Hypothyroïdie congénitale

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Le dépistage néonatal de l’hypothyroïdie congénitale, mis en place systématiquement pour tous les nouveau-nés depuis 1978, a complètement transformé la présentation clinique, en permettant un diagnostic et un traitement très précoces. En effet, auparavant, l’hypothyroïdie représentait une des causes fréquentes de retard mental, les hormones thyroïdiennes étant indispensables à la maturation cérébrale postnatale.

Étiologie :

ANOMALIES PRIMITIVES DU FONCTIONNEMENT DE LA THYROÏDE :

Hypothyroïdie congénitaleLes anomalies primitives du fonctionnement de la thyroïde sont caractérisées par une insuffisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes (par anomalie thyroïdienne). La TSH (« thyroid stimulating hormone »), d’origine hypophysaire, est donc augmentée.

– Ces anomalies sont révélées par le dépistage néonatal.

– Elles représentent la cause la plus fréquente d’hypothyroïdie chez l’enfant.

– Leur fréquence est d’environ 1 pour 4.500 naissances.

* Dysgénésies thyroïdiennes: ectopies (50%) ou athyréoses (25%).

– on observe une légère prépondérance féminine et une fréquence plus élevée de maladie de la thyroïde dans la famille.

– l’étiologie reste inconnue. des anticorps bloquant la croissance thyroïdienne ont été retrouvés chez certains enfants à la naissance.

– le diagnostic est fait par scintigraphie: glande ectopique (base de la langue ou sur le trajet du tractus thyréoglosse), ou absence de glande.

* Troubles de l’hormonosynthèse (10%):

– transmission autosomique récessive.

– un goitre est fréquemment associé.

– une surdité est associée à l’hypothyroïdie dans le syndrome de Pendred.

CAUSES EXTRA-THYROIDIENNES :

Anomalies hypothalamo-hypophysaires

* L’hypothyroïdie est une conséquence d’une anomalie de sécrétion de la TSH ou de la TRH hypothalamique (« thyrotropin releasing hormone »): taux de T3 libre (T3L) et T4 libre (T4L) abaissés, taux de TSH normal ou bas.

* Il existe d’autres déficits hypophysaires associés (déficit en hormone de croissance ou panhypopituitarisme), qui permettent le diagnostic.

* Cette hypothyroïdie, non diagnostiquée par le dépistage néonatal, est exceptionnelle (1 pour 50.000 naissances) et en général peu sévère.

Résistance périphérique aux hormones thyroïdiennes

* Formes rares, parfois familiales.

* La TSH est élevée. en général T3L et T4L sont augmentées.

* Un goitre est parfois présent.

* Souvent, l’enfant est en situation d’euthyroïdie. Des situations d’hypothyroïdie d’intensité variable peuvent se rencontrer.

HYPOTHYROÏDIES TRANSITOIRES :

Certaines de ces anomalies peuvent être repérées lors du dépistage néonatal (en cas de TSH élevée), mais disparaissent quelques jours ou quelques semaines après la naissance.

Hypothyroxinémies transitoires

* Elles sont retrouvées chez le prématuré.

* Avec T4L abaissée et TSH normale.

* Elles sont liées à une immaturité de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien.

Hypothyroïdie transitoire

* Avec T4 libre abaissée et TSH augmentée.

* Pour étiologie:

– passage transplacentaire d’antithyroïdien de synthèse donné à la mère.

– passage transplacentaire de produits iodés donnés à la mère.

– carence en iode d’origine maternelle (les zones d’endémie n’existent pas en France).

– administration de produits iodés chez le nouveau-né (réanimation).

* Il peut être nécessaire de traiter transitoirement ces enfants par L-thyroxine.

Elévation transitoire de la TSH

* Seule la TSH est augmentée. T3L et T4L sont à des taux normaux.

* Etiologies possibles:

– déficit iodé ou surcharge iodée anténatale ou postnatale.

– « fausse » élévation de la TSH, par interférence, au moment du dosage, avec des anticorps d’origine maternelle.

T3 abaissée

La T3 est abaissée chez les prématurés.

Physiopathologie :

CHEZ LE FŒTUS :

La glande thyroïde du fœtus et l’axe hypophyse-thyroïde deviennent fonctionnels à la fin du premier trimestre de la grossesse.

La croissance fœtale ne paraît pas sous la dépendance des hormones thyroïdiennes, les nouveau-nés hypothyroïdiens ayant une taille normale.

* Toutefois, la maturation osseuse est sous la dépendance des hormones thyroïdiennes: à la naissance, on note un retard des points d’ossification corrélé à l’intensité du déficit (normalement, quand l’enfant a un poids supérieur à 3.000g à terme, l’épiphyse fémorale inférieure est présente dans 100% des cas, et l’épiphyse tibiale supérieure dans 78% des cas).

* Durant les deuxième et troisième trimestres de la grossesse, il existe un gradient net materno-fœtal de T4L. le taux de T4L dans le sang du cordon chez un enfant ayant une athyréose est de 30% de celui de la mère. Ce passage de T4 de la mère au fœtus contribue à maintenir un taux minimal de T3 intracérébral, et de réduire les effets de l’hypothyroïdie congénitale chez le fœtus.

PÉRIODE POSTNATALE :

* Les hormones thyroïdiennes agissent en synergie avec la GH.

– T3 augmente la sécrétion de la GH et sa capacité de liaison à son récepteur.

– T3 stimule l’expression du gène de la GH.

– T3 stimule la production d’IGF-I au niveau hépatique et au niveau des chondrocytes.

* Après la naissance, la différenciation des neurones est sous le contrôle des hormones thyroïdiennes: arrêt de la prolifération cellulaire, croissance des axones et des ramifications dendritiques, formation des synapses, myélinisation. Ce rôle est essentiel dans les premières semaines de la vie . il se poursuit jusqu’à l’âge de 18 mois à 2 ans.

Il est donc indispensable de faire un dépistage précoce pour mettre en route immédiatement le traitement substitutif.

Diagnostic :

PRÉSENTATION CLINIQUE NEONATALE :

En France, le diagnostic d’hypothyroïdie congénitale primitive se fait essentiellement par le dépistage néonatal.

Dépistage néonatal :

* Le dépistage néonatal est obligatoire depuis 1978 chez tous les nouveau-nés, sous le contrôle de l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE):

– il se fait à J3 après la naissance.

– marqueur: taux de TSH mesuré à partir d’un échantillon sanguin prélevé sur papier buvard.

* En fonction des résultats:

– TSH papier inférieur à 30µU/ml: enfant normal.

– TSH papier supérieur à 50µU/ml: enfant ayant une insuffisance thyroïdienne. Convocation urgente de l’enfant (par le centre hospitalier de référence pour le dépistage de l’hypothyroïdie), pour évaluation clinique, bilan biologique et radiologique et mise en route du traitement (en général vers J15).

– TSH papier supérieur à 30µU/ml et inférieur à µ50U/ml: nouveau contrôle sur papier buvard.

Manifestations cliniques :

* Moins de 5% des nouveau-nés présentent le tableau clinique complet au moment du premier examen:

– taille à la naissance normale.

– bébé hypotherme, calme, au cri faible, endormi, ne réclamant pas ses biberons, présentant des difficultés alimentaires (succion faible), et n’ayant pas repris son poids de naissance.

– l’enfant présente un ictère prolongé, une cyanose des extrémités, une peau sèche, des cheveux bas implantés et abondants, une fontanelle postérieure large (supérieure à 1cm), un abdomen ballonné et étalé, avec une hernie ombilicale. Une constipation est fréquente, et un retard d’élimination du méconium est noté.

* En fait, le diagnostic clinique est difficile, car le tableau est le plus souvent incomplet, et les signes ne sont pas spécifiques.

* Un certain nombre d’enfants, à ce stade, ont un examen clinique strictement normal.

* Ainsi, avant le dépistage néonatal, le diagnostic n’était fait que dans 10% des cas avant l’âge de 1 mois, et que dans 35% des cas avant l’âge de 3 mois. Or le pronostic intellectuel est corrélé à l’âge au moment du diagnostic.

PRÉSENTATION CLINIQUE A UN AGE PLUS AVANCE :

Le diagnostic peut être plus tardif: un certain nombre d’hypothyroïdies congénitales ne sont pas diagnostiquées au cours du dépistage:

– certaines ectopies ou troubles de l’hormonosynthèse, avec hypothyroïdie fruste.

– les hypothyroïdies par insuffisance hypothalamo-hypophysaire.

– les erreurs du dépistage.

– enfants nés dans un pays où le dépistage ne se fait pas.

* Il faut donc savoir évoquer le diagnostic chez un nourrisson devant :

– un ralentissement de la vitesse de croissance, constant, associé parfois à une surcharge pondérale.

– une hypotonie, un retard des acquisitions psychomotrices.

– des difficultés alimentaires.

– une hypothermie, une constipation.

– un cri rauque, une macroglossie.

* Chez l’enfant plus grand :

– en cas d’hypothyroïdie fruste, le ralentissement de la vitesse de croissance staturale peut être le seul symptôme.

– le tableau complet – enfant pâle, bradycardie, faciès figé, ralenti, avec un retard intellectuel, des difficultés de concentration, des anomalies de la coordination fine, une lenteur d’idéation et d’exécution motrice – ne devrait plus se voir.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Dosages hormonaux :

* Les dosages hormonaux sont essentiels au diagnostic:

– T4 libre et T3 libre abaissées de façon proportionnelle à l’hypothyroïdie clinique.

– TSH élevée en cas d’hypothyroïdie primitive, et TSH normale, rarement basse, en cas d’hypothyroïdie d’origine hypothalamo-hypophysaire.

– thyroglobuline effondrée en cas d’athyréose.

– iodémie et iodurie pour détecter les surcharges iodées.

* Test au TRH:

– utilisé pour confirmer un déficit thyréotrope.

– la réponse de la TSH est ample et retardée en cas d’anomalie hypothalamique. la réponse de la TSH est faible, voire absente, en cas d’anomalie hypophysaire.

Scintigraphie thyroïdienne :

On utilise du technétium 99m, ou mieux, de l’iode 123.

Elle permet de distinguer entre:

– athyréose.

– ectopie.

– glande en place et anomalies de l’hormonosynthèse (test au perchlorate), ou surcharge iodée.

Anomalies squelettiques :

Il existe toujours un retard de maturation osseuse, qui est corrélé à l’intensité et à l’ancienneté de l’hypothyroïdie.

Les noyaux d’ossification sont dysgénétiques, fragmentés, quand ils sont présents.

Anomalies biologiques :

Les anomalies biologiques sont non spécifiques.

Chez le nourrisson ou l’enfant plus grand, on peut retrouver:

– anémie normochrome, normocytaire.

– hypercholestérolémie.

Traitement :

* L-thyroxine sous forme de gouttes (L-Thyroxine*, 1 goutte: 5µg) chez le nouveau-né ou le nourrisson, ou en comprimés (Lévothyrox*, comprimés dosés à 25, 50, 75 et 100µg) chez l’enfant.

* Chez le nouveau-né dépisté à la naissance, le traitement initial s’effectue à la dose de 8µg/kg/jour, en une seule prise de préférence matinale, directement dans la bouche et jamais dans le biberon.

Évolution :

* Avant le dépistage, il existait un retard intellectuel d’autant plus sévère que l’hypothyroïdie était sévère et/ou diagnostiquée tard.

* Depuis, le dépistage:

– a radicalement transformé le pronostic de l’hypothyroïdie congénitale.

– la croissance staturo-pondérale de ces enfants est normale. la croissance du périmètre crânien est normale.

– le développement intellectuel est normal. on décrit des troubles de la coordination fine.

– il peut exister des difficultés scolaires non spécifiques (entrée en CP, en sixième), dont l’intensité est corrélée à la profondeur de l’insuffisance thyroïdienne à la naissance, mais surtout au niveau socio-économique des parents.

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