Photodermatoses (Suite)

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Première partie

* Photosensibilisations médicamenteuses systémiques :

Les médicaments représentent les seuls agents inducteurs de photosensibilisation par prise d’un agent potentiellement photosensibilisant par voie systémique.

Les observations de phototoxicité après prise de céleri sont douteuses et une étude a clairement montré que la prise de grandes quantités de céleri n’induisait pas la présence sanguine de psoralène, alors même que celle-ci est un bon reflet de la concentration intracutanée après prise orale de psoralènes médicamenteux.

Photodermatoses (Suite)+ Dérivés porphyriniques :

F Meyer en s’injectant en 1913 un dérivé d’hématoporphyrine a décrit le premier cas de photosensibilisation médicamenteuse exogène.

Les accidents avec l’hématoporphyrine et ses dérivés utilisés comme antiasthéniques sont classiques.

Rappelons l’usage thérapeutique, dans le cadre de la photothérapie dynamique, dont le principe est basé sur une phototoxicité oxygénodépendante.

+ Antibiotiques :

Deux classes sont essentiellement en cause : les cyclines et les quinolones.

– Cyclines. Leur pouvoir photosensibilisant est connu depuis fort longtemps et relève essentiellement d’un mécanisme phototoxique, le spectre d’action semble se situer dans l’UVB.

Les manifestations cliniques sont extrêmement variées, rash maculeux, éruption lupus-like, porphyrie-like ou lichénoïde, ainsi qu’une photo-onycholyse distale.

Le potentiel photosensibilisant des différentes cyclines varie avec la structure de la molécule.

La déméclocycline (plus commercialisée en France) et la doxycycline sont les photosensibilisants les plus puissants, tandis que la minocycline et la métacycline montrent un potentiel inférieur.

Une étude récente, in vitro, a montré que l’activité phototoxique de la doxycycline était liée à l’un de ses photoproduits la lumidoxycycline.

– Quinolones. Elles sont clairement connues comme pouvant induire des accidents de photosensibilisation extrêmement brutaux et particuliers par leur évolution clinique.

Le spectre d’action se situe dans l’UVA.

Le mécanisme de photosensibilisation paraît être phototoxique, comme le montre la négativité habituelle des photopatchtests, mais une étude animale a montré que la loméfloxacine pouvait aussi causer des réactions photoallergiques.

Tokura et al ont montré aussi la possibilité, pour différentes fluoroquinolones (loméfloxacine, ciprofloxacine, norfloxacine, lévofloxacine, fléroxacine, lenoxacine et sparfloxacine), de se comporter comme des photohaptènes attestant de leur photoallergénicité.

Le risque est cependant différent selon les molécules considérées, une gradation du risque a pu être fournie : fluroxacine > loméfloxacine, péfloxacine > ciprofloxacine > énoxacine, norfloxacine, ofloxacine.

Les produits en cours de commercialisation prennent parfaitement en compte ce risque-là et les modifications moléculaires semblent avoir entraîné, chez certaines d’entre elles, une stabilité photochimique réduisant voire annihilant le risque.

La grépafloxacine apparaît moins phototoxique que la ciprofloxacine et la moxifloxacine (non encore considérée en France), photostable grâce à un groupe méthoxy en position 8 a montré une absence de pouvoir phototoxique contrairement à la loméfloxacine, par la même méthode d’exploration photobiologique sur volontaires.

– Sulfamides. Leur pouvoir photosensibilisant est classique depuis de très nombreuses années, avec un mécanisme essentiellement photoallergique et un spectre se situant dans l’UVB.

Ce pouvoir photosensibilisant concerne tous les types de sulfamides, antibiotiques, diurétiques, ou antidiabétiques oraux.

– Autres antibiotiques. Des réactions phototoxiques ont été décrites avec la ceftazidime, la griséofulvine (qui peut induire des poussées chez les sujets atteints de porphyrie cutanée tardive), le kétoconazole.

– Isoniazide.

Des réactions photoallergiques de type lichénoïde ont été récemment décrites.

+ Psychotropes :

Les phénothiazines arrivent bien sûr en tête des agents pouvant induire un tel risque.

La chlorpromazine a été très fréquemment incriminée de même que la prométhazine, contenues dans de nombreux produits antitussifs, sédatifs ou même antihistaminiques.

Les benzodiazépines : la chlordiazépine est connue pour induire une photosensibilisation.

L’alprazolan (Xanaxt) l’est plus rarement avec un mécanisme photoallergique dû aux UVA ; une longue durée de prise semble nécessaire au déclenchement de la photosensibilisation.

La carbamazépine paraît pouvoir donner soit de vraies photoallergies, soit des allergies avec phénomène de photoaggravation.

Les antidépresseurs tricycliques sont rapportés comme photosensibilisants dans la littérature psychiatrique, en particulier la clomipramine (Anafranilt).

Des pigmentations bleu-gris, photodistribuées, ont été récemment décrites avec des dérivés imipraminiques : désipramine (Pertofrant) et imipramine (Tofranilt) de mécanisme inconnu.

+ Normolipémiants :

Les dérivés de l’acide fibrique sont bien reconnus comme inducteurs des photosensibilisations dont certaines sont de type photoallergique.

+ Anti-inflammatoires :

Le piroxicam (Feldènet) est certainement celui qui a fait l’objet de plus de publications.

Il est responsable également de réactions photoallergiques.

De nombreux auteurs ont pu récemment rapporter des réactions croisées entre photoallergie au piroxicam et allergie au thiomersal qui sensibilise le patient par voie locale.

Du fait de la parenté de structure moléculaire entre l’acide thiosalicylique (un des deux constituants, avec le composé organique mercuriel, du thiomersal) et le piroxicam, le patient va pouvoir développer d’emblée une réaction de photoallergie au piroxicam dès la première prise médicamenteuse.

Il est donc particulièrement important de contre-indiquer la prise de piroxicam à toute personne présentant une allergie de contact au thiomersal.

À l’inverse, l’usage du ténoxicam (Tilcotilt), qui n’est pas photosensibilisant et dont la molécule chimique est différente, est possible sans risque chez un patient photosensibilisé au piroxicam.

Le kétoprofène induit aussi une photosensibilisation de type photoallergique avec des réactions croisées avec le fénofibrate et certaines benzophénones du fait d’une parenté moléculaire.

À noter qu’il n’y a pas de réactions croisées avec les dérivés arylpropioniques sans fonction benzophénone comme l’ibuprofène, le naproxène, le fénoprofène qui peuvent donc être utilisés chez les patients photosensibilisés à l’acide tiaprofénique.

À signaler enfin une observation de photosensibilisation au diclofénac (Voltarènet) à type de granulome annulaire qui pourrait correspondre à une réaction de photoallergie telle que le démontre l’examen histologique.

+ Dérivés quinidiniques :

Ils ont été reconnus comme responsables de photoallergie mais, cependant, le risque paraît relativement faible compte tenu de leur présence dans de nombreuses préparations antipyrétiques et de leur utilisation contre les crampes musculaires.

Ils ont la particularité de donner des réactions lichénoïdes photodistribuées, et même des photosensibilisations rémanentes ont été rapportées.

Les cas de photosensibilisation avec les dérivés quinidiniques utilisés contre les troubles du rythme cardiaque sont également rares.

+ Amiodarone :

Elle peut induire une phototoxicité chez plus d’un patient sur deux.

Celle-ci se manifeste comme une réaction phototoxique qui, habituellement, s’améliore avec la réduction de la posologie et ne nécessite habituellement pas l’arrêt du traitement.

Occasionnellement, cependant, chez des patients recevant pendant longtemps de hautes doses d’amiodarone, une pigmentation grisâtre sur les parties exposées à la lumière se développe.

Celle-ci s’améliore à l’arrêt du traitement.

Psoralènes

Le risque phototoxique est évidemment un aléa thérapeutique bien connu au cours de la PUVAthérapie.

En revanche, les cas de photoallergie aux psoralènes sont très rares.

+ Traitement anticancéreux :

Différents antimitotiques peuvent être responsables de réactions phototoxiques dans les heures qui suivent l’administration du produit.

Tel est le cas de l’actinomycine D, la bléomycine, la dacarbazine, le 5-fluorouracile, la vinblastine, le méthotrexate.

Le flutamide (Eulexinet), antiandrogène utilisé dans les néoplasies prostatiques est de plus en plus souvent rapporté comme pouvant induire une phototoxicité à type de pseudoporphyrie et des photoallergies.

+ Antihypertenseurs :

Outre les diurétiques sulfamidés, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion peuvent induire une photosensibilisation, ainsi l’énalapril (Rénitect) a été rendu responsable d’une éruption lichénoïde ; de même, la rilmenidine (Hyperiumt) a été imputée dans une phototoxicité.

+ Nifédipine (Adalatet) :

Elle a été mise en cause dans plusieurs accidents de photosensibilisation.

+ Antiviraux :

Un cas de photoallergie à la ribavirine avec spectre d’action dans l’UVB a été rapporté chez un patient traité pour hépatite C.

+ Vitamine B6 :

Deux cas récents avec exploration photobiologique confirmative de photoallergie lors d’une vitaminothérapie ont été rapportés à l’hydrochlorate de pyridoxine.

+ Mélatonine :

Une étude basée sur des tests in vitro et sur le cobaye montre que la mélatonine paraît avoir un pouvoir phototoxique non négligeable.

À notre connaissance aucun cas n’a été à ce jour rapporté en clinique humaine.

3- Aspects anatomocliniques :

Seules les réactions aiguës apparaissant au cours de la photosensibilisation médicamenteuse sont aujourd’hui clairement décrites.

Les réactions tardives qui pourraient naître des phénomènes mutagènes induits n’ont à ce jour fait l’objet que d’exceptionnelles études expérimentales mais d’aucune en clinique humaine.

* Réaction phototoxique :

Elle survient chez tous les individus, sans prédisposition particulière, à condition que la substance photosensibilisante soit à concentration suffisante et que le rayonnement efficace soit à dose suffisante.

Elle apparaît dès la première exposition, sans période réfractaire, et l’intensité de la réaction est toujours la même, à chaque reproduction des conditions de déclenchement.

Elle est strictement localisée aux régions exposées et/ou aux régions où a été appliqué le photosensibilisant.

Elle peut prendre des aspects cliniques variés.

+ Érythème phototoxique :

C’est l’aspect habituel.

L’érythème est plus ou moins intense, simple ou oedémateux voire bulleux, strictement localisé sur les parties du tégument qui, tout à la fois, sont imprégnées du photosensibilisant et exposées à la lumière.

De fait, la photodermatose intéresse l’ensemble des parties découvertes si le photosensibilisant a été administré par voie systémique ou, inversement, n’est que strictement localisé aux parties exposées et/ou aux régions où a été appliqué le photosensibilisant de contact.

L’éruption ne déborde pas la zone photoexposée et elle apparaît quelques minutes à quelques heures après l’exposition solaire.

Les symptômes fonctionnels consistent en douleurs, brûlures, cuisson mais pas de prurit.

Parfois, l’inconfort déclenché par l’exposition lumineuse est tel que l’érythème ne se développe pas ; en effet, la douleur et la brûlure commencent presque immédiatement et sont alors si intolérables que les sujets s’excluent de l’exposition avant qu’une dose lumineuse suffisante pour induire l’érythème n’ait été reçue.

Cet aspect clinique particulier est noté dans les photosensibilisations induites par les hydrocarbures polycycliques contenus dans les goudrons et brais et est connu sous le nom de tar smarts ; il caractérise aussi la phototoxicité de la protoporphyrie érythropoïétique.

L’érythème ne dure que quelques jours et est suivi d’une desquamation puis souvent d’une hyperpigmentation qui persiste plusieurs mois après l’accident aigu.

Lorsque la réaction a été très intense et étendue, un certain degré de photosensibilité persiste, même en l’absence de tout nouveau contact avec un photosensibilisant, pendant plusieurs semaines.

Si la réaction phototoxique se répète, la peau devient lichénifiée avec alors un prurit quasi permanent.

+ Formes particulières :

– Dermite « des prés ».

Prototype des photophytodermatoses, survenant classiquement chez des sujets, qui après un bain de rivière, sont assis ou allongés sur l’herbe, par temps ensoleillé.

Après quelques heures, apparaît une éruption érythématovésiculeuse ou bulleuse, reproduisant le dessin d’une herbe ou d’une feuille.

Un aspect voisin, mais localisé aux membres supérieurs se retrouve dans les photophytodermatoses professionnelles (maraîchers, jardiniers, ouvriers chargés du tri ou du conditionnement des céleris, figues, angéliques, carottes, etc).

– Dermite pigmentaire en « breloque » avec une pigmentation en « coulée » tenace alors que l’accident érythémateux aigu est modeste.

Elle ne se rencontre pratiquement jamais avec les médicaments, sauf avec les dérivés des psoralènes utilisés sans précaution sous forme de solution (Méladininet).

La forme classique concerne la région rétroauriculaire et la face latérale du cou chez la femme après application de parfums contenant des psoralènes (d’où la qualification de dermite en « breloque »).

– Photo-onycholyse.

Elle réalise un décollement plus ou moins complet du bord distal de l’ongle.

Elle se rencontre essentiellement avec les tétracyclines, mais a également été décrite avec les AINS, les psoralènes au cours de la PUVA, les fluoroquinolones, la quinine.

Plusieurs explications ont été proposées : focalisation de la lumière par un « effet-loupe » de l’ongle, faible contenu en mélanine du lit de l’ongle réduisant sa photoprotection naturelle, meilleure pénétration des UVA à travers l’ongle qu’à travers la peau.

– Aspect de pseudoporphyries.

Il s’agit d’une éruption bulleuse dont les expressions clinique et histologique miment étroitement l’aspect de la porphyrie cutanée tardive.

Les patients développent ainsi des bulles et ont une fragilité cutanée accrue après exposition à de petites doses de lumière ; la photodermatose disparaît souvent très lentement après l’arrêt du médicament.

Cet aspect se rencontre avec l’acide nalidixique, le furosémide, les tétracyclines, l’amiodarone, certains AINS, le flutamide, la dapsone.

– Dyschromies.

– Chlorpromazine : chez les patients en prenant de manière chronique, l’exposition régulière à une source naturelle ou artificielle d’UVA produit une dyschromie gris bleuté liée.

– Amiodarone : elle provoque une coloration brune ou bleue sur les zones photoexposées, due à la formation, sous l’effet de la lumière, de composés amiodarone-lipoprotéines qui s’accumulent dans les lysosomes.

– Phototoxicité des nouvelles quinolones.

La réaction se caractérise par son intensité avec des réactions phlycténulaires et d’importants phénomènes douloureux cutanés, ainsi que par sa pérennité avec persistance de lésions et de douleurs cutanées plusieurs semaines après l’accident aigu ; lui succède une pigmentation persistante parfois associée à des lésions vitiligineuses.

– Photoréactivation.

Ce phénomène très particulier a été initialement décrit avec le méthotrexate.

Il s’agit d’un érythème intense qui va survenir quelques heures après l’injection du produit, sans exposition solaire associée, sur des zones cutanées qui avaient été antérieurement exposées au soleil, avec ou sans coup de soleil.

Récemment, un cas de ce phénomène mais à type d’érythème polymorphe a été décrit avec la Bufferine (antalgique non commercialisé en France).

– Phototoxicité de l’Hémedoninet.

Ce dérivé de l’hématoporphyrine est utilisé en injection intramusculaire comme antidépresseur ou tonique général.

Leroy a montré des réactions de photosensibilisation très particulières au point d’injection, caractérisées à la phase aiguë par un érythème phototoxique mais suivi d’une évolution scléreuse avec pigmentation de type morphée, à évolution très lente mais indéfinie.

* Réaction photoallergique :

+ Eczéma des parties découvertes :

La réaction photoallergique survient après un temps de latence plus ou moins long ; à l’inverse, le déclenchement est indépendant de la dose tant de produits pris ou appliqués que de rayonnement lumineux reçu.

L’éruption est le plus souvent retardée de plusieurs heures après l’exposition lumineuse.

L’aspect le plus typique est celui d’un eczéma aigu reproduisant les caractères cliniques et évolutifs habituels à ceux de tous les eczémas.

Il est à noter que, contrairement à la phototoxicité, les lésions peuvent déborder parfois largement les zones exposées.

Au plan histologique, le fait histologique marquant est la présence d’un infiltrat lymphocytaire dermique à prédominance périvasculaire, d’autant plus dense que l’évolution est prolongée.

L’évolution habituelle d’une réaction photoallergique est prolongée avec persistance de lésions longtemps après l’accident aigu malgré la suppression des expositions et de la prise médicamenteuse.

Lorsqu’elle dépasse 2 mois sans atteindre 1 an après l’arrêt du traitement, on parle de photosensibilisation persistante dont l’évolution est finalement favorable.

Au-delà de 1 an, une évolution vers le tableau de dermatite actinique chronique doit être redoutée.

+ Autres aspects :

Éruptions lichénoïdes : elles se présentent sous forme de papules violines, strictement localisées sur les parties découvertes avec une image histologique de lichen plan.

Cet aspect a été décrit avec la déméthylchlortétracycline, l’hydrochlorothiazide, la quinine, la quinidine, la chloroquine et l’hydroxychloroquine, l’isoniazide, l’énalapril.

Des lésions urticariennes ou à type d’érythème polymorphe ont également été rapportées tant après une prise systémique que par photoallergie de contact.

Récemment, Bouyssou-Gauthier et al ont rapporté un cas de syndrome d’hypersensibilité liée à la sulfasalazopyridine, se manifestant au plan cutané par une éruption photodistribuée permettant de penser qu’une éruption photodistribuée peut être observée dans les syndromes d’hypersensibilité induite par des médicaments photosensibilisants.

+ Eczémas photoaggravés :

L’eczéma de contact photoaggravé mérite d’être authentifié.

Il s’agit de patients atteints d’une sensibilisation de contact connue qui, secondairement, se complique d’accidents de nature photoallergique, marqués par une exacerbation ou une persistance des lésions sur les parties photoexposées, alors même que les lésions initiales liées au contact sensibilisant ont disparu.

Ce type d’accidents a été rapporté avec les phénothiazines, les antiseptiques dérivés des salicylanilides halogénés, les métaux en particulier le cobalt chez les éleveurs de porcs, les maçons ou les cimentiers.

La dermatite atopique avec photosensibilité : certains atopiques sont photosensibles avec une intolérance solaire marquée par une prédominance de lésions sur les parties découvertes, surtout le visage, une aggravation par la photothérapie, bien évidemment la prédominance des lésions au visage ne trouve pas là sa seule explication.

La plupart de ces atopiques ne sont pas assez photosensibles pour que les explorations photobiologiques soient anormales.

Cependant, dès 1982, Amblard et Beani avaient attiré l’attention sur des observations de dermatite atopique évoluant secondairement comme des dermatites actiniques chroniques ; ces auteurs avaient mis en évidence une potentialité des antihistaminiques dérivés des phénothiazines comme inducteur initial de la photoallergie ; cette éventualité de photosensibilité grave dans l’atopie vient d’être confirmée dans la littérature récente en particulier chez des sujets jeunes.

4- Diagnostic de photosensibilisation exogène :

La photosensibilisation exogène est toujours la première hypothèse à évoquer devant une éruption photo-induite.

Elle le sera d’autant plus que la dermatose a été d’installation brutale alors même que la tolérance solaire avait été jusque-là sans problème.

La découverte de l’usage d’un photosensibilisant est l’argument décisif ; sa recherche doit, de fait, être véritablement policière.

L’exploration photobiologique confirme définitivement le diagnostic.

Elle doit toujours être réalisée de manière complète et standardisée, quel que soit le niveau de suspicion étiologique acquis par la clinique, devant une éruption évocatrice de photodermatose.

– Dans les réactions phototoxiques, elle permet essentiellement d’éliminer une lucite idiopathique.

En effet, seul est parfois retrouvé un abaissement de la DEM UVB au décours de l’éruption phototoxique, si la prise médicamenteuse se poursuit, et éventuellement le phototest en UVA peut reproduire une réaction phototoxique, si la prise médicamenteuse est poursuivie à dose suffisante.

Le photoépidermotest reproduit une réaction phototoxique sans valeur diagnostique.

– Dans la photoallergie, elle devrait permettre tout à la fois de confirmer définitivement l’hypothèse de la photoallergie et d’imputer formellement le photosensibilisant par la positivité du photoépidermotest, et/ou du phototest systémique, et d’éliminer une autre photodermatose essentiellement les lucites idiopathiques, pour lesquelles les résultats d’exploration sont assez spécifiques.

– Dans l’eczéma photoaggravé, le diagnostic repose sur la positivité simultanée des épidermotests et des photoépidermotests ; l’interprétation est délicate et parfois sujette à caution, car la positivité du photoépidermotest relève d’une majoration de la positivité déjà présente pour l’épidermotest.

B – PHOTOSENSIBILISATIONS ENDOGÈNES :

Elles concernent deux troubles métaboliques principaux caractérisés par l’accumulation dans la peau de produits photoactifs à l’origine de réactions phototoxiques souvent révélatrices de l’affection.

1- Porphyries :

2- Troubles du métabolisme du tryptophane (érythème pellagroïde) :

Ils aboutissent à une carence en acide nicotinique (vitamine PP) ; le mécanisme de la photosensibilité n’est pas connu.

Ils se rencontrent chez les dénutris, les éthyliques, au cours de syndromes de malabsorption intestinale, après prise de médicaments (l’isoniazide, la 6-mercaptopurine, le 5-fluorouracile) ou, enfin, au cours des troubles congénitaux du métabolisme du tryptophane comme dans la maladie de Hartnup.

Le tableau est habituellement celui de l’érythème pellagroïde, se traduisant par des poussées de photosensibilité, aboutissant à un érythème sombre avec atrophie de la peau qui devient hyperpigmentée et couverte de squames grises.

L’association à ces signes cutanés de troubles neurologiques et digestifs constitue la pellagre, exceptionnelle dans les pays développés et liée à une carence polyvitaminique.

C – LUCITES IDIOPATHIQUES :

1- Lucite polymorphe. Lucite estivale et hivernale bénigne :

Ces deux entités, séparées dans la littérature française, sont regroupées dans la littérature anglo-saxonne sur le terme d’« éruption polymorphe à la lumière » (traduction littérale de polymorphous light eruption ou PLE).

La définition de la PLE reste aujourd’hui encore par-dessus tout basée sur des faits cliniques : réactions cutanées anormales acquises et récurrentes à la lumière de survenue retardée, caractérisées par des lésions prurigineuses à type d’érythème, de papules, de vésicules ou de plaques sur la peau photoexposée, disparaissant spontanément sans laisser de cicatrices.

* Épidémiologie :

La PLE est très commune dans la population blanche à phototype clair.

Dans toutes les études il apparaît que la PLE affecte plus communément les femmes.

L’âge de survenue s’étend depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte ; cependant, la majorité des patients décrivent leur première attaque avant l’âge de 30 ans.

Une histoire familiale est rapportée occasionnellement dans quelques séries et c’est plutôt un marqueur pour différencier la PLE du prurigo actinique.

* Aspects cliniques :

La PLE apparaît de manière caractéristique au printemps ou au début de l’été, à la suite des premières expositions au soleil après l’hiver.

Cependant, les activités extérieures en hiver par exemple après expositions de lumière solaire réfléchies par la neige peuvent aussi induire une poussée.

Les lésions se développent dans les heures ou les jours qui suivent l’exposition solaire. Une séquence caractéristique dans le déroulement des événements est rapportée par la plupart des patients : apparition en premier du prurit, suivie par un érythème diffus et finalement émergence des lésions distinctes ; ces lésions sont présentes pendant quelques heures ou plusieurs jours et régressent spontanément sans laisser la moindre cicatrice.

En l’absence de nouvelles irradiations, le rash dure 1 à 10 jours, en général 2 à 3 jours. Au fur et à mesure des expositions solaires dans l’été, les éruptions tendent typiquement à devenir moins sévères (decrescendo) jusqu’à ce qu’une tolérance solaire soit acquise.

Ce phénomène est connu sous le mot hardening dans la littérature anglo-saxonne.

Après plusieurs années de persistance de la survenue annuelle de la maladie durant lesquelles la maladie peut devenir plus sévère avec le temps (crescendo), celle-ci finit toujours par se résoudre spontanément.

Les lésions se développent uniquement sur les zones exposées à la lumière avec certains sites de prédilection : le « V » du décolleté, la partie dorsale des mains, la face d’extension des avant-bras, le nez, le menton, les joues, les côtés et la face postérieure du cou, les épaules, puis les membres inférieurs et le sommet des pieds.

Les lésions sont, et cela justifie le terme de PLE, polymorphes d’un patient à l’autre mais elles gardent le plus souvent la même morphologie chez le même patient au fil des années.

Différentes variantes morphologiques ont ainsi été décrites :

– le type papuleux est le plus fréquent ; il se présente sous forme de petites papules ou de papulovésicules sur une base érythémateuse ; plus rarement les papules sont de grande taille ;

– la forme en « plaques » est le deuxième aspect le plus commun et consiste en des plaques souvent pseudo-urticariennes érythémateuses et surélevées ; ce type apparaît fréquemment sur la face et ressemble au lupus érythémateux subaigu ;

– la forme à type d’érythème polymorphe est moins fréquente et reproduit des aspects typiques en « cocarde » ;

– le type hémorragique est relativement rare, les papules induites par l’exposition solaire devenant hémorragiques ;

– la forme à type de piqûres d’insectes est aussi une variété rare ; les lésions sont éparpillées sur le tégument et consistent en de petites papules urticariennes surmontées d’une vésicule ténue.

Les squames, l’hyperkératose, la lichénification ou des cicatrices ne sont pas des lésions primaires mais peuvent apparaître secondairement liées au grattage.

* Aspect histologique :

Les faits principaux caractérisant la PLE sont observés dans la forme commune papuleuse.

Dans les autres variantes, cet aspect basique est aussi prédominant mais certains autres faits peuvent être plus prononcés ou surajoutés.

L’épiderme montre un oedème, une spongiose focale, et occasionnellement des petites vésicules, une acanthose, des foyers de parakératose et une vacuolisation de la basale ; les cellules photodyskératosiques (sunburn cells) sont notablement absentes.

Les modifications dermiques sont plus caractéristiques et montrent un infiltrat lymphocytaire superficiel et profond périvasculaire.

Dans la forme en « plaques », l’infiltrat tend à devenir lichénoïde, l’oedème sous-épidermique est prononcé et la spongiose étendue.

Dans la forme à type d’érythème polymorphe, l’oedème sousépidermique est important, formant parfois des bulles avec ou sans nécrose épidermique.

La forme à type de piqûres d’insectes montre une nécrose focale dans les couches supérieures du corps muqueux de Malpighi.

En immunofluorescence directe, la bande lupique est négative et c’est un point essentiel pour le diagnostic différentiel avec lupus érythémateux, en particulier dans la forme en « plaques ».

* Pathogénie :

Les mécanismes pathogéniques de la PLE ne sont pas entièrement élucidés.

Une réaction d’hypersensibilité retardée est l’hypothèse la plus probable.

L’immunophénotype lymphocytaire et l’expression des molécules d’adhésion au cours du déroulement chronologique de l’éruption sont ceux rencontrés dans la dermite allergique de contact et la réaction tuberculinique.

L’antigène à l’origine de cette réaction d’hypersensibilité n’a pas pu être isolé. Fadden et al ont démontré une augmentation de l’HSP65 dans les lésions induites expérimentalement de PLE.

Bien que cette présence puisse être un phénomène secondaire, les auteurs émettent l’hypothèse que l’HSP65 pourrait être l’antigène de la PLE.

Récemment, Norris a montré que l’IL6, l’IL8 et probablement l’IL1 sont fortement impliquées dans la constitution de l’infiltrat lymphocytaire par l’induction très forte d’une chimioattraction des lymphocytes de sang périphérique.

Ainsi, le mécanisme pourrait être schématiquement le suivant : reconnaissance immunologique de l’antigène induit par les UV, relargage de cytokines à partir de cellules activées immunologiquement, activation de molécules d’adhésion avec accumulation de lymphocytes pour neutraliser l’antigène.

* Diagnostic de la PLE :

Il repose sur l’analyse séméiologique et est complété par les données de l’exploration photobiologique.

Exploration photobiologique dans la PLE : la DEM est normale, les photopatchtests sont négatifs.

À l’inverse, le phototest est positif s’il est réalisé avec un protocole correct et confirme le diagnostic.

Le choix du site de testage est important ; la zone de test doit être non bronzée, indemne de lésions et doit représenter un site d’apparition habituelle de la PLE chez le patient donné.

L’exploration permet aussi de définir le spectre d’action, ainsi Hölzle a trouvé qu’environ 70 % des patients atteints de PLE réagissent aux UVA, 10 % aux UVB et 15 % à la fois aux UVA et aux UVB.

Si les lésions ne peuvent être provoquées par des irradiations localisées, des expositions corps entier peuvent être réalisées en utilisant une cabine de photothérapie.

Ainsi, Hölzle a pu reproduire des lésions spécifiques de PLE chez plus de 95 % de ses patients, en incluant cette irradiation corporelle totale.

* Diagnostic différentiel :

Parmi les photodermatoses idiopathiques aiguës, il y a aujourd’hui un consensus pour définir comme des entités distinctes de la PLE, la dermatite actinique chronique, l’hydroa vacciniforme et l’urticaire solaire.

Le rattachement du prurigo actinique à la PLE a été sujet à controverse ; aujourd’hui, il paraît y avoir suffisamment d’arguments pour différencier les deux entités.

En fait, le principal diagnostic différentiel de la PLE est le lupus érythémateux.

Le lupus érythémateux cutané subaigu et le lupus érythémateux discoïde peuvent présenter des lésions très similaires à la PLE dans sa forme en « plaques ».

Dans le lupus érythémateux, cependant, l’apparition et la résolution des lésions ne sont pas aussi étroitement corrélées à l’exposition solaire que dans la PLE ; les lésions persistent usuellement pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, même sans exposition solaire nouvelle.

Les différences histologiques sont évidentes dans les lésions bien constituées, mais dans les stades initiaux de la PLE ou du lupus érythémateux, il est extrêmement difficile de distinguer entre les deux maladies sur les arguments histopathologiques.

L’immunofluorescence directe permet de confirmer le lupus érythémateux mais elle peut être négative dans ces stades précoces ; elle peut être aussi retrouvée positive chez quelques patients atteints de PLE.

Le dosage des anticorps antinucléaires anti-SSA, anti-SSB est également de première importance pour exclure le lupus érythémateux chez un patient photosensible.

Le phototest donne enfin des arguments différentiels entre les deux affections : chez les patients, avec un lupus érythémateux, une exposition à 2 DEM induit un érythème de persistance anormalement prolongée, le développement de la réaction positive du phototest est extrêmement lent, nécessitant 1 à 2 semaines ou plus ; les lésions ainsi induites persistent beaucoup plus longtemps que lors d’un phototest positif de PLE.

Il n’empêche qu’aujourd’hui encore il demeure difficile de trancher chez certains patients entre une PLE et un lupus érythémateux discoïde ou subaigu.

Ainsi, dans une population de patients, avec une PLE typique, un sous-groupe de patients était caractérisé par une combinaison d’une sensibilité solaire sévère et des hauts titres d’anticorps antinucléaires et, dans le même ordre, Murphy chez des patients présentant des rashs photosensibles transitoires, des anomalies suggérant le diagnostic de lupus érythémateux ont été trouvées ; enfin, sur une série de 33 patients atteints de PLE, Mastalier retrouve des anticorps antinucléaires positifs chez six, cependant aucun patient n’a développé, au cours du suivi, de lupus.

Il semble d’ailleurs que l’évolution d’une PLE en LE n’a jamais été rapportée ; ainsi une étude récente de suivi prolongé montre qu’une certaine tendance aux maladies auto-immunes ou aux troubles thyroïdiens peut être notée chez les femmes atteintes de PLE mais que le risque de lupus érythémateux n’est pas augmenté.

Cependant, les mêmes auteurs ont montré une haute fréquence de coexistence d’une PLE chez les patients atteints de lupus érythémateux, les premières apparitions de PLE précédant de plusieurs années la survenue du lupus ; cette coexistence était, outre la clinique, admise sur le phototest dont les résultats sont ceux d’une PLE et non ceux décrits dans le lupus érythémateux.

* Limites du concept de PLE :

Bien que le terme d’éruption polymorphe à la lumière soit actuellement mieux délimité au sein des rashs cutanés induits par les UV, il reste toujours discuté de savoir si ce terme englobe encore des conditions de photosensibilités différentes.

Ainsi, par une analyse informatique des résultats à partir d’une étude multicentrique, il est apparu aux auteurs français que parmi les différentes formes de la polymorphous light eruption définie par les auteurs anglo-saxons, deux conditions distinctes pouvaient être isolées.

L’éruption à la lumière papulovésiculeuse décrite par Elpern auparavant comme un sous-groupe de PLE et l’éruption micropapuleuse à la lumière décrite au Japon semblent représenter la même entité que la LEB.

À l’inverse, les auteurs français proposent de réserver le terme de lucite polymorphe aux autres variétés de la PLE.

Ils réservent ainsi ce terme à une photodermatose qui affecte aussi bien l’homme que la femme, sans sex-ratio, commençant à n’importe quel âge y compris pendant l’enfance.

L’éruption démarre au printemps, augmente pendant l’été et ne s’améliore que seulement durant les mois d’automne ; elle affecte toutes les zones exposées, principalement le nez, les joues, le menton ; la maladie est chronique récidivant chaque année pendant une dizaine d’années avec une tendance à l’aggravation, mais elle finit par disparaître ; le phototest localisé polychromatique itératif reproduit habituellement l’éruption alors que le phototest itératif simplement en UVA ne reproduit que plus rarement les lésions.

En fait, la plupart des patients ayant été décrits comme affectés d’éruption polymorphe à la lumière par les auteurs anglo-saxons semblent répondre plutôt au critère de la LEB de la conception française.

L’aspect hétérogène du groupe de la PLE est également soutenu par d’autres études.

Ainsi, dans une étude sur les effets de l’indométacine sur l’érythème UV, Farr et Diffey montrent que le terme de PLE embrasse au moins deux états pathologiques : certains patients ont une inhibition normale de l’érythème UV par l’indométacine, tandis que d’autres montrent une augmentation surprenante du même érythème.

Guarrera montre que le temps de latence entre l’exposition solaire et l’éruption cutanée lors de la provocation par phototest se distribue selon deux pics principaux et que le groupe qui a une latence courte a les critères retenus par les auteurs français comme ceux de la LEB.

Mastalier, enfin, dans une série de 133 patients porteurs de PLE retrouve deux pics dans la courbe de distribution de la population, pour le temps de latence entre exposition et apparition des lésions : un pic entre 1 et 5 heures et un second pic à 24 heures.

Ceci étant, il faut cependant reconnaître que des variantes cliniques multiformes peuvent être rencontrées, tant dans la LEB que dans la lucite polymorphe au sens strict des auteurs français ; les faits histologiques sont les mêmes ; le spectre d’action est variable aussi bien dans l’une que l’autre affection, et Verheyen a montré que la division en LEB et lucite polymorphe ne peut être soutenue sur la base de faits immunohistochimiques.

Ainsi, en l’absence d’un mécanisme pathogénique clairement différent permettant de séparer les deux entités, il apparaît plus pertinent aujourd’hui de considérer que la LEB est la forme bénigne et certainement la plus fréquente de la PLE.

Elle pourrait requérir des doses plus élevées d’UV et, de ce fait, pourrait ainsi expliquer le respect de la face (zone habituellement soumise à l’exposition lumineuse et ayant de ce fait une photoprotection naturelle beaucoup plus grande que les zones habituellement couvertes et qui sont brutalement dévoilées au cours d’un bain de soleil), le phénomène de hardening (l’exposition régulière pendant l’été des zones normalement couvertes permettrait de leur faire acquérir un certain degré de photoprotection) et la bonne évolution à long terme.

La lucite polymorphe correspondrait alors aux formes sévères de la PLE et les patients les plus photosensibles pourraient prendre place, dans ce spectre des PLE, à une extrémité, opposée à celle de la LEB, proche de la dematite actinique chronique voire du lupus érythémateux.

2- Lucite hivernale bénigne :

Jeanmougin a voulu isoler une entité se présentant sous forme d’une éruption du visage faite de placards érythémato-oedémateux pseudo-urticariens avec oedème palpébral important apparaissant chez des enfants ou adolescents soumis à une exposition lumineuse importante et brutale par un soleil réfléchi sur la neige.

Cette manifestation survient essentiellement chez des sujets par ailleurs atteints de LEB.

De fait, elle ne paraît être que l’expression de la LEB dans des conditions climatologiques un peu particulières.

3- Urticaire solaire :

Une bibliographie exhaustive se trouve dans l’article de Roelandts et Ryckaert.

L’urticaire solaire est une variété d’urticaire physique déclenchée par la lumière.

Il s’agit d’une affection rare (moins de 2 % des photodermatoses).

* Épidémiologie et étiologie :

Dans la majorité des cas, l’urticaire solaire est idiopathique.

Elle se manifeste à tout âge, mais est rare chez l’enfant, et dans les deux sexes mais avec prédominance féminine.

Elle atteint ainsi avec prédilection la femme entre 20 et 40 ans.

Aucun facteur génétique ne semble intervenir.

Un facteur racial existe probablement puisque l’urticaire sensible aux rayonnements visibles n’est pratiquement rencontrée qu’au Japon.

De très rares observations retrouvent un facteur médicamenteux initial.

* Aspect clinique :

Le diagnostic d’urticaire solaire est habituellement facile dès l’interrogatoire : éruption quasi immédiate (moins de 15 minutes) après une exposition solaire sur les zones normalement couvertes, contrastant avec la tolérance relative des parties habituellement découvertes (visage, dos des mains).

L’éruption le plus souvent disparaît rapidement, c’est-à-dire en moins de 24 heures, et il est exceptionnel qu’elle dure plusieurs jours.

L’éruption est érythémato-papulo-urticarienne, associée à des sensations de brûlures et de paresthésies ou un prurit.

Elle intéresse le plus souvent le « V » du décolleté, les avant-bras ; il est à noter que l’éruption a été décrite sur la langue et les lèvres chez un patient qui s’était endormi la bouche ouverte.

L’intensité de la réaction dépend largement de la durée et de l’intensité de l’exposition.

Lorsque l’exposition est importante, les lésions sont profuses et parfois associées à des signes généraux (céphalées, vertiges, voire sensations de malaises).

Certains aspects cliniques peuvent être trompeurs :

– éruption des zones couvertes insuffisamment protégées par un vêtement, de même qu’avec une baie vitrée après usage de bancs solaires ;

– simple érythème prurigineux après exposition solaire ;

– érythème ne débutant que quelques minutes après la fin d’exposition, traduisant un spectre d’inhibition ou bien même, contrairement aux formes habituelles, possibilité d’une période de latence de plusieurs heures entre la fin d’exposition et l’apparition de l’urticaire ;

– éruption urticarienne se localisant strictement à des zones toujours identiques, avec respect des autres zones photoexposées ; on a proposé de les appeler « urticaire solaire fixée » ;

– importance des manifestations générales associées pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique.

* Diagnostic :

Le diagnostic de l’urticaire solaire est habituellement facile sur la clinique.

L’exploration photobiologique permet de le confirmer en reproduisant au phototest les lésions et en déterminant la dose urticariante minimale (DUM).

Elle détermine aussi le spectre d’action à condition qu’elle soit réalisée avec un matériel approprié permettant de tester tant le rayonnement UV que le rayonnement visible.

Ryckaert et Roelandts ont mis en garde contre une exploration trop succincte avec des irradiations en spectre trop restreint conduisant à exclure le diagnostic à tort.

La lecture doit être impérativement faite immédiatement et 6 heures après l’irradiation ; la réaction positive est la reproduction d’une réaction urticarienne.

Toutes les longueurs d’onde peuvent être responsables des UVC au visible.

L’exploration photobiologique a également permis de découvrir la notion de spectre d’inhibition : l’exposition au rayonnement monochromatique (visible à longueur d’onde courte) provoque une réaction urticarienne immédiate lors de l’exploration photobiologique alors que si cette irradiation est faite concomitamment avec une irradiation par un rayonnement de plus grande longueur d’onde, l’urticaire ne se déclenche plus, c’est le spectre d’inhibition.

La réaction urticarienne peut aussi être inhibée par une exposition à une longueur d’onde plus grande immédiatement après, et quelquefois avant, l’exposition aux longueurs d’onde provoquant le gonflement oedémateux ; enfin, exceptionnellement, des longueurs d’onde plus courtes que celles déclenchantes peuvent aussi être inhibitrices.

De telles formes ont été essentiellement décrites au Japon, toutes dans le rayonnement visible court, exceptionnellement dans le rayonnement UVA.

De la même manière, on a décrit un spectre de multiplication : la préirradiation par ce spectre augmente de façon très importante la réaction produite par le spectre d’action administré immédiatement après.

* Diagnostic différentiel :

La PLE de même topographie est habituellement facilement éliminée par les critères cliniques et l’exploration photobiologique.

Les urticaires dues à la chaleur et aux IR sont éliminées par un bon interrogatoire et l’exploration photobiologique.

Certaines réactions de photosensibilisation s’expriment par des lésions urticariennes, tel a pu être le cas avec le benoxaprofène, la chlorpromazine.

Le seul diagnostic différentiel est en fait la protoporphyrie érythropoïétique.

C’est affection s’accompagne de sensibilité immédiate à la lumière à type de prurit et de cuisson associés à une éruption d’aspect variable.

Le diagnostic repose sur les autres manifestations cliniques de la protoporphyrie érythropoïétique (lésions vésiculobulleuses lors des expositions prolongées accompagnées de fièvre, d’altération de l’état général, lésions chroniques persistantes avec cicatrices varioliformes sur les zones photoexposées), ainsi que sur le dosage des porphyrines érythrocytaires.

Il est cependant à noter que d’authentiques urticaires solaires peuvent s’accompagner d’anomalies du métabolisme des porphyrines sans autre manifestation clinique.

Il est de fait indispensable de doser les protoporphyrines érythropoïétiques, lors d’une urticaire solaire survenant chez un sujet jeune pour ne pas laisser passer ce diagnostic.

* Mécanismes :

Le mécanisme de l’urticaire solaire a fait l’objet de multiples études débouchant sur des hypothèses souvent non confirmées.

Le mécanisme actuellement admis est le suivant : un chromophore non identifié présent dans la peau, ou éventuellement dans le sérum, est transformé en photoallergène sous l’influence du spectre déclenchant (chaque spectre d’action correspondant probablement à un chromophore différent, de poids moléculaire différent).

La présence de ce photoallergène déclenche le développement d’une hypersensibilité à IgE : sa liaison à des IgE spécifiques fixées sur les sites membranaires des mastocytes entraîne la dégranulation mastocytaire qui libère les médiateurs, dont l’histamine, responsables des effets cutanés.

Le spectre d’inhibition générerait l’inactivation du photoallergène, dans le cas où ce spectre est administré après le spectre déclenchant avec une stabilisation de la dégranulation des mastocytes ; il bloquerait la liaison photoallergène IgE ou inactiverait un précurseur de photoallergène lorsqu’il est administré avant.

Le spectre d’augmentation modifierait un précurseur du photoallergène qui, dès lors, absorberait plus facilement le spectre d’action pour former le photoallergène.

Leenutaphong propose de distinguer deux types d’urticaire solaire selon la nature du chromophore : dans le type 1, le chromophore est spécifique, présent uniquement chez les malades et donne un photoallergène spécifique après exposition solaire, son spectre d’action qui dépend de ce précurseur se situe dans le visible, c’est le cas des urticaires solaires vues au Japon ; dans le type 2, le précurseur est un constituant cutané normal présent chez tous les individus, après irradiation il donne un photoallergène qui ne réagira que chez les sujets porteurs d’une sensibilité immédiate visà- vis de celui-là, le spectre est alors variable.

4- Dermatite actinique chronique :

* Définition de l’entité :

Il s’agit d’une entité définie sur des critères cliniques complétés par des critères histologiques et d’exploration photobiologique.

On entend sous ce terme une photodermatose peu fréquente, atteignant le sujet d’âge moyen ou le sujet âgé, à prédominance masculine nette, se manifestant par un érythème persistant du visage avec une photosensibilité très nette, d’évolution chronique, avec des antécédents personnels, fréquents mais non constants, d’allergies et de photoallergies de contact.

Ainsi définie, cette entité rassemble plusieurs photodermatoses antérieurement décrites séparément :

– le syndrome de persistent light reactivity décrit par Wilkinson en 1962 comme un eczéma se développant sur toutes les zones cutanées exposées, après exclusion du photoallergène initialement inducteur de la photosensibilité et sans qu’il y ait de lien entre sites atteints et contact avec le photoallergène ;

– l’actinoréticulose, terme utilisé par Ive pour qualifier une photodermatose chronique affectant le sujet âgé et caractérisée par des plaques infiltrées et une image histologique de lymphome, avec une réponse anormale à des doses infra-DEM d’UVB, d’UVA ou de visible et des photopatchtests négatifs ;

– le photosensitive eczema décrit par Ramsay (1973) comme une dermite photosensible apparaissant chez des hommes au long passé d’eczéma de causes variées avec, aux phototests, une sensibilité très importante uniquement aux UVB. Ramsay en faisait une forme mineure d’actinoréticulose avec un spectre d’action différent.

La nécessité d’une unification de la terminologie s’est peu à peu imposée devant des formes de passages entre actinoréticulose et eczéma photosensible.

Frain-Bell, en 1974, propose de regrouper sous le terme de photosensitivity dermatitis/actinic reticulosis (PD/AR syndrome) l’eczéma photosensible, l’actinoréticulose et les états intermédiaires.

Hawk et Magnus, en 1979, proposent le nouveau terme de dermatite actinique chronique (DAC) pour ce regroupement.

Ce regroupement va finalement s’étendre à la persistent light reactivity (PLR) du fait de forme de passage évolutif entre PLR et DAC.

Ainsi, aujourd’hui, le terme de DAC regroupe l’ensemble des syndromes : persistent light reactivity, photosensitive eczema, actinic reticuloid syndrom et photosensitivity dermatitis de Frain-Bell.

* Épidémiologie :

L’affection est peu fréquente ; l’atteinte masculine est largement prédominante avec, dans toutes les séries, 10 à 20 % de femmes seulement, mais la prévalence féminine paraît augmenter.

Le début avant 50 ans est exceptionnel, avec un âge moyen de début situé à 65 ans.

Cependant, récemment sept enfants atopiques présentant une dermatite sévère sur les parties photoexposées ont été explorés au plan photobiologique, et les critères de dermatite actinique chronique ont pu être retenus chez eux.

Creamer présente quatre autres cas qui ont la particularité de concerner des femmes de moins de 50 ans.

De même, des observations répondant aux critères de la DAC ont été décrits chez des sujets VIH positifs.

Toutes les races sont atteintes (Japon, Caraïbes, Asie), mais le plus fréquemment il s’agit de Caucasiens.

La pigmentation n’offre pas une protection puisque 10 % de Noirs sont présents dans la série de Menagé et al.

Les travailleurs extérieurs, surtout les jardiniers, sont les plus atteints.

* Clinique :

L’affection se présente au début comme un eczéma subaigu ou lichénifié sur les zones exposées à la lumière, à limite nette par rapport au vêtement, avec respect des paupières supérieures, des zones sous-mentales, des régions rétroauriculaires, du fond des rides.

Au fil des mois ou des années, la photosensibilité s’aggrave, l’eczéma déborde alors sur les zones couvertes, pouvant au maximum conduire à une érythrodermie.

Le lien avec la lumière devient peu évident, avec persistance de lésions l’hiver bien que l’aggravation estivale soit toujours manifeste.

Les lésions sont alors faites de placards infiltrés, avec de grosses papules conduisant à un faciès léonin et globalement l’aspect évoque fortement le lymphome cutané.

Le prurit est véritablement féroce.

Au cours de l’évolution, on note aussi des zones d’hyperpigmentation et d’hypopigmentation pseudovitiligineuses (certains ont évoqué une destruction phototoxique des mélanocytes), des lésions purpuriques, des dystrophies unguéales et une perte des sourcils et des cheveux ; autant d’éléments sémiologiques qui entretiennent la confusion avec un lymphome cutané.

En l’absence de traitement, l’évolution habituellement est celle d’une photosensibilité indéfinie ; elle peut être émaillée par la survenue de pathologies lymphoïdes malignes (maladie de Hodgkin) mais jamais de mycosis fongoïde.

La coexistence avec une (photo-)allergie de contact et un eczéma endogène est frappante : la DAC peut succéder à une photoallergie de contact (c’est le cadre alors des réactions persistantes à la lumière), la photoallergie de contact peut survenir au cours de l’évolution de la DAC ; de même, les allergies de contact précèdent et/ou coexistent avec la DAC.

La série de Menagé et al sur 86 patients montre ainsi 9 % d’allergie ou de photoallergie, 2 % de photoallergie seule, 64 % d’allergie seule, 16 % d’eczéma endogène (dermatite atopique ou eczéma palmoplantaire), et seulement dans 12 % des cas aucune de ces manifestations n’est retrouvée.

Les photoallergies sont essentiellement le fait du musc ambrette et des filtres solaires ; les allergies de contact relèvent avec une très large prédominance des composées (lactone sesquiterpénique : 36 %) suivis par les mélanges de parfums (21 %), la colophane (20 %), les colles (14 %), les résidus d’époxy (5 %), dans quelques cas on trouve des allergies de contact aux médicaments, aux conservateurs et aux excipients.

Cette vaste série corrobore les autres données de la littérature sur la fréquence des allergies et des photoallergies au cours de la DAC.

Cependant, dans une série plus récente, le même groupe atténue un peu l’incidence des sensibilisations de contact aux lactones sesquiterpéniques en réduisant à 25 % des patients atteints de DAC.

Le « tableau de photosensibilité rémanente » (persistent light reaction) a été décrit avec la sulfanamide, les phénols halogénés : tétrachlorosalicylanide, tribromosalicylanilide, fentichlor, bithionol, le musc ambrette (after-shave), quinoxalide-n-dioxyde (aliment pour animaux), les phénothiazines, le bitume, les agents blanchissants, les filtres solaires.

Des photosensibilités rémanentes localisées ont également été décrites avec les résines époxy, les phénols halogénés et le buclosamide ; des photosensibilités rémanentes systémiques l’ont été avec les diurétiques thiazidiques et les quinidines, mais des doutes persistent aujourd’hui quant à la réalité de photosensibilité rémanente induite par une prise systémique de médicaments.

* Histologie (deuxième critère pour retenir le diagnostic) :

Aux stades initiaux, on note un aspect tout à fait superposable à celui rencontré dans une dermite de contact avec spongiose, acanthose, infiltrat des lymphocytes périvasculaires ; à un stade plus avancé, l’aspect devient celui d’un pseudolymphome avec des microabcès de Pautrier dans l’épiderme, un infiltrat dermique dense avec cellules atypiques (lymphocytes à gros noyaux hyperchromatiques conflués avec mitose), c’est le stade décrit par Yve comme une actinoréticulose.

Des différences histologiques permettent de différencier la DAC du mycosis fongoïde, à savoir une fibrose dermique nette avec fibroblastes multinucléés, des microabcès de Pautrier peu nombreux et un infiltrat dermique fait de cellules CD8 et non pas CD4.

* Exploration photobiologique (troisième critère diagnostique) :

On note une diminution de la dose nécessaire à déclencher une réponse cutanée à 24 heures.

Cette réponse cutanée peut se présenter soit sous forme d’un simple érythème ou alors comme des lésions eczémateuses.

Le phototest est positif dès la première irradiation, attestant de l’extrême photosensibilité

Cette photosensibilité est retrouvée dans 100 % des cas aux UVB, associée dans 90 % aux UVA et dans 10 à 30 % au visible.

On note un certain parallélisme entre la diminution de la dose érythémale (ou eczémateuse) minimale et la sévérité.

Les photopatchtests et les patchtests sont un temps essentiel de l’exploration, car les positivités retrouvées doivent conduire à des exclusions spécifiques.

Il est à noter cependant que, dans l’interprétation de ces tests (photo-)allergologiques, il convient de se méfier d’une hyperréactivité cutanée (hungry-back) et d’évaluer précisément la pertinence des tests retenus.

La positivité de l’un d’eux avec pertinence atteste du syndrome de photosensibilité rémanente (persistent light reaction).

* Diagnostic différentiel :

On doit éliminer :

– une photodermatose de contact, celle-ci est limitée aux zones exposées et en contact avec l’allergène, le phototest et la dose érythémale sont normaux, en revanche le photopatchtest est positif ;

– les photoallergies systémiques.

Elles n’ont pas le même aspect clinique.

Le phototest est habituellement positif en UVA et la photosensibilité disparaît rapidement à l’arrêt de la drogue ;

– la dermite séborrhéique qui, pour certaines formes intenses, peut au début rappeler une DAC, et prêter ainsi à confusion ;

– la dermite atopique avec photosensibilité.

On a vu qu’il pouvait y avoir une évolution parallèle des deux affections et l’exploration photobiologique apparaît ici comme essentielle ;

– l’eczéma aéroporté, il s’agit en fait du principal diagnostic différentiel puisque les patients sont issus de la même origine (profession extérieure) exposés à de multiples allergènes, en particulier environnementaux ;

– les lymphomes : la ressemblance clinique est nette d’autant qu’il peut exister une certaine photosensibilité dans les lymphomes. L’immunohistochimie de l’infiltrat est déterminante ;

– autres érythrodermies pour faire le diagnostic différentiel, l’attitude qui paraît la plus pragmatique est celle d’une mise dans une chambre noire permettant, en cas de DAC, une amélioration très importante des lésions, autorisant alors la réalisation de phototest alors que, dans les autres érythrodermies, il n’y a pas de blanchiment.

* Pathogénie :

Elle reste obscure. Deux hypothèses sont retenues : celle d’une hypersensibilité retardée ou celle d’une hypersensibilité cellulaire à la lumière.

L’hypothèse d’une hypersensibilité retardée peut être largement évoquée sur la similitude avec une dermite de contact de la clinique, de l’histologie, de l’histochimie et du déroulement chronologique de l’expression des molécules d’adhésion.

L’hypersensibilité cellulaire aux UVA a été évoquée après les études sur des lignées de fibroblastes issus de DAC et dans lesquelles a été notée une sensibilité anormale aux UVA en termes de cassure d’ADN ; cette hypersensibilité cellulaire peut être corrigée par une coculture avec des cellules normales, ou par l’usage d’antioxydants évoquant l’intervention possible d’espèces réactives d’oxygène dont le taux de production pourrait être plus grand chez le sujet âgé ; cependant, d’autres études n’ont pas confirmé ces premiers résultats.

Si l’hypothèse d’une hypersensibilité retardée est la plus probable, reste à découvrir la nature de l’antigène.

La persistance de l’allergène initialement responsable de photoallergie peut être évoquée dans le groupe des persistent light reactor.

Une étude spectrométrique de biopsie de persistent light reactor a mis en évidence une persistance pendant plusieurs mois de salicylanilides halogénés dans la peau ; de la même manière, il a pu être montré que in vitro les salicylanilides se lient à l’albumine humaine et aux protéines épidermiques de contact.

Mais, dès lors, comment pourrait-on expliquer l’extension des lésions et le spectre dans l’UVB, alors que la plupart des photoallergènes absorbent dans l’UVA, ainsi que les formes avec absence de photoallergie préalable à la constitution de la DAC.

En faveur de la création d’un néoallergène, on peut citer l’étude de Kochevar et Harber qui montre, in vitro, une liaison du trichlorosalicylanilide avec l’albumine, entraînant une oxydation des résidus histidine de l’albumine la rendant antigénique et, dans un deuxième temps, l’absorption phototonique de l’albumine entraînant une oxydation de celle-ci sans nouvelle nécessité de l’intervention du photosensibilisant.

Ces phénomènes pourraient se produire in vivo via des photosensibilisants exogènes (cadre des réactions persistantes à la lumière), via des photosensibilisants endogènes ou enfin via l’oxydation directe par les UVA de certaines protéines.

Tout récemment Berl et Lepoittevin ont montré la possibilité pour les lactones sesquiterpéniques de former après irradiation à 313 nm (donc dans l’UVB) des photoadduits avec la thymine impliquant la double liaison 5-6 de la thymine et la double liaison exométhylène de la lactone.

Cette interaction, voisine de celle décrite entre les psoralènes et les UVA, pourrait intervenir dans l’évolution progressive d’une allergie de contact simple vers la constitution d’une DAC.

5- Éruption juvénile printanière :

Elle affecte principalement les garçons âgés de 5 à 12 ans.

Elle apparaît après une exposition ensoleillée par grand froid, au début du printemps. Les lésions se confinent au bord libre de l’hélix de l’oreille.

Elles sont faites de papules oedémateuses puis vésiculeuses, à évolution croûteuse, qui vont disparaître sans laisser de cicatrices en une quinzaine de jours.

L’affection ne récidive pas au cours de l’été mais peut récidiver les années suivantes. Certains auteurs mettent en doute l’individualisation de cette entité en pensant qu’il ne s’agit que d’un sous-groupe de la PLE.

De fait, on peut noter chez certains patients la coexistence des deux affections, les faits histologiques sont voisins ; dans certains cas, on a pu noter, associée à l’éruption des oreilles, une atteinte du dos des mains (forme bipolaire) et les résultats de l’exploration photobiologique peuvent être identiques.

6- Prurigo actinique (AP) :

Deux affections ayant des similitudes sémiologiques évidentes ont été décrites, d’une part, chez les Amérindiens et, d’autre part, mais beaucoup plus exceptionnellement, chez les Caucasiens britanniques.

* Clinique :

+ Prurigo actinique des Amérindiens :

Il s’agit d’une photodermatose idiopathique qui se rencontre dans les populations indiennes du Canada chez les Indiens chiliens des hauts plateaux de Colombie et dans les populations métisses du Mexique.

Habituellement familiale, ce qui l’a fait appeler aussi éruption polymorphe à la lumière héréditaire (hereditary polymorphic light eruption), il est plus fréquent chez les filles (70 %) et surviendrait particulièrement dans les populations socialement défavorisées. Le début se situe avant l’âge de 10 ans, et l’évolution est chronique, se pérennisant à l’âge adulte.

L’éruption est faite de lésions eczémateuses et de prurigo, prédominant sur les parties découvertes et en été, et pouvant également concerner les parties couvertes, et persister même l’hiver.

L’association avec une chéilite de la lèvre inférieure est présente dans plus de 85 % des cas.

On note également fréquemment une alopécie de la queue du sourcil, une conjonctivite.

Il existe une corrélation significative avec certains groupes HLA : HLA-A24 chez les Indiens Cree, HLA-CW4 chez les Indiens Chimila, et HLA-DR4 chez les métisses mexicains.

+ Prurigo actinique des Britanniques :

Antérieurement appelé summer prurigo de Hutchison, il est différent sur le plan clinique et épidémiologique.

Il est beaucoup plus rare et ne semble ni familial, ni lié aux conditions socioéconomiques.

Il est associé à une dermatite atopique dans 10 à 40 % des cas et touche électivement l’enfant (80 % des cas avant 10 ans) et tout particulièrement la fille.

Au plan clinique, l’éruption est faite de placards lichénifiés, de lésions de prurigo qui vont laisser des cicatrices punctiformes très inesthétiques.

L’atteinte de la partie distale du nez et la chéilite sont caractéristiques mais il n’y a pas d’atteinte de la queue du sourcil.

L’éruption prédomine aux parties découvertes en été mais peut atteindre les parties couvertes et persister l’hiver qui un temps a pu faire douter du rôle réel de la lumière.

L’amélioration est habituelle à l’adolescence.

Le phototest polychromatique permet de reproduire les lésions ainsi que le phototest UVA.

L’histologie au stade aigu d’AP est tout à fait comparable à celle de la lucite polymorphe.

Le diagnostic différentiel se pose avec la dermatite atopique photosensible.

* Nosologie :

La distinction entre PLE, prurigo actinique et HPLE a été très controversée.

Les études récentes de typage tissulaire semblent donner une réponse définitive.

L’AP des patients caucasiens britanniques apparaît être étroitement associé avec un sous-type B1*0407, très rare dans la race caucasienne, de classe II des antigènes d’histocompatibilité HLA-DR4 alors qu’aucune association HLA n’est retrouvée dans la PLE.

Ceci laisse supposer un terrain génétique favorisant l’AP sur lequel le facteur solaire environnemental pourrait agir comme agent déclenchant l’affection.

Il est à noter que les rares cas décrits en France s’avèrent originaires du Nord et également porteurs du sous-type HLA ; enfin, récemment, dans une observation familiale de trois enfants de la même fratrie originaire du Maroc, le même sous-groupe HLA a été trouvé attestant de la bonne valeur de ce marqueur pour authentifier cette entité au sein des photodermatoses de l’enfant.

De la même manière, Hojyo-Tomoka trouve que de nombreux patients mexicains atteints d’AP amérindiens sont positifs pour HLA-DR4 et probablement avec le même sous-type.

Ainsi, le prurigo actinique britannique, l’HPLE amérindien, semblent être la même entité et le typage HLA donne un marqueur permettant de la différencier de la PLE.

7- Hydroa vacciniforme :

Décrit par Bazin en 1962, l’hydroa vacciniforme est rare.

Il débute dans l’enfance habituellement avant 10 ans, et va disparaître à l’adolescence.

Après une exposition importante, l’été, apparaît, après quelques heures, une sensation de brûlure cutanée sur les parties découvertes et, en moins de 24 heures, se développe une éruption vésiculeuse des zones très exposées : pommettes, dos du nez, pavillon de l’oreille, dos des mains et avant-bras.

Ces vésicules s’ombiliquent, deviennent confluentes, parfois hémorragiques et secondairement croûteuses.

En quelques semaines, les croûtes se détachent en laissant une cicatrice résiduelle d’aspect varioliforme définitive.

L’affection récidive chaque été, aggravant les cicatrices au fil des années.

Au plan histologique, à côté d’un infiltrat lymphocytaire périvasculaire, on note une vésicule intraépidermique associée à une nécrose kératinocytaire ainsi que des lésions de vasculite.

Le phototest UVA est positif à condition d’utiliser de fortes doses d’UVA (30 à 50 J) répétées à 48 heures d’intervalle ; il reproduit les vésicules ombiliquées à évolution cicatricielle.

Les anomalies du métabolisme du tryptophane ainsi qu’un déficit en vitamine B6 ont été signalés, mais il semble que la correction de ces troubles n’influe que peu la photosensibilité.

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