Érythème chez l’enfant

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* L’érythème est une lésion dermatologique élémentaire qui traduit le plus souvent une simple vasodilatation des tissus cutanés, et n’est en rien spécifique par elle même.
* Les caractéristiques de cette lésion, la cinétique de son évolution, les éléments associés, tant sur le plan cutané que général permettent le plus souvent d’arriver au diagnostic étiologique, sans besoin de recourir à des examens complémentaires de première intention.
* La multiplicité des causes possibles impose une démarche diagnostique rigoureuse qui impose une évaluation clinique complète et non « superficielle ».
* Il n’y a pas de traitement spécifique mais bien sûr celui-ci est fonction de l’étiologie, dont une grande partie, chez l’enfant est de nature infectieuse.

Orientation diagnostique :

Érythème chez l'enfantL’analyse sémiologique de la lésion dermatologique « élémentaire » est essentielle mais l’examen clinique se doit d’être complet.

Analyse sémiologique de la lésion dermatologique

* Caractéristiques de la lésion élémentaire:

– érythème isolé, « pur ».

– présence d’éléments associés, signes de gravité habituels, mais aussi d’orientation étiologique : papules, vésicules, bulles, purpura, œdème

* Site de l’éruption:

– localisée au visage, à un membre.

– généralisée.

* Caractéristiques évolutives:

– territoire initial.

– extension et vitesse de progression.

– caractère stable ou fluctuant.

* existence ou non d’un prurit.

* existence d’antécédents similaires.

Signes d’accompagnement

* Les signes d’accompagnement doivent être précisés:

– la fièvre, dont l’intensité peut être à elle seule, chez le nourrisson, un élément à prendre en compte.

– l’altération de l’état général (appréciation de l’hémodynamique et de la fonction ventilatoire).

– l’existence de troubles fonctionnels digestifs, respiratoires, articulaires (éléments diagnostiques d’orientation).

– la recherche d’une hépato-splénomégalie et d’adénopathies périphériques sera systématique.

* Historiquement, les érythèmes ont été numérotés en fonction de leur identification:

– en premier, la rougeole.

– en deuxième, la scarlatine.

– en troisième, la rubéole.

– le quatrième, mal identifié, pourrait correspondre à la scarlatine staphylococcique (« staphylococcal scalded skin syndrome »(SSSS)).

– la cinquième maladie ou mégalérythème épidémique est due au Parvovirus B9.

– la roséole infantile ou sixième maladie est due à l’Herpèsvirus de type 6.

Plus de cinquante agents, viraux ou bactériens, sont tenus comme responsables d’érythèmes.

Examens complémentaires

Dans le cadre habituel de survenue d’une éruption érythémateuse aiguë, les examens complémentaires sont de peu d’utilité diagnostique.

En revanche, ils peuvent être utiles pour en préciser l’origine infectieuse (virale ou bactérienne) ou inflammatoire ou en cas d’évolution prolongée.

Érythèmes généralisés :

ÉRYTHÈME SCARLATINIFORME :

L’érythème scarlatiniforme réalise habituellement des placards érythémateux en nappe :

– sans intervalle de peau saine.

– avec une nette prédominance dans les plis.

– non prurigineux.

* suivis d’une fine desquamation de la peau.

Les principales causes sont au nombre de trois: la scarlatine, l’épidermolyse staphylococcique aiguë et la scarlatine staphylococcique.

Scarlatine :

La scarlatine est une infection bactérienne due au streptocoque bêta-hémolytique dont la forme typique, caractérisée par une angine et suivie d’un exanthème, est devenue rare.

* le diagnostic et la prise en charge thérapeutique précoces n’en sont pas moins nécessaires en raison des complications immunologiques postinfectieuses qui y sont rattachées:

– le rhumatisme articulaire aigu.

– la glomérulonéphrite aiguë postinfectieuse.

* l’éruption survient après quelques jours de fièvre au cours d’une angine banale, mais l’existence simultanée d’un énanthème avec le classique V lingual (au 4e jour) en permet le diagnostic de certitude. Une desquamation fine des extrémités est habituelle et peut être, parfois, un élément de diagnostic rétrospectif.

* le traitement antibiotique, qui permet de hâter la guérison et surtout de prévenir les complications postinfectieuses, doit être systématique devant toute angine et repose sur l’administration de pénicilline V (Oracilline*), à la dose de 100000U/kg/j en trois prises quotidiennes pendant 1 semaine.

Épidermolyse staphylococcique :

L’épidermolyse staphylococcique aiguë (syndrome de Lyell staphylococcique) survient chez le nourrisson ou l’enfant avant 3 ans, associée à un impétigo péribuccal ou à une conjonctivite purulente:

* l’érythème initial est rapidement suivi de la formation d’une bulle (appelé aussi parfois impétigo bulleux) prenant un aspect phlycténulaire comparable à une brûlure thermique.

* il n’y a pas de décollement cutané en zone saine.

Scarlatine staphylococcique :

La scarlatine staphylococcique, qui peut prendre des allures proches de la vraie scarlatine, est beaucoup plus rare et liée à la présence d’une toxine exfoliatrice produite par le staphylocoque parasité par un macrophage.

* Il n’y a pas de pharyngite mais un foyer infectieux est à rechercher et la desquamation finale est absente.

* Un traitement antibiotique antistaphylococcique par voie générale (oxacilline) est impératif.

Réaction médicamenteuse :

Dans un certain nombre de cas, un rash scarlatiniforme peut être la traduction d’une réaction cutanée à un médicament.

ÉRYTHÈME ROSEOLIFORME :

Roséole :

La roséole également appelée exanthème subit ou sixième maladie est une affection virale dont l’agent pathogène est l’Herpèsvirus de type 6.

Sa prévalence est grande puisque la majorité des enfants auront cette maladie, souvent peu symptomatique (la fièvre et l’éruption peuvent manquer), avant l’âge de 3 ans (la majorité des cas survient entre l’âge de 6 et de 12 mois).

La triade symptomatique associe:

* une fièvre élevée, aux alentours de 40°C.

– souvent persistante, malgré un traitement antithermique bien conduit.

– avec parfois des signes d’hypertension intracrânienne (hypertonie axiale) ou source de crises convulsives hyperthermiques.

– œdème péri-orbitaire et aspect bouffi du visage associés.

* une éruption fugace rubéoliforme (maculopapules rose pâle) au 3e jour, contemporaine de la défervescence thermique, de durée brève (inférieure à 24 heures) avec un énanthème fait de micropapules rosées sur le voile du palais.

* une neutropénie relative (inférieure à 10%), absolue (inférieure à 1000 PN/mm3) et transitoire à la NFS ou parfois une thrombopénie.

Rubéole :

La rubéole, dont la vaccination devrait conduire à l’éradication, est à l’origine d’une éruption rarement caractéristique.

* Il s’agit d’un rash maculopapuleux, débutant à la face et s’étendant de façon centrifuge, souvent discret et fugace, parfois en nappe, mais laissant toujours des espaces de peau saine et respectant le cuir chevelu, les paumes et plantes. Il n’y a pas d’énanthème mais un purpura du voile peut être retrouvé dans 20% des cas.

* L’absence de vaccination antérieure et l’existence d’un contage récent sont des éléments en faveur du diagnostic.

* Les signes généraux (asthénie, fébricule) sont peu marqués et il n’y a pas de prurit.

* l’association de micro-polyadénopathies cervicales postérieures et d’arthralgies (petites articulations distales des mains) est plus évocatrice.

* Le purpura thrombopénique est une complication classique de la maladie dont il peut résumer à lui seul la symptomatologie. Son évolution est spontanément favorable mais l’intensité de la thrombopénie peut justifier l’utilisation de gammaglobulines à haute dose (1g/kg) par voie veineuse.

* Il n’y a pas d’autre traitement que symptomatique, mais la gravité potentielle d’une rubéole chez la femme enceinte doit conduire à en affirmer le diagnostic par deux sérologies à 15 jours d’intervalle (avec une multiplication des taux par un facteur 4).

Autres virus :

D’autres virus (Echovirus, Coxsackie) peuvent être à l’origine d’éruptions de ce type, mais la majorité de ces exanthèmes viraux n’ont pas de caractéristiques suffisantes pour identifier leur agent causal.

La survenue retardée par rapport au début de la maladie peut être à l’origine d’une confusion avec la survenue d’une toxidermie (voir infra), si un traitement a été prescrit.

ÉRYTHÈME MORBILLIFORME :

* L’éruption de la rougeole est faite:

– de macules ou de maculopapules érythémateuses ayant tendance à confluer mais qui sont séparées par des intervalles de peau saine.

– dont l’apparition derrière les oreilles et la topographie descendante sont caractéristiques avec atteinte du cou et du thorax au 2e jour, de l’abdomen au 3e jour et généralisation au 4e jour.

* Les autres signes cardinaux manquent rarement:

– la fièvre, élevée aux alentours de 39°C, constante.

– le catarrhe oculo-nasal.

– la toux.

* L’énanthème, présent dès le début de l’éruption et pathognomonique de la rougeole, correspond au signe de Koplik avec présence de petits points blanc-bleuté sur un fond érythémateux en regard des prémolaires.

* La vaccination par un vaccin vivant atténué seul (Rouvax*) ou associé (R.O.R*) peut être dans 10 à 15% des cas à l’origine d’une « rougeolette » survenant une dizaine de jours après la vaccination, associant fièvre et éruption plus modérées que lors d’une rougeole « sauvage », sans énanthème. L’extension de la vaccination a considérablement réduit l’incidence de cette maladie, mais l’immunité vaccinale semble s’épuiser avec le temps et il n’est pas rare de voir des rougeoles survenant quelques années ou dizaines d’années après la vaccination, ce qui conduira probablement à proposer une deuxième injection de « rappel » pendant la période pubertaire.

ÉRYTHÈME MÉDICAMENTEUX:  TOXIDERMIE :

La responsabilité des médicaments au cours de la survenue d’une éruption est d’autant plus incriminée que la prescription des antibiotiques pour des pathologies d’origine virale s’est généralisée.

La gravité potentielle d’une toxidermie, et notamment d’une épidermolyse aiguë (syndrome de Lyell), oblige à une grande prudence.

* Le diagnostic de toxidermie repose sur un faisceau d’arguments, mais il est rare, sauf en cas de répétition de l’éruption, d’en avoir une preuve formelle:

– absence de contexte de contage de maladie éruptive.

– éruption souvent polymorphe associant, érythème, macules et papules, urticaire, voire purpura.

– éruption sans caractéristique précise scarlatiniforme, morbilliforme ou roséoliforme par endroits ou en fonction de l’évolution.

– atteinte des paumes et des plantes.

– prurit associé fréquemment.

* Les tests biologiques spécifiques (TTL, RAST…) ne sont pas suffisamment performants pour les justifier, mais sur la NFS, l’existence d’une éosinophilie est évocatrice.

* Par contre, l’analyse des prescriptions et les circonstances de survenue de l’éruption sont les meilleurs arguments pour justifier, parfois, la contre-indication du médicament incriminé.

Érythème « localisé » :

MEGALERYTHEME ÉPIDÉMIQUE :

Le mégalérythème épidémique est une maladie éruptive due au Parvovirus B19, également responsable:

– d’érythroblastopénie chez les sujets porteurs d’anémie hémolytique.

– d’anémie chronique chez les sujets immunodéficients.

– d’arthrite-arthralgie.

– d’anasarque ou de mort fœtale.

* Chez l’enfant, cette affection est bénigne et fréquente puisque la séroprévalence est de l’ordre de 60 à 70% chez l’adulte jeune.

* Le mégalérythème débute au visage, donnant un aspect « souffleté » du visage en raison de maculopapules érythémateuses confluentes. Après 2 à 3 jours, l’éruption se localise au niveau du siège et des quatre membres, prenant un aspect irrégulier, et persiste une dizaine de jours ou parfois même quelques semaines, avec des exacerbations (effort, émotion, exposition solaire).

* Il n’y a pas d’énanthème, de fièvre, de prurit ni de desquamation. La guérison est spontanée, sans complications et l’immunité acquise est durable.

ACRODERMITE DE GIANOTTI-CROSTI :

L’acrodermatite de Gianotti-Crosti se caractérise par une éruption brusque de papules surélevées, arrondies, rosées ou rouges, au niveau des membres et du visage, mais avec respect du thorax et du tronc, sans prurit durant 2 à 3 semaines.

Cette éruption, autrefois attribuée de manière presque exclusive au virus de l’hépatite B, alors souvent suivie d’une hépatite anictérique, est en fait non spécifique et peut être due à d’autres virus (virus d’Epstein-Barr, Cytomégalovirus, virus Para-influenzae, virus Coxsackie A9, B4, B5, Echovirus 7 et 9, Adénovirus).

CELLULITE :

Un érythème localisé associé à un syndrome fébrile peut être la traduction d’une cellulite.

* Le caractère circonscrit, douloureux, l’œdème associé, la fréquence d’une porte d’entrée loco-régionale (plaie, morsure, suture) orientent vite vers une étiologie infectieuse qui justifie un traitement antibiotique adapté, ce d’autant que les localisations les plus fréquentes ne sont pas dénuées de risques (œil, ombilic).

* Les principaux germes rencontrés restent le streptocoque, le staphylocoque et, en l’absence de vaccination, l’Haemophilus influenzae B.

Érythème et maladie systémique :

Plus rarement, l’érythème s’inscrit dans le cadre d’une maladie générale, dont il peut être l’élément révélateur, mais qui impose la recherche des autres symptômes.

ÉRYTHÈME AIGU :

Purpura rhumatoïde :

Si l’éruption est, par définition, purpurique, il n’est pas rare que les premiers éléments de l’éruption soient érythémateux, mais leur localisation, déclive, symétrique, au niveau des zones d’extension des articulations et la fréquence des manifestations générales (syndrome douloureux abdominal, arthralgies) sont évocatrices du diagnostic.

Syndrome de Kawasaki :

Le syndrome de Kawasaki est une vascularite d’étiologie inconnue mais probablement d’origine virale. La réaction immuno-inflammatoire excessive est peut être liée à une anomalie immunitaire (défaut d’immunomodulation, superantigène) sous-jacente mais qui n’est pas encore clairement identifiée.

* La gravité potentielle de ce syndrome, du fait du risque de complication cardiaque (anévrismes coronaires), et la possibilité de les prévenir par l’utilisation de gammaglobulines à hautes doses imposent son identification précoce.

* Le diagnostic repose sur des critères, essentiellement cliniques:

– fièvre élevée, persistant au moins pendant 5 jours (résistant au traitement antithermique et/ou antibiotique).

– éruption cutanée érythémateuse sans grande spécificité, plutôt morbilliforme.

– conjonctivite.

– chéilite, avec souvent lèvres rouges fissurées et saignant au moindre contact, associée à un érythème labial (langue framboisée).

– adénopathies cervicales.

– érythème palmo-plantaire avec œdème des extrémités qui, à la phase de convalescence, est suivi d’une desquamation sous-unguéale caractéristique, permettant parfois un diagnostic rétrospectif.

Erythème noueux :

* La présentation de l’érythème noueux est assez univoque avec nodules dermo-hypodermiques:

– localisés à la crête tibiale ou le long du bord cubital de l’avant-bras:

– érythémateux bien limités, en relief.

– mais parfois confluents, d’allure ecchymotique et se modifiant en quelques jours en fonction de la biligénie locale.

* L’existence de signes d’accompagnement (arthralgies, fièvre, troubles digestifs ) est à rechercher systématiquement et oriente vers la cause dont les principales sont:

– infectieuse (streptococcie, tuberculose).

– médicamenteuse.

– pathologie inflammatoire (maladie de Crohn).

ÉRYTHÈME CHRONIQUE :

Chez l’enfant, la persistance d’un érythème est tout à fait inhabituelle et doit orienter, malgré leur extrême rareté, vers des pathologies immuno-inflammatoires, qui touchent essentiellement la fille en période péripubertaire.

Dermatomyosite :

La dermatomyosite se révèle souvent par un érythème localisé du visage qui s’accompagne d’un œdème rose liliacée au niveau des paupières.

* Des lésions érythémateuses, prenant avec le temps un aspect atrophique (poïkilodermie) avec télangiectasie, sont habituelles au cours de l’évolution.

* Sont à rechercher:

– une diminution de la force musculaire (pseudo-myopathique), des myalgies.

– une atteinte articulaire (arthralgie, ankylose).

– la présence de calcifications sous-cutanées (complication évolutive) qui survient dans près de la moitié des cas, et que le traitement général (corticothérapie) n’arrive pas toujours à éviter.

Lupus érythémateux :

Le lupus érythémateux se caractérise souvent par une éruption qui permet à elle seule de faire le diagnostic de cette maladie auto-immune multiviscérale.

* Le vespertilio est un rash érythémateux en « ailes de papillon », au niveau du visage, parfois révélé au décours d’une exposition solaire.

* La fièvre sans origine infectieuse décelable, l’asthénie souvent intense, les manifestations articulaires, cardiaques et/ou rénales complètent le tableau.

* Le diagnostic sera confirmé par:

– la recherche d’auto-anticorps (anti-DNA, antinoyaux).

– la biopsie cutanée (dépôts de complexes immuns en immunofluorescence).

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