de l’arrière-pied et une torsion hélicoïdale du pied qui s’intègre dans un trouble de torsion du membre inférieur.

Pieds creuxL’ensemble de ces troubles plus ou moins associés détermine de nombreux tableaux cliniques, évoluant avec l’âge, et s’exprimant par des modifications induites sur les diverses fonctions du pied.

La répartition des appuis au sol est perturbée par le rapprochement des appuis plantaires antérieurs et postérieurs, ainsi que par la diminution des surfaces d’appui, principalement aux dépens du bord latéral du pied, qui sert de base à la classification podoscopique des pieds creux.

Les conflits apparaissent avec le chaussage, l’instabilité est plutôt la conséquence des déformations frontales.

Bien que les pieds creux modérés, relativement bien tolérés, soient relativement communs, la fréquence et la sévérité des étiologies neurologiques nécessitent de considérer que tout pied creux est a priori d’origine neurologique, jusqu’à la preuve du contraire, laquelle doit être apportée par un examen neurologique approfondi.

La littérature française sur le pied creux est riche, témoignant de l’évolution vers une conception dimensionnelle du pied creux.

Le symposium dirigé par Robert Meary en 1967 reste une référence essentielle.

Les modalités thérapeutiques fondées sur les conceptions biomécaniques du pied et les répercussions fonctionnelles de la déformation dépendent essentiellement de l’âge, de l’évolutivité du processus causal et du caractère encore souple ou déjà enraidi des déformations.

Épidémiologie :

Les séries publiées en milieu chirurgical sont relativement modestes, de l’ordre de quelques dizaines de cas, traduisant la relative rareté des pieds creux décompensés, le plus souvent d’origine neurologique, par rapport à la grande fréquence des pieds creux modérés.

Gonzales de Aledo, sur un groupe de 948 enfants de plus de 4 ans non sélectionnés, trouve à l’examen podoscopique 16,3 % de pieds creux majoritairement chez les filles ; 60 % d’entre eux présentaient un antécédent familial de pieds creux.

Chez l’adulte jeune, Braun dans une étude comparable notait 44,4 % de pieds creux chez les hommes et 52 % chez les femmes, en dehors de tout symptôme lié au pied creux.

Mécanisme d’apparition du pied creux :

A – ARCHES DU PIED NORMAL :

La voûte longitudinale du pied repose en arrière sur le calcanéus et en avant sur les appuis métatarsiens.

Elle est constituée classiquement d’une arche externe, la plus basse, formée d’arrière en avant par le calcanéus, le cuboïde et les deux derniers métatarsiens et une arche interne plus élevée comportant d’arrière en avant le calcanéus, le talus (astragale), l’os naviculaire (scaphoïde), les cunéiformes et les trois premiers métatarsiens.

Ces arches sont sous-tendues par l’ensemble des parties molles plantaires et Lapidus et

De Doncker ont proposé de les comparer à une ferme qui, en termes d’architecture, correspond à une charpente triangulaire, destinée à supporter le faîtage du toit.

Cette ferme est constituée de deux arbalétriers (un postérieur oblique en bas et en arrière : l’arrière-pied, et un arbalétrier antérieur oblique en bas et en avant : le médiopied et l’avant-pied), sous-tendus par un entrait constitué de l’ensemble des formations musculotendineuses et ligamentaires de la plante du pied qui se tendent lorsque le pied est en charge, évitant ainsi l’aplatissement de la ferme.

Dans le pied creux, l’accourcissement de l’entrait s’accompagne de la verticalisation des arbalétriers qui rehausse la ferme et approfondit sa concavité.

Cette conception purement longitudinale de la voûte plantaire est insuffisante pour décrire la structure architecturale du pied qui comporte une torsion hélicoïdale entre la colonne d’appui postérieure qui est verticale et l’antérieure qui est horizontale.

Le pied normal en charge subit une légère détorsion hélicoïdale qui met en tension les ligaments plantaires.

Une détorsion excessive en charge correspond au pied plat valgus alors qu’un excès de torsion hélicoïdale aboutit au pied creux varus.

B – CONSTITUTION DU PIED CREUX :

La progression du pied creux au cours de la croissance a été parfaitement explicitée par Schnepp « tout se passe comme si, de l’enfance à l’adolescence, les parties molles plantaires agissaient comme la corde trop courte d’un arc osseux ».

La croissance osseuse est plus rapide que celle de la corde plantaire.

La voûte osseuse ainsi bridée augmente de courbure vers le haut. Initialement, la déformation est réductible et la croissance s’accompagne d’une cunéiformation des os de la voûte (principalement du scaphoïde) qui, conjointement à la rétraction des parties molles plantaires, aboutit à l’irréductibilité du cavus.

Celle-ci est progressive de 5 à 11 ans, plus rapide de 12 à 16 ans et se stabilise et se fixe entre 16 et 18 ans.

Différents types de pied creux :

A – PIED CREUX DIRECT :

Le pied creux direct correspond à une déformation exclusivement longitudinale de la voûte plantaire.

La verticalisation de l’avantpied intéresse de façon égale les deux arches interne et externe, il n’y a donc ni pronation, ni supination de l’avant-pied.

L’arrièrepied reste axé de façon physiologique, en léger valgus.

On distingue trois formes de pieds creux directs :

– le pied creux antérieur comporte une verticalisation de l’avantpied et une cassure dans le médiopied.

En décharge, il existe une dénivellation vers le bas de l’avant-pied par rapport à l’arrière-pied.

En charge, la correction de cette dénivellation aboutit à une horizontalisation du talus par flexion dorsale relative de la cheville ;

– le pied creux postérieur comporte une verticalisation du calcanéus (par insuffisance ou pour paralysie du triceps). Il n’y a pas de cassure du médiopied.

En décharge, il existe une dénivellation vers le bas du calcanéus par rapport à l’avant-pied.

En charge, il n’y a pas d’horizontalisation du talus, la cheville se portant en flexion plantaire relative ;

– le pied creux direct mixte comporte à la fois une flexion plantaire de l’avant-pied sur l’arrière-pied et une verticalisation du calcanéus.

B – PIED CREUX ANTÉRO-INTERNE :

C’est une exagération de la forme hélicoïdale du pied qui comporte une pronation excessive de l’avant-pied sur le médiopied, la verticalisation des métatarsiens prédominant sur les rayons internes du pied, décroissante de dedans en dehors.

L’appui transversal horizontal de l’avant-pied nécessite une compensation en supination de l’arrière-pied, portant le calcanéus en varus.

Il s’ensuit un creusement de l’arche interne du pied alors que la surélévation de l’arche externe est modérée, voire absente.

La supination de l’arrière-pied, autour de l’axe de la sous-talienne, induit selon le schéma d’Inman une rotation automatique en dehors du segment jambier par rapport au pied.

À l’inverse, l’avant-pied se place en adduction dans un plan horizontal par rapport à l’arrière-pied fixé par la pince bimalléolaire.

Le varus de l’arrière-pied est initialement réductible, dévoilant la pronation fixée de l’avant-pied.

Il s’enraidit habituellement progressivement au cours de l’évolution pour devenir irréductible.

Il s’y associe fréquemment une griffe des orteils avec flexion des articulations interphalangiennes et verticalisation des premières phalanges, pouvant aboutir à une perte de l’appui pulpaire des orteils.

Cette flexion dorsale métatarsophalangienne prédomine habituellement sur les rayons internes, augmentant ainsi la verticalisation des métatarsiens correspondants, ce qui majore la pronation de l’avant-pied.

Cette verticalisation des rayons internes du pied, secondaire à la rétraction des métatarsophalangiennes en flexion dorsale entraînant une mise en tension de l’aponévrose plantaire selon les travaux de Hicks, est actuellement considérée comme le mécanisme principal de l’apparition du pied creux.

La cause première en serait la faiblesse relative des muscles interosseux par rapport aux muscles fléchisseurs et extenseurs des orteils, le varus compensateur de l’arrière-pied et la rotation externe du segment jambier n’en seraient que la conséquence.

La verticalisation progressive de l’avant-pied détermine en charge une horizontalisation du talus correspondant à une flexion dorsale compensatrice de la cheville.

Un excès de chute de l’avant-pied par rapport aux possibilités de flexion dorsale compensatrice de la cheville détermine un aspect d’équin du pied par rapport à la jambe, mais qui se consomme uniquement dans l’avant-pied alors que l’arrière-pied est en flexion dorsale par rapport à la jambe.

Une rétraction relative du triceps peut participer à la fixation du varus calcanéen.

Cependant, la verticalisation habituelle du calcanéus traduit habituellement l’absence de rétraction réelle du triceps.

C – PIED CREUX VALGUS :

Il comporte une pronation de l’arrière-pied (calcanéus en valgus), soulevant l’arche externe qui peut être aussi concave que l’arche interne.

L’avant-pied est en supination compensatrice de la pronation de l’arrière-pied.

Selon un schéma inverse par rapport à ce qui se passe dans le pied creux varus, la rotation externe du segment jambier par rapport au pied est ici diminuée : l’avant-pied apparaît en abduction dans le plan horizontal par rapport à l’arrièrepied fixé dans la pince bimalléolaire.

En décharge, ce pied peut passer pour un pied plat, mais l’examen podoscopique confirme qu’il s’agit bien d’un pied creux.

Examen clinique du pied creux :

A – SIGNES FONCTIONNELS :

1- Chez l’adulte :

Les doléances concernant la déformation du pied et les difficultés au chaussage sont secondaires par rapport aux douleurs qui sont le motif principal de la consultation :

– les métatarsalgies concernent habituellement l’ensemble des têtes métatarsiennes pouvant prédominer sous la première et la cinquième tête métatarsienne quand il s’agit d’un avant-pied transversalement creux ;

– les talalgies, volontiers en couronne, traduisent la rétraction du système suro-achilléo-plantaire faisant relais sur le calcanéus.

Elles prédominent également souvent dans le pied creux postérieur ;

– des douleurs du dos du pied, au sommet de la déformation, sont souvent la conséquence d’un conflit avec le chaussage ;

– l’hyperappui douloureux peut siéger au bord externe du pied, surtout sous la styloïde du cinquième métatarsien, quand la pronation compensatrice de l’arrière-pied est majeure ;

– les douleurs sont très fréquentes aux orteils, en regard des durillons dorsaux interphalangiens proximaux ;

– l’instabilité en varus de la cheville avec entorses à répétition et douleurs sous-malléolaires externes est d’autant plus fréquente que le varus de l’arrière-pied et l’adduction de l’avant-pied sont importants ;

– la gêne au chaussage est dominée par un conflit sur les griffes d’orteils.

Il peut s’y ajouter une douleur compressive sur la saillie du dos du pied, et une dégradation en varus de la coque talonnière de la chaussure.

Les chaussures à talons plats sont habituellement mal supportées, à l’inverse des chaussures à talons surélevés.

2- Chez l’enfant :

Les douleurs sont plus rares que les doléances concernant les difficultés du chaussage et l’usure rapide des chaussures, la déformation du pied, les troubles de la marche les pieds « en dedans », la fréquence des chutes et des entorses de cheville.

À ce stade de l’examen, il faut évoquer une origine neurologique et s’enquérir des antécédents familiaux.

B – EXAMEN LOCAL :

L’examen des chaussures est souvent édifiant, témoignant de leur déformation et de l’usure du bord externe de la semelle.

L’examen du pied déchaussé note la saillie dorsale du dos du pied, la concavité de la plante, les griffes d’orteils, les durillons siégeant sous les métatarsiens et au dos des orteils, éventuellement un effacement postérieur du talon correspondant à la verticalisation du calcanéus, le varus de l’arrière-pied et sa réductibilité, ainsi que celle de la pronation de l’avant-pied et celle des griffes d’orteils.

On évalue également la dénivellation en décharge entre l’avant-pied et l’arrière-pied et les amplitudes de flexion dorsale de la cheville, la fuite dorsale du pied étant souvent limitée par l’horizontalisation du talus.

L’examen podoscopique révèle la diminution ou la disparition de la bandelette externe d’appui permettant le classement podoscopique en trois degrés.

La disparition de la bandelette externe d’appui peut être absente si le pied creux comporte une supination importante du calcanéus.

On note la disparition de l’appui pulpaire sur les griffes très évoluées.

L’examen du patient vu de dos debout sur le podoscope permet également d’évaluer l’axe des arrière-pieds, la convergence des talons vers le bas et l’écartement des malléoles internes définissant le varus.

Debout de face, les pieds étant joints, le strabisme divergent des rotules rend compte de la rotation externe des segments jambiers par rapport au pied quand la supination de l’arrière-pied est importante.

L’impossibilité de s’accroupir sans décoller les talons traduit la limitation de la flexion dorsale des chevilles.

À la marche, à la phase oscillante, selon l’état neurologique, on peut noter un certain degré de steppage, une accentuation de l’inversion du pied, une contraction compensatrice des extenseurs des orteils s’il existe une insuffisance du jambier antérieur.

À la phase d’appui, on peut noter une attaque du talon en varus exagéré, une varisation dynamique du calcanéus dans le pas postérieur, une démarche pieds en dedans, et une sortie de pas sur l’extrémité antéroexterne de l’avant-pied.

La marche sur la pointe des pieds est habituellement possible à l’inverse de la marche sur les talons, limitée par le défaut de flexion dorsale des chevilles.

Le test de la planchette, décrit par Coleman, consiste à placer une planchette oblique sur le bord antéroexterne du pied, portant l’avant-pied en pronation par soulèvement des rayons externes.

Il permet d’évaluer la réductibilité du varus de l’arrière-pied et la réapparition d’un valgus calcanéen physiologique si le couple de torsion est resté souple.

C – EXAMEN NEUROLOGIQUE :

Il est essentiel.

Il est au mieux réalisé au cours d’une consultation spécialisée et comporte l’étude des réflexes, la recherche d’une amyotrophie locorégionale des membres supérieurs, des troubles du tonus, un testing musculaire centré sur les muscles de la jambe et du pied, l’étude de la sensibilité profonde et une enquête familiale pouvant déboucher sur la mise en évidence d’une étiologie neurologique dominée chez l’adulte par la maladie de Charcot- Marie-Tooth.

Des examens complémentaires à visée étiologique sont éventuellement demandés en milieu spécialisé.

Radiologie du pied creux :

Comme pour toute pathologie statique du pied, les simples clichés « pieds de face et de profil » n’ont aucun intérêt.

Seul un bilan radiographique en charge permet d’apprécier les déformations, de les quantifier et d’en suivre l’évolution.

Ce bilan doit comporter un cliché de profil en charge des orteils au talon, une incidence dorsoplantaire centrée sur l’avant-pied et un cliché de Meary (arrière-pied de face en charge avec cerclage métallique du talon).

A – CLICHÉ DE PROFIL EN CHARGE :

Il permet d’affirmer le pied creux, d’en mesurer l’importance et les modalités architecturales.

1- Angle de Djian-Annonier :

Il est tracé à partir des points les plus bas du calcanéus, de la tête du talus et des sésamoïdes (angle de l’arche médiale).

Son sommet à sinus inférieur mesure normalement 120 à 125°. Un angle inférieur définit un pied creux, indépendamment du siège antérieur, postérieur ou mixte de la déformation.

L’angle de Djian-Annonier apprécie la hauteur de l’arche interne, celle de l’arche externe s’apprécie par la hauteur de la styloïde du cinquième métatarsien par rapport au sol.

Sur un pied creux valgus, l’arche externe peut être très accentuée, alors même que l’arche interne est normale, voire abaissée.

2- Angle de Meary-Tomeno :

Il est formé par l’axe du premier métatarsien et celui du talus (bissectrice entre les tangentes supérieure et inférieure du talus).

Sur un pied normal, cet angle est égal à 0° (ligne de Meary-Tomeno) ; lorsqu’il est positif, l’axe du talus passant en avant et au-dessus de celui du métatarsien, il caractérise un pied creux antérieur.

Il permet d’en évaluer directement l’importance et de localiser le sommet de la déformation qui peut varier entre l’articulation taloscaphoïdienne et la cunéométatarsienne.

3- Angle d’attaque des métatarsiens ou pente des métatarsiens :

Il est mesuré entre l’axe de chacun des métatarsiens et le plan du sol diminue normalement régulièrement du premier métatarsien (20°) au cinquième métatarsien (5°).

L’angle d’attaque du premier métatarsien est augmenté dans le pied creux.

Il ne préjuge en rien du caractère antérieur ou postérieur de la déformation du fait de la compensation dans l’articulation de la cheville pour rétablir l’appui horizontal antéropostérieur de la plante du pied.

4- Pente du calcanéus :

C’est l’angle d’inclinaison entre la tangente plantaire du calcanéus et le sol.

Il mesure normalement 15 à 25°.

Il est augmenté dans le pied creux.

5- Angle tibioastragalien :

Il se mesure entre l’axe du tibia et celui du talus et est normalement de 110°, sa diminution correspondant à une horizontalisation du talus venant limiter les amplitudes de flexion dorsale de la cheville et expliquer le défaut de fuite dorsale du pied dans les pieds creux antérieurs et mixtes.

6- Autres repères :

Plusieurs repères permettent d’apprécier, sur le cliché de profil, les autres déformations associées dans le pied creux varus :

– la diminution de la superposition du bec de la grande apophyse du calcanéus sur la partie inférieure de la tête du talus traduit le varus de l’arrière-pied ;

– le recul du péroné par rapport au tibia permet de visualiser la rotation externe de la jambe par rapport au pied ;

– la supination de l’arrière-pied et du médiopied, dans la soustalienne, se traduit par un élargissement vertical du médiopied, pouvant aller jusqu’à la disparition de la superposition de la partie haute du cuboïde sur le bas du scaphoïde ; la supination est d’autant plus évidente que l’arche interne est élevée et l’arche externe abaissée, voire annulée ;

– la pronation de l’avant-pied peut être évaluée par l’augmentation de la divergence des axes des métatarsiens ;

– la griffe des orteils.

B – CLICHÉ DE FACE EN CHARGE DU PIED ET DE LA CHEVILLE AVEC CERCLAGE MÉTALLIQUE DU TALON :

Il permet d’apprécier la position du talon dans le plan frontal. L’axe du tibia coupe normalement la zone d’appui du talon à l’union du tiers interne et des deux tiers externes, matérialisant le valgus physiologique.

Une médialisation de la zone d’appui du talon par rapport à cet axe définit le varus.

Il faut s’assurer que la cheville est parfaitement de face pour que cette mesure soit fiable, et que le cerclage métallique passe bien par le talon et non par le plan des malléoles, ce qui en diminue l’amplitude.

L’adjonction d’une talonnette radiotransparente sous le talon permet de supprimer la superposition du calcanéus sur l’avant-pied et de mieux apprécier des appuis métatarsiens et sésamoïdiens.

Ce cliché permet également de visualiser l’adduction de l’avant-pied dans le plan horizontal par rapport à la cheville.

L’adjonction d’un coin radiotransparent surélevant le bord antéroexterne du pied (équivalant au test clinique de la planchette) permet d’apprécier la réductibilité du varus calcanéen.

C – CLICHÉ DORSOPLANTAIRE EN CHARGE DE L’AVANT-PIED :

Il permet d’apprécier l’ouverture de la palette métatarsienne et l’adduction de l’avant-pied.

Un faux aspect de varisation des métatarsiens traduit la pronation de l’avant-pied par rapport au médiopied.

Étiologie des pieds creux :

Les étiologies des pieds creux se répartissent en plusieurs groupes largement dominés, pour leur fréquence et leur gravité, par les causes neurologiques.

A – PIED CREUX PAR HYPERTROPHIE DE LA FONCTION :

Il est classique de rappeler le pied creux du tireur de pousse-pousse.

En pathologie sportive, les pieds creux sont fréquents chez les athlètes, en particulier les sprinters.

B – PATHOLOGIES OSTÉOARTICULAIRES DIVERSES :

Certaines peuvent aboutir à un pied creux. En traumatologie du pied, on peut rencontrer des pieds creux après fracture méconnue ou mal traitée du médiopied et, plus particulièrement, après fracture-luxation tarsométatarsienne.

En traumatologie du membre inférieur, et plus particulièrement de la jambe, on observe des pieds creux après fractures graves, soit par défaut d’appui prolongé avec insuffisance de rééducation, soit à la suite d’un syndrome des loges après un traumatisme musculaire grave.

Une rétraction du système suro-achilléo-plantaire peut se voir après une immobilisation prolongée par plâtre en position vicieuse ou après simple alitement prolongé avec défaut de rééducation.

Le creux est ici habituellement associé à un équin.

Les cicatrices rétractiles de brûlures, en particulier plantaires, peuvent être en cause.

Le pied creux est plus rare en rhumatologie : la polyarthrite rhumatoïde génère beaucoup plus de pieds plats que de pieds creux.

C – PIED CREUX D’ORIGINE NEUROLOGIQUE :

Les causes neurologiques dominent les étiologies du pied creux par leur gravité et leurs risques évolutifs sinon par leur fréquence.

Cela implique, devant tout pied creux, d’évoquer une cause neurologique, de réaliser un examen neurologique approfondi et d’orienter le patient vers une consultation spécialisée : « le pied creux est d’origine neurologique jusqu’à preuve du contraire ».

Contrairement au pied rhumatologique qui est un organe diagnostique dont la sémiologie peut orienter vers une cause étiologique, le diagnostic de l’étiologie neurologique d’un pied creux ne peut être fait que par un examen neurologique systématique.

Par ordre de fréquence décroissante, ces étiologies sont dominées par la maladie de Charcot-Marie-Tooth, les séquelles d’infirmité motrice cérébrale, les myopathies, et les dysraphismes spinaux.

1- Myopathies :

Dans le cadre des dystrophies musculaires progressives dominées par la myopathie de Duchenne, l’atteinte sévère débute chez l’enfant avec une pseudohypertrophie rétractile du triceps associée à un déficit des muscles de la loge antéroexterne de jambe.

Le pied creux est associé à un équin puis à un varus avec steppage.

La rétraction tend secondairement à fixer les déformations.

Une prise en charge chirurgicale est rare du fait de la gravité évolutive de la maladie ; le nursing et l’appareillage visent à préserver autant que possible les possibilités de station debout et de marche.

2- Neuropathies périphériques :

Les atteintes du motoneurone périphérique aboutissent à des tableaux très polymorphes selon les combinaisons des diverses atteintes musculaires élémentaires.

La poliomyélite représentait autrefois une cause fréquente de pieds creux neurologiques qui reste majeure dans les zones d’endémie.

Les lésions tronculaires du sciatique poplité externe (SPE) (nerf fibulaire commun) donnent un pied tombant et un steppage dans la phase oscillante qui peuvent évoluer vers un pied creux, de même que celles du nerf tibial postérieur (nerf tibial) qui peuvent aboutir à un pied creux par prédominance du long péronier latéral (long fibulaire).

Les polynévrites, quelles que soient leurs origines, peuvent donner tardivement des pieds creux.

3- Lésions des racines spinales ou de la moelle lombosacrée :

Elles peuvent aboutir à un pied creux, qu’il s’agisse des atteintes de L5 ou de S1 d’origine tumorale compressive ou post-traumatique, que leur atteinte soit évidente (sciatique paralysante) ou occulte révélée par l’enquête étiologique d’un pied creux.

Il en est de même des atteintes malformatives de la moelle lombosacrée telles que les séquelles de spina bifida et les différentes expressions d’un dysraphisme spinal occulte.

L’examen du rachis lombaire doit faire partie du bilan étiologique d’un pied creux.

4- Hérédodégénérescences du système nerveux périphérique :

Les neuropathies héréditaires sensitivomotrices (NHSM) représentent actuellement la principale étiologie des pieds creux varus décompensés de l’adulte, en particulier dans les séries chirurgicales.

Leur caractère bilatéral et les antécédents familiaux de pied creux sont fortement évocateurs.

La neuropathie sensitivomotrice de Charcot-Marie-Tooth (NHSM types I et II) débute dans l’enfance ou l’adolescence.

L’amyotrophie neurogène distale progresse lentement, le déficit débutant habituellement aux muscles interosseux et s’étendant aux muscles de la loge antérolatérale de la jambe, entraînant steppage et entorses à répétition.

Le déséquilibre des balances musculaires aboutit à l’accentuation des déformations.

La faiblesse du jambier antérieur (tibial antérieur) par rapport au long péronier latéral (long fibulaire) creuse l’arche interne.

Celle du court péronier latéral par rapport au jambier postérieur (tibial postérieur) accentue le varus ; la faiblesse du court péronier latéral (court fibulaire) laisse s’abaisser l’arche externe par supination de l’arrière-pied, alors que le long péronier latéral, plus tardivement déficitaire, accentue la pronation compensatrice de l’avant-pied.

La maladie de Déjerine-Sottas (NHSM type III) peut aboutir à un pied creux varus, voisin dans son tableau clinique de celui de la maladie de Charcot-Marie-Tooth avec des troubles sensitifs plus marqués.

Dans la maladie de Friedreich, la plus fréquente des hérédodégénérescences spinocérébelleuses, le pied creux s’associe à un syndrome neurologique plus complexe.

5- Neuropathies centrales :

Le pied creux est fréquent dans les atteintes pyramidales, d’origine corticale (hémiplégies, encéphalopathies) et dans les lésions médullaires spasmodiques (d’origine traumatique, tumorale ou infectieuse).

Il s’intègre habituellement dans un tableau de pied creux varus équin spastique.

Il est plus rare dans les syndromes extrapyramidaux tels que la maladie de Parkinson où le pied creux varus équin peut être le syndrome inaugural.

D – PIED CREUX ESSENTIEL :

Le caractère idiopathique du pied creux est défini par l’absence de résultat de l’enquête étiologique. Son existence même est discutée.

Sa fréquence semble diminuée par la qualité du bilan neurologique effectué.

Ainsi, le pied creux essentiel doit rester un diagnostic d’élimination.

Bien que sa fréquence dans diverses séries varie de 10 à 50 %, la présence très fréquente d’antécédents familiaux conduit à le considérer comme le symptôme d’une pathologie neurologique occulte, voire comme le prodrome d’une pathologie non encore identifiable.

Traitement du pied creux :

A – BUTS :

Que le traitement soit médical (orthétique ou rééducatif) ou chirurgical, son but est avant tout de répondre aux doléances fonctionnelles du patient, essentiellement liées aux douleurs plantaires par défaut de répartition d’appui, aux douleurs dorsales liées aux conflits des orteils et du dos du pied avec le chaussage, et à l’instabilité responsable de chutes et d’entorses à répétition.

Les moyens mis en oeuvre visent à prévenir la progression des déformations dans les stades précoces, à corriger les déformations osseuses des pieds creux plus évolués dont les lésions sont fixées, et à diminuer les déséquilibres musculaires du pied et de la cheville.

B – MOYENS :

1- Moyens médicaux :

* Orthèses plantaires :

Elles ont pour but de corriger pour partie les déformations réductibles, de soulager les hyperappuis plantaires par répartition d’appui sur les pieds fixés et, d’une manière générale, de stabiliser la colonne d’appui et de freiner l’évolutivité des déformations.

Le talon de la semelle peut comporter un coin pronateur postérieur pour réduire un varus réductible (coin pronateur ou souscalcanéen externe) ; il est mal supporté si le varus est fixé.

Dans ce cas, une simple cuvette peut participer à la stabilisation transversale de l’arrière-pied.

Une surélévation modérée peut participer à la compensation d’un équin.

Elle ne doit pas être trop importante (8 à 10 mm) afin de ne pas favoriser le déchaussage du talon dans le pas postérieur.

Au-delà, il est préférable que la surélévation soit réalisée sous la chaussure ou dans une chaussure à tige montante.

L’appui rétrocapital soulage les hyperappuis des têtes métatarsiennes ; il s’agit le plus souvent d’une barre rétrocapitale transversale, principalement adaptée en arrière des callosités.

Les matériaux doivent être aussi confortables et amortissants que possible afin de compenser le défaut d’amortissement du pied, lié pour une bonne part à la verticalisation des appuis.

* Adaptation des chaussures :

D’une manière générale, un chaussage adapté comporte une chambre antérieure de volume suffisant pour soulager les conflits au dos des orteils et au dos du pied, une surélévation modérée du talon pour compenser le défaut de fuite dorsale du pied et éventuellement une tige montante pour le stabiliser transversalement.

Un chaussage sur mesure peut être envisagé dans les cas évolués afin d’obtenir un volume intérieur suffisant pour loger à la fois les déformations et la semelle adaptée et de réaliser une tige montante suffisamment rigide pour stabiliser le varus de l’arrière-pied avec élargissement du talon en dehors pour établir un aplomb nécessaire à la distribution verticale des contraintes et pour obtenir la stabilité en varus.

Une discrète surélévation de l’avant de la chaussure, en barquette, peut aider au déroulement du pas mais doit rester modérée afin de ne pas déstabiliser l’appui dans le sens antéropostérieur sur un pied déjà raccourci.

* Kinésithérapie :

Elle a pour but d’entretenir les amplitudes articulaires passives du pied et des orteils et de réaliser des étirements des muscles évoluant vers la rétraction.

Elle n’a pas fait la preuve de son efficacité à titre curatif, mais peut être utile dans les phases particulièrement évolutives. Plus globalement, elle peut aider à l’entretien des stratégies de marche et d’équilibre.

2- Moyens chirurgicaux :

Plusieurs gestes chirurgicaux sont réalisés, éventuellement associés, selon des modalités différentes, qu’ils s’adressent au pied creux de l’enfant ou au contraire à celui de l’adolescent en fin de croissance ou à celui de l’adulte.

Les libérations plantaires ont pour but de détendre les rétractions plantaires ; elles peuvent être, soit élargies, comportant la section des formations aponévrotiques et capsuloligamentaires plantaires, geste considéré comme difficile à doser car source d’hypercorrection et d’hypocorrection, soit sélectives, intéressant essentiellement l’aponévrose plantaire et les éléments s’insérant sur le calcanéus, habituellement associées à des gestes osseux.

Les transpositions tendineuses, dont les techniques sont nombreuses, visent à restaurer les balances musculaires pour rééquilibrer le pied et freiner l’évolution des déformations.

Les ostéotomies du calcanéus : les ostéotomies de varisation par soustraction externe selon Dwyer ont été largement utilisées, mais donnent des résultats décevants lorsqu’elles sont utilisées isolément.

Elles sont actuellement proposées comme des gestes d’appoint en association à une ostéotomie du médiopied ou de l’avant-pied, au même titre que les ostéotomies d’horizontalisation du calcanéus.

Les ostéotomies basimétatarsiennes de relèvement par soustraction cunéiforme ont l’avantage de ne pas supprimer d’interligne articulaire.

Elles sont actuellement habituellement associées dans cet esprit à une ostéotomie calcanéenne et éventuellement à une libération plantaire sélective. Les ostéotomies de relèvement isolées des métatarsiens internes sont proposées essentiellement en appoint, associées aux ostéotomies ou arthrodèses majeures des pieds creux très évolués ou plus rarement isolément pour un pied creux modéré à nette prédominance antéro-interne.

Les tarsectomies visent à corriger la déformation dans le tarse antérieur préservant la mobilité des interlignes médiotarsiens et tarsométatarsiens.

La technique la plus utilisée est celle de Meary, dérivée de la technique originale de Cole.

Elle comporte une résection cunéiforme à base dorsale passant dans l’interligne scaphocunéen en dedans et à travers le cuboïde en dehors.

Elle a l’inconvénient d’augmenter l’adduction de l’avantpied. Japas a proposé une ostéotomie en « chevron » à pointe proximale dans le scaphoïde limitant ainsi les arthrodèses dans le tarse antérieur.

Les résections-arthrodèses tarsométatarsiennes sont intéressantes quand il existe une importante déformation fixée dans cette articulation.

La résection-arthrodèse médiotarsienne, réalisant une soustraction cunéiforme à base dorsale et latérale centrée sur l’interligne de Chopart, autorise à la fois la correction du pied creux et celle du varus calcanéen quand l’articulation sous-talienne a gardé sa mobilité.

La double arthrodèse du couple de torsion associe à la précédente une arthrodèse sous-talienne permettant la correction des pieds creux varus fixés très évolués.

La correction des griffes d’orteils est un geste associé mais indispensable à la qualité du résultat fonctionnel ; elle nécessite le plus souvent une arthrodèse interphalangienne proximale, permettant ainsi aux fléchisseurs des interphalangiennes de restaurer la flexion métatarsophalangienne.

Sur des griffes souples, ce même geste de restauration de la fonction déficitaire des muscles intrinsèques peut être obtenu par transfert d’un fléchisseur distal sur la première phalange.

L’allongement du tendon d’Achille permet de compenser une brièveté rétractile du triceps, participant ainsi à la correction de l’équin quand il existe.

En présence d’un défaut de fuite dorsale par horizontalisation de l’astragale, il ne peut autoriser qu’un gain de quelques degrés de flexion dorsale, mais participe à la libération du varus calcanéen.

C – INDICATIONS :

Chez l’enfant, les indications chirurgicales ne se conçoivent que si la déformation a fait la preuve de son évolutivité et s’accompagne d’une gêne fonctionnelle non maîtrisée par le chaussage et les orthèses.

Le geste chirurgical associe des libérations plantaires et des ostéotomies extra-articulaires préservant les interlignes articulaires, éventuellement en association avec des gestes tendineux pour rééquilibrer les balances musculaires.

En fin de croissance puis chez l’adulte, les indications chirurgicales ne s’adressent qu’au pied creux décompensé avec hyperappui douloureux et/ou instabilité, si les moyens médicaux restent insuffisants, et pour améliorer les possibilités de chaussage.

Dans les rares cas où la gêne fonctionnelle est importante avec des déformations peu évoluées et non évolutives, les ostéotomies extraarticulaires de l’avant-pied et de l’arrière-pied sont la technique de choix.

La tarsectomie reste la technique la plus utilisée, mais n’aboutit qu’à une correction de 15 à 20° et nécessite que l’arrièrepied soit souple.

Dans les pieds creux varus évolués avec déformations importantes et fixées ou si les risques évolutifs sont très importants du fait d’une grande dysharmonie des balances musculaires, la double arthrodèse médiotarsienne et sous-talienne doit être préférée car elle permet à la fois de plus grandes corrections angulaires, une meilleure stabilité de l’arrière-pied à la marche et s’accompagne de moins de risques d’évolutivité du pied creux.

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