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Physiopathologie des crises d’épilepsie

Introduction :

L’épilepsie est une pathologie du système nerveux central (SNC) qui affecte 0,5 à 0,8 % de la population, et qui est caractérisée par la récurrence de crises qui surviennent de façon imprévisible.

C’est une pathologie importante en neurologie, en raison de son aspect protéiforme : plusieurs formes d’épilepsie ont été décrites, qui présentent des différences aussi bien sur le plan clinique qu’étiologique.

Sur le plan physiopathologique, ces différences impliquent l’existence de mécanismes moléculaires et cellulaires distincts d’une forme de crise à l’autre.

Comprendre les dysfonctionnements du SNC qui sont à l’origine de chacune des formes d’épilepsie est ainsi une entreprise difficile, qui essaie de répondre aux questions suivantes :

– Quelle population de neurones est mise en jeu dans chaque forme de crise ?

– Quels sont les mécanismes qui initient une crise d’épilepsie donnée ?

– Pourquoi des neurones présentent-ils une hyperactivité ?

– Pourquoi des neurones se synchronisent-ils ?

– Pourquoi une crise se propage-t-elle ?

– Pourquoi une crise s’arrête-t-elle ?

Pour tenter de répondre à ces questions, la recherche en épileptologie bénéficie de l’ensemble des techniques développées en neurosciences expérimentale et clinique au cours de ces dernières années.

Certaines de ces techniques, en particulier la neuro-imagerie, ont permis de mieux déterminer, chez le patient épileptique, les modifications morphologiques et fonctionnelles qui sont associées à certaines formes d’épilepsie.

Cependant, pour des raisons à la fois techniques, économiques et éthiques, l’étude physiopathologique des épilepsies nécessite l’emploi de préparations in vitro, mais surtout de modèles animaux.

L’utilisation de modèles d’épilepsie chroniques et validés, a permis au cours de ces dernières années de caractériser certains circuits nerveux à l’origine des crises d’épilepsie.

De plus, certains de ces modèles ont permis de mettre en évidence l’existence de mécanismes de contrôle des crises, ou encore de phénomènes de plasticité, qui peuvent donner naissance à des circuits aberrants capables de générer des crises récurrentes.

Sans prétendre à l’exhaustivité, cette revue a pour objectif de présenter certaines données actuelles de notre connaissance de la physiopathologie des épilepsies, recueillies grâce à l’utilisation de ces modèles animaux.

Modèles animaux d’épilepsie :

A – CRITÈRES DE VALIDATION D’UN MODÈLE ANIMAL :

La modélisation animale s’impose dans le cas des épilepsies.

En effet, les mécanismes ou les circuits qui sont à l’origine d’une forme particulière d’épilepsie, de même que ceux qui contrôlent ces manifestations paroxystiques, impliquent un niveau d’intégration difficile à aborder dans des préparations in vitro.

La modélisation animale des épilepsies est sans doute l’une des plus pertinentes dans l’étude des pathologies du système nerveux central car, comme chez l’homme, plusieurs types de crises induites ou spontanées peuvent être observés chez les animaux, en particulier chez les mammifères.

Un modèle animal se définit comme une préparation simplifiée qui permet d’étudier, dans les conditions du laboratoire, la physiopathologie et le traitement d’une maladie.

Pour permettre une extrapolation « optimale » des résultats obtenus avec un modèle animal, celui-ci doit répondre à trois critères :

– l’isomorphisme ou similarité des symptômes ;

– la prédictivité ou efficacité pharmacologique identique ;

– l’homologie ou similitude étiologique. Dans le cas de l’épilepsie, l’examen comportemental et électroencéphalographique détaillé ainsi que l’analyse ontogénétique du modèle animal sont indispensables, pour déterminer la forme d’épilepsie humaine à laquelle il se rapporte.

Il est essentiel que cette comparaison tienne compte des différences d’espèce, en particulier lorsque les animaux utilisés sont des rats ou des souris.

La validation du critère de prédictivité est facilitée par l’existence de nombreux médicaments antiépileptiques développés au cours de ces vingt dernières années.

La spécificité de certains médicaments pour une forme précise d’épilepsie ou, à l’inverse, les effets aggravants observés sur des formes d’épilepsie particulières permettent d’affiner la validation du critère de prédictivité d’un modèle animal d’épilepsie.

Enfin, le critère d’homologie est sans doute le plus difficile à vérifier car, dans la plupart des cas, l’étiologie de la forme d’épilepsie étudiée n’est pas connue.

La similitude de facteurs déclenchants (stimulation lumineuse intermittente, changement d’état de veille), de circuits nerveux (boucle thalamocorticale, circuits limbiques), d’atteinte histologique (perte cellulaire, bourgeonnement de fibres moussues), voire de facteurs génétiques, permettent cependant d’approcher ce critère de façon satisfaisante.

Il ne faut pas perdre de vue cependant qu’un modèle est avant tout une préparation simplifiée, une sorte de « caricature » qui ne reproduit que les caractéristiques les plus marquées d’une pathologie, afin d’en étudier les mécanismes.

C’est cette simplification, à condition qu’elle soit maîtrisée, qui permet de faire avancer notre connaissance sur la physiopathologie des épilepsies.

Il est difficile de valider complètement un modèle d’épilepsie (comme de toute autre forme de pathologie du SNC), et l’absence de validation d’un des critères ne doit pas nécessairement entraîner le rejet du modèle. Il n’existe pas de modèle « parfait », mais l’expérimentateur cherchera à utiliser le modèle le mieux adapté à la question posée.

B – CLASSIFICATION DES MODÈLES ANIMAUX D’ÉPILEPSIE :

Plusieurs modèles animaux ont été décrits depuis le début des années 1960, essentiellement chez le rongeur et chez certains primates. Parmi ceux-ci, on peut distinguer :

– les modèles de crise d’épilepsie qui utilisent des animaux sains chez lesquels une crise, souvent unique, est induite par l’injection d’un convulsivant ou par une stimulation électrique ;

– les modèles chroniques d’épilepsie où des crises récurrentes spontanées sont observées. Dans le premier cas, le caractère artificiel et unique des crises limite considérablement l’interprétation des résultats : de tels modèles ne peuvent rendre compte de l’état permanent du dysfonctionnement du cerveau qui permet la survenue de crises.

Les stimulations épileptogènes qui sont utilisées peuvent cependant permettre de révéler une sensibilité ou une résistance aux crises chez des animaux mutants ou transgéniques.

L’intérêt s’est surtout porté au cours de ces dernières années vers les modèles d’épilepsie où la chronicité des crises peut être observée à la suite d’une manipulation unique (état de mal) ou répétée (embrasement).

Elle peut également provenir d’une ou plusieurs mutations génétiques découvertes de façon fortuite, suite à une analyse de la cartographie du génome ou par mutagenèse dirigée.

Ainsi les lignées d’animaux génétiquement épileptiques présentent un intérêt considérable en épileptologie.

Un seul modèle animal ne peut représenter la complexité des symptômes et des mécanismes qui sous-tendent les différentes formes de crises d’épilepsie.

Même s’il n’est pas toujours aisé de faire correspondre chaque modèle à une forme particulière de crise d’épilepsie chez l’homme, une classification peut en être faite, qui s’inspire de celle utilisée en clinique.

Il ne s’agit pas ici de répertorier de façon exhaustive tous les modèles animaux d’épilepsie, mais de décrire brièvement les plus utilisés, ou ceux qui ont fourni les informations les plus pertinentes sur la physiopathologie des épilepsies.

1- Modèles de crises généralisées non convulsives :

Plusieurs substances pharmacologiques agissant sur la neurotransmission GABAergiques (agonistes de l’acide gamma-aminobutyrique [GABA], gamma-hydroxybutyrate, pentylènetétrazole, agonistes inverses des benzodiazépines) induisent des décharges paroxystiques de pointes-ondes lorsqu’elles sont administrées par voie systémique à différents mammifères.

En particulier, l’injection de gamma-hydroxybutyrate, un métabolite du GABA qui possède des récepteurs spécifiques dans le SNC, se traduit par des décharges régulières de pointes-ondes bilatérales et synchrones, accompagnées d’arrêt comportemental des animaux pendant environ 1 heure après l’injection.

2- Modèles d’épilepsie généralisée non convulsive :

Des décharges spontanées de pointes-ondes ont été observées lors d’enregistrements électroencéphalographiques chez le rat ou la souris provenant d’élevages de laboratoire.

Chez la souris, diverses mutations seraient associées à l’apparition de pointes-ondes (souris « léthargique », « tottering », « stargazer », etc).

Chez le rat, le Wistar GAERS (genetic absence-epilepsy rats of Strasbourg) et le WAG/Rij sont les plus étudiés.

Dans ces deux lignées, des décharges de pointes-ondes bilatérales et synchrones sont enregistrées sur l’électroencéphalogramme en dérivations frontopariétales.

Ces décharges de pointes-ondes rythmiques ont une fréquence de 7 à 9 Hz et une amplitude comprise entre 300 et 1 000 µV.

Elles ont une durée de quelques secondes à 1 minute, et surviennent spontanément à raison de une à deux crises par minute lorsque l’animal est inactif et dans un état de veille calme.

De façon concomitante avec les décharges de pointes-ondes, les animaux arrêtent tout comportement actif, et deviennent insensibles aux faibles stimulations sensorielles habituelles de leur environnement.

Des clonies des vibrisses, synchrones avec les pointes-ondes, sont souvent observées.

Les décharges de pointesondes chez le GAERS apparaissent essentiellement lors d’un état de veille calme.

Inversement, les décharges sont rares au cours du sommeil lent ou du sommeil paradoxal, ou lorsque les animaux sont impliqués dans un comportement orienté et actif. Presque tous les médicaments antiépileptiques qui sont efficaces contre les absences chez l’homme suppriment les décharges de pointes-ondes chez le rat GAERS.

Inversement, les antiépileptiques qui aggravent les crises d’absence chez l’homme augmentent également les décharges de pointes-ondes chez le rat.

Les premières décharges de pointes-ondes sont observées à partir de l’âge de 30 jours chez le rat GAERS. Rares au début, elles augmentent en nombre, en durée et en fréquence avec l’âge, et persistent jusqu’à la mort par vieillesse de l’animal (2 ans environ).

Leur survenue ne semble pas liée à la maturation sexuelle des animaux.

Parallèlement au développement de la lignée des GAERS, une souche d’animaux issus de la même colonie et indemnes de toute crise a été développée.

Le croisement de rats GAERS avec ces rats contrôles (génération F0) se traduit par une descendance dans laquelle la plupart des animaux présente des décharges de pointes-ondes.

Ces données suggèrent que la transmission de la mutation principale est autosomique et dominante.

Cependant, la variabilité interindividuelle des crises suggère que plusieurs mutations sont impliquées dans le contrôle de l’expression des décharges de pointes-ondes chez le rat GAERS.

3- Modèles de crises généralisées convulsives :

* Électrochoc

Il est possible d’induire chez tous les mammifères, y compris l’homme, une crise d’épilepsie tonicoclonique par l’application au niveau de la tête d’un choc électrique bref et de forte intensité.

Chez le rongeur, ces chocs électriques sont appliqués au niveau des oreilles ou des cornées, leur intensité est comprise entre 40 et 80 mA, et leur durée n’excède pas 1 seconde.

À la suite du choc, les animaux présentent immédiatement une extension et/ou une flexion tonique des membres et du corps, suivie de clonies, pendant une durée de quelques dizaines de secondes.

Une décharge de pointes est enregistrée au niveau du cortex de façon concomitante avec la phase tonique, alors qu’une décharge de pointes-ondes accompagne la phase clonique.

À l’issue de ce type de crise, les animaux présentent une dépression postcritique de 2 à 3 minutes, pendant laquelle un aplatissement du tracé est observé. Pendant plusieurs dizaines de minutes, l’application d’une nouvelle stimulation reste sans effet (période réfractaire).

Les crises induites par électrochoc présentent une réactivité pharmacologique très proche des crises tonicocloniques chez l’homme.

Ainsi, des médicaments tels que la phénytoïne, le phénobarbital, la carbamazépine, les benzodiazépines, et le valproate suppriment les crises dans ce modèle, alors que l’éthosuximide est sans effet.

Du fait de sa facilité de mise en oeuvre, ce modèle est très souvent utilisé dans le criblage de molécules à visée antiépileptique ou pour tester la sensibilité d’animaux mutants.

Cependant, l’absence d’effet sur ce modèle n’exclut pas la possibilité d’un effet sur l’épilepsie-absence ou les épilepsies partielles.

* Convulsivants :

L’injection par voie systémique d’antagonistes du GABA ou d’agonistes du glutamate induit, dans les minutes qui suivent, une convulsion tonicoclonique généralisée.

Parmi eux, le pentylènetétrazole (cardiazol ou métrazol) induit différents types de crises selon la dose injectée.

À la dose de 10 à 20 mg/kg, les animaux présentent des arrêts comportementaux de quelques secondes, parfois accompagnés de clonies des vibrisses et de légères secousses myocloniques des pattes antérieures.

Ces arrêts s’accompagnent pendant 60 à 80 minutes de décharges bilatérales et synchrones de pointes-ondes (rythmicité = 6-8 cycles/seconde) à raison de une à trois crises par minute.

Ces décharges présentent plusieurs similitudes, tant sur le plan symptomatique que pharmacologique, avec les crises d’épilepsie-absences.

La répétition d’injections de pentylènetétrazole à cette dose entraîne l’apparition progressive de crises convulsives, et constitue un modèle d’embrasement.

L’injection de pentylènetétrazole à une dose moyenne de 30 à 50 mg/kg entraîne chez le rat des secousses myocloniques suivies d’une à deux crises tonicocloniques.

À ces doses, la composante clonique domine, et les crises s’accompagnent d’une décharge de pointes-ondes et de polypointes bilatérales et synchrones, suivies d’une dépression postcritique transitoire.

Elles présentent des similitudes comportementales, EEG et pharmacologiques, avec les crises myocloniques et cloniques chez l’homme.

Enfin, aux doses supérieures à 50 mg/kg, le pentylènetétrazole entraîne une crise tonicoclonique qui survient 2 à 5 minutes après l’injection, et pour laquelle la composante tonique domine.

Ces crises s’accompagnent d’une décharge de pointes-ondes et de polypointes bilatérales et synchrones, suivies d’une dépression postcritique prononcée.

Elles présentent des similitudes électrocliniques et pharmacologiques avec les crises tonicocloniques chez l’homme.

4- Modèles d’épilepsies généralisées convulsives :

* Épilepsie audiogène du rongeur :

Chez plusieurs espèces de rongeurs (rats, souris, lapins), des crises convulsives généralisées peuvent être provoquées de façon réflexe par une stimulation sonore. Chez un animal non sensible, un son intense (10 000 à 20 000 Hz, 100 à 200 dB, 60 à 90 secondes) ne déclenche qu’une réaction de sursaut et/ou de fuite.

En revanche, chez des rats ou des souris sensibles, le même son provoque, après quelques secondes, un ou deux épisodes de courses désordonnées (wild running), suivis par une crise tonique d’une dizaine de secondes en extension ou en flexion.

Chez le rat, la crise audiogène est essentiellement tonique, et s’accompagne sur l’EEG d’une activité rapide de bas voltage suivie d’une activité rythmique régulière (huit à 10 cycles/seconde) de type thêta et d’origine hippocampique.

Elle est suivie par une inhibition comportementale ou un épuisement postcritique de 1 à 2 minutes, concomitante d’un aplatissement de l’EEG cortical.

La sensibilité des animaux à une stimulation sonore dépend de facteurs génétiques qui restent à déterminer.

La réactivité des crises audiogènes du rat aux médicaments antiépileptiques est pratiquement superposable à celle des crises tonicocloniques chez l’homme.

Ainsi, des substances comme le phénobarbital, la carbamazépine, la diphénylhydantoïne et les benzodiazépines suppriment les crises audiogènes.

En revanche, le valproate et l’éthosuximide n’ont un effet suppressif qu’à fortes doses.

La répétition des crises audiogènes pendant plusieurs semaines chez le rat entraîne une modification progressive des caractéristiques comportementales et EEG des crises, de façon semblable à ce qui est observé lors de l’embrasement d’une structure limbique.

Ceci constitue un modèle intéressant d’extension du circuit générateur du tronc cérébral vers le cerveau antérieur.

* Épilepsie photosensible du babouin :

Certains babouins, tel le Papio papio de Casamance (Sénégal), présentent des manifestations comportementales et électroencéphalographiques de type épileptique, sous l’effet d’une stimulation lumineuse intermittente (SLI) appliquée lors d’un état de veille calme.

Des décharges EEG constituées de pointes bilatérales et synchrones sont observées au niveau de la région frontorolandique, suivent la fréquence de la SLI, et augmentent progressivement en amplitude.

Ces pointes se transforment en polypointes et pointes-ondes bilatérales, synchrones et symétriques ayant leur fréquence propre (six cycles/s).

Elles peuvent ensuite se propager aux structures corticales et sous-corticales.

Sur le plan comportemental, ces décharges paroxystiques restent infracliniques ou sont accompagnées de myoclonies. Elles débutent toujours au niveau palpébral, puis se propagent aux muscles de la face, puis au cou, pour enfin se généraliser.

Chez certains animaux, la SLI provoque des décharges EEG qui se poursuivent après l’arrêt de la stimulation, et qui sont toujours accompagnées de signes cliniques.

Les médicaments antiépileptiques considérés comme efficaces dans l’épilepsie photosensible de l’homme (benzodiazépines, valproate) suppriment les manifestations paroxystiques EEG et cliniques induites par la SLI chez le Papio papio photosensible.

En revanche, la triméthadione et la carbamazépine ne sont efficaces qu’à plus fortes doses. L’utilisation de ce modèle a cessé depuis plusieurs années, et les données physiopathologiques restent incomplètes.

5- Modèles d’états de mal :

L’injection par voie systémique de kaïnate ou de pilocarpine induit des crises comportementales et électroencéphalographiques de plusieurs heures chez les rongeurs.

À l’issue de cet état de mal convulsif, les animaux présentent une période latente ou « silencieuse » de quelques semaines, pendant laquelle aucune crise convulsive n’est observée.

Au cours de cette période, l’analyse histologique des cerveaux d’animaux montre des pertes cellulaires importantes, souvent asymétriques et préférentiellement dans l’hippocampe (en particulier le hile du gyrus denté et le secteur CA1), l’amygdale, le thalamus, les cortex piriforme, entorhinal et périrhinal, le néocortex, le septum, les tubercules olfactifs et la substance noire.

Ces pertes sont moindres chez des animaux en développement.

Par la suite, les animaux présentent des crises récurrentes spontanées (en moyenne deux à trois par semaine) pendant plusieurs mois.

Ces crises de quelques dizaines de secondes se caractérisent par des automatismes faciaux, des hochements de tête, des clonies des pattes antérieures et des redressements suivis de chutes, concomitants d’une décharge paroxystique survenant dans l’hippocampe et se propageant rapidement au cortex.

Les médicaments qui permettent de protéger des crises partielles complexes en clinique (phénobarbital, carbamazépine, valproate) sont également efficaces sur ces crises récurrentes spontanées.

Ces deux modèles ont été très utilisés ces dernières années, en particulier pour étudier les processus de l’épileptogenèse associée à des pertes cellulaires dans les structures limbiques, et les phénomènes de neuroplasticité qui en découlent.

L’existence de lésions multiples et bilatérales dans ces deux modèles limite cependant leur validation par rapport à une forme d’épilepsie particulière.

6- Modèles de crises partielles sans généralisation :

Parmi les modèles de crises partielles sans généralisation, l’injection au sein de l’hippocampe dorsal de kaïnate ou d’un agoniste des récepteurs glutamatergiques, est actuellement l’un des plus prometteurs.

Une telle injection entraîne chez le rat ou la souris un état de mal non convulsif qui induit l’apparition, au bout de quelques semaines, de crises récurrentes spontanées.

Chez le rat, ces crises sont le plus souvent convulsives, alors que chez la souris, elles sont caractérisées par un arrêt du comportement des animaux et/ou des stéréotypies, concomitantes d’une décharge de pointes et de polypointes limitées à l’hippocampe injecté.

Ces décharges paroxystiques débutent généralement par une activité rythmique de haut voltage, suivie par une activité plus rapide et de plus faible voltage.

Elles apparaissent spontanément à raison de cinq à dix fois par heure lorsque les animaux sont dans un état de veille calme.

Ces activités EEG restent stables au cours des mois suivants, et peuvent être observées pendant plus de 1 an.

L’administration de valproate, de carbamazépine ou de phénytoïne à différentes doses ne supprime pas la survenue des décharges paroxystiques.

Seul le diazépam entraîne une suppression totale des crises.

L’examen histologique de ces animaux révèle des pertes cellulaires limitées à l’hippocampe injecté, au niveau du hile du gyrus denté et des aires CA1 et CA3.

Chez la souris, une dispersion importante des cellules granulaires du gyrus denté est également observée.

Ce modèle, en particulier chez la souris, apparaît comme la première préparation chronique d’épilepsie du lobe temporal, qui présente à la fois des décharges récurrentes limitées à l’hippocampe, une sclérose de l’hippocampe, une dispersion du gyrus denté et une pharmacorésistance.

7- Modèles de crises partielles secondairement généralisées :

Le phénomène d’embrasement ou kindling traduit l’aggravation progressive des crises d’épilepsie à la suite de leur répétition.

Ce phénomène, observé dans les années soixante à la suite de stimulations électriques répétées de l’amygdale, a été décrit dans plusieurs espèces animales.

La stimulation électrique liminaire quotidienne ou biquotidienne de certaines structures du cerveau antérieur (amygdale, hippocampe, cortex piriforme, cortex entorhinal) induit initialement une postdécharge locale enregistrée au niveau de l’électrode de stimulation, et caractérisée par une succession de pointes et de pointes-ondes de grande amplitude pendant quelques secondes.

Au fur et à mesure que les stimulations sont répétées, la postdécharge s’étend au cortex, et sa durée augmente pour atteindre 1 à 2 minutes.

Les postdécharges à des stades avancés de l’embrasement sont ainsi huit à dix fois plus longues que celles observées au début du protocole.

Les caractéristiques comportementales qui accompagnent les postdécharges évoluent considérablement au cours du phénomène d’embrasement. Lors des premières stimulations, les animaux ne présentent qu’un bref arrêt comportemental, accompagné de quelques mâchonnements chez le rat.

Lors des stimulations ultérieures apparaissent des clonies de la tête, puis des membres antérieurs, un redressement de l’animal et des chutes.

Cette progression des stades chez le rat est utilisée pour quantifier l’évolution de la gravité des crises.

Chez cette espèce, des crises spontanées n’ont été observées qu’après plus de 100 stimulations. Les médicaments antiépileptiques ont été essentiellement testés dans ce modèle à la fin du protocole d’embrasement, lorsque les crises sont généralisées.

La carbamazépine, le valproate et les benzodiazépines suppriment ou réduisent les postdécharges.

En revanche, la phénytoïne et l’éthosuximide sont sans effet.

L’ensemble de ces caractéristiques fait de l’embrasement des structures limbiques un modèle de crises partielles secondairement généralisées.

Du fait de la possibilité de quantifier les crises avec précision aussi bien sur le plan comportemental qu’EEG, c’est également un modèle de choix pour étudier l’épileptogenèse.

Circuits neuronaux de l’épilepsie :

A – ÉVOLUTION DE L’APPROCHE DES CIRCUITS ÉPILEPTIQUES :

Depuis plus d’un siècle, il est admis que chaque crise focale prend naissance dans une région limitée du cerveau, le plus souvent le cortex cérébral, dénommée « foyer épileptique » ou « zone épileptogène ».

En revanche, plusieurs théories se sont affrontées au cours des dernières décades pour approcher les circuits mis en jeu par les crises généralisées.

Pour rendre compte des symptômes cliniques (perte de connaissance initiale, existence d’anomalies EEG bilatérales et synchrones d’emblée), l’école de Penfield et Jasper à Montréal a proposé dans les années 1950 une théorie sous-corticale centrencéphalique.

Au cours d’une crise généralisée, la décharge impliquerait d’emblée un territoire englobant l’hypothalamus, la partie haute du tronc cérébral et le mésencéphale, avec leurs systèmes de connexion vers les deux hémisphères (formation réticulée activatrice).

À cette conception sous-corticale, s’opposait une théorie corticale qui postulait qu’au cours d’une crise généralisée, la décharge serait issue d’un « foyer » cortical, limité vraisemblablement au lobe frontal, puis se propagerait rapidement à l’ensemble du cortex des deux hémisphères.

Cette théorie a été particulièrement défendue par l’école de Bancaud et Talairach à Paris dans les années 1960, sur la base de données recueillies au cours d’enregistrements EEG intracérébraux chez l’homme.

Élaborée par Gloor à Montréal, la théorie corticoréticulaire a tenté de concilier les deux hypothèses précédentes.

À partir de résultats expérimentaux obtenus dans le modèle de l’épilepsie féline induite par la pénicilline, cette théorie donnait un rôle primordial à l’implication simultanée du thalamus et du cortex.

Cette approche a permis notamment de mettre en évidence le rôle essentiel des interconnexions thalamocorticales dans la survenue des absences.

Les données récentes de l’imagerie médicale, des techniques de marquage chez l’animal (2-désoxyglucose, c-fos, débit sanguin) et des enregistrements intracérébraux montrent en fait qu’aucune des trois théories ne peut expliquer la totalité des crises généralisées.

L’hypothèse selon laquelle chaque forme de crise, qu’elle soit focale ou généralisée, serait générée et se propagerait au sein d’un circuit neuronal qui lui serait propre, semble s’imposer actuellement.

Chacun de ces « circuits initiateurs » implique de façon spécifique un nombre limité de structures corticales et/ou sous-corticales.

Ce concept est en accord avec la réactivité pharmacologique des médicaments antiépileptiques, qui ont des effets très différents d’une forme d’épilepsie à l’autre.

Les crises générées au sein de ces circuits peuvent dans certains cas se propager à d’autres structures, qui définissent ainsi les circuits de propagation.

Enfin, les circuits initiateurs et de propagation sont sous le contrôle de circuits extérieurs, qui pourraient participer à l’interruption des crises ou au maintien des phases intercritiques.

B – CIRCUITS « PHYSIOLOGIQUES » ET CIRCUITS « ABERRANTS » :

Les crises d’épilepsie ont comme caractéristique commune la survenue d’activités oscillatoires synchrones et d’amplitude importante.

Comme dans le cas d’autres pathologies paroxystiques (douleurs centrales, hallucinations sensorielles, mouvements anormaux), les décharges paroxystiques épileptiques peuvent avoir pour origine la perturbation d’une activité oscillatoire synchrone physiologique.

La majorité de ces oscillations sont générées au sein des circuits thalamocorticaux, qui présentent des propriétés intrinsèques et des interconnexions réciproques qui leur permettent de décharger toniquement ou phasiquement.

Ainsi, dans ces circuits, des activités synchrones se manifestent dans des conditions physiologiques en fonction de l’état de veille ou au cours de certaines fonctions sensorielles ou motrices (ondes delta du sommeil lent profond, fuseaux ou spindles du sommeil lent léger, rythme alpha de la veille inattentive, activités gamma lors du traitement conscient et coordonné d’informations multimodales).

Dans ces circuits, la survenue d’oscillations pathologiques peut être secondaire à une perturbation des caractéristiques intrinsèques ou synaptiques des neurones, mais aussi à une altération des projections excitatrices ou inhibitrices vers l’une des composantes de ce réseau.

Dans ces circuits, aucune perte cellulaire n’est observée, malgré la répétition de crises.

De même, aucune réorganisation importante des connexions ne semble se développer.

Inversement, dans les épilepsies partielles, et en particulier celles qui impliquent des circuits limbiques, la survenue spontanée d’oscillations synchrones s’accompagne d’une réorganisation du circuit, secondaire à une néosynaptogenèse.

Ainsi, les crises limbiques pourraient résulter d’une acquisition de propriétés oscillatoires aberrantes au sein de circuits initiateurs.

Dans la deuxième partie de cette revue, deux exemples caractéristiques de chacun de ces circuits sont présentés.

1- Épilepsie-absences : rôle de la boucle thalamocorticale

Le circuit initiateur des crises d’épilepsie-absences a été approché dans un premier temps par l’équipe de Gloor, grâce au modèle de crises induites par la pénicilline chez le chat, puis chez l’homme par Niedermeyer (1996).

Par la suite, les différents modèles chez le rat et en particulier le modèle génétique du GAERS a permis de valider certaines hypothèses et de préciser l’architecture de ce circuit.

L’enregistrement avec des électrodes profondes bipolaires dans différentes régions du système nerveux central, a montré que les crises de plus forte amplitude sont enregistrées au niveau du cortex frontopariétal et des noyaux latéraux du thalamus.

Aucune crise n’est enregistrée au niveau de structures limbiques comme l’hippocampe ou l’amygdale.

De même, les lésions des noyaux réticulaire, ventrolatéral et ventropostérieur du thalamus, ou encore l’application d’une solution concentrée en potassium sur le cortex (spreading depression) abolissent les crises d’épilepsieabsences.

Les régions latérales du thalamus contiennent les corps cellulaires des neurones glutamatergiques assurant le relais des informations provenant de la périphérie.

Ces neurones se projettent sur les couches III et IV du cortex sensoriel, et reçoivent des projections directes glutamatergiques issues des cellules pyramidales des couches V et VI du cortex.

L’activité de cette « boucle thalamocorticale » est modulée par les projections GABAergiques qui proviennent du noyau réticulaire.

Ce mince noyau, qui enveloppe l’ensemble du thalamus, est exclusivement composé de neurones GABAergiques qui se projettent vers les différentes régions du thalamus, et qui sont innervés à la fois par les collatérales des projections thalamocorticales et par celles des projections corticothalamiques.

Les neurones thalamocorticaux, comme ceux du noyau réticulaire, présentent deux modes d’activité selon l’état de dépolarisation de leur membrane.

Lorsque ces neurones sont dépolarisés, ils présentent un mode de décharge tonique composé de potentiels d’action rapides dépendant du sodium et du potassium.

Ce mode de décharge est observé pendant les périodes d’éveil de l’individu, et permet le transfert des informations sensorielles.

Lorsque le potentiel de membrane des neurones thalamocorticaux est hyperpolarisé, des bouffées de potentiels d’action déclenchés par des entrées de calcium apparaissent.

Cette hyperpolarisation lente dépend du GABA, en particulier par le biais des récepteurs GABAB.

L’activation de ces récepteurs est en effet nécessaire à la survenue d’activités rythmiques physiologiques, qui sont à la base des activités rythmiques observées lors des états de sommeil (fuseaux, ondes delta), et qui pourraient être à l’origine des décharges de pointes-ondes qui caractérisent l’épilepsie-absences.

En effet, l’enregistrement EEG des crises d’absence chez le rat GAERS a montré que les neurones thalamocorticaux présentent une baisse de leur potentiel de membrane pendant la survenue des décharges de pointes-ondes.

De même, le blocage des récepteurs GABAB, en supprimant la possibilité pour les neurones thalamocorticaux de présenter toute activité rythmique, s’oppose à la survenue de décharges paroxystiques.

Ces résultats suggèrent qu’un dysfonctionnement de la transmission GABAergique au niveau des noyaux relais du thalamus pourrait être à l’origine des crises d’épilepsie-absences.

En outre, des récepteurs GABAB présynaptiques contrôlant la libération de glutamate et de GABA interviendraient également dans la régulation de l’activité fonctionnelle du thalamus et du cortex, et dans le contrôle des absences.

Ces hypothèses restent toutefois à préciser.

2- Crises du lobe temporal et plasticité du circuit hippocampique :

Dans le cas des épilepsies focales, l’hyperactivité neuronale au cours d’un état de mal initial ou de crises répétées entraîne des phénomènes de neuroplasticité qui sont déterminants dans le développement de crises récurrentes.

La plupart des études ont surtout porté sur l’hippocampe, et ont cherché à comprendre les mécanismes qui sous-tendent les crises dans les épilepsies du lobe temporal.

Selon les théories classiques, la neuroplasticité de l’hippocampe qui accompagne l’épileptogenèse tend à augmenter l’excitabilité de cette structure et ses possibilités de synchronisation, favorisant ainsi l’émergence de crises spontanées.

Plusieurs données récentes suggèrent cependant que certains de ces mécanismes de réorganisation tendent aussi à limiter l’excitabilité des circuits.

Certains aspects de cette neuroplasticité de l’hippocampe associée à l’épileptogenèse sont développés ici.

* Sclérose de l’hippocampe :

La réorganisation des circuits de l’hippocampe qui est observée sur des pièces d’exérèse ou dans des modèles animaux, est souvent associée à une perte cellulaire importante accompagnée d’une gliose réactionnelle.

L’examen des pièces d’exérèse provenant de patients atteints d’épilepsie du lobe temporal montre en effet une perte importante au niveau du hile du gyrus denté et du secteur CA1 de l’hippocampe.

Cette « sclérose » de l’hippocampe est également observée dans plusieurs modèles animaux, où des crises récurrentes apparaissent à la suite d’un état de mal convulsif de plusieurs heures.

Plusieurs travaux ont montré que cette perte cellulaire implique à la fois des phénomènes de nécrose et d’apoptose.

La répétition de crises d’épilepsie au sein de l’hippocampe semble également entraîner une perte cellulaire.

Chez l’animal, le phénomène d’embrasement par stimulation électrique de structures limbiques n’induit pas de lésion à proprement parler.

Cependant, une perte cellulaire significative a été mise en évidence dans le hile du gyrus denté et les secteurs CA1 et CA3 de la corne d’Ammon.

L’utilisation de marqueurs spécifiques de l’apoptose a permis de montrer que le nombre de neurones qui présentent une fragmentation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) est proportionnel au nombre de crises généralisées induites.

Ainsi, cette perte cellulaire discrète mais régulière pourrait, lorsque les crises impliquent des structures comme l’hippocampe, entraîner une diminution progressive de mécanismes inhibiteurs et se traduire par une aggravation des crises.

La perte cellulaire massive observée après un état de mal, est toujours associée à une gliose réactionnelle caractérisée par une augmentation du nombre et de la taille des astrocytes.

Ainsi, le marquage d’une protéine spécifique de ces cellules, la glial fibrillary activated protein (GFAP) est augmenté dans la plupart des structures impliquées dans l’élaboration d’une crise, et en particulier dans l’hippocampe.

Cette gliose réactionnelle pourrait moduler le métabolisme ou l’excitabilité neuronale par l’intermédiaire des transporteurs du glucose, du GABA et du glutamate présents à la surface de ces cellules.

De même, un rôle de ces cellules a été suggéré dans la propagation des ondes potassiques par le biais des gap junctions.

Cependant, la gliose réactionnelle est observée dans de nombreuses formes d’épilepsie, ainsi que dans la plupart des traumatismes du SNC.

Il est ainsi difficile de lui attribuer un rôle initiateur spécifique de l’épileptogenèse.

* Bourgeonnement des fibres moussues :

Le bourgeonnement des axones des cellules granulaires du gyrus denté (fibres moussues) associé aux crises d’épilepsie a été montré pour la première fois chez des rats traités à l’acide kaïnique.

D’autres publications ont montré par la suite l’existence d’un tel bourgeonnement dans différents modèles d’épilepsie du lobe temporal ou de crises généralisées, qu’ils soient associés ou non à une lésion.

L’étude d’hippocampes humains, post-mortem ou après exérèse chirurgicale, a également mis en évidence l’existence d’un bourgeonnement chez les patients épileptiques.

Cette forme de neuroplasticité a pour conséquence d’augmenter les connexions synaptiques, aussi bien entre les cellules granulaires (bourgeonnement collatéral) qu’au niveau terminal, où les fibres moussues font synapse avec les cellules pyramidales de l’aire CA3.

Ceci entraîne la formation de réseaux « aberrants » qui, associés à la surexpression de récepteurs du glutamate, se traduit par une augmentation de l’excitabilité des cellules granulaires et pyramidales.

Les relations entre bourgeonnement et épileptogenèse restent cependant sujettes à controverse : certains travaux récents montrent en effet que les deux phénomènes peuvent être dissociés.

* Neurogenèse :

La neurogenèse désigne la capacité de certaines cellules du cerveau embryonnaire ou adulte de se multiplier, de migrer et de se différencier en donnant naissance à des neurones.

Des cellules souches nerveuses capables de proliférer tout au long de la vie persistent dans deux régions du cerveau mature : au niveau de la zone sous-épendymaire périventriculaire, et de la zone sousgranulaire du gyrus denté de l’hippocampe qui donne naissance aux cellules granulaires.

Une augmentation transitoire de la prolifération des cellules souches de cette région de l’hippocampe a été mise en évidence dans différents modèles expérimentaux d’épilepsie (acide kaïnique ; pilocarpine ; embrasement).

Une partie des cellules néoformées migre ensuite en direction de la couche des cellules granulaires du gyrus denté.

Certaines de ces cellules se différencient au sein des cellules granulaires, développent des prolongements et acquièrent un phénotype semblable à celui des cellules granulaires voisines.

Le rôle de cette neurogenèse dans l’épileptogenèse n’est pas déterminé à l’heure actuelle.

Selon certains travaux, les neurones néoformés contribueraient à l’établissement d’un réseau de connexions « aberrantes » qui favoriserait l’épileptogenèse.

Selon d’autres auteurs, cette neurogenèse pourrait avoir une action bénéfique, en compensant les pertes neuronales dues aux crises.

* Transmissions GABAergique et glutamatergique :

Les structures limbiques et en particulier l’hippocampe sont riches en neurones GABAergiques et glutamatergiques.

Les neurones glutamatergiques constituent le circuit principal qui relie les neurones du gyrus denté à l’aire CA1, et les neurones GABAergiques sont essentiellement des interneurones.

Au cours de l’épileptogenèse qui suit un état de mal, ces neurones peuvent disparaître ou modifier leur morphologie, leur activité ou l’expression de leurs récepteurs.

L’une des principales modifications des neurones glutamatergiques concerne la capacité de bourgeonnement des neurones granulaires, qui va permettre une augmentation accrue de la libération de glutamate au niveau de l’aire CA3, ainsi qu’une plus grande capacité des neurones à se synchroniser.

À ces modifications s’ajoute une réorganisation des récepteurs du glutamate.

Ainsi, des modifications d’expression des sous-unités NMDA et AMPA ont été montrées, aussi bien chez l’homme que dans des modèles d’épilepsie impliquant l’hippocampe.

Ces modifications bouleversent la structure des récepteurs, leur conférant des propriétés différentes.

Elles sont très différentes selon le modèle et le type de cellules étudiées.

En ce qui concerne les interneurones GABAergiques, plusieurs travaux plus anciens avaient suggéré qu’ils étaient particulièrement sensibles aux traumatismes, et que leur disparition était à l’origine de l’hyperexcitabilité hippocampique.

Des travaux récents démontrent que les interneurones qui survivent dans le tissu épileptique ne restent pas passifs mais font preuve, au contraire, d’une plasticité remarquable.

Ainsi, des changements neurochimiques, morphologiques, et fonctionnels ont été rapportés dans différents modèles d’épilepsie du lobe temporal, ainsi que chez l’homme. Récemment, la formation d’axones surnuméraires dans la couche moléculaire interne du gyrus denté a été décrite dans le modèle à la pilocarpine chez le rat.

Ce bourgeonnement a lieu durant la phase latente, avant l’apparition de crises récurrentes, et pourrait être nécessaire au déclenchement des crises récurrentes.

Une hyperinnervation GABAergique du gyrus denté peut représenter un phénomène compensatoire, visant à augmenter l’inhibition neuronale en réponse à la formation de circuits récurrents excitateurs.

Alternativement, une telle innervation pourrait contribuer à augmenter la synchronisation de populations entières de cellules en grain, et participer ainsi à la survenue d’activités paroxystiques.

Par ailleurs, une augmentation prolongée dans les cellules en grain de l’expression du GABA, de son enzyme de synthèse, la GAD, ainsi que de neuropeptides présents habituellement dans les cellules GABAergiques (neuropeptide Y, dynorphine), a été observée dans plusieurs modèles animaux ainsi que sur des pièces de résection chez l’homme.

Ces cellules conservent leur phénotype glutamatergique, et la signification de l’apparition des autres marqueurs n’est pas établie.

De même, une diminution focale du nombre de récepteurs GABAA dans le lobe temporal est un des signes diagnostiques de l’épilepsie du lobe temporal avec sclérose de l’hippocampe.

Cette diminution, observée chez le patient par neuro-imagerie, correspond à une perte cellulaire importante des neurones de la couche pyramidale.

Cependant, la détection immunohistochimique des principales sous-unités des récepteurs GABAA a démontré au contraire une augmentation marquée de ces récepteurs dans les cellules survivantes, notamment les cellules en grain du gyrus denté et les interneurones, aussi bien chez l’homme que dans des modèles expérimentaux de l’épilepsie du lobe temporal.

Cette hausse de l’expression des récepteurs dans le gyrus denté correspond à la formation de nouveaux sites postsynaptiques sur les corps cellulaires et les dendrites des cellules en grain.

* Neurotransmissions impliquant les neuropeptides :

Un nombre croissant de données expérimentales suggère l’implication du neuropeptide Y, de la somatostatine et de leurs récepteurs dans la régulation de l’activité neuronale, à la fois dans des conditions physiologiques, et lors d’hyperactivités telles que celles observées au cours d’une crise d’épilepsie.

Une augmentation de l’expression et de la libération des deux neuropeptides est observée principalement dans l’hippocampe, l’amygdale, les cortex frontal, piriforme et entorhinal, à la suite de crises induites par acide kaïnique ou par embrasement. L’expression de ces neuropeptides est également accrue dans l’hippocampe épileptique humain.

Dans l’hippocampe, des crises brèves et peu sévères entraînent une augmentation de l’expression de neuropeptide Y et de somatostatine dans les interneurones GABAergiques.

De plus, une expression ectopique de neuropeptide Y apparaît dans les grains du gyrus denté et dans les fibres moussues qui n’en contiennent pas dans les conditions normales.

À l’inverse, un état de mal provoque la mort d’une sous-population d’interneurones à neuropeptide Y et somatostatine. Néanmoins, l’expression de ces peptides est augmentée dans les neurones qui survivent, suggérant une activation compensatrice de ces cellules.

Deux mécanismes pourraient expliquer la surexpression du neuropeptide Y et de la somatostatine observée dans l’hippocampe à la suite de crises épileptiques.

La stimulation des récepteurs ionotropes et métabotropes du glutamate entraîne une augmentation de l’expression du neuropeptide Y dans les cellules hippocampiques.

Les agonistes NMDA augmentent également les taux d’acide ribonucléique messager (ARNm) codant pour la somatostatine dans les cellules corticales en culture.

Ceci suggère que le glutamate libéré au cours d’une crise d’épilepsie joue un rôle dans la transcription accrue du neuropeptide Y et de la somatostatine.

Par ailleurs, l’expression du brain-derived neurotrophic factor (BDNF) augmente dans l’hippocampe à la suite de crises épileptiques, et cette neurotrophine entraîne une augmentation de l’expression du neuropeptide Y dans l’hippocampe.

Il apparaît donc probable que la surexpression du neuropeptide Y induite par les crises résulte de l’augmentation d’expression préalable du BDNF.

Dans les modèles d’épilepsie du lobe temporal induite par acide kaïnique ou embrasement, une modulation différentielle des récepteurs du neuropeptide Y est observée : la densité et/ou l’affinité des récepteurs Y2 et Y5 sont augmentés dans l’hippocampe, l’amygdale et les cortex piriforme et entorhinal.

À l’inverse, les taux d’ARNm et les sites de liaison pour les récepteurs Y1 et les récepteurs sst2 sont diminués dans le gyrus denté.

Des études électrophysiologiques et pharmacologiques in vitro et in vivo suggèrent des propriétés antiépileptiques pour le neuropeptide Y :

– le neuropeptide Y inhibe l’activité épileptiforme dans des tranches d’hippocampe ;

– l’injection intracérébrale de neuropeptide Y réduit l’excitabilité hippocampique, l’évolution de l’embrasement et la sévérité des crises induites par l’acide kaïnique ;

– les souris transgéniques n’exprimant pas de neuropeptide Y présentent des crises épileptiques spontanées et sont plus sensibles à celles induites par injection de convulsivants ;

– les agonistes des récepteurs Y2 présynaptiques inhibent la libération de glutamate sur les cellules pyramidales dans les tranches d’hippocampe de rat, en réduisant l’entrée de calcium dans les terminaisons présynaptiques.

In vivo, l’activation de ces récepteurs réduit l’excitabilité hippocampique.

De même, l’application d’agonistes des récepteurs Y5 sur des tranches d’hippocampe diminue l’excitabilité synaptique, et l’activation de ces récepteurs in vivo inhibe les crises induites par acide kaïnique.

À l’inverse, l’injection intrahippocampique d’antagonistes des récepteurs Y1 réduit la sévérité des crises provoquée par l’application d’acide kaïnique dans l’hippocampe.

Ainsi, la baisse d’expression de ces récepteurs pourrait se traduire par un effet antiépileptique.

Enfin, l’application prolongée de somatostatine sur des tranches d’hippocampe entraîne une hyperpolarisation qui résulte en partie de la réduction des courants calciques voltage-dépendants.

In vivo, l’injection intracérébrale d’un agoniste des récepteurs sst2 diminue la sévérité des crises induites par l’acide kaïnique.

En plus de ces propriétés anticonvulsivantes, la somatostatine exerce aussi des effets antiépileptogènes. Ainsi, la perfusion d’anticorps antisomatostatine dans l’hippocampe accélère l’embrasement de cette structure.

En conclusion, la façon dont les crises régulent l’expression des deux neuropeptides, ainsi que les données pharmacologiques, suggèrent qu’ils pourraient agir comme des substances anticonvulsivantes endogènes, en particulier dans le cas des crises limbiques.

La disparition de ces interneurones observée dans l’épilepsie du lobe temporal et dans les modèles d’état de mal pourrait contribuer à l’apparition des crises spontanées.

* Facteurs de croissance :

Les phénomènes de neuroplasticité biochimique et structurale qui accompagnent l’épileptogenèse suggèrent l’implication de facteurs neurotrophiques.

En effet, l’expression de certains de ces facteurs est modulée à la suite de crises épileptiques, aussi bien chez l’homme que dans les modèles animaux d’épilepsie, en particulier au niveau de l’hippocampe.

Parmi les facteurs de croissance, le BDNF est la neurotrophine dont l’expression (ARNm, protéine) est la plus fortement augmentée par une crise épileptique.

Cette augmentation peut être mesurée jusqu’à 4 jours après un état de mal convulsif chez le rat, suggérant un effet à long terme de cette neurotrophine dans l’hippocampe.

De même, l’expression du récepteur à haute affinité du BDNF, le TrkB, est augmentée dans les neurones de l’hippocampe et suggère un effet autocrine. Le rôle du BDNF au cours de l’épileptogenèse demeure controversé.

Certaines données suggèrent un rôle facilitateur.

En effet, le BDNF augmente la neurotransmission glutamatergique dans l’hippocampe et chez des souris transgéniques hétérozygotes qui expriment des taux réduits de BDNF, l’embrasement de l’amygdale est ralenti.

De même, des souris transgéniques qui surexpriment le BDNF présentent une sensibilité épileptique accrue à l’acide kaïnique.

L’interprétation de la réactivité biologique de souris génétiquement modifiées demeure néanmoins délicate, en raison de l’existence possible de phénomènes compensateurs au cours du développement.

D’autres données suggèrent au contraire un effet protecteur du BDNF.

Une perfusion chronique de BDNF recombinant dans l’hippocampe ralentit l’évolution de l’embrasement de l’hippocampe, de l’amygdale ou de la voie perforante chez le rat.

Inversement, une perfusion d’oligonucléotides antisens qui diminuent l’expression de BDNF endogène dans l’hippocampe se traduit par une accélération de l’embrasement de cette structure.

Ainsi, le BDNF pourrait exercer des effets biphasiques sur l’épileptogenèse :

– des effets immédiats proexcitateurs en facilitant la transmission glutamatergique ;

– sur le long terme, il induirait l’expression de nouveaux gènes conduisant à des effets neuroprotecteurs indirects, par exemple en favorisant l’expression de neurotransmetteurs inhibiteurs tels que le neuropeptide Y.

C – CIRCUITS DE CONTRÔLE : GANGLIONS DE LA BASE

Nos connaissances actuelles sur les circuits qui sont à l’origine des crises ou qui en permettent la propagation laissent plusieurs questions en suspens.

En particulier, ces données n’expliquent pas pourquoi l’expression de la pathologie est épisodique, ni pourquoi les périodes intercritiques peuvent être parfois très longues.

De même, l’arrêt soudain de la plupart des crises ne peut s’expliquer par un phénomène passif, secondaire à « l’épuisement » des neurones du circuit d’initiation.

Plusieurs observations suggèrent que l’activité des circuits initiateurs, comme celle des circuits de propagation, pourrait être modulée par des circuits de contrôle.

De tels circuits pourraient notamment intervenir dans l’interruption des crises, en raison de leur mise en jeu par les circuits initiateurs ou de propagation ou par d’autres mécanismes.

Le dysfonctionnement des circuits de contrôle conduirait à un état de mal ou à des crises persistantes.

Parmi les circuits de contrôle, les ganglions de la base sont ceux pour lesquels nous possédons à l’heure actuelle le plus d’informations.

Les ganglions de la base constituent un ensemble de circuits sous-corticaux qui jouent un rôle essentiel dans le contrôle de la motricité et de conduites motivées.

Ce système comprend les noyaux caudé, putamen et accumbens (striatum) comme voie d’entrée principale, et la substance noire réticulée (SNr) et le segment interne du pallidum comme voies de sortie.

Ces deux dernières structures reçoivent une projection inhibitrice GABAergique qui provient directement du striatum. Elles possèdent également une afférence excitatrice glutamatergique issue du noyau sous-thalamique.

Ce noyau reçoit des projections corticales glutamatergiques, et représente à ce titre une deuxième voie d’entrée des ganglions de la base. Son activité est contrôlée par le striatum via le segment externe du pallidum, avec lequel il forme la voie striatonigrale « indirecte ».

L’ensemble des données expérimentales ne permet pas d’impliquer l’une ou l’autre des structures des ganglions de la base dans l’initiation de crises d’épilepsie.

Ainsi, la stimulation électrique ou chimique du striatum ou de la SNr chez l’animal n’induit que très rarement des crises d’épilepsie.

Lorsque cela a été réalisé, les enregistrements EEG des structures des ganglions de la base pendant des crises ont montré des modifications d’activité, voire la survenue de décharges paroxystiques, dans certains cas.

Cependant, l’amplitude et la durée de ces décharges sont plus faibles que celles enregistrées au niveau du cortex ou des structures directement impliquées dans l’initiation des crises.

Les études utilisant des marqueurs de l’activité métabolique (2-désoxyglucose) ont souvent montré une augmentation de la consommation de glucose dans plusieurs structures des ganglions de la base, en particulier à la suite d’état de mal épileptique.

Selon ces données, les ganglions de la base interviendraient dans la propagation des crises, et participeraient à l’expression motrice des crises.

Depuis le début des années 1980, plusieurs études ont montré que la potentialisation pharmacologique de la transmission GABAergique au sein de la SNr a des effets antiépileptiques, aussi bien sur le plan clinique qu’électroencéphalographique, dans différents modèles de crises épileptiques généralisées chez le rat.

De même, la manipulation pharmacologique des principales structures des ganglions de la base qui se projettent sur la SNr peut avoir des effets antiépileptiques.

Les modèles utilisés ayant des circuits initiateurs très différents (électrochoc, convulsivants, embrasement, épilepsie-absence génétique), il a été proposé que des neurones de la SNr participaient à un système qui contrôlerait différents types de crises impliquant le cerveau antérieur.

Les mécanismes par lesquels l’inhibition de la SNr exerce des effets antiépileptiques ne sont pas connus à l’heure actuelle.

Il semble, cependant, que les voies GABAergiques issues de cette structure, et qui se projettent sur les couches intermédiaires et profondes du colliculus supérieur, soient plus particulièrement impliquées.

L’ensemble de ces résultats suggère l’existence de certains circuits, impliquant notamment le système des ganglions de la base dont la mise en jeu, par les crises elles-mêmes ou par d’autres phénomènes, pourrait participer à l’interruption des crises ou au maintien de périodes intercritiques.

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