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Physiologie du système pigmentaire

Introduction :

La couleur de la peau, des cheveux et des poils résulte de l’activité sécrétrice de cellules spécialisées, les mélanocytes.

Ces cellules situées dans la couche basale de l’épiderme et dans le bulbe des follicules pileux ont les mélanoblastes pour précurseurs.

Ces cellules migrent précocement durant la vie embryonnaire depuis les crêtes neurales jusqu’à leurs différents territoires définitifs, puis se multiplient et se différencient en mélanocytes, avec acquisition de la capacité à synthétiser et distribuer dans ces tissus des pigments particuliers, les mélanines.

La synthèse des mélanines met en jeu une série de réactions enzymatiques, et se déroule à l’intérieur d’organites spécialisés des mélanocytes, les mélanosomes.

Durant cette synthèse, les mélanosomes sont transportés vers l’extrémité des dendrites mélanocytaires, puis transférés vers les kératinocytes, où ils vont subir une dégradation progressive.

La pigmentation mélanique est génétiquement prédéterminée.

Elle peut être régulée par les rayonnements ultraviolets, ainsi que par de nombreux agents (hormones, peptides, médiateurs chimiques…).

Embryogenèse du système pigmentaire (mélanocytogenèse) :

Les mélanocytes ont pour précurseurs les mélanoblastes, cellules dérivées de la crête neurale.

Les crêtes neurales sont deux structures transitoires situées à la partie dorsale du tube neural, d’où dérivent, outre les mélanocytes, plusieurs lignées cellulaires, telles que des cellules de soutien du système nerveux, certains neurones (ganglions spinaux, ganglions entériques…), les cellules de la médullosurrénale et certaines cellules osseuses et mésenchymateuses du squelette facial.

Ces cellules ont des précurseurs communs totipotents qui se différencient progressivement durant leur migration des crêtes neurales jusqu’à leur(s) territoire(s) cible(s).

Ces précurseurs quittent les crêtes neurales par leur partie postérieure et se dirigent vers une « zone d’attente » située en arrière de la partie dorsale des somites en formation.

Chez l’oiseau, il a été montré que la détermination vers un phénotype mélanocytaire des cellules pluripotentes intervenait très précocement, avant même l’arrivée dans cette région.

L’événement moléculaire responsable de ce phénomène reste inconnu.

La plupart des cellules vont ensuite migrer à la face interne des somites selon une voie ventromédiale.

Seuls les mélanoblastes empruntent un trajet différent et cheminent selon une voie dorsolatérale entre l’ectoderme et le dermomyotome.

Dès la huitième semaine de vie embryonnaire chez l’homme, ils vont pénétrer et proliférer dans le mésoderme sous-épidermique, puis coloniser l’épiderme et les follicules pileux.

Ils vont alors rapidement se différencier en mélanocytes matures, avec apparition d’expansions cytoplasmiques appelées dendrites mélanocytaires et début de synthèse des mélanines.

En empruntant des voies de migration identiques, des mélanoblastes vont aussi coloniser certaines structures oculaires (choroïde, stroma ciliaire et irien), auditives (organe vestibulaire, strie vasculaire du canal cochléaire) et nerveuses (leptoméninges).

Seuls les mélanocytes de l’épithélium pigmenté de la rétine, qui dérivent de l’ectoderme neuronal de la partie antérieure du tube neural, empruntent une voie différente.

L’étude des hypomélanoses génétiques animales et humaines a conduit à l’identification de nombreux facteurs impliqués dans le contrôle de la mélanocytogenèse.

* c-Kit :

C’est un récepteur membranaire exprimé à la surface des mélanoblastes, ayant pour ligand le stem cell factor (SCF) ou mast cell growth factor (MGF).

Chez l’homme, des mutations du gène de c-Kit sont responsables du piébaldisme, affection se caractérisant par une absence de mélanocytes dans les zones les plus éloignées du point de départ des mélanoblastes (parties médianes du corps et des extrémités).

Ceci fait évoquer un rôle du couple c-Kit/SCF dans la migration et/ou la survie des mélanoblastes.

Certains travaux récents suggèrent qu’ils auraient une fonction antiapoptotique sur les cellules mélanocytaires en migration.

* Microphtalmia (MITF) :

C’est une protéine faisant partie d’une famille de facteurs de transcription impliqués dans les processus de prolifération et de différenciation cellulaire et la régulation du développement.

Chez l’homme, des mutations du gène du MITF ont été détectées chez des patients atteints de syndrome de Waardenburg de type II-A, qui se manifeste par une surdité et une hypomélanose localisée par absence de mélanocytes cutanés, iriens et pilaires.

La transfection de fibroblastes en culture avec un vecteur codant MITF conduit à l’expression de marqueurs de différenciation mélanocytaire (tyrosinase, tyrosinase related protein TRP-1 ou TRP-2) et modifie la morphologie de ces cellules vers un phénotype dendritique.

* PAX-3 :

C’est un facteur de transcription dont l’action n’est pas clairement établie. Une interaction PAX-3-MITF serait en jeu : PAX-3 stimulerait l’expression de MITF en se liant directement sur son promoteur.

Des mutations du gène PAX-3 humain ont été trouvées au cours de syndrome de Waardenburg de types I et III.

* Endothéline-3 (EDN3) :

C’est un peptide vasoconstricteur dont le récepteur (EDNRB) est largement exprimé par les mélanoblastes.

Il a été montré que l’EDN3 est in vitro un puissant mitogène des cellules pluripotentes des crêtes neurales et un inducteur de la différenciation de ces cellules vers les lignées mélanocytaire et gliale.

Chez l’homme, des mutations des gènes de l’EDN3 et de l’EDNRB sont à l’origine de syndrome de Waardenburg de type IV, qui associe une dépigmentation par absence de mélanocytes et un mégacôlon par absence de cellules gliales coliques.

* SOX-10 :

Chez l’homme, des mutations du gène de SOX-10 ont été rapportées au cours de syndrome de Waardenburg de type IV. SOX-10 est un facteur de transcription impliqué dans le développement et la survie des mélanoblastes, qui agit indirectement sur ces cellules en stimulant l’expression du MITF en coopération avec PAX-3.

Cette action passe par la transactivation concomitante par SOX-10 et PAX-3 du promoteur du gène du MITF.

Aspects cellulaires et subcellulaires du système pigmentaire :

A – DONNÉES MORPHOLOGIQUES :

1- Microscopie photonique :

* Colorations standards :

Sur les préparations de peau totale colorées par l’hématoxylineéosine-safran, les mélanocytes apparaissent comme des cellules claires et globuleuses localisées dans l’assise basale de l’épiderme.

Deux méthodes permettent de mieux les visualiser : l’utilisation de colorations argentiques qui colorent chimiquement les mélanines en noir, et la dihydroxyphénylalanine (dopa)-réaction qui consiste à incuber les tissus non fixés dans une solution de dopa pour stimuler la production de mélanines.

Les mélanocytes apparaissent alors sous la forme de cellules dendritiques brunes ou noires possédant des prolongements cytoplasmiques s’insinuant vers le haut entre les kératinocytes des assises suprabasales.

* Immunohistochimie :

Les mélanocytes sont spécifiquement reconnus grâce à l’expression de l’antigène Melan-A/MART-1, de la tyrosinase et de TRP-1.

Les mélanocytes expriment aussi de façon constitutive la protéine S100ab et la vimentine.

L’anticorps HMB-45 reconnaît la glycoprotéine pmel-17. Il est exprimé dans les mélanoblastes, les mélanocytes du bulbe pilaire et les mélanocytes épidermiques activés (mais pas par ceux de l’épiderme adulte normal).

2- Microscopie électronique :

* Morphologie des mélanocytes :

Ils se distinguent des autres cellules de l’épiderme par les caractères négatifs suivants : absence de tonofilaments, de desmosomes et de granules de Langerhans, et surtout par la présence d’un organite spécifique, le mélanosome.

Le cytoplasme du mélanocyte est plus clair que celui des autres cellules épidermiques et contient un appareil de Golgi souvent bien développé et de nombreuses lamelles ergastoplasmiques siégeant dans le corps cellulaire.

Il existe aussi un réseau abondant de microtubules disposés parallèlement au grand axe des dendrites mélanocytaires.

Le noyau des mélanocytes est en général bien arrondi, contenant une chromatine fine et un nucléole bien visible.

La morphologie des mélanocytes folliculaires est tout à fait comparable à celle des mélanocytes épidermiques.

Des modifications mélanocytaires sont cependant observées durant le cycle pilaire, à type d’augmentation du volume cytoplasmique, de l’appareil de Golgi, du réticulum endoplasmique granuleux, et d’accroissement du nombre de mélanosomes au début de la phase anagène.

* Morphologie des mélanosomes :

Les mélanosomes ont une morphologie différente selon le type de pigments synthétisés : les eumélanosomes sont les plus répandus et synthétisent des eumélanines ; les phaeomélanosomes produisent eux des phaeomélanines.

Durant la synthèse des mélanines, les mélanosomes subissent de plus une maturation morphologique classée schématiquement en quatre stades évolutifs selon l’aspect observé en microscopie électronique.

+ Eumélanosomes :

– Stade I : vésicule sphérique limitée par une membrane et contenant un matériau granulaire fin ou filamenteux à forme hélicoïdale selon une périodicité de l’ordre de 20 nm.

– Stade II : structure ovoïde ou arrondie qui contient des filaments avec ou sans ponts croisés.

– Stade III : la structure interne est identique à celle des mélanosomes stade II, mais la synthèse des mélanines est active, ce qui se manifeste par l’apparition d’un matériau dense aux électrons sur la matrice filamenteuse.

– Stade IV : l’organite est ovalaire, opaque aux électrons et les structures internes se font complètement invisibles.

Des « corps vésiculoglobulaires » clairs sont présents à la surface des mélanosomes où ils forment des protrusions localisées.

+ Phaeomélanosomes :

Il est aussi possible d’individualiser quatre types évolutifs de phaeomélanosomes.

Ils se distinguent des eumélanosomes par une morphologie arrondie jusqu’au stade IV, une absence de matrice filamenteuse, et une mélanisation prenant place à l’intérieur de microvésicules, qui vont peu à peu s’obscurcir, conférant au final à l’organite un aspect granuleux irrégulier.

B – POPULATION MÉLANOCYTAIRE DE LA PEAU HUMAINE ADULTE :

Chez les mammifères, le système mélanocytaire peut être considéré comme un système essentiellement bicompartimental avec un compartiment épidermique et un compartiment folliculaire.

Il existe un troisième compartiment extracutané, très minoritaire correspondant aux mélanocytes des muqueuses, semi-muqueuses et des yeux.

Chez un homme adulte, la masse mélanocytaire active et fonctionnelle de la peau peut être estimée de 1 à 1,5 cm3.

1- Compartiment épidermique :

Chez les humains, le compartiment épidermique est largement prédominant.

L’activité mitotique basale des mélanocytes épidermiques est faible comparativement à celle des kératinocytes et s’accroît après irradiation par les ultraviolets (UV).

Les mélanocytes se distribuent de façon homogène, à intervalle de distance régulier, ce qui permet presque de distinguer un territoire pour chaque cellule pigmentaire.

Ils siègent dans la couche basale de l’épiderme, avec en moyenne un mélanocyte tous les 10 à 15 kératinocytes basaux, et émettent des prolongements cellulaires, les dendrites, qui vont entrer en contact avec les kératinocytes voisins et suprabasaux.

Chaque mélanocyte établit ainsi des contacts avec une moyenne de 30 à 40 kératinocytes.

Cet ensemble de cellules constitue une unité fonctionnelle, l’unité épidermique de mélanisation (UEM), concept qui, bien que très schématique, permet de modéliser les interactions mélanocytes-kératinocytes.

La densité de mélanocytes épidermiques mélaniquement actifs (dopa-positif) varie d’un point à l’autre du tégument.

Elle est plus élevée sur la face, les avant-bras et la région génitale (2 000/mm2) que sur le reste du corps (900-1 500/mm2).

Il est important de noter que la densité mélanocytaire au niveau d’un site anatomique donné est approximativement identique quel que soit le phototype des sujets étudiés.

Les différences de pigmentation cutanée entre individus ne sont donc pas fonction du nombre d’UEM, mais liées à la quantité de mélanosomes dans chaque UEM.

Le mode de distribution de ces mélanosomes dans les kératinocytes (isolé versus agrégats) aurait aussi une influence sur la coloration finale du tégument.

Les variations de densité mélanocytaire interindividuelles dépendent de plusieurs facteurs :

– génétiques : le nombre de mélanocytes actifs et leur répartition sur le tégument sont génétiquement prédéterminés ;

– environnementaux : une exposition unique aux radiations UV accroît le nombre de mélanocytes épidermiques actifs.

Des expositions répétées entraîneraient une activation irréversible des cellules pigmentaires, ce qui expliquerait en partie les variations interindividuelles de densité mélanocytaire ;

– sénescence : on observe avec l’âge une décroissance de la population de mélanocytes actifs.

Dans les zones exposées, aussi bien que non exposées aux UV, cette perte a été estimée à environ 8 % tous les 10 ans.

Il n’est pas établi si cette décroissance est liée à une véritable disparition des mélanocytes ou à une transformation de ceux-ci en une forme inactive (mélanocytes dopa-négatifs) ;

– hormonaux : un (ou des) facteurs hormonal(aux) pourrai(en)t expliquer la grande densité mélanocytaire des organes génitaux externes masculins.

2- Compartiment folliculaire :

Dans les follicules pileux actifs, les mélanocytes siègent au niveau de l’infundibulum de la paroi de la tige pilaire et dans la partie supérieure du bulbe pilaire au contact du sommet de la papille dermique.

L’utilisation d’anticorps spécifiques des mélanocytes a aussi permis d’identifier une population de mélanocytes amélaniques (dopa-négatifs) à la partie moyenne et inférieure de la gaine épithéliale.

Des mélanocytes actifs ont aussi été détectés à ce niveau après photochimiothérapie, dermabrasion et exposition aux UV et aux rayons X.

La croissance et l’activité mélanogénique des mélanocytes sont étroitement liées aux phases du cycle pilaire.

Au début de la phase anagène, des mélanocytes situés à la partie supérieure du bulbe pilaire vont proliférer et commencer à produire du pigment, qui va être transféré aux kératinocytes issus de la papille folliculaire lors de leur ascension vers le cortex et la médullaire de la tige pilaire.

La mélanogenèse prend fin avant la fin de la phase anagène avec, pour conséquence, une absence de pigmentation de la partie proximale de la tige pilaire.

Durant la phase suivante, c’est-à-dire la phase catagène, l’involution folliculaire propre à cette partie du cycle pilaire s’accompagne d’une disparition des mélanocytes bulbaires.

Au début de la phase anagène suivante, une recolonisation mélanocytaire précoce du bulbe pilaire est observée. L’origine des mélanocytes impliqués dans cette recolonisation n’est pas clairement établie.

Le réservoir mélanocytaire pourrait être constitué par les mélanocytes amélaniques situés au niveau de la protubérance de la gaine épithéliale externe et/ou par des mélanocytes du germe pilaire ayant survécu à l’involution folliculaire de la phase catagène précédente.

La détection par microscopie électronique et immunohistochimie de mélanocytes amélaniques dans la capsule épithéliale en phase catagène et dans le germe pilaire en phase télogène plaide pour cette dernière hypothèse.

Les facteurs intervenant dans la repopulation mélanocytaire des bulbes pilaires au cours des cycles pilaires successifs sont mal connus.

Certains travaux suggèrent un rôle central du SCF et de son récepteur c-Kit dans ce phénomène.

Comme dans l’épiderme, le nombre de mélanocytes folliculaires va en décroissant avec l’âge, entraînant à partir de la troisième décennie un grisonnement, puis à terme un blanchiment complet de la chevelure.

Les mécanismes en jeu ont peu été étudiés.

Une apoptose mélanocytaire impliquant la famille d’oncogènes Bcl-2 pourrait intervenir dans ce phénomène de dépopulation mélanocytaire.

C – ADHÉSION ET MOBILITÉ MÉLANOCYTAIRE :

Le positionnement des mélanocytes dans l’épiderme est stabilisé par des interactions avec les kératinocytes et certains constituants de la membrane basale.

La cadhérine-E, qui est exprimée in vitro par les mélanocytes et les kératinocytes, semble jouer un rôle important dans les interactions mélanocyte-kératinocyte.

Plusieurs intégrines interviennent aussi dans les interactions mélanocyteskératinocytes et mélanocytes-composants de la membrane basale.

L’expression des intégrines par les mélanocytes est restreinte à certains isotypes particuliers, en particulier av-b1 et a3-b1.

Ceci suggère des interactions étroites avec certains composants de la membrane basale, comme la laminine 5, le collagène et la fibronectine.

Les intégrines jouent aussi un rôle dans la migration in vitro des mélanocytes.

Enfin, comme les fibroblastes et les kératinocytes, les mélanocytes sont capables in vitro de synthétiser certains composants protéiques de la matrice extracellulaire.

En modifiant ainsi leur microenvironnement, ils pourraient être capables de moduler eux-mêmes leur capacité d’adhésion et de migration.

Mécanismes de synthèse et de distribution des mélanines :

A – MÉLANOGENÈSE :

1- Principaux types de mélanine :

Les mélanines sont des polymères.

Elles ne constituent pas à proprement parler une classe chimique bien définie.

Il s’agit plutôt d’un ensemble de molécules proches présentant différents degrés de polymérisation et d’oxydation.

Bien que la couleur du pigment et leur solubilité dans les solvants ne soient pas spécifiques, ces propriétés physicochimiques sont utilisées pour classer les mélanines en deux grands types, les eumélanines et les phaeomélanines :

– les eumélanines sont des mélanines de haut poids moléculaire, de couleur brune ou noire, insolubles dans la plupart des solvants.

Elles résultent de la polymérisation oxydative de divers précurseurs indoliques à structure cyclique dérivés de la dopaquinone, en particulier la 5,6-dihydroxyindole (DHI).

Leur couleur noire ou foncée découle de leur structure cyclique qui piège la lumière ;

– les phaeomélanines sont des mélanines de coloration jaune orangé, solubles dans les bases, ayant des teneurs élevées en azote et en soufre.

Elles proviennent de la polymérisation oxydative des cystéinyldopas ;

– les mélanines « mixtes » : la classification biochimique des mélanines en deux types bien distincts est schématique.

Il a été montré qu’une copolymérisation impliquant des monomères d’eumélanines et de phaeomélanines peut survenir in vivo, avec un mélange en quantité variable des deux types de pigments.

2- Biosynthèse des mélanines et contrôle enzymatique de la mélanogenèse :

La mélanogenèse résulte d’une succession de réactions catalysées par différentes enzymes dont les mieux caractérisées sont la tyrosinase, la TRP-1 et la TRP-2.

Cette synthèse a pour substrat un acide aminé, la tyrosine, qui est transformé successivement en 3-4 dopa, puis en dopaquinone sous l’action de la tyrosinase.

Les voies de synthèse divergent ensuite, impliquant TRP-1 et TRP-2 dans l’eumélanogenèse, et l’incorporation de dérivés soufrés dans la phaeomélanogenèse.

* Tyrosinase, TRP-1 et TRP-2 :

Ces trois enzymes sont des protéines transmembranaires siégeant dans la paroi des mélanosomes.

Bien que codées par des gènes distincts, elles possèdent environ 40 % d’homologie de séquence, en particulier dans des régions importantes pour leur fonction telles que leur partie C-terminale (peptide signal), leur domaine transmembranaire, deux sites de liaison au cuivre et deux régions riches en cystéines.

Elles sont synthétisées sous forme de protéines avoisinant les 55 kDa, qui vont subir des modifications posttraductionnelles dans l’appareil de Golgi, avant d’être délivrées aux mélanosomes sous forme de protéines matures glycosylées d’approximativement 75 kDa.

– La tyrosinase est codée par le locus albino, présent sur le chromosome 11 chez l’homme.

Elle catalyse les deux premières réactions de la voie de synthèse des mélanines, l’hydroxylation de la tyrosine en dopa et l’oxydation de la dopa en dopaquinone.

Elle constitue ainsi l’enzyme limitante de la mélanogenèse.

Une activité DHI oxydase lui a également été associée.

De nombreuses mutations au locus albino, correspondant aux albinismes oculocutanés de type 1, sont connues chez l’homme.

– La TRP-1 est codée par le locus Brown (chromosome 9 chez l’homme).

Sa fonction principale est d’oxyder l’acide 5,6-DHI-2 carboxylique (DHICA) en acide indole-5,6-quinone-2 carboxylique. Des mutations de TRP-1 ont été identifiées chez l’homme et sont responsables de l’albinisme oculocutané de type 3.

– La TRP-2 ou dopachrome tautomérase (DCT) est codée par le locus slaty (chromosome 13 chez l’homme).

Elle possède la capacité d’isomériser la dopachrome en DHICA.

En l’absence de TRP-2, la dopachrome peut cependant être spontanément convertie en 5,6-DHI.

* Autres protéines impliquées dans la mélanogenèse :

– La protéine P : c’est une protéine de 110 kDa de la membrane des mélanosomes, codée par le gène situé au locus pink-eyed dilution (chromosome 15 chez l’homme).

Des mutations de ce gène sont responsables chez l’homme de l’albinisme oculocutané de type 2, et entraînent chez la souris une réduction importante du dépôt des eumélanines mais pas des phaeomélanines, suggérant que la protéine P participe à la régulation de l’eumélanogenèse.

Des travaux récents ont montré que la protéine P intervient dans la régulation du pH des mélanosomes et contrôle ainsi indirectement la mélanogenèse.

En effet, les variations de pH dans la lumière des mélanosomes influent directement sur leur activité mélanogénique.

– Pmel-17 : c’est une protéine de 110 kDa de la matrice des mélanosomes codée par le locus silver (chromosome 12 chez l’homme).

Son rôle est mal connu : elle intervient dans la régulation de la mélanogenèse, comme l’atteste l’existence d’hypopigmentation chez les souris souffrant de mutation au locus silver, mais n’aurait pas de fonction enzymatique propre.

Pmel-17 pourrait avoir pour fonction de réguler les étapes finales de la mélanogenèse, en stabilisant les DHI et les DHICA (activité « stabiline ») et favorisant leur incorporation dans les mélanines.

– Membrane associated transporter protein (MATP) : c’est une protéine de la paroi des mélanosomes dont la fonction exacte est inconnue.

L’étude de sa séquence peptidique indique qu’il s’agit d’une protéine à 12 domaines transmembranaires, laissant à penser qu’elle pourrait avoir une fonction de transporteur membranaire. Des mutations du gène de MATP ont été identifiées chez l’homme et sont responsables de l’albinisme oculocutané de type 4.

B – BIOGENÈSE, TRANSPORT, TRANSLOCATION ET DÉGRADATION DES MÉLANOSOMES :

La synthèse des mélanines s’effectue dans les mélanosomes, organites cytoplasmiques spécifiques des mélanocytes appartenant à la lignée lysosomiale.

Durant la mélanogenèse, les mélanosomes subissent une maturation morphologique et sont transportés vers l’extrémité des dendrites mélanocytaires.

Dans l’épiderme et les follicules pileux, ils sont ensuite transférés aux kératinocytes, où ils sont digérés et leur contenu dispersé.

1- Biogenèse des mélanosomes :

La biosynthèse des mélanosomes est un processus complexe se déroulant dans la région périnucléaire des mélanocytes : les mélanosomes matures de stades III et IV résultent de la fusion de prémélanosomes (mélanosomes stades I et II) contenant les protéines de structure spécifiques des mélanosomes, avec des vésicules recouvertes de clathrine en provenance directe du trans-Golgi et transportant la machinerie enzymatique de la mélanogenèse (tyrosinase ; TRP-1 ; TRP-2).

Contrairement à ce que suggéraient les observations morphologiques anciennes, les prémélanosomes ne dérivent pas du réticulum endoplasmique lisse : ils se forment à partir d’endosomes particuliers, les « endosomes recouverts », qui semblent dériver des endosomes précoces et correspondre à une forme intermédiaire entre endosomes précoces et tardifs.

La formation des prémélanosomes se fait par enrichissement progressif des « endosomes recouverts » en protéines structurales des mélanosomes (telles que pmel-17).

Celles-ci sont acheminées dans des vésicules dérivées du trans-Golgi vers les endosomes recouverts avec lesquels elles vont fusionner.

D’autres vésicules, recouvertes de clathrine, issues elles aussi du trans-Golgi et transportant la machinerie enzymatique de la mélanogenèse, vont ensuite venir fusionner avec les prémélanosomes pour former les mélanosomes matures.

La synthèse des mélanines peut alors débuter.

Les protéines spécifiques des mélanosomes proviennent donc toutes du trans-Golgi, mais sont incorporées aux mélanosomes par des voies différentes (transport direct ou via les endosomes précoces des protéines de structure aux « endosomes recouverts », et transport des enzymes de la mélanogenèse directement du trans-Golgi vers les mélanosomes stade II), ce qui suppose la mise en jeu de mécanismes de tri et d’adressage propres à chacune de ces voies.

Plusieurs protéines impliquées dans la biogenèse des mélanosomes et de divers organites issus de la lignée lysosomiale, tels que les granules denses plaquettaires et les granules lysosomiaux leucocytaires, ont été identifiées :

– HPS-1 est une protéine des mélanosomes codée par le locus Pale ear chez la souris et dont certaines mutations sont responsables chez l’homme du syndrome de Hermansky-Pudlak de type 1, qui associe une hypopigmentation cutanéophanérienne, un syndrome hémorragique par déficit en corps denses plaquettaires et des manifestations liées à une accumulation intracellulaire de lysosomes.

HPS-1 est une protéine cytosolique, de structure originale, ne partageant aucune homologie avec d’autres protéines connues.

Elle interviendrait dans la biogenèse des prémélanosomes par un mécanisme pour l’instant inconnu.

– AP-3 est un complexe adaptateur interagissant avec la clathrine.

Il se localise aux endosomes précoces et interviendrait dans le tri et le transport des protéines du réseau post-golgien et/ou du compartiment endosomal vers les mélanosomes.

Des mutations du gène codant la sous-unité b3A de AP-3 sont responsables du syndrome de Hermansky-Pudlak de type 2.

– CHS-1 est une protéine de la membrane des mélanosomes codée par le locus Beige chez la souris.

Elle interviendrait dans l’organellogenèse en régulant négativement la fusion de certains organites intracellulaires, comme les mélanosomes.

Des mutations de CHS-1 ont été rapportées chez l’homme au cours du syndrome de Chediak-Higashi de type 1, qui se caractérise par un albinisme partiel, un déficit immunitaire sévère, et la présence de mélanosomes et de granules intracytoplasmiques géants dans les mélanocytes et les leucocytes.

2- Transport des mélanosomes :

Après leur synthèse dans la région périnucléaire, et tandis que s’élaborent en leur sein les mélanines, les mélanosomes vont être transportés vers l’extrémité des dendrites mélanocytaires.

Il s’agit d’un transport actif biphasique via le cytosquelette : les mélanosomes sont d’abord transportés de l’espace périnucléaire jusqu’à la partie distale du corps des dendrites par le réseau de microtubules, puis transférés jusqu’à la pointe de ces derniers via le cytosquelette d’actine.

Récemment, il a été montré in vitro que les mélanosomes des mélanocytes humains normaux étaient aussi animés de mouvements rétrogrades depuis les dendrites vers le noyau.

Les protéines motrices induisant le déplacement des mélanosomes, en liant d’un côté ces organites et de l’autre le cytosquelette, sont en cours d’identification.

Deux moteurs moléculaires associés aux microtubules, la kinésine et la dynéine, participeraient respectivement au transport antérograde et rétrograde des mélanosomes dans le corps des dendrites.

Arrivés à la partie distale du corps des dendrites, les mélanosomes sont « capturés » par liaison à une myosine non conventionnelle, la myosine Va, qui assure ensuite, via le réseau d’actine, leur transport vers la pointe des dendrites.

En pathologie humaine, des mutations du gène de la myosine Va ont été rapportées au cours du syndrome de Griscelli-Prunieras de type 1, maladie associant une hypopigmentation cutanéophanérienne et des troubles neurologiques.

Certains cas de syndrome de Griscelli-Prunieras se caractérisent en plus par un déficit immunitaire sévère (syndrome de Griscelli-Prunieras de type 2).

Ils ont été rapportés à des mutations d’un gène codant une petite protéine G appelée Rab27a.

Cette protéine nécessaire au transport périphérique des mélanosomes assurerait la liaison physique entre myosine Va et mélanosomes à l’extrémité des dendrites mélanocytaires.

Cette liaison ferait intervenir une troisième molécule récemment identifiée, la mélanophiline.

Il s’agit d’une protéine de la famille synaptogamine like-protein (slp), qui jouerait un rôle de molécule adaptatrice en liant d’un côté Rab27 et de l’autre la myosine Va.

Translocation des mélanosomes aux kératinocytes Après avoir atteint la pointe des dendrites, les mélanosomes sont transférés aux kératinocytes.

Plusieurs mécanismes ont été avancés pour expliquer ce phénomène :

– un relargage des mélanosomes dans l’espace intercellulaire, suivi d’une endocytose par les kératinocytes ;

– un transfert des mélanosomes par une communication directe entre les deux types cellulaires ;

– un processus de cytophagocytose des extrémités dendritiques par les kératinocytes.

Les études morphologiques in vitro, par microscopie électronique et vidéomicroscopie, plaident pour cette dernière hypothèse.

Dans un premier temps, une expansion cytoplasmique dendritique contenant de nombreux mélanosomes entre en contact avec la membrane du kératinocyte, qui va former un repli, puis une invagination.

Celle-ci va se refermer pour former une vacuole à deux membranes.

Tandis que les vacuoles sont transférées vers l’espace périnucléaire des kératinocytes, la membrane interne, correspondant à la membrane cytoplasmique du mélanocyte, ainsi que la membrane externe des mélanosomes sont dégradées.

Récemment, divers arguments expérimentaux sont venus conforter cette hypothèse, et souligner le rôle central dans ce phénomène d’un récepteur de la membrane des kératinocytes appelé protease-activated-receptor 2 (PAR-2). PAR-2 est un récepteur à sept domaines transmembranaires couplé à une protéine G, activée par clivage enzymatique d’une partie de son domaine extramembranaire.

Il a été montré in vitro et in vivo que :

– l’activation de PAR-2 était accrue après irradiations répétées par les UVB ;

– l’activation et l’inhibition de PAR-2 conduisaient respectivement à un accroissement et à une diminution de la pigmentation épidermique ;

– cet effet est dépendant d’une modulation de la cytophagocytose des mélanosomes par les kératinocytes et passe vraisemblablement par des réarrangements de l’actine sous-corticale.

3- Distribution et dégradation des mélanosomes dans les kératinocytes :

Dans les kératinocytes, les mélanosomes sont contenus dans des lysosomes secondaires et se distribuent, soit de façon isolée, soit groupés en complexes.

Il semble que la taille, et peut-être la composition chimique des mélanosomes, déterminent le mode de distribution intrakératinocytaire des mélanosomes.

Ainsi, dans l’épiderme, les mélanosomes de grande taille (supérieure à 1 µm) restent isolés, tandis que les mélanosomes de plus petite taille se groupent en complexes.

La taille des mélanosomes dans les kératinocytes varie selon l’origine raciale des sujets : chez les sujets caucasiens, les mélanosomes épidermiques sont de petite taille et se distribuent donc en complexes, tandis que les sujets de race noire ont des mélanosomes de grande taille se répartissant donc de façon isolée dans les kératinocytes.

Régulation de la mélanogenèse :

A – CONTRÔLE GÉNÉTIQUE :

L’étude des génodermatoses hypopigmentaires humaines et des effets des mutations murines sur la coloration du pelage a permis l’identification d’un très grand nombre de gènes impliqués dans les processus de pigmentation cutanée.

B – RAYONNEMENTS ULTRAVIOLETS :

In vivo, les rayonnements UVA et UVB de la lumière solaire sont les principaux stimulants de la mélanogenèse.

Ils induisent aussi une augmentation de la dendricité et du nombre de mélanocytes.

Ils peuvent agir sur les mélanocytes directement ou indirectement en induisant la sécrétion de facteurs paracrines et autocrines par les kératinocytes et les mélanocytes eux-mêmes.

1- Effets directs des ultraviolets :

L’irradiation de culture de mélanocytes par les UVB entraîne une néosynthèse des mélanines, qui démontre que les UV agissent directement sur les mélanocytes.

Cet effet est médié par une augmentation de l’expression et de l’activité de la tyrosinase.

Le principal mécanisme moléculaire en cause passerait par des dommages à l’acide désoxyribonucléique (ADN) induits par les radiations UV, en particulier par la formation de dimères de thymidine.

Il a été montré que l’addition de dimères de thymidine (qui sont généralement excisés par des enzymes de réparation) à des mélanocytes en culture non irradiés, ou l’application topique de ces dimères sur la peau d’un cobaye, stimulent la mélanogenèse d’une façon analogue à celle induite par les UVB.

2- Effets indirects des ultraviolets :

Les milieux conditionnés de kératinocytes stimulent la croissance et la synthèse des mélanines de mélanocytes en culture.

Ces effets sont amplifiés lorsque les kératinocytes sont préalablement irradiés par les UV, suggérant que des substances sécrétées par les kératinocytes jouent un rôle prépondérant dans la croissance et la différenciation mélanocytaire.

De nombreux facteurs kératinocytaires activateurs de la mélanogenèse, dont la sécrétion est augmentée par les UV, ont ainsi été identifiés.

Nous en étudierons trois d’entre eux, l’alpha melanocyte stimulating hormone (aMSH), l’adrenocorticotropic hormone (ACTH) et le monoxyde d’azote (NO), et parlerons aussi d’un quatrième facteur paracrine à action inhibitrice, l’agouti signaling protein (ASP).

* Monoxyde d’azote :

Le monoxyde d’azote ou NO est un gaz diffusible dont la production est assurée par les NO synthases à partir d’un acide aminé, l’arginine.

Il a été montré in vitro que le NO stimule la mélanogenèse et que la stimulation de la mélanogenèse par les UVB est inhibée en présence d’inhibiteurs de NO synthase.

Dans l’épiderme, une NO synthase de type neuronal est activée par les UV, conduisant à une augmentation de la synthèse de NO par les kératinocytes et les mélanocytes.

Les effets du NO sont liés à l’activation d’une guanylate cyclase mélanocytaire, conduisant à une augmentation de la production d’acide guanosine monophosphorique cyclique (GMPc).

L’utilisation d’inhibiteur de guanylate cyclase bloque la stimulation de la mélanogenèse induite par les UVB et par le NO.

Ces travaux montrent que le NO est impliqué dans une régulation paracrine et autocrine de la mélanogenèse via une augmentation du contenu intramélanocytaire en GMPc.

Le NO n’a, en revanche, aucun effet sur la croissance mélanocytaire.

* alpha MSH et ACTH :

L’aMSH et l’ACTH sont des hormones polypeptidiques générées par le clivage d’un précurseur, la pro-opiomélanocortine (POMC).

L’administration d’un analogue synthétique de l’aMSH, la norleucine-4, D-phénylalanine-aMSH (NDP-MSH) à des sujets sains induit une pigmentation cutanée sans exposition au soleil.

De plus, il est admis que les hyperpigmentations cutanées observées dans la maladie d’Addison et la maladie de Cushing centrale sont liées à une augmentation du taux plasmatique d’ACTH.

Malgré ces données cliniques, l’implication de l’aMSH dans le processus physiologique de pigmentation est incertain car :

– la glande pituitaire humaine n’a pas de pars intermedia, zone où est produite l’aMSH chez les vertébrés ;

– le taux circulant d’aMSH chez les sujets sains est très faible ;

– les mélanocytes humains en culture sont relativement peu sensibles à l’aMSH.

La découverte récente de la capacité de synthèse et de sécrétion de peptides dérivés du POMC et de l’aMSH par les kératinocytes humains en culture suggère néanmoins que ces hormones pourraient avoir un rôle physiologique dans la mélanogenèse, en particulier d’ordre constitutif et induit par les UV.

L’aMSH et la NDP-MSH entraînent sur les mélanocytes humains en culture une augmentation de la mélanogenèse, une stimulation de l’activité de la tyrosinase, de TRP-1 et TRP-2, et ont dans certaines conditions une action mitogène.

La NDP-MSH induit une augmentation de la teneur en eumélanines de mélanocytes humains en culture et a des effets moindres et variables sur le contenu en phaeomélanines. Les effets de l’aMSH sont initiés par liaison de l’hormone à un récepteur transmembranaire exprimé à la surface des mélanocytes appelé MCR-1.

Les mutations murines au locus extention (qui code MCR-1) conduisant à un récepteur non fonctionnel, donnent des souris au pelage jaune plutôt que marron, donc contenant plus de phaeomélanines que d’eumélanines.

Chez l’homme, il semble que le phénotype roux soit associé à des variations alléliques du récepteur MCR-1 entraînant une diminution de l’affinité du récepteur pour l’aMSH.

Ces différentes données suggèrent que l’aMSH agirait dans la régulation de la mélanogenèse chez l’homme, en favorisant préférentiellement la synthèse des eumélanines aux dépens de celle des phaeomélanines.

* Protéine agouti :

La protéine agouti (ou agouti signaling protein) est un antagoniste de l’aMSH, qui agit par compétition au récepteur MCR-1.

Il a été montré in vitro sur des mélanocytes murins que cet effet antagoniste bloque la différenciation mélanocytaire et l’eumélanogenèse induites par l’aMSH.

Ceci se traduit in vivo chez les souris surexprimant agouti (mutation dominantes lethal yellow et viable yellow) une synthèse préférentielle de phaeomélanines au détriment des eumélanines, avec pour conséquence des animaux au pelage jaune.

Ces souris présentent aussi une obésité avec hyperinsulinisme, par inhibition d’un autre type de récepteur de la famille MCR, le récepteur MCR-4.

Rôle physiologique des mélanines :

A – PIGMENTATION CONSTITUTIONNELLE DE LA PEAU, DES CHEVEUX ET DES POILS :

Les variations raciales de couleur de la peau ne dépendent pas du nombre de mélanocytes, qui est à peu près identique chez tous les humains quelle que soit leur origine ethnique.

Elles sont fonction du nombre, de la forme et du mode de distribution des granules pigmentaires, ainsi que des types chimiques de mélanines produites.

Les mélanosomes sont plus nombreux, de plus grande taille, avec une proportion de mélanosomes de stade IV plus importante chez les sujets à peau noire ou foncée.

Dans les peaux foncées, des mélanosomes sont de plus retrouvés dans toutes les couches de l’épiderme, y compris dans le stratum corneum.

Il y a cependant un gradient de distribution des granules, avec une densité plus élevée dans la couche basale.

Dans les peaux blanches, il est rare d’observer des mélanosomes au-delà de la moitié supérieure de la couche du corps muqueux.

Il existe très peu de données disponibles étudiant les rapports entre le type chimique de mélanine et les variations de couleur de la peau.

Bien que les eumélanines soient prédominantes, des phaeomélanines sont aussi produites par les mélanocytes épidermiques.

Dans les cheveux et les poils, les mélanines synthétisées seraient principalement des eumélanines pour les cheveux foncés, tandis qu’il s’agirait de phaeomélanines dans les cheveux roux.

B – PIGMENTATION FACULTATIVE :

La pigmentation facultative ou bronzage a deux composantes, immédiate et retardée :

– la pigmentation facultative immédiate apparaît pendant l’exposition solaire aux UV, est d’emblée maximale, et s’atténue en quelques minutes à quelques jours.

Elle ne fait pas appel à une augmentation de synthèse de mélanines, mais à une redistribution des mélanosomes de l’espace périnucléaire vers les dendrites.

Le changement de coloration de la peau est en général modeste et quasi invisible chez les sujets à peau claire.

La fonction biologique de ce processus, qui n’a aucun effet photoprotecteur mesurable, est inconnue ;

– la pigmentation facultative retardée apparaît 3 à 4 jours après une exposition unique aux UV, atteint son maximum en 10 à 28 jours et persiste plusieurs semaines à plusieurs mois.

Elle procède d’une augmentation du nombre de mélanocytes, de mélanosomes et de la quantité de mélanine produite.

La dose d’UV requise pour obtenir une pigmentation retardée est en général équivalente à celle nécessaire pour observer un érythème solaire, bien que chez les sujets à peau foncée bronzant facilement, une dose moindre puisse être suffisante.

Ce type de pigmentation a une valeur photoprotectrice, qui peut augmenter d’un facteur 3 à 4 la dose érythémateuse minimale.

C – ACTION PHOTOPROTECTRICE DES MÉLANINES :

L’action photoprotectrice des mélanines est suggérée par la faible incidence des cancers cutanés et la rareté de l’érythème solaire chez les sujets à peau foncée, et inversement leur grande fréquence et les effets marqués du vieillissement cutané induit par les UV observés chez les sujets roux à peau clair.

Les mélanines agissent de deux façons :

– de manière directe comme un filtre solaire inerte en diffractant et/ou réfléchissant le rayonnement UV.

Lors d’une irradiation, les mélanosomes vont se regrouper (phénomène de capping) au-dessus du noyau des kératinocytes et des mélanocytes, protégeant ainsi l’ADN de la cellule ;

– de façon indirecte en neutralisant les radicaux libres et autres espèces chimiques réactives induites par les UV, molécules susceptibles d’induire des altérations cellulaires.

Il a cependant été montré expérimentalement que les mélanines ne sont pas des filtres solaires très efficaces.

Leur coefficient de protection est en effet estimé entre 1,5 et 2 sun protective factor (SPF), ce qui équivaut à un blocage de 40 à 50 % seulement du rayonnement UV.

Il faut souligner de plus que les phaeomélanines elles-mêmes peuvent donner naissance, sous l’action des UV, à des radicaux libres susceptibles d’endommager les composants cellulaires et d’avoir des effets mutagènes.

Ceci pourrait expliquer en partie l’incidence plus élevée de cancers cutanés chez les sujets à peau claire et cheveux roux.

D – MÉLANOCYTES ET SYSTÈME IMMUNITAIRE :

Les mélanocytes expriment à leur surface les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II et diverses molécules d’adhésion, et sont capables de sécréter de multiples cytokines proinflammatoires (tumor necrosis factor [TNF] a, transforming growth factor (TGF) a, interleukines 1, 3, 6, 8…).

Ils sont aussi doués de phagocytose et contiennent des organites, les mélanosomes, pouvant avoir des fonctions proches des lysosomes.

Il a été montré que les mélanocytes ont des fonctions de présentation antigénique en association avec les molécules du CMH de classe II.

Ces différentes données suggèrent que le mélanocyte pourrait être impliqué activement dans la régulation des processus immunitaires cutanés.

E – MÉLANOCYTES ET CHÉLATION D’AGENTS TOXIQUES :

De nombreux agents chimiques et pharmacologiques s’accumulent dans les tissus contenant des mélanines tels que la peau, la strie vasculaire de la cochlée, l’épithélium pigmenté de la rétine et la choroïde oculaire.

Certains auteurs ont suggéré qu’en chélatant ces agents toxiques, les mélanocytes pourraient avoir une fonction protectrice vis-à-vis des effets délétères de ces produits.

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