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Péritonite aiguë diffuse

La péritonite aiguë diffuse se définit par une inflammation ou une infection brutale et diffuse de la séreuse péritonéale.

L’intégrité de la plupart des grandes fonctions est rapidement mise en cause, et impose un geste chirurgical urgent qui doit s’accompagner d’une réanimation intensive.

Les péritonites ont été classées en fonction de leur mécanisme : les péritonites primitives dues à une diffusion bactérienne intrapéritonéale diffuse sans rupture viscérale et les péritonites secondaires dues à une perforation viscérale.

Les péritonites primaires représentent des entités pathologiques particulières, mais la très grande majorité des péritonites est constituée par les péritonites secondaires, que nous développerons.

Les péritonites secondaires sont elles-mêmes subdivisées en péritonites communautaires (acquises hors du milieu hospitalier et motifs de l’hospitalisation) et péritonites nosocomiales (acquises au cours d’une hospitalisation pour une autre raison).

Physiopathologie :

A – Caractéristiques du péritoine :

1- Données anatomiques :

Les caractères propres du péritoine déterminent la physiopathologie des péritonites.

Le fonctionnement et les réactions du péritoine sont conditionnés en permanence par trois données anatomiques et physiopathologiques :

Cette surface exceptionnelle donne une gravité particulière aux agressions diffuses et aux mouvements liquidiens secondaires qui entraînent des perturbations hémodynamiques rapides ;

2- Propriétés du péritoine :

Formé d’une mince nappe endothéliale reposant sur une trame conjonctivo-élastique, le péritoine se comporte en membrane dialysante semi-perméable, mais il est aussi doté de nombreux pouvoirs :

B – Contamination du péritoine :

Pour contaminer le péritoine, il faut une inoculation de germes virulents en quantité suffisante, et la présence de facteurs favorisant la diffusion : l’altération du péritoine par les liquides caustiques, irritants, enzymatiques, septiques, toxiques ; la présence d’épanchement hématique.

C – Réaction péritonéale à l’agression :

Le péritoine se défend, d’une part, avec une activité de base fondée sur des agents cellulaires, surtout polynucléaires et macrophages, assurant l’asepsie de la cavité péritonéale et, d’autre part, en cas d’agression par la mise en oeuvre de nombreux processus : sécrétions d’un épanchement liquidien, doté de pouvoir bactéricide, chargé de fibrine et d’éléments cellulaires ; cloisonnement de la cavité péritonéale et circonscription du foyer lésionnel par l’inflammation qui entraîne une hyperhémie et un oedème de la trame conjonctive du péritoine, et l’hypersécrétion fibrinoïde qui engendre une agglutination des surfaces péritonéales autour des foyers septiques ; immobilisation et repos fonctionnel aboutissant à une paralysie intestinale avec occlusion fonctionnelle ; formation d’adhérences inflammatoires étendues qui limitent la diffusion de l’infection et contrarient encore la reprise du péristaltisme ; modification de la distribution intrapéritonéale des épanchements par des courants intrapéritonéaux actifs transitant par les gouttières pariéto-coliques et tendant à les collecter en 4 sites majeurs : espace inter-hépato-diaphragmatique, espaces sousphréniques droit et gauche, cul-de-sac de Douglas ; mobilisation de diverses formations intrinsèques de la cavité péritonéale : ainsi, le mésentère, l’intestin et surtout le grand épiploon participent à la réaction inflammatoire du péritoine qui vise la limitation du foyer septique.

Étiologie :

Nous ne traiterons que les causes des péritonites secondaires.

L’inoculation de la séreuse se fait selon deux mécanismes parfois associés : effraction, à l’occasion de la perforation d’un organe creux (appendicite perforée, ulcère gastroduodénal, diverticulite compliquée, cancer perforé, pyocholécyste ou abcès hépatique ouvert dans la cavité abdominale) ; ou diffusion septique, à l’occasion d’une obturation ou d’une strangulation intestinale vue tardivement.

En cas de péritonite par perforation, les causes peuvent être réparties en 3 types :

La perforation libère des produits corrosifs (acide chlorhydrique dilué, pepsine, bile, suc pancréatique) sur la surface péritonéale et provoque une brûlure chimique interne. Initialement peu septique, le liquide d’origine digestive haute se surinfecte, soit par prolifération de germes préexistant dans la lumière digestive, soit par passage de germes intestinaux transpariétaux, soit par voie lymphatique ;

Au cours de cette souffrance, une pullulation intraluminale de bactéries aéro- et anaérobies inattaquables s’est développée.

Au moment de la perforation, c’est un véritable bouillon de culture qui est libéré dans la cavité péritonéale et ce sur les débris nécrotiques de l’anse.

Diagnostic :

Les péritonites diffuses peuvent prendre, spontanément, de multiples formes qui obligeraient à passer en revue toute la pathologie abdominale.

Toutefois, la péritonite est un diagnostic clinique et il faut rappeler ici la sémiologie élémentaire et aborder le problème de son diagnostic en postopératoire.

A – Péritonite spontanée :

1- Examen clinique :

Un signe physique affirme la péritonite : la contracture abdominale. Elle se caractérise par : à l’inspection, un aspect rigide rétracté de l’abdomen où l’on note l’absence (ou la nette diminution) des mouvements abdominaux lors de la respiration, la saillie sous la peau de façon plus ou moins marquée des deux muscles grands droits ; à la palpation, une contraction de tous les muscles pariétaux, intense, rigide, tonique, invincible, permanente et douloureuse.

L’abdomen est défini alors comme ventre de bois.

Cette contracture est rapidement généralisée à tout l’abdomen ; il arrive qu’elle soit encore localisée à la région du foyer causal lorsque l’examen a lieu très précocement.

Elle s’accompagne d’une hyperesthésie cutanée abdominale, de la disparition des réflexes cutanés abdominaux, et surtout d’une douleur vive provoquée au toucher rectal.

2- Examens complémentaires :

Les examens complémentaires iconographiques ne doivent en aucun cas retarder le traitement chirurgical.

L’abdomen sans préparation met en évidence une aérogrêlie signe d’un iléus réflexe et peut mettre en évidence un pneumopéritoine témoin de la perforation d’un organe creux.

De même, l’échographie et le scanner mettent en évidence un épanchement intra-abdominal liquidien plus ou moins abondant, et un pneumopéritoine.

Hémogramme, ionogramme, azotémie, groupe sanguin, entre autres, seront pratiqués pour évaluer le retentissement de l’infection, mais ils ne sont pas effectués pour confirmer le diagnostic ou déterminer l’étiologie ou encore orienter l’acte thérapeutique.

B – Péritonite postopératoire :

À côté de la péritonite secondaire spontanée, d’expression clinique pure et reconnue, la péritonite survenant au cours de la période postopératoire en revêtant maintes formes risque de passer inaperçue.

La laparotomie antérieure masque les signes abdominaux de souffrance péritonéale, l’iléus paralytique postopératoire n’apparaît plus comme un signe physique révélateur.

Les péritonites postopératoires se manifestent par un syndrome d’irritation péritonéale très variable qui est le plus souvent associé à une fièvre.

Au début, les signes sont principalement digestifs : non-reprise du transit, apparition d’une diarrhée ou d’une hypersécrétion gastrique (volume aspiré par la sonde gastrique important, supérieur à 1 L/24 h).

Dans un deuxième temps, les signes débordent les fonctions digestives pour emprunter les signes de souffrance d’autres organes : encéphale, coeur, vaisseaux, poumons, reins.

Devant toutes ces éventualités, il faut savoir, sans perdre de temps, rattacher ces signes à leur cause première : l’épanchement septique intraabdominal postopératoire.

Évolution :

1- Défaillance multiviscérale :

L’infection péritonéale, si elle n’est pas traitée, aboutit à un état septicémique rapide et entraîne la défaillance des grandes fonctions.

Elle aboutit à un choc sévère, initialement curable, puis rapidement irréversible.

Enfin, l’hypoxie secondaire aggravée par l’acidose métabolique est d’autant plus grave que les besoins en oxygène sont accrus du fait de l’infection.

Des perturbations précoces de la coagulation sanguine apparaissent : abaissement des facteurs du complexe prothrombique, du taux de fibrine et du nombre de plaquettes.

2- Rôle des cytokines :

La très grande majorité de ces cytokines ont pour origine les macrophages exposés aux endotoxines libérées par les bactéries, les autres sources possibles étant une translocation directe à travers la paroi intestinale ou la production par les tissus traumatisés au cours de l’intervention chirurgicale.

Le rôle exact de cette réaction inflammatoire n’est pas encore élucidé.

Toutefois, il semble qu’à partir d’un certain taux de cytokines péritonéales, à un moment déterminé, celles-ci stimulent les défenses péritonéales contre l’infection. Mais à des taux différents (plus élevés ?) à un autre moment (plus tard ?), les cytokines sont responsables de dommages irréversibles des organes assurant les grandes fonctions ; cette cascade de destruction et de réponse inflammatoire amenant à la défaillance multiviscérale et au décès du patient.

3- Facteurs pronostiques :

Ces défaillances apparaissent parfois tardivement dans l’évolution des péritonites, mais ne doivent pas être attendues pour qu’un traitement efficace soit institué.

Leur existence au moment de l’intervention est un facteur de mauvais pronostic.

Leur association, et plus particulièrement l’association de trois défaillances, définit le syndrome de défaillance multiviscérale.

La présence d’un tel syndrome modifie le devenir de ces péritonites, pour lesquelles l’application d’un traitement chirurgical efficace permettant l’éradication totale de l’infection n’est parfois plus efficace.

En effet, le syndrome de défaillance multiviscérale peut alors évoluer pour son propre compte, alors que l’agression septique est maîtrisée, entraînant le décès du patient sans que des germes puissent être mis en évidence dans la cavité péritonéale.

Cette évolution possible souligne l’importance du diagnostic précoce et de l’application sans tarder d’un traitement chirurgical efficace.

Le pronostic des péritonites toutes causes confondues est de l’ordre de 25 % de décès (4 % pour les péritonites appendiculaires, 30 % pour les péritonites coliques, 60 % pour les péritonites post-opératoires).

En cas de défaillance multiviscérale au moment de l’intervention, le pronostic chute à 70-80 % de décès.

Traitement :

A – Traitement chirurgical :

Le traitement des péritonites secondaires est une urgence chirurgicale.

La réalisation pratique d’une intervention pour péritonite doit, pour augmenter les chances de succès, assurer le traitement radical de la source de contamination et de ses conséquences péritonéales mais aussi prendre en compte les suites opératoires.

Pour cela, il faut respecter un certain nombre de principes sur les différents temps du traitement : voie d’abord, exploration de la cavité abdominale, toilette de la cavité péritonéale, traitement des solutions de continuité intestinale et drainage.

1- Voie d’abord :

Assurer l’exploration complète et la toilette minutieuse de la cavité abdominale n’est possible que par une large coeliotomie.

L’incision médiane au besoin agrandie sur toute la hauteur de la ligne xipho-pubienne est habituellement retenue.

Pour les péritonites post-opératoires, spécialement pancréatiques ou sus-mésocoliques, l’incision bi-sous-costale permet une bonne exploration et favorise le drainage tout en assurant la protection du grêle.

2- Exploration de la cavité abdominale :

La facilité avec laquelle se fait cette exploration dépend de la durée d’évolution préopératoire de la péritonite et des éventuels antécédents lointains de chirurgie abdominale.

En toute hypothèse, l’épanchement péritonéal doit toujours être prélevé pour étude bactériologique en milieux aérobies et anaérobies.

L’exploration doit être complète, il faut donc libérer la totalité des adhérences.

3- Toilette péritonéale :

Une fois la dissection terminée, on peut procéder à la toilette péritonéale.

4- Traitement des lésions :

Lorsque la péritonite septique, diffuse est confirmée, toute solution de continuité du grêle ou du côlon mobile doit être amenée en stomie de sauvetage quelle que soit la distance séparant l’angle duodéno-jéjunal de l’interruption du circuit intestinal.

Lorsque la pathologie intestinale est à l’origine de la péritonite, il convient dans toute la mesure du possible de réséquer les lésions en cause et ensuite de créer une double stomie terminale par deux trajets transpariétaux différents.

De même en cas de nécrose parenchymateuse (pancréas, étoupe, foie, etc.), il est nécessaire de réaliser la résection de ces foyers septiques.

La perforation d’un ulcère représente une exception à la règle de ne pas réaliser de suture au cours des péritonites.

Dans ce cas particulier, l’agression péritonéale est peu septique autorisant, si la péritonite est vue tôt (48 premières heures), la suture de la perforation.

5- Drainage de la cavité péritonéale :

Le drainage de la cavité péritonéale ne se conçoit qu’après éradication ou contrôle de la cause de la péritonite et toilette minutieuse de toute la cavité péritonéale.

En cas de péritonite évoluée, le drainage devient indispensable.

Les tubes en élastomère de silicone, au mieux multiperforés, sont les éléments de base des drainages des flancs, et de l’étage sus-mésocolique. Ils doivent être placés par deux pour permettre dans une phase secondaire une éventuelle irrigation localisée.

Le sac de Mikulicz constitue le moyen de drainage actif le mieux adapté à l’étage sous-mésocolique et en particulier au cul-de-sac de Douglas.

Toutefois, ce procédé de drainage n’est pas admis par tous.

6- Fermeture abdominale :

La fermeture abdominale n’est pas toujours aisée.

Dans la très grande majorité des cas, une fermeture en trois plans est réalisable (péritoine, aponévrose, peau).

Parfois, et pour certaines équipes, l’adjonction d’une plaque résorbable permet de diminuer le risque d’éviscération postopératoire.

Pour d’autres écoles, la paroi n’est pas fermée initialement, permettant des lavages répétés de la cavité péritonéale en réanimation.

Enfin, lorsque la fermeture péritonéale s’avère difficile, un artifice technique (incision de décharge) permet la fermeture d’un seul plan de la paroi abdominale : la peau (plan solide).

B – Réanimation :

Si la condition sine qua non de la guérison est le traitement chirurgical, une réanimation adéquate doit être associée. Cette réanimation aura pour objectif de :

Dans un second temps, cette antibiothérapie sera adaptée à l’antibiogramme obtenu à partir des prélèvements effectués au cours de l’intervention ;

C’est pourquoi, au cours des interventions pour péritonites graves qui nécessiteront un séjour prolongé en réanimation, il faut réaliser une jéjunostomie ou une gastrostomie si l’estomac est utilisable.

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