Manifestations névrotiques de l’enfant et de l’adolescent

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Les névroses sont des affections nerveuses qui ne s’accompagnes d’aucune lésion décelable dans le système nerveux.

MANIFESTATIONS NEVROTIQUES CHEZ L’ENFANT :

Si les névroses sont des états pathologiques relativement bien définis chez l’adulte depuis les travaux de Freud, cette notion ne doit être employée qu’avec une grande prudence lorsqu’il s’agit de l’enfant.

Manifestations névrotiques de l'enfant et de l'adolescent* En effet, cet état suppose une organisation relativement stable de la personnalité, ce qui n’est pas le cas chez l’enfant qui est, lui, en constante évolution et franchit successivement un certain nombre de stades maturatifs.

* C’est la raison pour laquelle on préfère parler ici de manifestations névrotiques, cette formulation ne renvoyant pas à une structure sous-jacente fixée de la personnalité.

* Il y a néanmoins deux termes à connaître en raison de leur importance historique dans la théorie psychanalytique:

– la névrose infantile est une organisation « physiologique » accompagnant et favorisant le développement de l’enfant.

– la névrose de l’enfant est une pathologie dans laquelle, au contraire, la rigidité des mécanismes de défense constitue une entrave à un développement harmonieux. On a reproché à cette notion d’être trop calquée sur un modèle de pathologie de l’adulte.

* Toute la difficulté consiste en fait à pouvoir distinguer une symptomatologie névrotique normale de tableaux franchement pathologiques nécessitant une prise en charge spécialisée. Il faut, pour cela, bien connaître les différentes étapes du développement psychoaffectif de l’enfant et savoir apprécier la place des symptômes dans l’économie psychique du sujet.

MANIFESTATIONS NEVROTIQUES CHEZ L’ADOLESCENT :

Chez l’adolescent, le problème est un peu différent:

– on y rencontre fréquemment des aménagements névrotiques qui ne sont que transitoires et correspondent à des mécanismes d’adaptation à cette période de bouleversements multiples.

– mais on peut également assister à la constitution d’une véritable névrose se poursuivant à l’âge adulte.

– enfin, certains symptômes névrotiques « massifs » ou atypiques doivent attirer l’attention du clinicien, car ils correspondent parfois au début d’un processus psychotique (voir les modes d’entrée dans la schizophrénie).

CLASSIFICATION :

On distingue habituellement cinq types de manifestations névrotiques chez l’enfant et l’adolescent (mais le plus souvent, il existe chez un même sujet des manifestations de différents types):

– l’angoisse.

– les phobies.

– les manifestations obsessionnelles.

– les manifestations hystériques.

– l’inhibition.

Angoisse :

CHEZ L’ENFANT :

L’angoisse est une peur sans objet. Elle est un élément normal du développement de l’enfant et ne doit être considérée comme pathologique que si elle est « très massive » ou durable. Elle s’exprime différemment selon l’âge de l’enfant.

Chez le nourrisson et le jeune enfant :

Chez le nourrisson et le jeune enfant avant l’apparition du langage, l’angoisse s’exprime par le corps:

– cris, pleurs de tonalité particulière.

– décharges motrices.

– troubles neurovégétatifs (pâleur, vomissements, pollakiurie…).

– pathologies psychosomatiques (coliques, spasmes du sanglot).

Chez l’enfant plus âgé :

Crise d’angoisse aiguë

Dans la crise d’angoisse aiguë:

* l’angoisse n’est jamais exprimée directement.

* plus l’enfant est jeune et plus les plaintes somatiques dominent le tableau (céphalées, douleurs abdominales) et peuvent s’accompagner de troubles fonctionnels tels que vomissements, diarrhée, anorexie….

* en grandissant, l’enfant formule davantage son angoisse: colères, fugues, agitation, troubles variés du comportement.

* une forme particulière de la crise d’angoisse est la terreur nocturne:

– c’est un phénomène hallucinatoire (visions terrifiantes) survenant durant le sommeil lent stade IV (à la différence du cauchemar qui survient, lui, pendant le sommeil paradoxal).

– l’enfant hurle, assis sur son lit, les yeux hagards, et se rendort après quelques minutes.

– l’épisode s’accompagne de signes neurovégétatifs (sueurs, tachycardie).

– l’amnésie de l’épisode est complète.

Angoisse chronique

* L’angoisse peut être chronique et on retrouve les mêmes manifestations que celles qui viennent d’être décrites concernant l’angoisse aiguë, mais souvent moins « massives » et, bien sûr, plus étalées dans le temps (comme une instabilité psychomotrice).

* On trouve également:

– des troubles du sommeil: opposition au coucher, manifestations hypnagogiques (qui se déroulent lors de l’endormissement), cauchemars.

– des préoccupations hypocondriaques (inquiétudes concernant la santé).

Traitement :

* Le traitement de l’angoisse pathologique de l’enfant fait appel à la psychothérapie, prenant toujours en considération le contexte familial dont le rôle est souvent important dans la genèse des symptômes.

* Les médicaments ne sont d’aucune utilité, excepté pour les cas de terreur nocturne où l’imipramine (Tofranil*) peut être prescrite, mais toujours après une évaluation globale de la situation par un pédopsychiatre.

CHEZ L’ADOLESCENT :

* L’angoisse est un affect très fréquent.

– La crise d’angoisse aiguë se rapproche du tableau rencontré chez l’adulte.

– Il peut également exister un fond anxieux permanent.

– Une des expressions privilégiées de l’angoisse est la plainte somatique.

* Le traitement est surtout psychothérapique (psychothérapie de soutien ou d’inspiration analytique, parfois psychothérapie familiale).

* Un traitement anxiolytique est licite dans certains cas pour passer un cap ou pour éviter l’évolution vers des comportements addictifs.

– La prescription sera toujours soigneusement encadrée, et de durée aussi courte que possible.

– Elle ne peut se faire qu’avec un accord complet de l’adolescent et de ses parents, et dans un contexte d’abord global des difficultés du sujet

Phobies :

CHEZ L’ENFANT :

Phobies non pathologiques selon l’âge :

La phobie est la crainte non justifiée d’un objet ou d’une situation. Les phobies sont très fréquentes chez l’enfant et un certain nombre d’entre elles font partie du développement normal de celui-ci:

– phobie de l’obscurité vers 2 ans.

– phobie des gros animaux vers 3 ans (le loup).

– phobie des petits animaux vers 4 ans.

– phobies de situation vers 5 ans.

Ces phobies ne sont préoccupantes que si elles se prolongent durablement au-delà de l’âge habituel.

* Entre 3 et 8 ans, on rencontre également fréquemment des phobies:

– d’éléments naturels (eau, grêle, tonnerre).

– de personnages (médecins).

– de personnages imaginaires (ogres, fantômes).

– de maladies ou de microbes.

* Les phobies s’atténuent par la suite et ne font l’objet d’une prise en charge psychothérapique que si elles entravent le développement de l’enfant.

Phobie scolaire :

La phobie scolaire est une entité clinique à part entière.

* Elle s’observe chez des enfants qui refusent, pour des raisons irrationnelles, d’aller à l’école, et déclenchent une angoisse très vive dès que l’on cherche à vaincre leur opposition.

* La phobie scolaire doit être différenciée de l’angoisse de séparation du petit enfant à l’école maternelle (réaction transitoire) et de l’école buissonnière ou du refus scolaire (absence d’angoisse).

* Elle apparaît en général autour de l’âge de 10 ans, le plus souvent chez un garçon, enfant unique ou occupant une place singulière dans la fratrie (aîné ou benjamin) présentant souvent un bon niveau scolaire.

* Cette pathologie ne se rencontre pas uniquement dans un cadre névrotique, et peut renvoyer à des troubles plus graves de la personnalité.

* La prise en charge psychothérapique est individuelle et familiale. Une hospitalisation à temps plein, dans le cadre d’un contrat de soin, peut s’avérer indispensable en cas d’échec du traitement ambulatoire.

CHEZ L’ADOLESCENT :

Toutes les phobies de l’adulte peuvent se voir durant l’adolescence. Cependant, un groupe de phobies en est relativement spécifique: les dysmorphophobies. On en rapproche l’érythrophobie.

Dysmorphophobies :

Les dysmorphophobies sont des préoccupations obsédantes concernant l’apparence corporelle, ce qui les situe en fait davantage dans le champ de la pathologie obsessionnelle que dans celui des phobies.

La partie du corps incriminée est de morphologie normale ou, si elle comporte des particularités, celles-ci sont sans aucune mesure avec les craintes qui s’y rapportent.

On distingue:

* les préoccupations excessives sur la silhouette:

– obésité (globale ou localisée aux fesses, aux cuisses, au ventre…).

– maigreur .

– taille (jugée excessive, ou trop petite).

* les préoccupations excessives concernant une partie du corps: toutes peuvent être concernées, mais le visage est bien sûr souvent incriminé (nez, oreilles, acné…).

* les préoccupations excessives concernant les caractères sexuels:

– la pilosité .

– la poitrine .

– les organes génitaux .

– la mue de la voix.

Le caractère inhabituel, bizarre, d’une dysmorphophobie doit poser la question d’une entrée dans la psychose.

Autres phobies :

* On rapproche des dysmorphophobies l’érythrophobie qui est la crainte de rougir en public.

* La phobie scolaire existe également à l’adolescence. Elle est considérée comme ayant un pronostic plus péjoratif que la phobie scolaire de l’enfant.

Manifestations obsessionnelles :

CHEZ L’ENFANT :

Manifestations normales

Là encore, on retrouve des manifestations faisant partie du développement normal de l’enfant:

– jets répétitifs d’objets dans la première année.

– rites autour de l’apprentissage du contrôle sphinctérien dans la deuxième année.

– rituels du coucher vers 2 ou 3 ans.

– après 5 ans: collections, actes conjuratoires.

Manifestations pathologiques

Les manifestations pathologiques peuvent consister en:

* obsessions idéatives ou impulsives, qui sont assez rares chez l’enfant:

* on rencontre surtout des rites très variés et pouvant être très envahissants. Ils ont une valeur conjuratoire.

– rituels de lavage.

– tabou du toucher.

– rites de relectures.

– vérifications diverses.

– arythmomanie…

* On en rapproche des tics divers (clignement des paupières par exemple).

Le traitement de choix est la psychothérapie de type psychanalytique.

CHEZ L’ADOLESCENT :

* Chez l’adolescent, les troubles obsessionnels compulsifs sont assez fréquents.

* A la différence de l’enfant, les idées obsédantes existent souvent chez l’adolescent.

* Ces troubles peuvent évoluer vers une névrose obsessionnelle chez l’adulte.

Manifestations hystériques :

CHEZ L’ENFANT :

Rappelons qu’il faut rester très prudent lorsque l’on parle de traits de personnalité hystériques chez l’enfant, car leur délimitation est très imprécise. Si l’on appliquait les critères utilisés chez l’adulte (théâtralisme, suggestibilité, labilité des affects…), tout enfant serait hystérique!

Quant aux symptômes hystériques, ils sont assez rares chez l’enfant:

* les conversions touchent principalement l’appareil locomoteur, et en particulier la marche (paralysies, boiteries variées). On peut rencontrer également: amaurose, cécité, hypoacousie, mutisme…:

– la « belle indifférence » est plus rare que chez l’adulte, l’enfant se plaignant fréquemment de ses difficultés.

– l’examen clinique, éventuellement complété de quelques examens complémentaires simples, élimine facilement une origine organique.

– on retrouve fréquemment un symptôme identique dans l’entourage proche (boiterie d’un parent par exemple).

* les troubles fonctionnels (douleurs chroniques, vertiges, etc.) sont à rattacher à des manifestations d’angoisse et non pas à des symptômes hystériques faisant appel à une symbolisation plus complexe.

* la conduite à tenir comporte:

– parfois des examens paracliniques afin d’éliminer une pathologie somatique. Il faut cependant éviter d’entreprendre une escalade d’explorations invasives risquant de fixer le symptôme.

– une attitude prenant en compte la souffrance sous-jacente de l’enfant, sans dramatiser le symptôme et en limitant les bénéfices secondaires.

– la qualité de la collaboration entre pédiatre et pédopsychiatre est ici essentielle.

– l’abord psychothérapique individuel et familial est ici encore l’élément central du traitement.

CHEZ L’ADOLESCENT :

* Les manifestations hystériques sont beaucoup plus fréquentes que chez l’enfant et sont à type de:

– conversions variées.

– crises hystériformes.

– états crépusculaires, fugues.

* Il faut distinguer les conversions des plaintes hypocondriaques, des pathologies psychosomatiques et des simulations (motivations conscientes), même si ces différents éléments sont souvent intriqués.

Inhibition :

L’inhibition est très fréquente entre 8 et 12 ans, et amène souvent à consulter en raison de l’échec scolaire qui peut y être associé.

* On différencie:

– l’inhibition intellectuelle, entraînant un échec scolaire.

– l’inhibition à « fantasmer ».

– l’inhibition relationnelle (timidité).

* Ces enfants sont parfois hâtivement étiquetés « déficitaires » (« pseudo-débilité névrotique »). Il est capital de repérer ce diagnostic grâce à plusieurs entretiens d’évaluation éventuellement accompagnés de tests psychométriques.

* L’abord psychothérapique peut en effet, en aidant l’enfant à réinvestir la pensée, avoir des conséquences bénéfiques spectaculaires.

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